Terres du Milieu, vers 1200 A.K.
Sandbox n'est qu'un trou à rats comme il en existe tant
aux abords des Terres du Milieu, pas même un bourg, tout juste un hameau groupé
autour d'un bouge. Les chambres de cette
unique auberge sont toujours vides et la pompe à essence de l'épicerie est
rongée par la rouille, car la possession de véhicules à moteur est interdite
aux colons. Les hommes ne s'y réunissent
que pour feuilleter les journaux périmés et jaunis des cities lointaines.
A Sandbox les habitants sont vertueux par force. Toutes les femmes sont mariées, les veufs et
les célibataires ne sont pas autorisés à contracter d'union durable. On ne se bourre la gueule que chez soi depuis
que le dernier ivrogne public a été lapidé un soir de fête. On a oublié par qui puisqu'il n'y a pas non
plus de justice. Les tentacules de la
Société d'Administration n'ont pas franchi le fleuve. Le fils de l'épicier vend des armes de
contrebande qui suffisent à se défendre des pillards urbains.
Sandbox est le bac à sable de trois familles. Toutes les unions sont consanguines. Le village n'est riche que d'idiots. Les enfants jouent dans la poussière avec les
rats rachitiques. De quelque côté qu'on
regarde, on ne voit pas plus loin que la butée du chemin, rien d'autre que le
ciel blanc traversé de tornades. On
n'entend le chant d'aucun oiseau, les meuglements des troupeaux et l'odeur
fétide des porcs sont dispersés par le grand vent qui charrie en boule les
buissons d'épineux arrachés aux roches rouges.
Le sable recouvre tout, jusqu'aux assiettes, et son écoulement est
responsable d'un chuintement perpétuel qui ressemble aux bourdonnements de
pellicule d'un vieux projecteur de cinéma muet.
Les Terres du Milieu sont le territoire des
migrants. Ils se font la guerre de
hameau à hameau et leurs rapports sont régis par le troc. Rien n'existait avant leur arrivée. Ils ont fait fleurir le désert. Détenteur des traditions du Vieux Monde, ils
s'acharnent à produire des nourritures non synthétiques. La culture et l'élevage sont leurs seules
passions. Mais sur le sol contaminé des
Terres du Milieu ne poussent que des espèces réputées impropres à la
consommation. La loi des cities les condamne
mais les bandes urbaines pillent les récoltes pour les revendre au noir sur les
marchés de la Zone.
Les Incipits sont les premiers colons de Sandbox. Leurs ancêtres se sont installés dans la
cuvette au temps de la dernière Guerre Universelle Nucléaire (G.U.N.).
Autrefois ils savaient fabriquer les métaux.
Maintenant ils tiennent le seul comptoir des Terres du Milieu où l'on
peut se fournir en pseudo-tabac, en rouge et en vache folle.
Les Useless connaissent encore le code de transcription
hérité du Vieux Monde. Ils garantissent
l'indépendance de la communauté en traitant les affaires administratives. Dick Useless tente d'enseigner les rudiments
aux enfants de Sandbox, activité mal vue car subversive et inutile. Les Useless auraient été chassés depuis
longtemps si les matrones de la famille n'avaient créé un fructueux commerce à
Demolition Pound. Depuis les édits de
non-reproduction mutante, les femmes saines de Sandbox se sont vu offrir le
choix d'émigrer vers les cities ou de demeurer sur place après stérilisation. Les Pastors leur confient parfois les enfants
nés illégalement qu'ils débusquent dans les hameaux reculés.
Envié autant que méprisé par ses pairs, Sean O'Kief est
le seul boucher à des centaines de kilomètres à la ronde. Il n'a d'amitié que pour ses vaches mais son
troupeau diminue spontanément d'année en année à mesure que la demande
augmente. Sean O'Kief fit partie des
derniers migrants du Vieux Monde.
Arrivés entre la fin de la G.U.N. et la Déclaration d'Autarcie, rescapé
des guerres saintes et des accidents thermonucléaires, il présente une
apparence parfaitement humaine. Soumis à
des taux de radiations qui auraient dû le tuer plusieurs fois, il ne pouvait,
au mieux, prétendre qu'à une descendance mutante, d'où son inimitié pour cette
chose étrange qui ne ressemblait pas à sa semence pourrie, Scott, enfant des
cities, bâtard probable d'un colporteur ou d'un zonard. S'il avait été capable d'amour, Sean O'Kief
eût chéri son premier né, Laser, un harmonieux mutant pourvu de trois jambes solides et de jolis moignons. Il le préfère en tout cas à Undsoweiter, ses
filles, un couple de siamoises lymphatiques et amorphes qu'il continue à
entretenir plus pour son hygiène personnelle que par plaisir.
