vendredi 1 mars 2013

Tout est O-K à K-pital City 11







Gazette de Néo-Sandbox, vers 20 P.K.



35.          Le parquet a ouvert une enquête sur vingt-huit policiers soupçonnés d'avoir photographié des femmes nues et un couple en train de faire l'amour dans leur commissariat, a anoncé un porte-parole de la police.  Les vingt-huit policiers ont tous été mutés dans d'autres services de police "pour que chacun puisse s'adresser à ce commissariat sans appréhension".  Les photographies pornographiques ont été découvertes au cours d'une autre enquête, après qu'une jeune prostituée eut accusé un policier de l'avoir violée dans le même commissariat au début de l'été.  Le policier et l'un de ses collègues, qui aurait assisté à la scène, rejettent les accusations.

36.          J*-L* C*, sous-brigadier de 28 ans, était plutôt bien noté au commissariat de T**.  N'avait-il pas obtenu la médaille de bronze du courage et du dévouement après avoir sauvé la vie de deux personnes?  Pourtant, mardi soir, avec un menuisier de 26 ans, cagoulé et armé d'un fusil à pompe, le policier-modèle partit "sillonner" le quartier pour "tirer sur tout ce qui bouge".  Six coups de feu auraient été tirés durant ce "rodéo", tous en direction de jeunes immigrés.

37.          Un jeune policier auxiliaire a mortellement blessé son compagnon de chambrée.  S* et R*, dont l'amitié était notoire, avaient regagné leur chambrée après avoir déjeuné ensemble.  C'est là que R*, plus ancien que son compagnon dans le service, voulut lui démontrer le fonctionnement de son pistolet.

38.          Dans l'état du R**, cinq policiers ont été suspendus pour avoir tranché le sexe d'un jeune homme de 22 ans en garde-à-vue qui était soupçonné de l'enlèvement d'une fillette.

39.          Quelques deux cents policiers en état d'ivresse, sont accusés de s'être livré à des actes de vandalisme dans plusieurs hôtels de W** où huit mille agents s'étaient réunis à l'occasion de la cérémonie annuelle à la mémoire des agents tombés en service commandé.  Le chef de la police a confirmé que "des agents galopant nus dans les couloirs des hôtels, s'étaient livrés à des actes de vandalisme, harcelant et menaçant d'autres clients." La beuverie des policiers a débuté le samedi soir, pour culminer à l'aube du lundi lorsque certains ont vidé leur arme de service en l'air et déclenché les alarmes à incendie, provoquant l'arrivée des secours et l'évacuation de mille cinq cents clients.  Ils avaient auparavant réveillé de nombreux hôtes en frappant à la porte de leur chambre et criant "Alerte à la bombe, nous sommes des agents fédéraux'.  Ivres, ils avaient tenté de s'introduire dans les chambres de clientes.  "Dieu merci, les femmes n'ont pas ouvert", a précisé le chef de la police.

40.          Un policier qui avait démissionné pour changer de sexe essaye maintenant de réintégrer les rangs.  "Nous traiterons sa demande comme tous les autres dossiers que nous recevons a dit le porte-parole de la police.  L'ancien sergent s'était depuis quatre ans habitué à sa vie de femme, mais son travail lui manque.  Pour être admise, la candidate devra passer divers tests pour contrôler ses aptitudes.  Son expérience de policier devrait l'aider.

41.          A* G*, directeur du collège religieux Saint-Jacques de J** a été mis en détention provisoire pour attentat à la pudeur à la suite de sévices auxquels il se serait livré sur des élèves: attouchements et "punitions", coups de tournevis sur certaines parties du corps et douches froides.

42.          Un prêtre de 68 ans a succombé à un infarctus dans un sauna gay de D**.  Citant des sources policières, la presse assure que les derniers sacrements lui ont été administrés par un autre prêtre déjà présent sur les lieux.

43.          Le cardinal O* a proposé de rassembler les homosexuels dans "un pays à part".  Cette proposition procurerait, selon le cardinal davantage de liberté aux homosexuels qui pourraient ainsi avoir leurs propres lois, leurs journaux, leur télévision et leur constitution.

      


La fusion des glaces polaires, entraînant l'élévation du niveau des océans, a provoqué, par raz-de-marée successifs, l'invasion du delta du Grand Fleuve par les eaux marines.  Le Léssépissé a inondé ses berges, puis, sous l'impulsion des courants contraires, il a franchi les collines qui encaissaient sa vallée fluviale.  Les rus effilochés qui constituaient ses source se sont gonflés en rivières et les embranchements de ses affluents, élargis de marécages en mers intérieures.  D'Insulamajor, disparue petit à petit sous le flot, ne demeure que le point culminant, le piton rocheux où s'est établie K-pital, qui semble, de loin, une cité sur pilotis émergeant de l'onde.

A quelques centaines de miles en mer, les Territoires du Milieu ne sont plus qu'une île désertique, rebaptisée Grande Terre.  A l'approche de la catastrophe, le Semenciaire s'est replié à l'intérieur des sables, dans une oasis artificielle, d'où il continue à expédier la nourriture vers les relais côtiers, comptoirs de loisirs qui sont abandonnés aussi vite qu'ils surgissent de terre.  Aux abords de la mer des Cendres, les sous-marins caboteurs font visiter les ruines englouties de la ferme de Blasphemy.  Les bicoques en bois de Sandbox se sont délitées dans les flux océaniques, mais sur les bords du croissant qui délimitait l'extension du bourg, des ensembles résidentiels, semblables à un jeu de cubes de béton se sont répandus en désordre.  Une nappe aux fluorescences orange, où les algues nocives, fortifiées par les rejets organiques, croissent à une vitesse fulgurante, vient mourir au pied des gratte-ciel.  Le succès passager du nouveau Sandbox est dû à la contrebande de femelles stériles et de médicaments illicites.  La lumière violette est violente, le soleil meurtrier.  La ville ne s'anime qu'à la nuit, à l'heure où la musique de danse commence à envoyer ses boumboum dans les haut-parleurs publiques.  Alors le flot des résidents au teint gris de Néo-Sandbox, déferle par les escaliers de la colline, vers la plage, où, jusqu'à l'aube, ils s'épuisent dans une orgie chorégraphique et sexuelle.  Bientôt, le peuple des fêtards émigrera vers le comptoir voisin, et les bunker de Sandbox tomberont dans l'oubli.  Personne ne fréquente plus de quelques nuits les stations de la côte des Cendres, hormis quelques riches zonards relégués par leurs éducateurs dans la carcasse des ancien hôtels de luxe.

