vendredi 1 mars 2013

Tout est O-K à K-pital City 09





Dès l'aube, à travers les lattes de métal du store et la lentille grossissante de mon oeil, sur l'écran délimité par les bandes noires parallèles du cinémascope, je le retrouve, campé solidement sur ses jambes écartées, la main protégeant le centre de l'homme, pouce passé dans la ceinture réglementaire, et s'exerçant pour tromper l'ennui à rentrer un ventre qui, heureusement, ne sera jamais plat.
A force d'observer, comme un chasseur sur son mirador étudie le passage des palombes, je les connais tous jusqu'au détail du plumage.  Le roman de leurs vies trace la continuité de la mienne.  Aussi semblables soient-ils, personne ne ressemble au gardien de la porte; sa petite taille, sa calvitie naissante, sa démarche caricaturale mais volontaire, tête en avant du buste, le muscle rond et la corpulence nécessaire à remplir les parties d'habitude flottantes de l'uniforme, son cul plein qui étire le tissu comme deux ballons de rugball accouplé qui copuleraient par la couture, sont les signes provocants de sa singularité.  Et encore, ses cuisses épaisses, les vastes mollets plantés dans des soquettes de fil bleu nuit dont la courte gaine ne dépasse pas la naissance des jumeaux, et dont l'élastique trace une marque rouge à l'endroit où le poil raréfié des chevilles s'épanouit en volutes.  Volonté affichée de ne pas ressembler tout à fait aux autres, en portant le pantalon deux tailles en dessous de la normale, un peu pour le plaisir qu'apporte la compression, mais surtout pour faire saillir la fleur qui aimante le regard du passant comme du collègue, ce coeur gros et rebondi dont les pétales remontent en plis chiffonnés jusqu'aux aines, cette poche convexe qu'on croirait rembourrée de mouchoirs, de coton, de P.Q., ou formée par une canette de soda glissée dans l'entrejambe, goulot à la verticale.  Peut-être une bouteille oubliée là est-elle responsable de la raideur de sa démarche, de ce titubement de bibendum, de ludion vacillant entraîné par l'alcool dans une oscillation pendulaire, pas de côté, pas en avant, bascule, figure de tango virant à la java vache, déambulations circulaires du gamin jouant à chat sous un préau d'école.

Car, comme les mômes, les sados et les chiens, les feuks sont joueurs.  Dès potron-minet, à midi, à seize ou vingt-trois heures, lâchés en groupe ils s'égaient vers les fourgons cellulaires et leurs voitures à sirènes.  Ils mettent en scène une parodie de western, s'accroupissent (c'est comme ça qu'on fait craquer la couture médiane du pantalon) et se tiennent en joue, créant un revolver avec deux doigts tendus.  "Pan, t'es mort!" Et le copain visé, qui n'a pas eu le temps de dégainer de l'index, porte les mains à son ventre, râle exagérément comme on meurt pour rire, et s'affaisse dans un effondrement contrôlé et incomplet.  A leur retour, le plus excité de la patrouille, le drôle, relève ses manches, et, poings fermés, arme une garde de boxeur, imitant en sautillant le jeu de jambes du sportif.  Il distribue de fausses bourrades désordonnées, en profite pour laisser s'envoler une main vers le paquet de l'adversaire rigolard dont il presse légèrement les couilles en répétant "Je t'ai eu".
- Oh,l'pédé, y m'a touché la teub!
Pincé, le vis-à-vis entre dans la danse, esquive de l'arrière-train pour échapper à la prise, monte sa garde, et d'un coup de patte de chat envoie valdinguer la casquette que le branleur porte en arrière et qui le fait ressembler à un gardien de parking.
Euphorique, surexcité et frustré par l'arrestation de quatre travelos, le grand con de service joue le julot débraillé qui court après les dames.  Parcouru d'un frisson blasphématoire à l'idée de déshonorer la tenue (les uniformisés ne parlent jamais d'uniforme, mais disent "J'ai perçu la tenue de combat, je suis allé rechercher ma tenue au Lav'vit") il aboie d'une voix mal assurée de troufion déconneur:
- Hein, mes poulettes, ça vous ferait mouiller de voir le braquemard d'un vrai mec?
Joignant le geste à la parole, il tire sur les pans de sa chemise, fait sauter d'un geste vif les boutons, amorce un striptease, dévoile un bout de son torse blanc-poulet sous la toile bleu-ciel de la chemise portée à même la peau, sans maillot de corps qu'évoque faussement le rabat triangulaire du sous-col.  Il va pour attaquer la ceinture du pantalon quand l'apparition du sous-chef l'arrête net dans son numéro, l'obligeant à un rhabillage subit qui tire des sourires aux lèvres sèches des standardistes.
Les grands cons, les clowns du régiment finissent réformés une nuit qu'ils ont piqué trop d'herbe dans l'armoire à pharmacie du poste.  Même lorsque la compagnie aime son bouffon, le grand con se fait toujours barrer par un sous-chef jaloux.
Limité par sa propre bêtise, le sous-chef se prend pour une buse et se voit volontiers en limier de roman.  Figure plate, en deux dimensions, portant la raie au milieu et, en vacances, une casquette de Sherlock Holmes, il espionne le district, persuadé que se cache en chacun un dangereux criminel.  Sa vie est réglée par la discipline et la suspicion.  Il se déplace en claudiquant sur ses baguettes raides.  Dans son bassin féminin et trop large, les articulations rouillées semblent bloquées par l'angoisse de l'avancement.  Cet être prognathe et dolichocéphale qui tente de se rapprocher de l'humain par le port d'une moustache souple et clairsemée (sinon sous le nez au moins sur le front), n'a pour bite qu'une drisse de chien repliée loin dans sa gaine pointue et suintante.  Ses épaules tombantes, imberbes et maigrelettes sont grêlées de clous et de points noirs qui témoignent d'une adolescence difficile toujours pas digérée.  Il joue parfois avec les autres au gendarme et au voleur, mais le gros de la troupe le tient à l'écart, riant sous cape de le voir lever la jambe en danseuse accomplie lors des séances de full contact.  Il ne trouve de camarades sincères que parmi les vieux beaux qui attendent la retraite.

