vendredi 1 mars 2013

Tout est O-K à K-pital City 04





                La CO.M.I.K (Compagnie Maritime Intérieure K-pitaline) possède le monopole du transport sur le Léssépissé.  Organisation administrative et paramilitaire, elle exige des ressortissants libres des Terres du Milieu qu'ils s'engagent pour une campagne de trois ans en échange d'un passeport pour la City.  A l'incorporation, l'aspirant s'acquitte d'un don en nature.  C'est pourquoi Scott remit au commandant un jésus destiné à l'équipage.
- C'est un mâle émasculé au moins?  Par souci de moralité nous n'admettons pas d'enfant de troupe entiers.
D'une patte velue, le gradé vérifie que le môme est bien eunuque.
- En général, dans la Marine, nous élevons nos propres larbins de plaisir.  Je le prends pour mon service personnel.  Suivez le recruteur.
L'officier-recruteur, le lieutenant Bullshit, occupe un quartier de l'infirmerie.  Il est le cinquième remplaçant du médecin-chef attendu depuis six ans sur le croiseur.
 - La CO.M.I.K. n'incorpore que des étalons, dont vous êtes, bien sûr.  Veuillez en produire la preuve.
Les lèvres figées dans un sourire d'antîcipation impatiente, le lieutenant lorgne les reliefs du short.  Scott se dégraffe.  L'officier recruteur soupèse les couilles fermes.
- Je constate que vous n'êtes pas circoncis.  La CO.M.I.K. impose usuellement l'opération à tous ses membres.  Vous verrez, cela se déroule dans le meilleur esprit.
- La nature de ma mission ne permet pas qu'on porte atteinte à mon intégrité physique.  L'ordre écrit du Grand Superstitieux l'atteste.
L'officier en prend connaissance:
- En ce cas, vous serez livré à vos pairs afin qu'ils décident des suites à donner à votre voeu d'engagement.  Je dois vous avertir que les officiers supérieurs n'ont aucun droit de regard sur les pratiques de la troupe, et nieront même, le cas échéant, en avoir eu connaissance.
- Je dois passer de l'autre côté.
- Libre à vous.  Vous êtes greffé, naturellement?
L'officier branche l'émetteur-radar de l'infirmerie pour contrôler que le greffon capte correctement l'onde de reconnaissance des sujets libérés.

- Il est de mon devoir de vérifier l'implantation.  Veuillez vous pencher.
Le lieutenant Bullshit saisit une petite torche électrique et se trempe les doigts dans un godet de gel translucide.  Il pratique avec adresse un toucher rectal en plongeant deux doigts lubrifiés dans l'ouverture fraîchement cicatrisée que Scott dégage en s'écartant les fesses.  De la pointe de l'index, l'officier vérifie la grosseur de la boule, l'absence de signe de rejet ou d'infection.
- Bien, si l'équipage en décide ainsi, vous serez bienvenu parmi nous, matelot O'Kief.

                Scott est relégué à fond de cale.  D'antiques bracelets de fer chargent ses chevilles et ses poignets.  Dès qu'il s'endort, il est visité par des marins qu'il ne voit pas.  On le roue de coups de poings et de pieds.  Certains marquent une préférence pour son entrejambe.  Quoi qu'il arrive, il lui est interdit de parler.  La plupart du temps il en est empêché, car il a la bouche pleine.

Rite d'expiation: Trente marins ont pris place de chaque côté de la coursive.  Leur sweater blanc dessine leur musculature puissante.  Ils ont été choisis pour leur force et le volume de leurs biceps.  Chacun est armé d'une badine souple.  A les voir alignés au garde-à-vous, force est de constater qu'ils sont tous-entiers, le pont du pantalon soulignant leur queue rangée à la verticale.  Scott doit traverser le couloir cassé en deux sans se relever.  Les salves de soixante coups pleuvent sur son dos et ses fesses.  Il effectue trois fois le parcours.

Rite d'intégration: On le fait nager dans une cuve d'huile chaude qui alimente la machinerie.  La même huile tiède lui est ensuite administrée par lavements pendant qu'on chronomètre combien de temps il est capable de la retenir.

Rite du sel: On lui fait avaler une décoction de piment et de sel marin.  Sa soif n'est étanchée que par 1'urine.  A l'occasion, il boit aussi sa propre pisse.

Rite de l'eau: La verge ligaturée par des cordons étroits, l'impétrant est contraint d'ingurgiter plusieurs litres de liquide.  On lui masse l'estomac pour obtenir un remplissage satisfaisant.  Ses danses de douleur provoquées par la miction impossible déclenchent l'hilarité générale.

Rite de soumission: Pendant trois jours, nu, à jeun, il sert de chiotte aux trois cent soixante-cinq membres de l'équipage.  Quand l'envie leur prend de se soulager, ils viennent lui chier dessus, souvent en groupe.  Il lui incombe de les torcher avec sa langue.

Scott s'est montré humble et serviable: il est admis.  Après la remise de l'uniforme, les plus chaleureux de ses nouveaux camarades l'enculent en signe d'amitié.