Le C.L.I.T.O., désireux d'en finir au plus vite avec les névroses héréditaires, a dressé, en s'appuyant sur les derniers documents d'état civil enregistrés avant la Guerre Génitale, une liste officielle des bâtards; les individus visés, hommes et femmes, sont ceux qui, élevés au sein de familles traditionnelles, n'ont pas démontré de volonté suffisante d'auto-critique et d'adaptabilité lors de leur passage dans les centres de reconditionnement.  Plutôt que la chambre à gaz trop coûteuse, le C.R.A.P.A.H.U.T. et la C.K.C. ont autorisé leur exil à Grande Terre, les réunissant dans l'ancienne station démodée, entièrement clôturée sur son périmètre extérieur et placée sous la garde des Superstitieux.

Les bâtards ont rejoint les esclaves de couleur, jaunes et noirs, constructeurs de la pyramide de K-pital où se sont retranchées les gouvernantes et les citoyennes.  Elles rejettent dans la zone d'internement les piliers des administrations masculines, afin qu'ils y maintiennent la façade bidimentionnelle d'une société-fantôme, répressive et militariste.  Tout ce peuple d'exclus travaille dans les usines, à la fabrication d'un composé alimentaire synthétique, le Rotersatz, destiné à pallier la pénurie de nourritures naturelles.



Kurt Kotten ne travaille pas aux usines: parmi les bâtards, c'est un égaré; son nom ne figurait pas sur les listes de relégation.  Afin qu'il ne nuise pas au développement de sa carrière professionnelle, sa mère a choisi de lui acheter une résidence définitive dans l'espace surveillé de Sandbox.  Il n'a pas hésité à s'y retrancher, trop heureux lui aussi, de se débarrasser à bon compte de sa compagnie envahissante.  Il occupe, à l' Atomic-Twilight, quatre étoiles déchu, l'appartement 369.

Sa moto rouge est garée sur le parking de la Résidence, la moto avec laquelle il frimait, chemise à carreaux ouverte et jean déchiré aux genoux, dans les rues de Sandbox à la saison haute.
Kurt Kotten avait toujours eu une idée très précise de ce qu'il voulait faire dans la vie: pas grand-chose.  Car il savait qu'il était né pour être une star, et star, ce n'est pas un métier, ça ne s'improvise pas non plus, c'est un don, encombrant parfois.  Kurt ne voulait pas de l'adulation de la foule, des fans qui vous poursuivent à travers le monde, des hippies couchés devant son paillasson.  Il se savait de la race de ces figures mythiques qu'on aperçoit par les nuits chaudes dans les boîtes décadentes, qui transpirent le génie et la dope, n'ont que le temps d'éructer une chanson entre deux haut-le-coeur, vomissent des poèmes, et se noient dans leur baignoire avant d'atteindre l'âge mûr.  Il a donc recruté trois autres dégénérés aux cheveux longs, tatoués sur les mollets et sur la poitrine, avec qui il forme Pentagramme un groupe confidentiel, sagement révolté, dont la fougue juvénile compense l'ignorance crasse en matière de composition musicale.

Feu le père de Kurt a fini général quart-de-place en fauteuil roulant; il aurait eu dit-on l'oreille de la haute finance, et ses conseils auraient été écoutés, en un temps, jusque dans les cabinets des gouvernantes.  Son ex-femme n'avait cessé de le répéter au fils: "Ton père n'est bon à rien.  Tout est mort dans sa tête comme dans sa culotte".  Madame Kotten supportait mal que Kurt, qu'elle eût voulu volontaire et dont elle avait espéré faire son bras armé dans le monde, se complût dans une mollesse qui lui rappelait douloureusement tout ce qu'elle avait haï chez son mari.  Elle avait donc très tôt confié l'enfant aux plus habiles psychiatres pour qu'ils en fassent un homme.  Il était instable, la fréquentation des médecins lui donna une assise.  Ils le rendirent durablement fou et lui passèrent au cou la bride de leurs drogues, ne le tirant d'une dépendance que pour l'enliser dans une autre.
Dans sa retraite dorée de Sandbox, Kurt tentait de relever le flambeau de la virilité enterrée.  Fêtard accompli, il cultivait avec dandysme le mauvais goût et aimait flirter avec les interdits.  Dealant l'extase et les neuroleptiques, il abusait des boissons survitaminées pour tremper sa mouillette jusqu'à l'aube dans n'importe quel cul hébété.  C'est ainsi qu'il rencontra Apadravya, adepte de la transe, rejetée de la compagnie des Elues, car elle osait prétendre qu'il existait au monde une chose plus importante que la danse: l'amour.  Egarés par les prescriptions contradictoires de leurs religions respectives, ils ne pouvaient manquer de se choisir.  Apadravya dansa un soir pour lui sur son canif.  Profitant de sa béatitude momentanée, il trancha la couture d'infibulation de son sexe à double orifice, puis la déflora, s'étant chaussé d'un gode de métal creux à l'extrémité conique afin de ne pas faire couler son propre sang en perforant l'hymen.

Le bruit de leur liaison -ils n'étaient pas discrets dans leurs ébats- se répandit vite dans l' Atomic Twilight.
Une nuit de planque devant leur porte suffit à convaincre l'occupant de l'appartement 222 qu'il y avait anguille sous roche, et qu'un bénéfice substantiel pouvait être retiré de la publication de la nouvelle.  Au 222 Atomic Twilight, vivait Rolf Porkansky, flic dans le civil, voyeur et détective privé à ses heures de loisir.

En matière de délinquance sexuelle, Rolf Porkansky en avait vu des salaces.  Il y avait eu ce père qui abusait de son fils handicapé depuis l'âge de douze ans.  L'affaire ne serait pas sortie du cercle familial si l'homme n'avait pas eu la générosité de prêter son rejeton à un clochard de ses amis dans le but louable de le soulager de ses besoins pressants.  S'offusquant qu'on lui fît des reproches, l'homme déclarait lors de son arrestation: "Ben, c'est mon gars, j'en fais ce que je veux."