                Sherlock et le vieux font du vélo le dimanche, le premier en bermuda multicolore qu'il prend pour un cuissard fantaisie, taillé dans un simili-lycra trop fin et lâche, où tout pend sans retenue, l'autre dans un costume de pro, muni de la peau de chamois protectrice du scrotum et du sillon culier.  En faisant le tour du lac pollué, ils discutent technique.  "Forcé, dit le vieux, t'as la selle trop dure qui te déforme le cul.  Et la peau de mouton arrange rien, ça fait qu'à te chauffer le plancher.  Pis, j'te dis rien sur le calbar de tantouze ... " Lui montre, le lundi matin au vestiaire l'entrecuisse irritée, le prurit enflammé qui macère dans la couche de crème de jour apaisante.  "Si, penche-toi, regarde, en-dessous’’.  Et le vieux roi de la pédale s'exécute d'un air dégoûté, lui qui a depuis longtemps l'anneau épaté par le bossellement des pavés, et le fondement tellement accoutumé aux frottements qu'il en a avalé la selle cachée entre ses miches, pour faire corps avec sa machine, torse emmanché sur la barre oblique du cadre, couilles relevées pour ne pas buter sur l'horizontale.  Le vieux rend son verdict ‘'Faut se raser, gars", fait-il en désignant ses mollets lisses.
A ce moment précis, dans la tête du vieux se dessine l'image du cycliste de critérium, couché sur la table de massage, une serviette en forme de couche cachant le paquet des organes, les mollets en boule durcis, débordant en largeur le volume des cuisses que sectionne la marque blanche grimpant jusqu'aux épaules, comme si l'homme était atteint d'une maladie de peau ou orné d'un tatouage rouge brique inachevé qui le démembre.  Le cycliste aux pointes et aux moquettes féminines, aux jambes galbées comme gainées d'un collant de soie bicolore.  Puis, songe le vieux, quand la caméra est sortie, le masseur vire la serviette-éponge; la masse gélatineuse repose, pénis en l'air sur le marbre blanc veiné de bleu du pubis épilé.  "Quitte à raser, ma femme préfère que j'enlève tout, s'excuse le champion, et puis on transpire moins dans le calcif’’.  A quatre pattes sur la table d'examen, il adopte la position de danseuse en côte pour se faire soigner le derche (le régime, les anabolisants, l'eau glacée lui ont filé la chiasse et fait éclore ses hémorroïdes).  Le masseur tartine de glycérine les plaies variqueuses.  Au risque d'éclater les veines, mais sans y mettre les doigts, il écarte le sphincter d'une pointe de selle qu'il cheville à petits coups de poings.  La route est largement ouverte jusqu'à la prostate car le coureur est habitué à se faire souffler dans le fondement à la pompe lors des concours de pets qui réjouissent les chambrées.  Il expulse la selle dans un sifflement gras et annonce, comme à l'interviewer, "Tâcherais de faire mieux la prochaine fois', expire, flatule par grappes.  Le masseur abuse de la complicité nouvelle et du pouvoir du secret; il propose de lui échanger sa dose dopante du lendemain contre un copieux fessage.  '’Ça fait venir le sang au cul, ça dégage la tête, ça chasse la fatigue des jambes".  Sous les longues mains emportées par l'élan, les fessiers du sportif se contractent en bandes striées.  La peau ivoirine se cramoisit, prend l'aspect d'une vessie de porc tendue en abat-jour, les veinules apparues éclatent en étoiles rubicondes.  Le masseur applaudit, plus fort encore qu'au passage de la ligne quand son poulain levait les bras, l'entrejambe gonflée par la boîte à seringues rangée contre sa bite, avant de vomir ses tripes et de se chier dessus au pied du podium.

Il fait chaud, les feuks en civil s'exhibent en boxer et en bermudas.  Par sociabilité de groupe, ils se montrent gentiment leurs avantages, s'attardent sur leur bicyclette, distrayant l'homme en faction à la porte qui lorgne, entre deux taffes précipitées, le centre du caleçon, où ça bouge.  Le planton a les yeux en amandes et le nez en bec d'aigle.  C'est en crapotant qu'il trahit son trouble alors qu'il dissimule le tremblement de son clope sous sa paume en coquille et mâchouille son mégot pour masquer qu'il salive.