              
A l'issue de ses épreuves, Scott est de nouveau convoqué devant le recruteur pour signer les décharges.  Le lieutenant Bullshit le reçoit avec empressement:
- Si tu as besoin de soins, je suis à ta disposition.  Je sais que le chemin n'a pas été facile.
Ouvrant largement sa blouse, le lieutenant descend la fermeture à glissière de son short et montre à Scott sa queue encapuchonnée d'un long prépuce.
- J'ai encore les marques des badines sur les épaules, et des épines dans le dos.  C'était aux confins de la Grande Terre, où ne poussent que des forêts de ronces.  Le quartier-maître m'a dit "A poil".  Quand j'ai été nu, il m'a couché sur les éribas, et puis il m'a dansé dessus.  Les éribas m'avaient fait des plaies.  Un matelot a hurlé "On va te guérir", et ils m'ont passé de la teinture d'iode sur les blessures avant de me mettre quatre jours au noir.
La casquette baissée sur les yeux, Scott s'agenouille par gentillesse et lèche le bout courtaud de la queue du recruteur dont les tremblements nerveux font tinter les éprouvettes.  Il sent sous sa langue deux excroissances verruqueuses dans le corps de la verge, mais il suce sans poser de questions.
- C'est bien d'avoir le sens de la hiérarchie, commente Bullshit en éjaculant.
Il s'essuie dans un coin de sa blouse et Scott se relève en lèchant la moustache laiteuse dont l'officier lui a décoré les babines.
- Nous sommes deux du même bord maintenant, et j'ai justement besoin d'un assistant.

Comme tous les natifs des Terres du Milieu ou d'Insulamajor, Scott ignorait qu'il existât un monde au-delà du Léssépissé.  La CO.M.I.K. a pour mission de réunir divers renseignements que les satellites ne sont pas en mesure de fournir.  Le médecin de bord est chargé du prélèvement d'échantillons biologiques dont l'analyse permettra le dépistage précoces d'épidémies nouvelles avant qu'elles n'atteignent les portes des cities.  La réunion d'une telle collection, impliquant des contacts réitérés avec toutes sortes de miasmes, provoque de fréquentes vacances du poste de médecin, le plus souvent occupé par des officiers subalternes sans réelle formation scientifique.
En tant que membre du détachement médical, Scott eut l'occasion d'étudier les coutumes primitives de diverses sociétés insulaires retournées à l'état sauvage:


A Catzonero, les marins rencontrèrent un peuple à peau bleue gouverné par les Mères.  Ils regardèrent le jeune homme couché sur la pirogue renversée, mâchant les feuilles sédatives, et les mâles au visage décoré d'arabesques de poudre jaune qui s'affairaient sur son dos, découpant la peau à l'aide de lamelles de bambou, bourrant de terre rouge les incisions rituelles pour qu'elles ressemblent aux écailles des reptiles, creusant dans la surface rebondie des fesses de profonds sillons verticaux et parallèles.  Les marins émus y reconnurent quelquechose de leurs propres coutumes.  Puis ils virent l'initié titubant conduit dans la maison des Mères où ils ne furent pas invités à entrer.  L'initié en ressortit, les mains sur le moignon enrubanné de feuilles après que les sorcières lui eurent sectionné le gland à la machette.

A Perineum dans la mer des Pleurs, ils filmèrent une population d'échinodés mutants.  Il était né parmi eux une fillette saine qu'ils adoraient avec terreur avant qu'elle fût nubile.  Pour honorer les visiteurs, ils montrèrent comment il était d'usage de déflorer les vierges, par l'intermédiaire de bâtons poisseux enduits de fourmis combattantes. Les hommes-étoiles lui bouchèrent l'autre voie avec un oursin-crayon avant de l'offrir aux explorateurs, s'indignant toutefois que ceux-ci renonçassent à l'étrangler dans l'orgasme.

Chez Phallis, la reine aux cent épouses, on les arrêta sur le port.  Les femmes, ayant acquis les techniques de la parthénogénèse, sacrifiaient leurs rejetons mâles à une idole d'acier dont le phallus creux contenait des braises.  Leur loi proscrivant le meurtre, elles livraient les éphèbes cautérisés aux navigateurs, sous condition qu'ils quittassent leur rivage sans chercher à pénétrer dans la citadelle.

A chaque escale, poussés par l'appât du gain, de la nourriture, par la volonté de survivre, des hommes tentent d'intégrer la flotte.  S'ils se révèlent finalement inaptes, ils font au moins office de cobaye pour les expériences et les prélèvements.
Scott assiste le lieutenant Bullshit durant les interventions d'incorporation.  Le lieutenant, que son métier passionne et qui se prend pour un chercheur, s'inspire de ses observations tribales pour apporter de la variété à ses techniques opératoires en matière de posthectomie.  Réservant ses instruments modernes et ses produits anesthésiants pour des interventions plus nobles, il use sur les postulants de couteaux de silex et de pierres taillées.  A la terreur de la victime, il ne manque pas de raconter comment il a assisté à l'écorchement rituel du membre jusqu'au milieu du ventre lors de veilles de mariage dans les forêts humides.
Souvent, son imagination l'emporte.  Il tente la péritomie à la chaux-vive ou au bain d'acide.  Si l'opération tourne mal, il ampute.  Quand certains sujets excitent son sadisme, il fait durer le plaisir, prélevant chaque semaine à la scie à métaux un fragment du reliquat préputial, jusqu'à son ablation complète.  Il excise le frein en décollant à la scie-sauteuse la membrane mince.  Ceux qui passent entre les mains de Scott ont plus de chance: plus vite débarrassés, ils retrouvent le soir-même les reliefs de leur opération dans l'omelette.