44.          Les tribunaux ont condamné à quinze ans de réclusion criminelle un père de famille, qui avait pris en main l'éducation sexuelle de ses trois enfants et les avait violés à de nombreuses reprises.  La justice lui reprochait d'avoir abusé de ses deux filles et de son fils, et de les avoir contraints à avoir des relations sexuelles entre eux.

45.          Le brigadier-chef J*-P* X, ancien légionnaire devenu  CRS puis instructeur de tir, 48 ans, est accusé du viol aggravé de la fillette, alors âgée de 5 à 9 ans de sa concubine, mère de neuf enfants par trois pères différents.  "J'ai été violée par J*-P* devant eux" confiait-elle aux gendarmes chargés de l'enquête.  Mise au courant des actes perpétrés par J*-P* sur sa fille, elle aurait fermé les yeux, comme le père de la victime, son ancien mari, un autre CRS, qui aurait formé un couple à trois avec sa femme et son collègue de travail.  Le tout sous les yeux encore de ses enfants!  Décrit par les experts comme un "pervers froid, isolé, renfermé, dominateur, ayant une haute opinion de lui-même", J*-P* X a été condamné à 17 ans de réclusion.

46.          L* L*, un notable de 51 ans, juge au tribunal de commerce, jouissant d'une excellente réputation tant dans son voisinage qua dans son milieu professionnel, père d'un jeune homme de vingt, a été inculpé de viols sur deux garçons de 9 et 12 ans, que leur père, bûcheron et leur mère prêtaient en échange de fortes compensations financières.


47.          J*-M* B*, trafiquant de drogue ayant reconnu sept viols sur mineurs s'est pendu à un barreau de fenêtre dans sa cellule, profitant de la promenade de son co-détenu.  Ses victimes, de tout jeunes garçons de 13 à 17 ans se voyaient offrir un whisky-coca additionné d'un puissant somnifère.  Plusieurs adolescents se sont réveillés sans comprendre exactement ce qui leur était arrivé.  Ce n'est qu'après avoir constaté des douleurs ou des gènes bien particulières que certains d'entre eux ont fini par réaliser et porter plainte.



Cette fois, Porkansky jubilait de sa trouvaille.  C'était bien pire en l'occurence.  L'affaire avait un relent de pure hétérosexualité entre adultes consentants que les nouvelles autorités en place ne sauraient tolérer.
Dès qu'elle fut informée de la situation compromettante de son fils, Mme Kotten contre-attaqua par lettre recommandée:


"Mon enfant (ce mot dût-il me coûter, tu demeureras toujours et quoi qu'il advienne la chair de ma chair),

Tu sais que ta santé et ta sécurité me préoccupent plus que tout.  Nous t'avons placé à Sandbox afin de te préserver de tes démons intérieurs et de t'assurer une vie agréable et oisive.  Des amis qui te veulent du bien me rapportent que tu as installé à demeure une excommuniée et que tu entretiens avec elle des rapports odieux.  D'abord, j'ai refusé de le croire, mais une personne de confiance m'affirme que la chose sera bientôt de notoriété publique si nous n'y mettons pas le holà.  Je ne peux risquer pareil scandale.
Je serai heureuse d'apprendre que tu as renvoyé cette putain, tombée assez bas pour laisser souiller son sexe par ta bite immonde.  T'es-tu assuré au moins, imbécile, que cette femme était stérile?  La revoir serait me contraindre à vous dénoncer à l'administration centrale.  J'aurais dû te faire couper les couilles quand tu étais encore enfant.  Il n'est peut-être pas trop tard.
Ta maman ne voudrait pas te quitter sans une bonne nouvelle: on me dit que ta maquette plait à la directrice de la Danse. Ce serait trop bête de tout compromettre au moment où tu vas peut-être bénéficier d'une commande officielle.  Je t'envoie dès maintenant une avance substantielle sur ce que nous devrions toucher, car j'espère que ce n'est qu'un problème de fonds, et non une volonté délibérée de cultiver le vice; utilise ce pécule pour t'offrir un ou deux gitons dont les compétences seront à coup sûr bien supérieures à celles de ta poule."


Kurt négligea l'avertissement.  Il répondit seulement:



"Madre mia,

ça tombe à pic que tu t'inquiètes de ma santé.  Justement, je n'avais bientôt plus de Rossamor et les dispensaires d'ici sont si arriérés qu'ils ne possèdent pas ce médicament.  Peux-tu m'en faire envoyer, car je ne vois pas comment je vais tenir dans ce trou sans le remède-miracle.  De plus, j'en ai besoin pour créer, et d'après ce que tu me dis, j'aurai bientôt du pain sur la planche."


Mais, un soir que Kurt répétait avec Pentagramme,  Apadravya tomba sur la lettre de la mère.  Comprenant qu'on n'hésiterait pas à lancer des tueuses sur ses traces, et s'effrayant de l'annonce par voie d'affiches de l'arrivée impromptue en ville de la maîtresse-danseuse Hata-Marie, elle prit la fuite.  A son retour, Kurt trouva l'appartement vide, et, en évidence, le colis de médicaments.  Un mot de sa mère l'accompagnait:

"Le bon Professeur Unsinn (pauvre homme! il est si vieux, il perd un peu les pédales; ses derniers travaux portent sur l'écologie et la nutrition, c'est dire s'il est diminué ... ) m'a fait porter à ton intention un carton de ton antidépresseur favori.  N'oublie pas de le prendre, mais n'en abuse pas non plus".


Kurt, miné par le sevrage et le chagrin, doubla les doses.  Quelques lunes plus tard, Apadravya frappa à sa porte, déguisée en homme pour passer inaperçue, terrorisée à l'idée d'être enceinte, persuadée que si les espionnes des Elues ne la retrouvaient pas, elle serait déportée chez les Superstitieux aussitôt que son état ne serait plus dissimulable.  Elle annonça dans la foulée, qu'il n'était plus question d'entretenir de relations coupables.  Ils se querellèrent.  Puis, heureux tout de même de se retrouver, ils décidèrent qu'il était plus sage de remettre la recherche d'une solution à la nuit suivante.  Ils se partagèrent un tube de Rossamor, et, enlacés, se couchèrent devant la tri-di pour oublier.  La chaîne destinée aux bâtards de Grande Terre diffusait un peplum insignifiant, exaltant la destinée des Vestales, thème qui les replongea au coeur de leur sacrilège.  Ils n'en virent pas la fin.  Kurt décrocha, emporté par une hallucination ravageuse dans le nirvâna ironique du Dieu-champignon.