Le dimanche on ne répond pas aux avances, on vient se montrer sa voiture, ses animaux, sa famille.  On s'embrasse amicalement., même entre garçons, on oublie la hiérarchie et la hargne des sous-chefs.  On se réconcilie.  C'est la messe.  Les petits bruns aux cheveux courts (pas trop pour ne faire ni pédé, ni fasciste) en pompes blanches et costume rayé, fraternisent avec les jeunes de la tribu promis à un avenir moins brillant, chatoyant dans leurs polos roses et oranges, leurs jeans rouges, verts ou blancs.  Tous ont sorti des placards des vêtements de fête dans lesquels ils sont mal à l'aise, et qui leur font regretter le survêtement violet qu'ils rentrent dans leurs chaussettes et sous lequel se devinent les élastiques des slips de sport.
Lorsqu'il est en tenue et qu'on ne distingue aucune marque nette sur la fesse, c'est que le feuk porte un caleçon.  Il est alors souvent de type nordique, très blond, très grand, très maigre, le nez long quoique en trompette.  Très attaché à la lettre du règlement, il fait facilement le vide autour de lui.  Le souvenir du seul vol de bonbons ou de stylos auquel il participa dans sa jeunesse de scout le réveille encore la nuit, et il puise dans ce remords la dureté qu'il affiche à l'égard de son chien.  Rengagé au sortir de l'armée, il tire orgueil de la propreté exemplaire de sa tenue.  Tiré à quatre épingles, sanglé dans le drap bleu comme dans un drapeau, il se croit encore en treillis comme en témoigne sa ceinture commando bouclée dans le dos qu'il surcharge de toutes ses breloques, étui à menottes, flingue et son fil de téléphone, sifflet, clés, goupille, bâton battant la cuisse gauche, paire de gants de cuir et talkie redondant posant sur la fesse droite.  Partant en patrouille, il se dépouille à regret des accessoires inutiles qu'il trimballe, car ils l'empêchent de s'asseoir au volant.  Son ceinturon le corsette au-dessus du nombril, et sa braguette de châtré se dessine en creux.  Car, dans son caleçon taille haute, remonté jusqu'au bas des côtes, il a soigneusement dissimulé le paquet (question d'ordre, rien qui dépasse!), rangé, pour l'oublier, sous le scrotum, de sorte qu'il circule toujours la queue entre les jambes.  Ce modèle-là n'est jamais une vedette, il est aussi transparent que l'urine d'un buveur de thé.  Les vedettes ont le pli du slip marqué haut sur la fesse, l'accent chantant et l'exubérance des enfants élevés au soleil.  Ils cultivent leur machisme pour la frime, au vrai indifférents à tout, si l'on excepte une passion dévorante pour le sport, qui les sauve du mutisme.  Physique de lutteurs, petits, râblés, musculeux, l'avant-bras broussailleux, le crin noir, ils ont la bite du pêcheur, rien d'effrayant sous la culotte, mais un organe d'une élasticité remarquable qui ne cesse de gagner du terrain à mesure qu'on avance en affaire.  Certains, qui ont conservé une pointe d'individualité, affichent des tendances déviationnistes qu'ils cristallisent en un goût prononcé pour la musique violente.  Grâce à leur enfance difficile dans de grands ensembles multiraciaux, ils se savent investis d'une mission dans la vie et demeurent serviables tant qu'ils n'ont pas compris qu'on les prend pour des cons.  Ils s'appellent Christophe mais les collègues les surnomment Kiki (Les keufs aiment se donner entre eux du Lulu, du Bébert, ou du Nono, comme ils croient que font les voyous) alors qu'ils souhaiteraient se faire appeler Rocky ou Roch.
Oeil de cochon noisette, sourire aux dents blanches, esquisse de banane, attifé au naturel de vieux jean proprement déchirés et d'écharpes romantiques tricotées main, Kiki, le soir, gratte sous son casque sa guitare électrique ordinairement reléguée dans la penderie.  Sur son temps de loisir il entraîne la jeunesse défavorisée au trial, n'y touche pas, sauf des yeux, se contente en rentrant d'une branlette sous la douche, tandis que les images pénibles des moniteurs de boxe et de judo côtoyés dans les vestiaires incendient ses paupières closes aux cils soyeux.  Le foutre qu'il lâche lui colle le poil des cuisses, il n'est jamais tout à fait propre et dégage une odeur de crème surette, de beurre rance.  M. Roch aime de loin la jeunesse interdite et se force à adopter dans la vie quotidienne une attitude morale stricte.  Ce n'est que poussé à bout, la chair torturée, sevré d'alcool et de calmants par les nuits de pleine lune, qu'il assouvit ses pulsions profondes.  Dans un ciné de la Zone, qu'il découvrit en y arrêtant un satire, il se coule le long des murs crasseux tendus de velours grenat, et pénètre la gorge serrée dans les chiottes.  Kiki voudrait bien enculer, c'est lui l'homme.  Sa rencontre avec les "basanés" (comme les feuks les appellent) s'achève généralement par une pipe, qu'il taille du bout des lèvres, sans la langue, et encore se jouit-il dans les doigts avant la fin de la besogne.  Ces soirs-là, heureusement, il n'est pas de la baise (traduisez en service) sans quoi il dégainerait son colt au lieu de sa bite et ferait feu sur le premier rebelle à peau mate.  Récemment il s'est acheté un gode, (qu'il a fait adresser, poste restante, au nom de Mme Dermerêche).  La nuit, tous feux éteints, il s'essaye à souffrir.  Malgré le petit pot de beurre, il débande dès qu'un doigt, fût-il en plastique, lui effleure la bague.
                Pourtant, un soir au jardin, l'obscurité aidant, Kiki aussi rencontrera papa.  Avec son accent argentin, Daddy lui soufflera à l'oreille "Moi, yé souis oun baisseur… " lui fera tâter son pouce, avant un onzième doigt comme il n'en a pas connu depuis ses quinze ans, depuis le gendarme qui lui cassa le cul derrière le circuit de la prévention routière.