L'officier de santé note dans son rapport: "le chef de clan vient chercher l'initié, choisit un emplacement en plantant un bâton dans le sol autour duquel plusieurs hommes font cercle.  De leur dos réunis, ils forment un dôme sur lequel le garçon est étendu et opéré: le sang qui s'écoule est recueilli dans un récipient et la plaie pansée; les assistants se saignent à leur tour et partagent le sang avec le circoncis qui est tenu d'en boire la plus grande partie.  Les prépuces résséqués consacrent des chapelles phalliques ou sont fixés à des feuilles de bananier, cloués au noyer sacré, ou séchés et cuits pour être servis aux filles (coutume répugnante qui suffirait à elle seule à justifier l'instauration de Semenciaires dans les Terres-Fantômes)." La peuplade voisine ajoute à cette première étape l'ingestion de chaux-vive qui provoque, outre les brûlures, de forts vomisssements.  Les étapes de la reconnaissance sociale sont marquées selon les tribus par l'excision des mamelons, l'écrasement du testicule gauche, le tatouage ou le limage des dents, révulsion des incisives.

Allongé sur sa couchette, le short négligemment ouvert, aspirant les bouffées roses d'un joint au kerosen, soignant sa toux d'un godet d'alcool pur et d'éther, le lieutenant Bullshit se chatouille le méat de son auriculaire sans ongle enduit de vaseline.  Autrefois il s'est lui-même élargi l'ouverture pour uriner plus droit et pouvoir faire circuler dans le haut de l'urètre sa dernière phalange.
Devenu intime avec son assistant, il demande à Scott de lui introduire des bougies rigides de plus en plus volumineuses.  Sa queue, d'abord flasque, se tend à mesure que la tige progresse, prend du corps le long de la sonde tandis qu'il s'agrippe au sommier de fer de sa couchette, les yeux révulsés, le souffle douloureux et court, le bassin en avant afin que Scott le branle doucement le long du tube.

Scott lit à haute voix le précis de chirurgie intégré au programme de l'ordinateur de l'infirmerie:

"Il existe de nombreux uréthrotomes; le plus pratique est l'instrument à lames changeables.  La bougie armée choisie doit posséder une armature renforcée afin de ne pas se briser dans le canal pendant l'acte opératoire; l'introduction des bougies, explorateurs, etc. peut être rendue impossible par l'étroitesse du méat.  Il est nécessaire de pratiquer une méatotomie soit avec un bistouri, soit avec le méatotome qu'on introduit fermé dans l'urètre.  La lame regarde la ligne médiane inférieure ou paramédiane afin de ménager le frein.  Le méatotome est ouvert au degré de dilatation que l'on désire et la lame est fixée par un tour de l'écrou placé sur le manche.  La verge est tenue de la main gauche, l'instrument de la main droite.  On retire rapidement le méatotome, qui sectionne la partie inférieure.
La verge est saisie entre le médius et l'annulaire de la main gauche, tandis que le pouce et l'index entrouvre le méat par pression sur le gland.  La bougie est introduite dans l'urètre, et la main gauche attire fortement la verge en haut, pendant que la main droite fait lentement progresser la bougie.  Sur la bougie, on visse une tige métallique droite, fine, longue de vingt centimètres environ.  Cette tige est introduite doucement de huit à dix centimètres dans le canal; elle pousse la bougie devant elle dans la vessie.  La tige retirée du canal est dévissée de la bougie qui reste en place, le conducteur canelé de 1'urèthrotome est vissé à sa place.  Le chirurgien introduit la lame coupante dans la cannelure du conducteur et vérifie son parfait engagement et son facile glissement.  L'aide tient le conducteur vertical par l'anneau; le chirurgien, de la main gauche, saisit le gland, l'élève, le fait monter le long de l'instrument; de la droite, il saisit fortement le bouton de la lame.  Recommandant à l'aide de tenir le conducteur ferme, le chirurgien, brusquement, d'un seul coup, pousse la lame à fond, jusqu'à ce que son bouton vienne buter sur le conducteur; un petit temps d'arrêt, et, d'un seul coup, il retire la lame; elle a coupé à l'aller et au retour."

- La description parait tentante, dit l'officier, mais il est nécessaire de faire preuve de prudence en ce qui concerne la masturbation endo-urétrale.
Et pour preuve, il raconte l'aventure du quartier-maître qui s'était peu à peu ouvert le sexe en deux parce
qu'il ne pouvait s'empêcher de se branler par l'intérieur avec une mèche à bourrer les fusils, et qui, une fois amputé de son appendice plat, mourut de continuer à se ficher l'appareil jusque dans la vessie [1].

A Rionero les marins virent des indigènes s'ouvrir et se fendre la verge, persuadés qu'ils étaient qu'un minuscule poisson épineux s'était insinué dans le canal et déclenchait leurs intolérables douleurs somatiques.  D'autres, paniqués à l'idée que leur pénis puisse se rétracter à l'intérieur de l'abdomen y suspendaient des fruits et des poids cousus sous la peau, dans l'espoir d'éviter le fatal glissement.