La gazette de Néo-Sandbox publia un compte-rendu mystérieux de leurs retrouvailles:

48.          Lorsque les policiers pénétrèrent dans l'appartement ment d'une luxueuse résidence de S**, la porte était fermée, aucune clé n'avait disparu, il n'y avait pas eu d'effraction.  K* K*, 27 ans, jeune chanteur de rock qui s'apprêtait à enregistrer son premier disque, et son amie A* étaient morts depuis plusieurs jours.  Sur le sol ensanglanté, ils ne retrouvèrent que les traces de pas du jeune homme, et aucune autre.  Elles reconstituaient ses allées et venues entre la salle de bains et le lit où le cadavre de son amie reposait sur le dos, nue., mains jointes sur la poitrine.  Sur le divan étaient disposés, soigneusement rangés côte à côte, la main droite tranchée du jeune musicien, et un couteau de cuisine.  Il y avait dans cette même pièce un tabouret, lui aussi couvert de sang, avec la marque indiquant que quelqu'un s'était assis dessus, calmement, sans bouger ou presque.  A n'en pas douter, c'est là qu'avait eu lieu l'émasculation.  Elle était donc sans doute volontaire, car sinon K* se serait débattu et il y aurait eu des éclaboussures partout.  Dans un premier temps les enquêteurs pensèrent qu'il pouvait s'agir d'un crime rituel.  Un proche d'A* l'aurait accompagnée à S* et aurait tué la jeune femme et son amant, coupables d'avoir eu des relations impies.  Cela aurait expliqué les mutilations subies par K*: la main droite que l'on coupe au voleur (de femme) et les atteintes à sa virilité.  Mais cette piste fut abandonnée après que Mme K*, la mère de K* K*, veuve d'un riche industriel, un temps conseiller d'état, soit arrivée de l'étranger dans le but de rappatrier au plus vite les cendres de son fils.  Mme K* accusa d'emblée un antidépresseur que son fils prenait régulièrement et à très fortes doses.  Ce médicament s'était révélé extrêmement dangereux pour 3,5% de ces utilisateurs, selon une récente estimation, soit 70000 malades susceptibles de ne plus contrôler leurs pulsions destructrices.  La molécule à la base de cet antidépresseur peut provoquer un délire au cours duquel le sujet 'sort de lui-même' et ne sent pas les blessures qu'ils s'inflige puisqu'il est persuadé qu'il s'agit d'un autre.  Faut-il admettre que, sous l'emprise de cette drogue, et après avoir frappé son amie dans le dos à plusieurs reprises, et s'être lui-même lardé de coups de couteau, un droitier se serait coupé la main droite en déployant une force suffisante pour trancher cubitus et radius comme avec une hache; qu'il aurait conservé suffisamment de lucidité pour aller déposer cette main sur le lit, qu'il se serait émasculé avec une autre arme, avant de se porter avec la même main gauche un coup à l'oeil suffisamment précis pour éviter le globe, glisser sous la cavité orbitale, et perforer le cerveau, non sans avoir fait une halte au lavabo de la salle de bains où il avait actionné le robinet de droite pour laver on ne sait quoi?  Une seule certitude, le jeune rockeur de bonne famille était en possession d'une boite du remède incriminé, lequel n'est pas disponible à l'heure actuelle à S**.

49.          Une mère de 56 ans comparait pour le meurtre de son fils, M*, 23 ans, souffrant de dépression chronique à la suite d'une malformation à l'appareil génital.  Outre les nombreux problèmes de santé causés par son état, M* assumait difficilement sa différence, d'autant qu'il devait parfois l'afficher en public.  Ainsi lorsque le jeune homme, qui faisait partie d'une équipe de basket, prenait sa douche d'après-match devant ses camarades.  Le 14 juillet 1***, M* et son père partent se promener.  A leur retour, le père confie à son épouse qu'ils ont passé une partie de l'après-midi à pleurer tous les deux.  Le soir, M* demande des tranquilisants pour trouver le sommeil.  A sa mère qui l'accompagne se coucher, il lâche une dernière fois: "Je ne serai jamais un homme".  Quittant la chambre, la mère aperçoit le fusil de chasse, s'en empare et le charge.  "C'est la seule solution" se dit-elle alors.  M* est abattu durant son sommeil.

50.          Un jeune homme a tué au couteau de cuisine son ancienne petite amie.  Il a ensuite appelé la mère de cette dernière pour lui annoncer son intention d'épouser le cadavre après l'avoir revêtu d'une robe de mariée et de lui envoyer par la poste le doigt découpé de la mariée portant l'alliance.


                Lettre du Professeur Unsinn au Directeur de la Protection civile de Néo-Sandbox, à propos de la mise en cause du Rossamor dans diverses affaires criminelles:

                "Cher ami,

                Le Rossamor est très prisé du public comme de la plupart de mes confrères et l'on ne peut sérieusement alléguer qu'il s'agisse d'un effet de mode.  Ce médicament est particulièrement indiqué pour traiter les anxieux affectés à des postes de responsabilité.  Les seuls effets secondaires consécutifs à son emploi sont
1) la perte de la sensation de faim, ce qui en fait un auxiliaire précieux dans les cures amaigrissantes et le régime des sportifs,(de nombreux patients obèses le décrivent comme un médicament-miracle),
2) dans de très rares occurences, le déclenchement d'orgasmes spontanés, car il semble que la molécule ait une action sur les zones de l'encéphale déterminant la sensation de plaisir.
Le Rossamor tempère l'agressivité naturelle, ou plutôt permet qu'elle ne s'applique qu'à la recherche de buts positifs, en aidant par exemple à soutenir l'attention.  Ces qualités lui ont valu d'être utilisé presque systématiquement dans de nombreuses écoles, et dès l'âge le plus tendre.
Si vous doutez encore de son inocuité, je vous engage à le tester vous-même, et vous envoie à cette fin un échantillon gratuit.