Certains se sont révélés plus tôt.  Jouissant sur la troupe d'un pouvoir d'attraction magnétique qu'ils méconnaissent, ils jouent le même rôle que les mâles dominants dans un troupeau de jeunes singes.  S'essayant comme lui à balancer des hanches, les émules rivalisent d'arrogance sous l'oeil bénévolent du maître, épousent ses colères, ses joies, ses ivresses.  Quand l'Aimant est en rut, ils triquent malgré eux, déshabillent du regard tout ce qui retient son attention, homme, femme, journal, steack-frites, puis se baissent, cul tendu, pour renouer leurs lacets ou ramasser une pièce, prosternés devant leur modèle héroïco-érotique, qui conserve en pissant l'assurance du paysan au dos large, campé les poings sur les hanches.  Ces véritables chefs (qui ne le sont pourtant jamais par le grade) ont des gueules de montagnards, comme sculptées à grands traits de canif dans des bois résineux, le nez cassé, la face plate du crétin congénital.  Un brin de vie maritale et le montagnard grossira, oubliera la parade, sa queue se rétractera faute d'exercice.  Il ne flirtera plus qu'avec les ouvriers du vidéophone et les mécaniciens de la commandanture.

Qu'un livreur de bière, un déménageur de mobilier de bureau., un motard botté en jodhpur se pointe sur leur trottoir en gueulant: " Y'a personne de costaud pour m'aider à décharger?’', aussitôt les Sherlocks, les Kikis, les grands cons, les montagnards se pressent, non pour aider, seulement pour jauger l'homme afin d'évaluer s'il mérite mieux qu'un coup de main rapide.  Les feuks ne respectent que leurs collègues, par obligation, et les soldats ou les pompiers, qu'ils convoquent chaque fois qu'ils ont tapé trop fort, et dont les estafettes rouges déversent une moisson de jeunes athlètes boute-en-train à l'odeur de linge propre.  Dans un langage de signes discrets et hermétiques, ils se témoignent leur complicité rassurante et se réchauffent de l'assurance réitérée de leur admiration réciproque.  Les bleus se palpent la bite pour souligner le discours, se remontent les couilles en rajustant la ceinture du pantalon, rentrent le ventre; les rouges, souriant à pleine dents, tirent sur le caleçon que la transpiration a enroulé en torche dans la raie de leur cul.  Les jeunes pompiers jouent avec les bijoux du feuk,  -trois blondins aimantés d'un bloc par le même-, René, sa masse imposante, et sa grosse voix d'ogre gentil.  L'un tripote le sifflet pendu sur la gauche du noeud, un autre s'attaque aux menottes bouclées négligemment dans un passant du pantalon.  Ils veulent savoir comment ça marche, demandent une démonstration.  René essaye les bracelets au plus flambard des trois, qui feint de se rendre, courbant sa nuque rasée de frais.  A son tour, il veut essayer les poucettes au propriétaire, pour rigoler; il se heurte à un refus tardif mais catégorique: "On joue pas avec le matos'’.  Remis à sa place, le chaton penaud qui voulait chatouiller le tigre recule de quelques pas.  Le capitaine moustachu qui surveillait la scène à travers le pare-brise de la voiture d'intervention, lève les yeux de son rapport.  Un sourire flotte sur ses lèvres tandis qu'il imagine ses hommes attachés au radiateur de la chambrée, au mat d'alerte, suspendus entre sol et plafond, la queue à l'horizontale: "Est-ce qu'ils aimeraient ça?" se questionne-t-il mentalement, le front plissé par l'intensité de la réflexion.  Il se rappelle les avoir vus dans le bus, plaisantant lestement, le plus hardi agaçant de la pointe d'une basket vadrouilleuse l'entrejambe prometteuse de son vis-à-vis; et le camarade de montrer sous le tissu du survêt sa trique, en ironisant: 'Ça me gratte, recommence voir!"
Le feuk les gratifie d'une tape sur l'épaule pour montrer qu'il n'est pas fâché, raccroche ses ronds de bras sur la fesse droite, redresse le carnet à souches vert et rose plongé dans la poche arrière gauche.  Seul le feuk a le droit de jouer avec les instruments de l'autorité.  Son prestige lui commande de faire régner la crainte dans le coeur des petits mâles entreprenants.  Effectuant le ballet des cent pas pour un public qu'il imagine d'éphèbes et de jeunes vierges effarouchées, René tripote sa matraque de latex noir, la tapote, la flatte, la cajole, pense: "j'ai le bâton", murmure, perdu en lui-même: "Tu es toujours là, ma longue, ma noire, ma deuxième queue qui me bat le flanc, comme l'acier lourd du flingue dans son suspensoir imite le poids de mes burnes.  Matraque, ma trique, tu es la preuve patente de ma virilité, ma main glisse sur ton bout rond comme sur mon chibre quand je m'astique.  Je te tiens droite à la perpendiculaire de ma cravate, je te polis par désoeuvrement, je te fais reluire et ma main prend l'odeur de ton caoutchouc chaud.  Quand je ne suis pas content, tu rebondis dans ma paume en claquant, et je te plante doucement comme une pointe de bélier dans mes abdos contractés’'.