A Skoptsy, ils furent reçus à bras ouverts par une communauté d'hommes blancs, gras et imberbes, accompagnés de femmes aux seins coupés.  Ils couvrirent les visiteurs de bijoux et de richesses, les régalèrent d'abondance pour endormir leur méfiance, et les mirent à coucher dans les plus belles salles de leur palais.  Profitant de la nuit, ils attaquèrent les marins par surprise, prétendant leur faire connaître la clef de l'enfer ou de l'abîme.  Vaincus ils assurèrent n'avoir agi que par zèle religieux, désirant contribuer au salut de leurs hôtes, et les supplièrent encore do se soumettre au sceau impérial, comme tous leurs dignitaires, en acceptant qu'ils les transformassent en eunuques.  Comprenant enfin qu'ils n'obtiendraient rien, ils pensèrent sauver leur vie en offrant aux étrangers de violer les hommes du petit sceau, qui ayant conservé leur membre, étaient regardés comme infâmes.  Les natifs ne cessèrent d'implorer Dieu tandis qu'ils enduraient leur martyre.
- Qu'est-ce que Dieu? demanda Scott au marin qui partageait avec lui le cul de l'indigène.
- Un hochet pour les peuples sans ordre, répondit le matelot contigu dans un soupir d'aise, car les culs de chapons sont étroits et souples.

Scott n'a pas d'instruction religieuse: il connait les fonctions vitales; boire, manger, chier, dormir, souffrir.  Son existence se limite à cet échantillonnage rudimentaire et à l'attente absurde d'un plus long sommeil qui le dégagerait de la douleur d'être.  Jamais il ne lui est venu à l'esprit que quelqu'un ou quelquechose puisse être le créateur de ce marasme.  Et si l'on désigne un responsable, l'idée de lui rendre grâce lui paraît plus absurde encore.

Incirconcis, Scott ne peut être initié aux mystères.  Il sait par ouï-dire (pourtant le plus grand secret est de mise lorsqu'on s'adresse aux profanes) qu'en certaines nuits sans lune, des rites dont il est exclu se déroulent au plus profond du ventre du navire.  Il ne manifeste aucune curiosité à l'égard des épreuves qui lui sont épargnées.  Mais il voit souvent ses camarades auto-mutilés ou martyrisés par leurs coreligionnaires venir se faire soigner à l'issue des cérémonies, et ces hommes à qui il fait du bien, se confient facilement en transgressant leurs voeux.
Imitant toutes les communautés militaires, la marine de K-pital vénère une divinité qui lui est propre.  Cette idole, qui symbolise la puissance ultime, l'arme absolue, c'est le Dieu-Champignon, représenté par le sigle en forme d'oméga, porté à l'abri des regards, enfoui dans le slip, accroché à une cheville de bois fichée au travers du gland.
Dernier culte exclusivement viril, l'adoration du DieuChampignon se manifeste à travers la vénération du pénis dépouillé de peau, dont la forme se rapproche de la structure du fétiche.  Les marins à l'affût débusquent aux douches les futurs initiés de leur religion phallique, saluant comme un prodige l'apparition parmi eux de recrues à la hampe fine couronnée d'un gland en parasol qui la déborde largement.  Pour tenter d'obtenir artificiellement un tel résultat, ils se garottent la bite, de la base au frein dans des bobines serrées de ficelle ou de laiton tressé.  Parfois pour des exercices d'abstinence qui n'excluent pas l'usage de leur cul comme garage à champignons, ils se plâtrent les organes génitaux dans un bandage piriforme lesté de morceaux de plomb.
Réunis nus dans la chaufferie, leur corps maculé de traces de charbon et rougeoyant dans l'éclat brûlant des flammes, les marins révèrent le Dieu qui réside dans leur bite.  Leurs noms d'initiés déclinent toutes les variétés mycologiques, bolet, chanterelle, psylo, amanite, attribués en fonction des patentées morphologiques.  Suant et soufflant de conserve, ils s'efforcent de donner de l'espace vital à leur Dieu en étirant jusqu'aux limites de la rupture leur totem personnel.  Fistuline, dit Langue-de-Boeuf, s'est coincé le gland entre les mâchoires étroites d'un étau: en équilibre sur les talons, il se penche de tout son poids vers l'arrière pour allonger son dard élastique et congestionné.  Coprin-le-Puant et Lactaire (sobriquet consécutif à une chaude pisse récurrente) tirent de leurs doigts calleux sur Hydme, coriace et charnu, qu'ils essayent d'allonger par torsion.  Mousseron étire sa petite queue en l'emprisonnant dans le noeud coulant d'une drisse reliée à un treuil à manivelle.  De telles élongations acharnées entraînent d'importantes déchirures nécessitant l'intervention du service médical afin de recoudre ou d’agrafer les parties du moignon.  L'opération pratiquée dans le vif est surveillée par le Maître Russule, l'ancien qui dirige les choeurs et ordonne le cérémonial.  L'Oronge, les yeux bandés s'est installé en position de prière sur sa volve, une cuvette de chiottes qui place sa lune noire à hauteur de saillie; il tend le cul à ses compagnons qu'il doit nommer aussitôt qu'ils le pénètrent.  Son propre appendice encastré dans un suspensoir de plâtre rend ses débuts d'érection intenables, et chaque erreur est sanctionnée d'un coup de stylet dans la fesse, ce qui rend le volvaire repérable, par son incapacité à s'assoir durant les repas de groupe.  La cérémonie culmine dans le rituel de la chaîne d'amitié.  Les marins font cercle autour de la table ronde sur laquelle ils étalent leur verge.  Sous l'attribut ils glissent une planchette de liège et se passent de gauche à droite le poinçon et le maillet.  Chaque participant pose la pointe du stylet au centre du gland de son voisin, et, d'un coup appuyé, transperce la partie charnue.  Le sang jaillit aussitôt l'épieu retiré.  Alors le Maltre Russule passe parmi ses ouailles et leur tend la ficelle qu'ils s'introduisent dans l'orifice sanglant, se reliant les uns aux autres par l'intermédiaire de ce cordage.  Le Maître leur fait mordre dans l'Anokhi, champignon de la résurrection, et fait circuler la cordelette dans le chapelet de queues, modulant le concert de gémissements étouffés au rythme des agitations de la laisse.  Les hommes, main dans la main, voyagent dans les espaces hallucinatoires que le poison du Dieu-Champignon suscite dans leur esprit en compensation du sacrifice corporel.  Les semaines suivantes, ils pissent de travers, montrant par là leur appartenance à l'aristocratie de la troupe, ce cercle de privilégiés en contact permanent avec le sacré.  Tous les ans, ils se choisissent un prophète, le Mauricule: lors de son intronisation, à l'équinoxe, ils l'attachent à l'autel circulaire et lui scarifient profondément le gland, creusant les canaux en y instillant des gouttelettes de vitriol, jusqu'à ce que l'effervescence rende la surface semblable au chapeau alvéolé d'une morille.  Puis, mâchant l'amanite tue-mouche, le Mauricule annonce l'implosîon des soleils, la montée des eaux et la submersion des terres sous le raz-de-marée engendré par la monstrueuse onde de choc., la libération de l'orbite et la projection de la planète, lancée comme un plomb de carabine, à travers le vide sidéral.