51.          Le Directeur de la Protection Civile de S** a été inculpé à la suite d'une plainte pour harcèlement sexuel; la victime est un policier à qui il aurait 'mis la main aux fesses', profitant de ce que celui-ci était occupé à passer une liasse de vieux papiers à la déchiqueteuse.



Kiefer Oskar Schott, qui occupait l'appartement 213 à l' Atomic Twilight , découpa soigneusement l'article qui concernait son défunt voisin, Kurt Kotten.  La photo qui l'illustrait montrait la moto rouge restée sur le parking.  Au loin, Kiefer devinait les fenêtres de son propre appartement.  En bas de la coupure, il écrivit au crayon "Ne dirait-on pas que je suis passé par là?" Il enfonça dans le lecteur de son ordinateur une disquette marquée "correspondance", la seule qui traînait parmi les logiciels de jeu, et écrivit:

"Papa,

aujourd'hui j'ai été renvoyé de l'usine.  Je m'en fous.  Je vais pourvoir regarder tranquillement la tri-di toute la journée."

Il effaça les lignes qu'il venait de rédiger, mais une fausse manoeuvre le renvoya au menu.  Il parcourut rapidement les rares messages qu'il avait eu la tentation d'envoyer au cours des années précédentes:

A-                            Cher Papa,

              je ne pourrai pas suivre jusqu'au bout la formation de policier militaire.  Ils m'ont saqué à l'écrit, ces salauds.  Ils veulent que je sois infirmier, c'està dire que je compte pour rien. les cours techniques me rasent déjà.  Je ne vois pas à quoi va me servir de connaître en détail l'anatomie humaine.

B-                            Papa,

tu m'écris que tu souffres d'insomnies.  Je peux t'envoyer si tu veux, un cocktail de ma composition, sans saveur et radical contre l'insomnie et les maux de tête.  Je l'ai mis au point quand j'étais infirmier à la l'armée et je l'ai testé pour rire sur pas mal de mes camarades de régiment.  Je l'ai amélioré depuis en y adjoignant des médicaments qu'on me donnait en psychothérapie et je te garantis un sommeil de plomb.

C-                            Cher Père,

              je suis victime d'une épouvantable erreur judiciaire.  Comme quand ils m'ont réformé parce que je refusais de suivre une cure de désintox à l'hosto.  Je ne suis pas alcolo, mais ils auraient pris n'importe quel prétexte pour se débarrasser de moi.  Pourquoi pas prétendre aussi que j'étais homo?
                                Voilà, on n'a pas le droit dans ce pays de liberté de pisser contre un arbre dans la forêt!  Il a suffi que deux petits vicieux soient couchés derrière un buisson pour se rincer l'oeil, et on les a crus d'emblée! (c'est parce que j'ai été réformé que ma parole ne vaut rien ... )
Pour m'humilier, ils n'ont rien trouvé de mieux que de confier ma surveillance à un officier de probation de sexe féminin.  Heureusement la pouffasse n'a jamais mis les pieds chez moi.  Je sais que le quartier lui fait peur parce qu'elle me demande toujours de déménager.

P.S. Toi qui es un brillant chimiste, tu dois pouvoir m'indiquer quel acide conviendrait le mieux à nettoyer les squelettes d'animaux que je vends à l'université pour me faire un peu d'argent de poche, et aussi s'il existe un produit pour neutraliser l'odeur.

D-                            Madame l'officier de probation,

              j'ai été traité de façon ignoble par la police lors du contre-interrogatoire.  Un flic gras est venu dans ma cellule d'isolement pour me dire qu'il fallait me déshabiller.  Il m'a enfoncé son pouce boudiné en rigolant.  Est-ce qu'ils ont le droit de faire ça?
Ils m'ont fait entrer à poil dans une pièce sombre où j'étais ébloui par les lampes et m'ont assis sur une chaise en bois qui penchait vers l'avant.  Le gros en uniforme me donnait des coups de règle sur les doigts pour m'empêcher de me cacher.  Je m'excuse de vous raconter tout ça.  Derrière les lampes, le responsable que je ne voyais pas a dit:
- Alors, qu'est-ce que tu leur voulais aux gamins?  Montre-nous ce que tu faisais devant eux?  Hein? maintenant qu'on est entre hommes, ça t'est passé l'envie de te branler?
Je n'ai pas répondu à la provocation.  En un moment il a dit:
- Et si c'était ton petit frère?  Et si c'était nos gamins?
- Vous avez rien de mieux à faire de vos couilles que des mômes?
Je n'aurai pas dû leur répondre. Ils m'ont giflé, battu à coups de pieds dans les côtes.  Je leur ai répété que j'avais seulement pissé au pied d'un arbre.  Le chef a insisté: "Montre-nous" et comme ils me donnaient de la règle dans les mollets et sur les cuisses, j'ai fini par pisser devant eux.  Ils m'ont roulé par terre en m'écrasant la gueule dans l'urine avec leurs godillots.  Le gros a voulu me pisser dessus.  Le chef a dit: "ça suffit, c'est quand même un blanc", et ils m'ont reconduit en cellule.
Vous allez encore me dire que je ne pense à rien de positif et qu'il faut me concentrer sur mon travail et ne plus arriver en retard.  C'est pour ça que je ne viendrai pas au rendez-vous jeudi prochain sans m'être vengé de ce que j'ai subi. (Non envoyée)

E-                            Madame l'officier de probation,

             malgré le loyer bas, je n'arrive plus à joindre les deux bouts.  De plus, je risque de perdre mon travail à la fabrique.  Vous m'aviez dit que vous tenteriez d'intervenir auprès du syndicat.  Pensez-vous que je puisse obtenir un prêt de l'administration?  Je suis très déprimé et fatigué de travailler nuit et jour.  Pouvons-nous repousser le prochain rendez-vous car il faut que je me lave et que je me rase avant toute chose.