Dans l'arrière-cour, où l'on gare les paniers à salade, le grand con dit à son pote:
- Donne-z-en un coup voir comment ça fait.
Et le copain rigolard, éméché par son douzième demi, après avoir tatonné le long du grill costal, flanque un coup de bon coeur, du plat de la batte, sur la ceinture lombaire, où le bourrelet atténue le choc.  Le grand con, tombé à genoux et se tenant le côté siffle entre ses dents:
- Pshhh ... c'est aut'chose que le tuyau d'arrosage ou les coups de bottin. Ça douille vraiment, ça me lance.
                Son pote rigole, ravale l'envie de recommencer, rêve à la prochaine manif, à l'étudiant barbu qui la prendra droit dans les yeuks.

Pendant ce temps-là, rideaux tirés, de cinq à sept, Kiki Roch, enfin libéré, inondé du bonheur d'avoir sauté le pas, découvre l'infini de ses horizons intérieurs.  Couché sur le dos, les fers en l'air en position d'obstétrique, mâté par un gigolo bronzé coupé para et costaud, qui le laboure avec sa propre matraque, il psalmodie: "Carre-la moi bien profond'.  Les feuks n'emportent pas à la maison le matériel administratif?  Et qui te dit qu'au fond de son sac de sport, Kiki, déçu de la minceur de son gode, n'a pas gaulé le stick du voisin, ramassé sur le plancher du car ou dans le fouillis du magasin d'habillement?  Preuve en est qu'il a le bâton au cul, sévèrement logé, qu'il couine aux soubresauts brutaux de la main qui le dirige et fait suinter sur sa surface ordinairement mate, l'huile de cuisine qui en permit l'entrée.
- Je suis encaldossé, Sauvagement Introduit Dans l'Anus (humour feuk).  Putain, j'ai envie de chier, chante Kiki dans son extase.


Un car de feuks d'un autre district jette ses amarres aux pieds de René qui porte ironiquement la main à son képi et salue.  Mais il rajuste la visière, bas sur ses yeux pour se donner l'air rosse.  Les confrères, les étrangers, descendent du car à la queue-leu-leu dans leur tenue près du corps intensément marine, aux soyeux reflets noirs.  La lumière s'accroche à la languette de métal du fermoir des braguettes flatteuses quand le paquet est porté haut, fermées à l'inverse d'une coquette ordinaire, lorsque la pièce de métal est en base.  Rangeos, calot, les intrus portent la tenue état de siège ou match international.  D'habitude René n'est pas sectaire, il cause même aux cons, mais ceux-là qui viennent squatter sa cantine et le snobent de leur air affairé et supérieur, qui débarquent à quarante, comme sur un parking d'autoroute, pour pisser leur litre dans les quatre urinoirs du rez-de-chaussée, tous les feuks du 22 immédiatement les vomissent.  Ils ragent en écoutant l'interminable bruit de cascade qui emplit tout le poste, gêne les conversations, parasite les téléphones sans fil.  Dans une atmosphère d'orage électrique, les feuks, comme des chiens désemparés, tournent en rond, grimacent en respirant l'odeur de l'urine étrangère qui marque leur territoire, ragent de n'avoir pu ridiculiser les visiteurs impromptus en alignant les plus grosses quilles du feukmissariat, celles dont ils parlent entre eux, par radio sur ondes courtes.
Regroupés en une haie menaçante à l'extérieur, devant la porte (ils ont préféré abandonner leurs positions plutôt que de se laisser humilier dans leurs locaux), les feuks spoliés attendent que ressortent leurs collègues indélicats.  A mesure que l'ennemi défile, des sourires goguenards fleurissent dans l'assemblée, car la moitié des gars, oubliant qu'elles se closent en sens contraire, ont machinalement rouvert leurs braguettes en croyant les fermer.  C'est un florilège de pointes timides apparues dans l'entrebâillement, slips de coton blanc, bleu-ciel, bleu-roi, kakis, noirs, auréolés des taches humides d'un égouttage hâtif.  Les feuks rigolards regardent défiler les boys, et les voient, aussi soulagés qu'eux, s'engouffrer de nouveau dans le car qui démarre aussi sec.