A Monteboredello, les sentinelles s'ennuient dans le fortin.  La redoute, à l'écart de toute route, domine trois bras de mer et cinq caps.  Les soldats attendent l'ennemi avec moins d'impatience que la bouffe.  La veille, les soeurs de Diabolino, leur portant six caisses de leur meilleur vin, ont confié aux militaires leur jardinier muet qui est en âge de remplir ses obligations.  Trente hommes vivent à demeure dans les chambrées vétustes qu'abritent les contreforts humides de Montebordello.
Le capitaine, qui est bon homme, fait servir du vin après la soupe.  Retiré dans sa carrée avec le muet qu'îl s'est adjoint comme domestique, il entame la fiole de liqueur que la Mère Supérieure a fait monter à son intention.  L'étiquette porte la mention manuscrite: "Real Ita".
Au milieu de la nuit, le capitaine s'éveille et voit le muet paré d'un voile d'or qui danse dans la lumière de la lune tombée du plafond.  Le muet dit: "Toi qui ne crois pas, touche et rends-toi compte par toi-même’'.  Le capitaine tâte la queue d'âne du muet et s'agenouille.
Entré en trombe dans la chambrée., l'officier raconte son miracle à ses hommes et les exhorte à égrainer des chapelets jusqu'à l'aube.  Le lendemain, dès le lever du soleil, il les réunit sur le toit y appelle au repentir, car il est convaincu que Christ lui a annoncé son retour.  Il fait communier la troupe avec la liqueur rubis qu'ont préparé les mains saintes.
Agenouillés sur la terrasse du fortin, les soldats suent sous le soleil de plomb.  Ils ôtent leur capote et se flagellent avec leur ceinture.  Le capitaine s'assoit sur la boule hérissée de pointes d'une masse d'arme.  Un caporal baisse son froc, et, les jambes écartées comme qui joue aux billes, s'empile des boulets de canon sur le bas-ventre.  Les soldats nus, hurlant., vont chercher le muet, l'habillent de voiles et de soie, lui tressent une couronne de sistres, l'appellent 'la petite fiancée de la mer', l'enculent à tour de rôle.  Ils lui sectionnent la queue et se passent le morceau dans lequel ils croquent.  Ils le hissent sur les créneaux et le précipitent dans le vide.  Ils le voient s'envoler, traverser le ciel au-dessus de la baie, rassembler entre ses bras les nuages sinistres.  Et, comme ils s'y attendaient, la fin du monde survient.  La foudre frappe le fortin.  Ils meurent dans son écroulement et leurs corps brûlent avec la bâtisse.


Guerre ethnique: au début du cinquième conflit de souveraineté, l'ex-professeur de musculation a été promu commandant en chef du camp de purification de S. Par cette entremise, il règle ses différends familiaux et ses querelles de voisinage.  Au fond de la fosse se trouve un de ses anciens élèves.  Autour de la fosse, déguisés en militaires d'opérette, d'autres de ses clients passés ont pris position, l'arme au pied.  Le frère de l'homme qui se trouve au fond du trou se traîne à genoux sur les pierres coupantes, la nuque maintenue par des fusils croisés.  Il a les poignets liés dans le dos et une large tache marron macule l'arrière de son pantalon.  Les miliciens le précipitent dans la fosse.
- Tu seras épargné quand tu lui auras arraché les couilles ... avec les dents. crétin!
Pour l'exemple, un autre prisonnier est suspendu par les poignets au portique de ce qui fut l'école.  Sur un signe du tortionnaire en chef, le soldat de garde lui élargit l'anus au couteau et y enfonce le canon de sa mitraillette; il actionne la détente.  Une volée de balles traverse la paroi abdominale et le bas ventre dans un éclatement de tripes.  L'homme au fond du trou s'attaque aux testicules de son frère à qui on a coupé la langue et crevé les yeux.  Il tente d'arracher la poche, d'emporter le morceau comme un chien acharné sur la nuque d'un lapin.  Le visage rouge et dégoulinant, l'homme tient enfin les bourses entre ses mâchoires.  Le commandant satisfait donne l'ordre de tirer.
Les vainqueurs du jour travaillent pour l'avenir.  La conquête territoriale ne leur suffit pas.  Ils veulent purger les terres de la semence ennemie.  Ceux dont les informations ou les connaissances peuvent présenter quelque intérêt ne sont pas exterminés immédiatement.  Pour eux le Professeur (son ancien métier lui colle encore à la peau) a mis au point sa propre méthode de stérilisation.  Le patient est attaché aux espaliers du gymnase, avec des sangles de nylon découpées dans un parachute.  Chaussé de ses bottes à coque de fer, le Professeur exécute les mouvements d'un katé silencieux: il lève la jambe droite, et shoote du bout du pied dans les couilles comme dans un ballon de foot.  Le sac testiculaire vole sous les coups, claque contre le ventre.  Il rougit, son volume augmente.  Du dessus du pied, le commandant écrase les boules sous le scrotum. quand les bourses ont doublé et bleui, il passe au sujet suivant.  Le lieutenant Bullshit, en dépit des consignes de non-intervention, ne peut s'empêcher d'apporter sa contribution scientifique au projet, testant par injection diverses solutions corrosives et dessicantes.  Là encore, les moyens sont infinis: dans la salle de billard du mess, les sous-officiers, rivalisant d'habileté à viser juste, écrasent sur le tapis vert les burnes étalées des prisonniers politiques, d'un seul coup de queue.  Convaincu que sa semence nationale aura raison des gênes étrangers, le Professeur est moins radical avec les femmes.  Il ordonne souvent le viol collectif (malheur au soldat qui débande!) et ne dédaigne pas de participer en personne au grand oeuvre, conscient d'agir pour que la patrie dispose, dans quinze ans encore, de guerriers neufs.