F-                            Madame l'officier de probation,

              ceci pour éclaircir quelques points que nous discuterons demain.  Je ne veux plus avoir du tout de relations sexuelles.  A moins que je rencontre une femme.  Mais j'en doute.  Mes pulsions sexuelles ne m'apportent que des ennuis et du travail supplémentaire.  Je n'irai pas chez mon père pour les fêtes; mon père cherche à me contrôler, pour mon frère je n'existe plus: ils m'ont effacé, comme on m'a supprimé de la photo de la promotion d'honneur du collège.  Nous ne nous rappelons les uns aux autres que de mauvais souvenirs.  Tous deux acceptent encore plus mal que moi ma sexualité et je n'ai pas de plaisir à les choquer.  Ah oui, et puis elle a téléphoné. (Non envoyée)


Kiefer éteignit l'appareil.  Il fit un effort de concentration et griffonna la liste de ce qui lui manquait pour finir le boulot dans la cuisine:

Scie-sauteuse pour la perceuse
Disques de ponçage
Deux anneaux de 50mm de diamètre
Petites pinces à rideau
Couteau à mastic (racloir)
Peinture fluo pour déco
Sacs poubelle
Masse pour concasser
Maillet caoutchouc
Fil électrique, 10m
Albums-photo, pellicules instantanées
Fût Hcl
Taxi pour ramener tout ça du Brico-Déco
Passer acheter de la bière


Fatigué d'avance, Kiefer alluma la tri-di.  En direct de la plage, Hata-Marie, la vedette du groupe des Elues, cernée par ses gardes du corps drag-queens, chantait en play-back son dernier tube "Lèche-moi la chatte".  L'ineptie du programme le mit dans une rage noire, et comme il n'avait plus rien à boire d'alcolisé, il sortit.

Il poussa jusqu'au centre ville.  Il retourna ses poches.  Il n'avait pas assez d'argent pour aller se calmer les nerfs devant les rayons d'outils.  Il entra au Mega-VideoFastfood , et s'installa devant un poste de jeu pour liquider quelques malfrats.  Un adolescent jaune le regardait avec envie.  Kiefer lui proposa de terminer sa partie, puis il lui paya un burger et un café.
- On peut passer à la maison chercher de l'argent pour refaire une partie, proposa Kiefer.  Ou bien tu accepterais peut-être de faire un petit travail pour moi?  Bien rémunéré.
- Faut voir, répondit le gamin, devinant de quoi il retournait et appâté par l'argent facile.

De retour dans son antre, Kiefer tira les rideaux, montra au môme où se déshabiller, lui recommandant de n'entrer ni dans la chambre, ni dans la cuisine.  Puis comme convenu il prit quelques photos de l'adolescent nu.  Il tenta de lui montrer son excitation en se malaxant la braguette.  Mais le gamin recula en disant:
- Pour toucher, c'est plus cher.  Et puis il faut que je rentre.  On m'attend à la maison.
- Tu as bien le temps pour un dernier verre?  Après je te paye et on n'en parle plus.
Kiefer alla chercher la bouteille de sirop de grenadine. Il ne prit pas place sur le canapé pour ne pas effrayer le gosse avant qu'il ait sifflé son verre.  Après deux gorgées, le petit jeune homme s'endormit comme une fleur qui se fane.  Alors seulement, il lui sauta dessus pour vérifier que son sommeil était profond.  Il caressa sa peau soyeuse et arracha quelques poils pubiens, manipula la petite bite et soupesa les couilles brunes et froncées.
Il se frotta les mains et voulut se taper une bière.  Il se souvint qu'il n'y avait plus rien à boire au frigo, qu'il était sorti pour ça, mais que la rencontre inespérée avait chamboulé ses plans.  Et de nouveau il était pris d'une soif inextinguible et d'une urgente envie d'alcool.  Pour plus de sécurité, il attacha l'enfant aux barreaux d'une chaise, mais omit, dans sa précipitation de fermer convenablement les menottes.

Mais voilà que, sur le chemin du retour, serrant joyeusement le pack de six contre son ventre, Kiefer aperçut une petite forme frêle, qui courait nue dans une ruelle en cul-de-sac, et deux passants commençaient à s'intéresser à lui.  Son sang ne fit qu'un tour.  Il arriva à hauteur du garçon en même temps que la voiture de patrouille des agents Hauser et Porkansky, lequel sourit vaguement en reconnaissant son voisin d'étage dans le grand blond au pack de bière.  Les deux flics éloignèrent d'abord les témoins qui faisaient du raffut.  Kiefer expliqua en rougissant:
- C'est un ami.  Il ne sait plus trop ce qu'il fait dès qu'il a un coup dans l'aile.  C'est déjà arrivé.  Voyez, j'étais juste sorti lui chercher à boire pour qu'il se calme.
Les flics échangèrent un regard entendu, soulagés qu'il n'y ait pas de rapport à faire pour une simple
querelle de ménage.  Ils couvrirent le garçon et ramenèrent à domicile les amoureux.  Kiefer leur glissa la pièce et s'excusa encore pour le dérangement.  Il ferma la porte, tira le verrou et écouta les pas des lourdauds s'éloigner.  Le jeune, qui avait été incapable de bredouiller autre chose qu'une suite de borborygmes incompréhensibles, piquait de nouveau du nez dans l'aquarium.  Kiefer murmura: "A nous deux!"


Lettre de justification de l'agent Rolf Porkansky à sa hiérarchie

Concernant l'accusation de négligence portée à l'encontre de mes collègues et de moi-même, j'ai l'honneur, de vous faire part des remarques suivantes:

Il est moins inhabituel qu'il n'y parait de trouver des individus courant nus à travers les rues de cette ville, et si nous devions arrêter tous les exhibitionnistes, il n'y aurait plus de place dans les prisons pour les criminels véritablement dangereux.  Par ailleurs, nous ne sommes pas au fait de toutes les coutumes des communautés jaunes du district, et bien des manifestations étonnantes se révèlent souvent des pratiques innocentes inspirées par leurs traditions; notre interventions ne manque pas alors d'être perçue comme une brimade sans fondement.
Il nous est apparu que la meilleure façon de régler le problème était de reconduire à son domicile le jeune homme, puisque son compagnon le réclamait.  Bien sûr, l'appartement de Kiefer Schott regorgeait de publications pornographiques et de photographies d'hommes nus, mais l'homosexualité ne constitue pas un délit justifiant de poursuites pénales, quelle que soit notre opinion personnelle sur la chose.  Il est vrai également que ça ne sentait pas la rose, mais nous savons par expérience que c'est habituel chez ces gens-là.
Le jeune homme nu était très grand pour son âge, et nous ne pouvions pas deviner qu'il n'avait que treize ans.  Tout dans son attitude indiquait qu'il était ivre.  A aucun moment il n'a manifesté qu'il n'était pas consentant.  Son ami, au contraire, s'exprimait avec clarté et conviction.
Pareil incident ne justifie pas un contrôle systématique des antécédents judiciaires qui est toujours interprété comme une persécutions par les invertis.  D'ailleurs le casier de Kiefer O. Schott ne signalait qu'une condamnation avec sursis pour attentat à la pudeur et sa période de probation était révolue.  On pourrait aussi bien reprocher à la justice de ne pas avoir fait correctement son travail.  S'il nous fallait enquêter sur chaque incident causé par la communauté noire ou jaune de cette ville, nous n'aurions plus le temps de faire de rondes de nuit.
Je le répète, rien ne laissait supposer qu'il y ait eu violences; les menottes sont des accessoires fréquemment utilisés par les masochistes sans que leur usage entraîne un risque vital.
              Les médias, pour qui toute occasion est bonne de réclamer notre tête, nous accusent de laxisme et de racisme.  Ce n'est pas notre faute si Kiefer Schott choisissait de préférence des victimes non blanches.  Nous n'aurions pas agi autrement si les partenaires avaient été tous deux "de couleur". Enfin, nous avons été choqués d'apprendre notre suspension et l'ouverture d'une enquête par voie de presse.  Nous souhaitons que toute la publicité faite autour de cette affaire n'exacerbe pas les tensions raciales dans la ville.  Tout cela n'aurait pas fait tant de bruit si le chef Bauer était encore à notre tête, mais la nomination d'un responsable de sang mêlé, pour politiquement habile qu'elle paraisse, a instauré un climat de défiance et un malaise des personnels de police, nuisibles au maintien de l'ordre.


Extraits du constat des perquisitions effectuées dans l'appartement 213:

Cuisine : Apposée sur le réfrigérateur avec un magnet représentant une chauve-souris, la note suivante "L'enfer c'est ici.  Si vous n'y croyez pas, ouvrez le frigidaire’’ ...

Sur l'étagère supérieure du réfrigérateur, une tête complète (chairs adhérentes) ainsi qu'une petite boîte de bicarbonate de soude ouverte pour neutraliser l'odeur.  Cinq packs de bière.
Dans le compartiment de congélation, un coeur humain dans un sac plastique, sept paquets de viande non identifiée.
Dans le grand congélateur indépendant, trois têtes complètes enfermées dans des sacs-poubelle clos par des liens de plastiques.

                 Chambre: Dans l'emballage de l'ordinateur, deux crânes et un album de clichés de torses en cours de découpage, alternant avec des photos d'hommes nus majoritairement noirs.
Un fût bleu à couvercle noir contenant des restes humains en décomposition dans l'acide chlorydrique.
Dans la table de nuit, trois crânes peints et des ossements en vrac dans le tiroir du bas.
Sur une étagère de la penderie, un faitout contenant deux crânes., et une autre marmite remplie de mains, de pénis et de testicules.
Plusieurs flacons de mélanges médicamenteux en solution .
De nombreuses traces de sang, des outils, des vomissures laissées par les agents Rutger et Hauser qui pénétrèrent en premier dans la place.



Transcription d'une disquette d'ordinateur portant la mention "Correspondance"

G-                            Mamie,

             Tu voulais savoir, eh bien, c'est fait!  Et qu'est-ce que ça t'a apporté à part la trouille?  C'était pas intelligent d'entrer sans frapper sous prétexte que la radio gueulait trop fort.  Oui, j'ai baisé avec le nègre.  Il ne s'en est pas tiré comme ça l'animal!  Bien sûr je t'ai laissé ignorer la suite.  C'est pour faire bouillir sa tête que je t'ai emprunté ton grand faitout à choucroute.  Papa va encore demander d'où vient le liquide noir qui tache le sol du garage.  Et toi, pour le compte de qui espionnes-tu?  J'ai acheté un pot de peinture argentée au Brico-Déco pour le crâne ... Rassure-toi, je vais aller assassiner ailleurs avant que tu me demandes de partir parce que les flics t'ont fait croire qu'ils m'ont ramené ivre du centre commercial et que tes vieux nerfs ne supportent plus le grincement de la scie à métaux. (Non envoyée)

H-                        Monsieur l'officier de police, matricule X-69-96,

               Je vous ai rapporté hier la couverture que vous m'aviez prêtée pour couvrir mon ami.  Je me suis trouvé bête, les bras ballants, au poste, à attendre un mot de vous, alors que votre regard n'exprimait que mépris et pitié.  Je me suis forcé à sortir, le coeur gros et lourd de ne vous avoir rien dit.  Moi qui ai passé ma vie à tromper mon monde, j'aurais voulu jouer francjeu avec vous.  J'avais honte, j'avais peur comme un enfant perdu.  J'aimerais tant que la tension tombe, et pouvoir me reposer pour longtemps.
              Cette nuit, j'ai dépecé deux cadavres, celui que vous m'aviez ramené et le sourd-muet d'avant qui
attendait dans la cuisine.  J'aurais aimé vous faire partager les reliques de mes amants.  Mais si je vous avais parlé, vous auriez voulu me quitter à votre tour.  Je sais que ça ne paye pas des masses dans votre métier, alors un extra pour poser dévêtu?  Je vous aurais offert mon bouillon de onze heures.  J'aurais joui en découpant votre chair rose, en déroulant vos intestins puants.  J'aurais découpé des escalopes dans vos fesses, j'aurais sectionné votre petite bite de keuf, je l'aurais gardée comme un hochet, dans la bouche, pour dormir.  J'aurais taillé en pointe vos oreilles de porc, avant de les faire frire.  Mais vous êtes si grand et si fort que je n'ai pu que vous duper.  Pourtant, penser à vous me redonne cette érection que j'abhorre, et l'envie d'aller courir le gibier facile près des salles de jeux pour venger mon dépit.    (Non envoyée)