Les feuks s'imaginent en loups solitaires.  Souvent leur vie personnelle se limite à leur fonction; ils ne forment de couples qu'avec d'autres employés des administrations car le commun les déteste.  Eux, par réaction, jouissent de cette abjection.  A l'heure des repas, ils partent en virée ensemble, à neuf dans une voiture étroite.  Ils sifflent les filles pour se donner du courage, se lancent des défis au pastis sur les zincs  des cafés, s'acharnent par quatre sur les flippers.  Ils ne  fréquentent que les bars, les gargottes, les hôtels pour  feuks, où ils peuvent traiter discrètement entre eux leurs  affaires louches.  En vacances, quand ils ne chassent pas, ne pêchent pas, ne repeignent pas au noir le plafond d'un voisin, ils se reçoivent les uns les autres avec belotte ou tarot à la clé.  Affalés sur des sofas à fleurs, au milieu des canettes de bière, ils commentent les matchs et chantent les chansons qu'ils ont apprises en surveillant les supporters des stades.  Ils resserrent les liens indissolubles de leur union, ils sont les bataillons d'élite de la Force, ils éliminent les faibles qui s'insinuent dans leurs rangs en les livrant aux foules hurlantes des stades.  Ces complots de corps de garde restent ignorés des chefs, car ce ne sont pas les trois galons sortis des écoles qui commandent.  Le soleil autour duquel voguent tant de satellites, l'Aimant principal, c'est au plus bas de l'échelle, le gardien de la porte qui déambule en titubant en une danse savante rythmée par quelques rots.  René ne prétend pas à mieux: entre tous les boulots, il choisit de préférence la garde statique, fonction de représentation qui, lui semble-t-il, ajoute à sa beauté et correspond à sa nature profonde de contemplatif.

Dans sa jeunesse, René faisait du sport.  Il était lutteur et pilier d'une équipe de rugball:
- Je t'ai déjà dit, la main bien sur les burnes, hésite pas, prends le paquet, que je me sente protégé puisque je porte pas de coquille.
   Déjà roublard et déluré, il aimait les coups en traître et les dessous de mêlée, faisant parier l'équipe avant chaque rencontre sur le nom du joueur à qui, dans le feu de l'action., il tirerait les oreilles ou ficherait un doigt au fion.
      Un jour qu'il a vraiment mangé chaud ('Vas-y, force sur la vaseline, putain ils m'ont saccagé le pif, ces cochons!.. -Et, de fait, il était resté à demi-sonné sur le terrain, goûtant le sang salé qui lui pissait du nez, les mains instinctivement groupées sur la bite, cinq bonnes minutes à voir double dans un brouillard traversé de lucioles), l'entraîneur qui sait qu'il a besoin de boulot pour pas finir dealer, lui présente un Contrôleur de l'Ordre, un feuk de la haute en costard de ministre.
Sa première casquette fut celle de chauffeur.  Mais à force de rouler sa bosse dans la même caisse, on en vient vite à garder le corps.  Dans les chambres d'hôtel de province, aux lits jumeaux, le Contrôleur de l'ordre perdait le sommeil à le regarder dormir.  René, vers le matin, repousse ses couvertures à cause de l'atmosphère surchauffée; au réveil il a toujours la gaule, et en frottant contre le tissu, la trique finit par trouver la fente du pyjama.  Le Contrôleur perd tout contrôle.  Un matin René se réveille la bite dans la bouche du patron.  Il comprend tout de suite qu'il mérite une augmentation.  Il allonge aussi un pain, car il tient à rester maître de son fond de commerce.
                   Les soirs de troisième mi-temps c'est le patron qui fait le chauffeur pour lui; il le recueille bourré, éructant des chants profonds du sud, et l'emmène dans son pavillon de chasse.  Il passe la nuit à l'admirer sans oser le toucher.  Ils se regardent de loin se branler l'un après l'autre.  Le Contrôleur prend des photos de sa queue, de ses couilles, du trou du cul, des gros plans de ses mollets et de ses cuisses, il renifle ses chaussettes de sport sales, lèche le slip dans lequel il a sué pendant le match, récolte son sperme dans une tasse.  Il l'appelle "Nounours'’ et René lui donne du "Poupée’'.  "Poupée’’ voudrait bien l'installer à la maison.  Son rêve secret serait de lui faire baiser sa femme:
          - Moi j'ai rien contre, si t'es pas jaloux.  Je veux dire jaloux de ta femme quand elle l'aura dans l'os.
Il l'introduit à demeure en tant qu'homme à tout faire.  René prend l'appellation au sérieux, baise la patronne le vendredi pendant que le mari l'encourage:
             - Monte la côte, mon pote.
   Le Contrôleur, dont la frustration s'exacerbe, rentre un soir trop tôt du bureau; il trouve René en train de niquer son cadet de quatorze ans.  Il entre en rogne, suffoque, succombe.  Le coeur!..
                   Poussée à la reconnaissance au su de ses états de service, la veuve intervient pour qu'on lui   trouve un revenu régulier, un boulot dans la grande famille.  Il a été muté au 22 le jour de ses vingt-huit ans.


   Agissant avec prudence et discrétion, René n'a jamais sollicité d'avancement.  Les responsabilités l'irritent, et il a vite compris comment profiter de sa position pour arrondir ses fins de mois.  Avant la promulgation des lois de ségrégation sexuelle, il faisait un peu le maque.  Maintenant il trouve moins usant de revendre de la dope ou de prendre son pourcentage sur les coups qu'il indique.

Pour éviter les confusions., René a cloisonné sa vie.  Il occupe au moins trois maisons.  Il loue une chambre délabrée sur Cimetery Lane pour traiter ses affaires.  Il squatte un appartement dans la Zone des Marchés où il donne rendez-vous aux coups qu'il raccole sur les réseaux informatiques (et c'est pas les clients qui manquent ... ). Il occupe aussi son logement de fonction dans le district 22, au sein d'un ensemble exclusivement réservé aux feuks.  Même volets clos, il ne peut pas y faire grand-chose, tant ses voisins, par déformation professionnelle, surveillent les silhouettes qui se trimballent en slip dans la lumière électrique.  Lui-même, tapi derrière les doubles rideaux à cet effet perforés, épie les poulets d'en face, allongés devant des films saisis par les Moeurs, où l'on voit des femmes se faire éteindre des mégots de joints sur la poitrine.
C'est dans sa résidence officielle qu'il invite, pour les soirées de grande finale, les collègues dont il se demande encore si c'est du lard ou du cochon.  Depuis quelques temps, il file le train en patrouille au petit lot qui l'aguiche de ses grands yeux de poisson.