Cinq artificiers se sont égarés en poussant vers les lignes adverses leur batterie de D.C.A. mobile.  Ils canardent un appareil de reconnaissance qui pique du nez en torche derrière la prochaine dune.  Comme ils s'approchent de la carcasse fumante, ils reconnaissent sur un morceau de la carlingue l'écusson de leur propre régiment.  Affamés depuis plusieurs jours, coupés des colonnes de ravitaillement, ils fouillent les boîtes ignifugées qui ont échappé à l'incendie.  Ils n'y trouvent que des bidons et des gourdes.  La nuit tombe, glacée, et de nouveau la faim les tenaille.  Ils tirent les corps à demi-calcinés des aviateurs, dépècent les dépouilles, allument un feu de joie et font un barbecue.  Ils se délectent de la viande riche car les soldats de l'armée régulière sont bien nourris et gras.  Repus, ils sacrifient leur dernières rations de vinaigre et d'alcool.  Ils s'enculent méthodiquement pour se redonner du coeur au ventre.
Attirés par le rougeoiement de leur brasier, un groupe d'éclaireurs indigènes fait route vers leur campement.  Les soldats embusqués les aperçoivent suffisamment tôt pour les circonvenir.  Ivres et rendus enragés par l'excès de viande saignante, ils veulent s'en amuser un moment.  Ils tendent leurs culs gras et blancs aux captifs décharnés que la perspective des tortures empêche de triquer.  Les soldats chevauchent les rebelles; dans leurs efforts pour s'assoir sur les membres mous, ils leur conchient l'estomac.
- Celui qui arrive à bander aura la vie sauve , claironne le chef d'escadron.
Les prisonniers ne comprennent pas leur langue.  Les soldats dressent des potences.  Ils veulent vérifier la véracité de ce qu'on raconte des pendus.  Etranglés par la corde les indigènes se débattent dans le vide, animés d'une formidable érection au moment où la langue épaisse franchit leurs lèvres bleues.  Les soldats rient de leurs éjaculations incontrôlées, puis, aidés par le balancement, ils se servent des pines dressées pour se faire ramoner tant qu'elle sont chaudes.  Vers le matin ils dépendent leurs victimes.  Dégrisés et honteux ils les castrent, découpent les têtes qu'ils plantent sur des bâtons devant les débris de l'avion éventré, et, convaincus que leur héroïsme leur rapportera une citation, notent dans leur rapport: 'Avons vengé nos camarades abattus et dévorés par l'ennemi'.



Guerre coloniale: une patrouille d'appelés cherche à travers le bush le convoi de leurs camarades qui n'a jamais rejoint la caserne.  Aucun d'entre eux n'a encore rencontré l'ennemi; ils passent leurs journées à se curer le nez et à fumer du kif.  Le car qui a essuyé une tempête de sable est à demi-enfoui dans une dune.  Rien n'y bouge.  En entrant dans le véhicule, ils trouvent leurs potes assis à leur place, les yeux grands ouverts, comme étonnés.  Certains se tiennent encore le ventre avec leurs deux mains remplies de viscères.  Une large tache de sang s'étale sur leur braguette.  Les trente-cinq mecs ont été châtrés et leurs burnes leur emplissent la bouche.  Les rebelles ont donné un sens concret à l'expression "bouffer ses couilles".  Les trouffions qui n'avaient vu la guerre qu'à distance, trouvent désormais du plaisir à chatouiller au fil électrique les parties génitales des prisonniers.  Ils ne soupçonnent même pas qu'il ait pu s'agir d'une habile mise en scène destinée à leur donner des couilles au cul.

Aux confins de la savane, d'autres groupes ont survécu au génocide.  A travers les objectifs puissants de leurs caméras sophistiquées, les marins ont observé les indigènes dans leur préparation au combat.  Ceux-là vénèrent un dieu de colère.  Ils s'enfoncent au marteau des burins dans le crâne, se percent les flancs avec des tournevis et des vrilles.  Ruisselant de sang et souffrant déjà mille morts, ils se jettent heureux dans des attaques suicides, certains que la guerre qu'ils mènent leur ouvrira les portes du paradis.