Le cadet de Scott., est un mutant échinodéen, un
‘’enfant-étoile’’ selon la désignation des textes de la Superstition. La mère, dit-on ne s'est pas remise de sa
naissance, déchirée pendant l'accouchement par les pics osseux de son
rejeton. D'ailleurs, si Scott demande
encore, Sean O'Kief répond: 'Ta mère, je battais déjà sa viande flasque quand
elle était enceinte de toi, pauvre avorton.
Si ton frère ne l'avait pas tuée en venant au monde, je l'aurais
étranglée de mes mains'. L'apparition
d'un enfant-étoile est le signe qu'un bouleversement viendra de Sandbox, une
tempête susceptible de renverser l'équilibre précaire des cities.
Dans la cour des Useless, où sont disposés trois bancs
de bois, les enfants se moquent de Scott O'Kief parce qu'il est roux et qu'il
sent la viande. Pour le mortifier et se
défendre du détail anatomique qui les vexe, ils lui chantent la chanson du
chat: ‘’Je suis rouquin/ J'ai pas de burnes/ Je suis crétin/ Et taciturne ...
Le matou roux/ Est tout pelé/ Il a des poux/ Et ses joujoux/ Servent surtout/ A
l'enfiler ...’’
Attroupés devant l'étal du boucher ils donnent la
sérénade jusqu'à ce que le père les menace, brandissant un tranchoir dans ses
mains crevassées. Alors le fils prend
une claque et s'entend dire: ‘’Tu ferais mieux d'aller nourrir les
bêtes’’. Filant entre les piles de
bocaux mal stérilisés, il écoute le boucher revenu à sa tâche, qui fredonne:
‘'Il a pris son grand couteau/ Les a étripés tout de go...'’
Scott suit la piste du chien à travers les champs
d'herbes brunes. Son visage grêlé de
taches de rousseur disparaît entre les épines des éribas. A chaque course il s'écrase la figure contre
les arêtes des pierres et se brise de petits bouts de dents. Deux gifles l'attendent au retour pour sa
figure en sang.
Le père O'Kief, dans son saloir, inspecte les quartiers
de viande. Il les caresse, appuie dans
le gras un doigt tendre, pour vérifier la qualité de sa marchandise. Scott l'épie à travers les planches
disjointes de l'arrière-boutique. Le
boucher attendrit le morceau au battoir puis le presse entre ses paumes. Il délace son tablier et dézippe sa
combinaison de mécanicien. Le sang du
boeuf frais coule sur ses cuisses. Il
lisse les poils de ses jambes avec le liquide noirâtre. De la pointe du couteau il découpe un carré
saignant de l'entrecôte, le goûte. Il
fait rebondir son sexe dans sa paume. Le
floc-floc de la chair humide et le grincement du crochet accompagne les râles
de sa masturbation. Au moment où il se
trouve la queue au chaud dans la viande froide, Scott pousse la porte de
l'atelier. Le boucher ne réagit pas à
son entrée, il continue de se balancer mollement d'avant en arrière. Scott sait que s'il le dérange, le père le
suspendra par les pieds à un crochet et le corrigera au battoir. Il observe en silence le sexe rouge et tendu
qui ramone la bidoche. Le père tend la
main vers lui, saisit son poignet avec violence et tire la main de Scott qu'il
place sous ses couilles. Il dit:
'Branle, branle bien, c'est mon jus qui fait mûrir la viande. Maintenant tu connais le secret du
boucher’’. Ses jets de foutre
dégoulinent le long des quartiers suspendus.
Il étale sa semence du plat de la main.
Il se rajuste, crache quelques injures et conclut en bougonnant:
'Lavette, tu pourrais m'aider à préparer la marchandise, à ton âge!'
A Demolition Pound se trouve une usine désaffectée de
Rêvocodeurs. La possession d'un de ces
appareils de vidéo virtuelle est désormais passible de mort, car on prétend que
leur détournement, assez aisé, en fait de redoutables armes de guerre. L'usage des greffons individuels est censé
remplacer la fonction d'espionnage et de commandement associée aux anciens
codeurs de loisir.
Dans les ruines de l'usine, les femmes des Useless,
maquerelles patentées, ont monté un bordel où les hommes des bourgs
environnants privés de compagnie féminine, viennent baiser les excisés et les
eunuques fournis par les missionnaires spécialisés dans le commerce des objets
sexuels légalement consommables.
Accompagné par Laser, Sean O'Kief s'y rend lorsqu'il en
a assez de baiser Undsoweiter ses filles.