Il lui fait, comme aux autres le coup de l'amitié franche et virile.  Le poisson s'enferre tout seul dans ses filets, frétille en anticipation et s'excite sur le sport pour justifier sa nervosité:
              - Quel joueur ce Lagaule, on n'en a pas vu comme ça depuis Sabez ou Duglandier.
- Ouais, l'a du jus, ce gars-là, siffle René en décapsulant une nouvelle boite de bière.
S'il est bien décidé d'avance à ne pas en tâter, René prend plaisir à faire monter la sauce et à diriger le spectacle.  Lagaule plonge dans l'en-but.  Le poisson se contorsionne et crie "Oh, putain, l'enculé!’' Il manque d'air comme le mot lui échappe, et la barre se précise dans son jean délavé.  Il dévore des yeux les jambes des piliers, le renflement médian qu'accentue la coquille sous la satinette rouge des shorts.
- T'aimes la lutte? lance René négligemment.  Marrant, entre copains ...
René ferme les volets.
- J'ai fait partie d'un club avant.  J'ai un tapis roulé sous le lit si ça te dit d'essayer.
      Il sait qu'il peut maintenant mener le mec par le bout du noeud.  Il veut le chauffer à blanc,   lui saisit à pleine main l'entrejambe, profite de son innocence pour l'abuser sur les règles, le met à quatre pattes en position de passivité, frotte la boule de son paquet contre son cul., tire sur la ceinture pour que la trique du partenaire, échappée au slip, rippe contre la boucle, qu'un quart de gland surgisse, tout luisant des gouttelettes de mucus qu'il sécrète.  Et là, stop!
- Resserre ta ceinture, nom de dieu, ce que je transpire! fait René en montrant les auréoles qui détrempent sa chemise.  Si on se regardait plutôt un porno en cassette?
Persuadé que le confrère n'osera pas se palucher sous ses yeux après la douche froide qu'il vient de prendre, mais que la trique continuera à buter douloureusement contre la braguette, René s'amuse des regards plein d'espoir que le compagnon jette sans cesse vers son entrejambe, pour voir si l'effet visuel de la double pénétration a des chances de jouer en sa faveur.  Mais René demeure impassible.  Il ne baise pas l'autorité, il n'encule pas les feuks.  Il les allume seulement.

                Quand l'homme-poisson sera reparti se branler ailleurs, la queue basse, René lui choisira un successeur à qui il tendra un nouveau piège amical.  En refermant la porte sur son pote dépité, il étudiera la possibilité de faire baisser son froc au gros cul des montagnes, par le stratagème d'une partie de pêche en rase campagne, avec thermos de café additionné de laxatif et d'un demi comprimé d'X-tasy.
Pour l'heure, seul devant son miroir dans la demi-obscurité, il s'offre sa séance quotidienne de narcissisme.  Pressant ses paumes l'une contre l'autre, il fait gonfler ses biceps, roule des épaules, rentre le ventre pour vérifier qu'on voit encore jouer ses abdos relâchés.  Il se caresse l'intérieur des cuisses à rebrousse-poils, se demande s'il serait plus séduisant avec cinq centimètres de queue supplémentaires.  Il la trouve belle mais un peu petite en proportion de la masse couillue qui déforme tous ses pantalons d'uniforme. Il boucle sa cartouchière sur ses reins pour mettre en valeur le relief de son cul carré.  Un frisson l'électrise devant tant de virilité concentrée en un seul homme.  Une image dérangeante s'impose à son esprit, une video offerte par Doomsday, un film dans lequel un grand rouquin monté comme un âne se suce lui-même la bite, une séquence sur laquelle il se branle en boucle jusqu'à ce que sa queue irritée lui fasse mal et qu'il s'écrie en jouissant "Petit con!' à l'intention de l'acteur qui poursuit sa besogne.

Kiki Roch, enculé jusqu'à mi-matraque, demande au basanné qu'il a ramené à l'hôtel, d'enfiler le haut de sa tenue de feuk.  Il allonge 500 de plus sur la table de nuit bancale, dix pour cent de son salaire mensuel pour le trip de sa vie.  Il attend, emmanché, accroupi devant le miroir cassé.  Déguisé en son double, le gig tapote le bâton noir dont le plastique amplifie les vibrations sourdes.
- Empale-toi sur l'autre bout ... Sans bander, je veux pas que tu bandes ...
Le gig renifle un coup de poppers, se plante avec dextérité sur la poignée de l'objet, tirant des larmes à Kiki qui slalome pour éviter la perforation, la poussée mortelle.  Leurs culs se rejoignent peu à peu, ils glissent en cadence sur le rail.  Rocky grimace à chaque navette du cordon d'attache qui lui rape le sillon.  Le faux feuk prend des polars au flash dans la porte vitrée de l'armoire.  En éjaculant, Kiki gueule: 'Maintenant tu voudrais pas me raser la tête?'