Partout, dans les marges de ce qui fut L'Ancien Monde., les hommes règlent leurs problèmes en se coupant les couilles.
De retour de campagne, quand ils regagnent le delta du Léssépissé, les marins se donnent une fête orgiaque.  Ils abusent des bières et des liqueurs collectées durant le voyage, dont l'importation est interdite en zone décontaminée.  Alignés sur le pont, les cuisses appuyées au bastingage, ils pissent dans l'eau de mer qui se mêle aux remous du fleuve, signifiant ainsi qu'ils prennent à nouveau pied sur leur territoire d'origine.  Ils marquent la transformation de leurs Novices en Anciens en s'inspirant de la coutume des Iles du Dragon.

Avec la pointe d'un couteau, le marin confirmé pratique une entaille dans la peau de la hampe de la verge du bleu, en un endroit où ne passa aucune veine.  Puis, dans le réceptacle étroit créé par l'incision, il enfonce avec l'ongle du pouce une perle choisie par le nouvel Ancien.  La perle en glissant sous la peau, dessine une petite protubérance identique à la boule d'un kyst.  Une perle vaut six mois de mer.  Ainsi, et indépendamment du grade qui n'est pas toujours fonction de l'ancienneté, les bleu-bites savent-ils, dès leur première douche, à qui ils ont affaire, car on ne s'adresse pas à un quatre-perle comme à un puceau.  Les marins exhibent avec fierté leur bite ornée, comparant l'art avec lequel ont été disposées les excroissances honorifiques.


Les veilles de bizutage, les aspirants racontent qu'ilexiste, parmi les officiers supérieurs, des vingt-perles

dont ils préféreraient ne pas tâter.  De tels vétérans ont toutes chances d'appartenir à la légende, car les

premiers signes de malaise se manifestent avant que la flotte ait franchi l'embouchure du grand fleuve.  Les

hommes vomissent et s'étiolent en diarrhées fulgurantes.  Leur corps se couvre de verrues et d'ulcérations;

les abcès s'étendent, ils suffoquent, étouffés par leur pus.  Le navire mis en quarantaine n'a plus qu'à repartir

pour une nouvelle campagne, machines ronflantes et rugissantes, dopées par le combustible supplémentaire

que fournissent les cadavres des pestiférés.

Scott n'a pas accompagné à la chaufferie la dépouille du lieutenant Bullshit.  Sa parfaite immunité durant la flambée de l'épidémie a fait de lui la mascotte de l'équipage. Les nouvelles recrues goûtent la soupe à son foutre et subissent ses saillies rapeuses de double-perle.  Prévoyant, Scott s'est placé sous la protection du bras velu de l'autorité, celui de Rod, marin-policier délégué au maintien de l'ordre à bord, comme l'attestent le brassard noir et le bâton d'acier.
Les survivants de la troupe décimée sont devenus plus retors, moins prompts à exécuter dans l'allégresse des ordres qu'ils jugent inutiles et dangereux.

Pour renforcer l'esprit de corps défaillant, le serpatte apprend à ses hommes à chier en groupe.  Il distribue à chacun sa feuille de journal et ordonne: - Déculottez-vous, accroupis, chiez.  Celui qui fait à côté de la feuille ramassera avec sa langue.  Personne ne se relève avant que tout le monde ait chié; mesure sanitaire, prévention des fièvres."
                Pantalon aux chevilles, les soldats alignés dans la position de l'oeuf, grimacent pour déféquer.  Quand ils ont fini, ils présentent leur cul à l'inspection.  Scott, par défaut infirmier de bord, passe derrière eux et leur enfonce avec le pouce un suppositoire d'antiviral.  Ils demeurent un quart d'heure au garde-à-vous, le temps que Rod constate qu'aucun n'a rejeté le médicament.

Dans les atolls de sable pur, sous les lagons outremer et les barrières de corail, les marins déposent les bombes à radiation miniatures qui entretiennent la mortalité dans les Terres-Fantômes, empoisonnent la marée, déforment les fruits des végétaux dégénérés.  Ils scrutent avec angoisse le ciel noir.  Ils souffrent de la chaleur, de la soif.  Leurs nuits secouées par les raz-de-marée qui courent sous les aurores artificielles, sont traversées de cauchemars: ils se voient brûler de l'intérieur comme des torches sur l'eau, tomber en pièces comme les lépreux.  Ils savent qu'en dépit de la propagande officielle, la tenue N.B.C. est une passoire qui ne protège que des fléaux imaginaires.  Seuls les forcenés de la confrérie guettent avec impatience les éclairs aveuglants et s'offrent, nus, bras ouverts, à l'irradiation, dans l'espoir de fusionner avec le Dieu-Champignon.  Les autres, repliés sur eux-mêmes, ourdissent des complots avortés.  Par peur de la contamination, ils inventent toutes sortes de procédés pour se faire exempter de service.  Ils se versent du lait bouillant sur les membres, mangent leurs excréments pour vômir sans cesse, se tranchent des orteils pour échapper aux marches forcées.  Les tentatives de mutilation et de suicide sont passibles de mort en cas de récidive.  Mais les survivants de l'épidémie sont si peu nombreux que Rod n'abuse pas des châtiments irréversibles.