Sous l'emprise de la poudre écoulée par les Incipit, les clients se
livrent à diverses extravagances dont ils ne conservent qu'un souvenir brûmeux
au caractère de cauchemar érotique. Les
soirs où Sean O'Kief est annoncé, l'assistance est toujours plus fournie, car,
familier des découpes savantes, le boucher est apprécié pour sa science. Il n'a pas d'égal quand il s'agit de manier
l'Ichfa. On lui choisit une victime
grasse. Tandis que Laser l'emmanche en
cul et en con avec
ses moignons, le père O'Kief marque au couteau l'agencement de la découpe. Les hommes groupés autour de la table baisent
les filles et les eunuques qu'ils confondent, pendant que les maquerelles les
étrillent.
Parfois, les missionnaires amènent à Demolition Pound
les filles enceintes capturées dans les bourgs.
Ces soirs de fête, Sean O'Kief fait la démonstration de ses talents de
chirurgien. Il écorche patiemment la
fille puis l'énerve avant de soulever les filets. Pour l'exemple, les missionnaires lui
enfoncent dans le vagin des pieux, des piques de parasol, des baleines de
parapluie, des poutrelles rouillées jusqu'à ce que l'intérieur ne soit plus
qu'une bouillie sanguinolente. Ce faisant,
ils récitent les paroles rituelles: "Tu es maudite entre toutes les
femmes. Le fruit de tes entrailles est
pourri'. Puis, du haut de l'usine, on la
précipite dans le vide. Une tombe déjà
creusée l'attend en bas, où on l'enterre aussitôt, en cas qu'elle soit toujours
vivante.
Blasphemy est située à une cinquantaine de kilomètres
de Sandbox. On y trouve la plus forte
délégation de missionnaires dans les Terres du Milieu. Ils occupent le Semenciaire, une ferme
fortifiée construite par les esclaves jaunes du Vieux Monde. Les missionnaires prennent en charge les
orphelins et les bâtards qui pullulent dans les Terres Contaminées et qui ne
relèvent pas de la planification urbaine décrétée par L'Administration
Centrale. Eduqués par les Pastors, ils
peuvent parfois intégrer les Services ou devenir eux-même contrôleurs de la
Superstition, spécialisés dans la pacification et la non-reproduction des
masses rurales.
Le Grand Superstitieux de Blasphemy est le Pastor
Meinkampf. Respecté comme un souverain
dans les Terres du Milieu, il ne jouit pas d'une réputation sans tâche auprès
des autorités. On l'accuse d'avoir eu
dans sa jeunesse des rapports sexuels fréquents avec les zonardes, et les
enfants qu'ils a semés en transgressant les Lois Fondamentales, ont nui à sa
carrière si bien qu'il n'est jamais parvenu à accéder aux postes réservés des
gouvernements urbains. Depuis sa
relégation dans les terres colonisées, personne ne s'intéresse plus à ses
agissements pernicieux puisqu'ils contribuent au maintien de l'ordre prôné par
les K-pitalistes.
Le père O'Kief a reçu la lettre de réquisition. Il se demande avec angoisse si le Pastor
reconnaîtra les siens, car il redoute le retour de Scott, que ce soit sous
l'uniforme des Superstitieux ou de la C.K.O. ou sous forme de quartiers
pré-découpés. Lorsque ses veaux à cinq
pattes persistent à mourir de fièvres ulcéreuses, il est obligé de se fournir
auprès du Semenciaire et des Exterminateurs.
Il envoie Scott en polo rouge porter un panier de fraise au carrefour de
Blasphemy. C'est le signe convenu. Scott entend le rugissement effrayant des
véhicules à moteur. Il n'en a jamais vu.
"On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Egyptiens, les meilleurs philosophes monde, était d'une si grande conséquence, qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombait entre les mains.’’Montesquieu L'esprit des Lois XV,5
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Le capitaine de la brigade d'assainissement ouvre les
portes du fourgon à bestiaux. Les
brigadistes poussent le bétail avec la crosse de leur fusil, tirent par les
pieds les retardataires vagissant, font sortir les délinquants juvéniles sous
la matraque et les alignent dans la cour du Semenciaire où s'effectue le
premier tri. Les plus jeunes, dont
l'entretient requerrait trop de frais, sont stockés dans les cellules de
transit pour attendre le convoi des Exterminateurs. Les plus éveillés sont répartis en deux
groupes que les missionnaires dispersent dans les cours attenantes aux
appartements des Superstitieux. La cour
de gauche, dite du Service, est destinée à la mise en conformité des
Serviteurs. En son centre se dresse un
billot. Le Pastor fait aligner les
sujets et leur ordonne de se dévêtir.