I-                             Madame,

j'ai cherché votre numéro de téléphone, mais les renseignements ont refusé de me le communiquer.  Je vous écris pour vous dire de ne plus vous inquiéter et de cesser de rechercher votre fils.  En effet, il est mort, et je suis bien placé pour le savoir, puisque c'est moi qui l'ai tué.
Vous comprendrez que je ne puisse pas vous donner plus de renseignements, ni signer cette lettre dactylographiée.  Je vous prie d'agréer mes condoléances.         (Envoyée à huit reprises)


J-                             Mère,

                                je ne vois pas comment vous désigner autrement, puisque je n'éprouve pour vous aucune tendresse, encore que je mette beaucoup de passion à ne rien éprouver pour vous.  Il y a trois mois que vous m'avez appelé.  Nous ne nous étions pas parlé depuis plus de cinq ans.  J'aurais préféré que vous m'oubliiez cinq années encore. Bien sûr, vous avez essayé d'être gentille, mais le son de votre voix me raidit instantanément; j'en ai mal dans la nuque ... Quand j'avais dix-huit ans, vous m'avez abandonné en emmenant mon frère avec vous.  Pourquoi venir me torturer aujourd'hui en m'assurant que vous m'aimez?  Est-ce parce que vous avez la preuve que je ne suis pas un homme que vous m'aimez enfin?  Vous dites que vous saviez depuis toujours, que vous attendiez cet aveu.  Le désiriez-vous déjà en me portant, vous qui m'avez appris à haïr et à dénigrer mon père?  Vous m'apprenez que vous travaillez dans une clinique pour pédés en phase terminale et que la fréquentation de ces malheureux a soulevé en vous une vive compassion envers ceux qui partagent mon orientation sexuelle.  Qu'attendiez-vous que je réponde à cela?  La réponse est qu'en trois mois j'ai fait sept fois l'amour à des cadavres que j'avais étranglé de mes mains.  A mon tour de vous demander quel effet cela vous fait d'avoir engendré le démon?  (Non envoyée)


52.          "Je me suis souvent demandé si j'étais l'incarnation du mal ou un malade.  Maintenant je sais que je suis malade. Dommage, j'aurais aimé être exécuté'’ avouait K* O* S* à la suite du verdict qui le condamnait à 957 années de prison pour le meurtre dans des conditions atroces de dix-sept jeunes gens.  Ses codétenus, qui l'avaient surnommé "le Diable" lui ont donné satisfaction.  Un prisonnier avait déjà tenté de l'égorger lors d'un office religieux, mais la lame artisanale n'avait pas réussi à le blesser.  Les circonstances de l'attaque qui lui a coûté la vie, alors qu'il était en train de nettoyer une salle de bains du centre de détention, ne sont pas claires.  Il est probable qu'on lui a fracassé le crâne contre un mur.


               
               
                Rolf Porkansky au Professeur Unsinn :

                Grâce à l'obligeance d'un de mes ex-collègues, j'ai pu lire le compte-rendu des aveux de Kiefer Schott.  Je me demande jusqu'à quel point je suis responsable: j'ai beau relever la tête en public, je suis atterré et choqué par ses révélations.  Je me rends compte que tandis que nous plaisantions en bas sur ce travail ingrat (rabibocher les pédés ivres), Schott étranglait l'adolescent hébété que nous lui avions ramené.  Schott raconte sans sourciller qu'il encula le corps encore chaud avant de prélever son coeur pour un futur repas.  J'ai peur de ne plus pouvoir me débarrasser de cette horreur.



                Réponse du Professeur Unsinn

Cher patient, je n'exerce plus mais votre missive me touche en ce qu'elle révèle une violente angoisse.  Ce n'est pas le remords d'avoir participé au crime qui vous poursuit.  Ce qui vous est insupportable c'est l'idée de la castration et du démembrement.  Je vous engage, pour vous libérer de cette phobie, à vous masturber tous les soirs en vous concentrant sur l'image du jeune mort, et, si vous en avez l'opportunité, à l'aide de copies des photos prises par Schott.  Lors de votre prochain rendez-vous avec votre thérapeute, vous vous manipulerez en vocalisant votre ardent désir de vous faire sodomiser par l'un de vos obligeants collègues en tenue.  Votre guérison est à ce prix.  Je ne saurais trop vous engager durant vos exercices quotidiens, à vous familiariser avec la filmographie de Scott O'Kief ...


53.          La mère de S* O'K*, dont le corps a été découvert enterré dans les bois, a affirmé au tribunal "avoir reconnu avec certitude" un slip de son fils parmi les affaires ayant appartenu à l'ex-adjudant Rénal.  La mère a cru un moment reconnaître également deux maillots de bain bleu marine, mais il semble qu'ils soient d'origine militaire et portés par Rénal alors qu'il était adjudant-chef.

54.          Dans la ville d'A**, des alcooliques affamés ont tué trois de leurs compagnons, en ont fait cuire un et l'ont mangé au cours d'une beuverie collective.

55.          Deux détenus ont avoué avoir partiellement dévoré leur compagnon de cellule "pour ajouter du piquant à leur vie".  Les deux hommes, âgés respectivement de 23 et 25 ans, ont étranglé leur victime avant de lui extirper les intestins pour les faire bouillir dans la bassine servant ordinairement à leurs ablutions.

56.          C'était dimanche.  Il pleuvait.  Il a mis son caméscope sur enregistrement, et vérifié qu'il était bien cadré une fois assis sur la chaise.  Il a laissé la bande défiler deux minutes sans dire un mot.  Puis il s'est tiré une balle dans la bouche.

57.          Deux septuagénaires sont décédés aux urgences de l'hôpital d'O**, après avoir été laissé plusieurs heures sans soins.  "Il était vieux, sans intérêt et mal portant" s'est contenté de déclarer un des chirurgiens mis en cause.

58.          A G**, des médecins sont confrontés à un cas exceptionnel.  Né par césarienne, le bébé portait dans son estomac, anormalement gros, le foetus de son frère jumeau.

59.          Dieu le Père doit aussi être considéré comme Dieu la Mère., affirme l'évêque de D**, dans son dernier bulletin diocésain.

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