Pensif, le gardien de la porte roule dans sa gueule de Napoléon à la petite semaine, une sucette ronde pour éviter d'allumer une sèche.  Il esquisse autour de la borne de stationnement un pas de madison, la considère un instant l'air absent.  C'est l'heure du repos et du désoeuvrement.  Inconscient du geste qu'il accomplit, il s'assoit sur le petit bout du cône orange, s'y installe à son aise, le fait osciller d'avant en arrière.  Il éprouve un plaisir pur, animal., à se gratter l'anus à travers le tissu, sans penser qu'il éveille les soupçons du vis-à-vis.  Lassé du jeu, il se lève, remonte son fut, et disparaît à l'intérieur du feukmissariat, du pas incertain et arqué du cavalier tout juste descendu de sa monture.



                                                          "L'homme est toujours plus joli avec une casquette sur la tête’'.

                                                                                                Lebrac   Pensées intempestives

         
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Les mains sur les hanches, R.P. pisse dans son lavabo, contractant le ventre pour moduler le jet.  Je ne peux m'empêcher de me mordre les lèvres.  La miction semble lui causer une douleur passagère.  Il se secoue pour éliminer les dernières gouttes, tire sur la peau, examine son gland grisâtre et essuie une ultime larme dans sa pogne qu'il sèche contre sa cuisse.
- Parait qu'en haut lieu on s'est penché sur mon cas et mon petit commerce.  T'en n' aurais pas entendu parler, des fois?
Je prends mon visage le plus innocent.  R.P. me toise, le slip proéminent, à quelques centimètres de mon nez comme s'il me soumettait au détecteur de mensonges.  Je ne moufte pas.  J'ai pourtant moi-même décroché le téléphone bleu, la ligne directe avec le paradis, pour les avertir qu'il distribuait les nouvelles drogues illicites: « son nom est René Proctor, il est keuf dans le 22.  Un sujet d'expérience résistant, ai-je ajouté.  Hétérosexuel, en contact avec les milieux terroristes, tout à fait ce que nous cherchions ».  Il y a plusieurs façons de se servir des gens...

- Tu as des ennuis?


- Tout ça s'est terminé par un stage à la clinique Unsinn.  On m'a injecté ça (il me tend une ampoule), une

nouvelle substance, pas des plus rassurant, ils appellent ça la Mort Rouge.  Parait que je n'ai rien à craindre

que je suis seulement le véhicule du truc.  Je suis devenu contaminant pour tous mes partenaires futurs.  Je 

suis chargé d'infiltrer les anti-gouvernementaux.  Moyennant quoi on me fournira les doses d'antidote.

Je retourne l'ampoule entre mes doigts.  Je connais bien le produit, la dernière trouvaille de Doomsday Chimie.  Il n'y a pas d'antidote à terme.  La sagesse veut que je renonce à tout espoir de contact intime avec R.P. Tant pis! c'était foutu d'avance.  Son refus l'a tué.
- Je peux me laver les mains?
L'eau coule sur mes doigts et chasse les dernières gouttes d'urine restées accrochées au lavabo.  R.P. me regarde faire, songeur.  Se doute-t-il de quelque chose?

- Je me demande pourquoi je t'ai prévenu.  J'aurais dû te laisser venir et t'enculer à sec.  Et hop, en deux mois tu aurais été couvert de boutons et d'ulcères.  Une grosse ordure de moins.  Tiens, tu veux me sucer?
Je regarde sans réagir sa bite qu'il m'exhibe.
- Tu sens la pisse.
- Depuis quand t'es dégoûté par les odeurs fortes?
- Est-ce que je risque quelque chose à te lècher le cul?
- Te fatigue pas, va ... Y’a aucune chance que je prenne mon pied avec toi ... Ce matin, avec les collègues, on est tombé sur un nid: trois mères et cinq filles de rebelles.
R.P. rêve encore à la scène.  Comme je suis déjà chargé, je perçois certaines de ses pensées:
Troisième sous-sol du keufmissariat; les femmes sont couchées, ventre contre les tables de fouilles, jambes pendantes, enchaînées et fermement maintenues en position par ses collègues.  Certains ont tombé la veste et relevé leurs manches de chemise.  Pour faciliter le travail de R.P., promu incubateur, ils écartent le con des résistantes, ouvrent la vulve avec leurs doigts qu'ils relèchent.  Jouissant de l'opportunité d'accomplir un acte prohibé, certains fourrent les jeunes récalcitrantes, déblayant le terrain pour l'insémination létale.  René admire le style de ses petits gars, toujours partant au débotté.  Il vient regarder les saillies de près pour entretenir sa trique, pince un clitoris par-ci, tord une lèvre par là.  Le moment approchant, il pénètre les filles l'une après l'autre, quittant le con après chaque giclée pour fourbir le suivant avant de mollir.  Un pote obligeant le suce à travers une feuille de plastique et la scène se répète trois ou quatre fois, tant qu'il est en mesure d'ouvrir les vannes.

- Tu ne voudrais pas porter une bio-caméra?  On ferait un reportage épatant.  Tu serais intéressé aux bénéfices.
- Laisse tomber, je peux pas bander sous surveillance. Prends ta dope et casse-toi.  Faut que je retourne au taf.

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