Conformément au code en vigueur depuis des temps immémoriaux dans les bagnes et la marine militaire la correction ordinaire se donne sur le pont principal, les camarades en tenue de parade formant un carré autour du marin puni.  Selon la faute le serpatte administre une échelle, un quatrepiquet, un hamac ou une brimballe.  Il utilise une rigoise à neuf nerfs dont on ne peut guère donner plus de cinquante coups sans compromettre le pronostic vital.  Pour accélérer la cicatrisation, on arrose les plaies de pipérade de saumure, de piment et de pulpe de citron.  Les hurlements épouvantables du flagellé pénètrent jusqu'au coeur de la salle des machines, communiquant aux plus éloignés la valeur salutaire de l'exemple.

Le jour, Rod est impitoyable avec les hommes qu'il fait volontiers châtier pour sa satisfaction personnelle.  Mais il en jouît à blanc, du plaisir du voyeur.  La nuit, la pression libérée le rend chienne.  Quand il déboucle son ceinturon et que le short noir tombe sur ses rangeos, Scott sourit de retrouver le tatouage qu'il porte sur le bas-ventre: 'Robinet d'amour, au bonheur des dames', couronnant une flèche pointée vers le sexe dont le gland porte une tête de tigre ridée qui s'efface.  Il se retourne et, sous le triangle de poils du coccyx, Scott lit, à cheval sur la naissance des fesses: "Pas touche, on n'entre pas ici".  Pourtant, accroupi au pied de sa couchette, les mains sur la tête, Rod attend dents et fesses serrées sa distribution quotidienne de raquette cloutée.  Il se contraint à n'émettre aucun son pendant que Scott le frappe.  Il n'est pas question de plaisir entre eux et Scott ne lui rend ce service que dans un but hygiénique.  Il l'encule également en silence.  Rod ne bande jamais, mais il n'est pas peu fier de disposer pour son redressement moral, du plus gros braquemard du navire.
Scott montre au serpatte une bille de verre remplie d'un liquide rougeâtre:
- C'est le médicament des sorciers du désert: "Etilaer" répétait le marabout.  "Protège des mutations, bois, bois, beaucoup voyage'’.  Ne peux la partager mais quand j'aurais ingurgité cette dernière dose, mon sang et mon sperme deviendront efficaces contre l'infection. Scott avale le médicament et continue à bourrer le cul de Rod.  Il lui semble que des flots se déversent de sa queue, comme s'il se vidait de son sang en cascade.  Ils sont transportés en plein ciel, un ciel bleu et radieux, sans les retombées de cendres radioactives.  Comme à bord d'un vaisseau spatial qui planerait en rase-motte, ils voient défiler sous eux les images inversées de leurs campagnes, les ergs, les steppes, les maigres baobabs qui reboisent les forêts fluviales, les villages dissymétriques assis sur des promontoîres accidentés comme des termitières.  A leur sommet s'agitent des insectes aux pattes en forme de pinces et de haches.  Ils jettent au centre de leurs cercles les victimes expiatoires, les rois d'un jour qu'ils scalpent en arrachant les couronnes autrefois tressées dans la ferveur.  Ils tranchent les pieds des collaborateurs supposés de ces boucs émissaires, les obligent à faire la course sur leurs moignons.  Aux villages succèdent des plaines, des champs de champignons noirs, de cafards transpercés, de dépecés, de crochetés, de calcinés.  Là-bas, une fête sans doute, les fusées descendantes d'un feu de bengale, des chapelets de lucioles enflées comme des étoiles froides, ces outres que les artificiers ont bourré d'essence et de poudre à canon, qui s'enflent comme des lanternes éphémères à l'allumage de leur mèche, et explosent en crachant et pétant des gerbes de flammes.  Ce ne sont pas les pitons rocheux des cities, seulement des amas de troncs, de membres déchirés., et les caps échelonnés sur l'horizon ne sont que des bras suppliants qui n'ont pas eu le temps de se fermer en prière et que se disputent des essaims de mouches engluées.
Les cris suspendus des victimes s'écrasent aux baies vitrées des métropoles.  Le sang qui arrose la terre se résorbe en rouille sur les rocs enfouis, s'incruste dans les cristaux des roses des sables, se mélange en paillettes aux nitrates, au chlore, aux cadmiums qui empoisonnent les nappes phréatiques où s'éteignent les coeurs incandescents des centrales vétustes, devient enfin l'eau des vivants, et porte jusque dans leurs entrailles la mémoire organique de la douleur et du meurtre.
Scott et Rod, accrochés par la queue planent encore un moment l'un sur l'autre, au milieu des nuées de canards emmanchés et des bombardiers ravitaillés en vol.  Un jet d'urine rougie s'échappe de la queue molle de Rod.  Scott débande, et ils tombent, séparés.


"Et c'est bien là le scandale, c'est que l'on ne peut plus se mettre en colère tellement l'apathie est générale aujourd'hui que la guerre et les assassinats sont automatiques, grâce à l'homme machine, cette machine outil, immatriculée mais irresponsable.'’
Cendrars    Bourlinguer
                                                                                             
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[1] Selon un Dictionnaire de Médecine paru chez Béchet jeune en 1823 "Les corps étrangers que l'on a trouvés dans l'urètre de l'homme sont des portions de sonde élastique, des calculs, des cure-oreilles, des épingles en métal, en ivoire, en bois, des épis de graminées, des tubes de verre, des tuyaux de pipe, des haricots, etc..."



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