Ceux qui résistent sont dénudés par leurs compagnons sous la menace des
pires supplices. Une fosse où rougeoient
des charbons suffit à les convaincre: le premier récalcitrant y est jeté afin
que les hurlements de son agonie et l'odeur de chair brûlée décide les moins
dociles. Le Pastor passe en revue les
bâtards, soupesant les organes génitaux.
Ceux qui ont la queue longue, les couilles lourdes, ou qui parviennent à
gagner la faveur des surveillants, sont retirés du rang. Les autres attendent en file indienne. Le premier est conduit vers le billot.
On lui intime de tirer son sexe vers le haut en posant ses bourses sur
l'établi de bois. L'officiant saisit
fermement les testicules de la main gauche, les étire et sectionne d'un coup de
tranchoir le sac qui retient les couilles.
L'adolescent hurle, tombe à la renverse et porte les mains à son
entrejambe mutilée pour arrêter l'hémorragie.
Le Pastor jette les déchets organiques dans une bassine remplie de glace
et passe au suivant. Si le châtré s'évanouit,
il est transporté avec les enfants en bas âge vers l'aire de chargement des
Exterminateurs. Ceux qui ont bien
supporté l'opération sont dirigés vers les batteries de gavage, où sera plus
tard décidée l'ablation du membre lui-même, en fonction de la demande.
A l'étage du bâtiment central, derrière les persiennes
qui le protègent de la chaleur et du soleil brûlant, le Pastor Meinkampf ne
perd rien du spectacle. Il examine à
travers ses jumelles et ses lunettes noires le travail des soigneurs. Quand la coupe est courte et le sang peu
abondant, ils posent une ligne d'agrafes.
Si le sac a été sectionné trop bas, ils pratiquent une ligature après
torsion ou martèlent sur l'enclume le lambeau de peau inutile. Dans les cas extrêmes, ils posent les casseaux
pour ressouder la plaie par compression.
Le Grand Superstitieux traverse son salon et prend
place derrière la fenêtre qui donne sur la cour de Sauvegarde, à droite des
bâtiments d'habitation. Les murs chaulés
de l'enceinte renvoient des réverbérations
aveuglantes. On
a bandé les yeux des adolescents sélectionnés pour l'éducation en vue d'une
intégration dans les Corps Etatiques.
Le Pastor Meinkampf apparaît sur le perron, les
Superstitieux le saluent poing tendu. Il
descend l'escalier dans sa salopette de cérémonie que recouvre une jupe de peau
ornée de glands argentés. Les Pastors ne
portant pas les armes, c'est une cravache qui lui bat les bottes. Il boite et appuie sa marche sur une cane
ferrée.
Scott est le dernier du rang. Il sue abondamment. Instinctivement il a protégé son sexe avec
ses mains en coupe, un peu à cause de la brûlure du soleil, un peu parce qu'il
craint que l'organe qui lui tombe à mi-cuisse n'attire sur lui l'attention et la
vindicte des Pastors. Il entend des bruits
de conversation étouffés, puis le pas ternaire de Meinkampf qui se poste devant
lui et hurle:
- Il est roux.
Qui l'a placé parmi les Postulants?
A sa question ne répond que le silence traversé par les
hurlements en provenance de la cour du Service.
- Et il ose se cacher!
Le Grand Superstitieux cingle les mains de Scott de
deux coups de cravache, les écarte de la pointe de sa cane.
- Bien, fait-il
d'une voix étranglée. Quel est ton nom?
Scott, paralysé par la panique ne peut articuler un
son. Le Grand Superstitieux repose la
question puis ordonne:
- Les autres aux
dortoirs. Le fouet pour lui délier la
langue.
Les Serviteurs novices traînent Scott vers un poteau de
bois râpeux hérissé d'échardes et l'y attachent en ciseau, la cheville gauche
bloquée dans la commissure du genou droit, le pied droit coincé derrière le
pieu fermant le noeud; mi-assis, il ne peut trouver aucun confort dans la
posture car un cône de métal pointu a été disposé sous ses fesses. On tend le fouet à un Novice. Embrassant le poteau, Scott offre tout
l'espace du dos et du cul à la lanière.
Un Pastor relaie rapidement le Novice trop mou. Prenant son élan à pas chassés, il assène une
volée de coups dont les marques d'abord creuses bourgeonnent et suintent. Meinkampf pérore:
- Réjouis-toi car tu souffriras mille morts, et ta
souffrance plaît à Celle qui est. Verse
des larmes salées sur tes plaies, et sois heureux de demeurer entier sous ma
protection.
Le Grand
Superstitieux se tourne vers l'acolyte qui le flanque et dit à voix plus basse
comme s'il réfléchissait in petto:
- Il ne manifeste pas.
Est-ce qu'il tente de nous leurrer ou bien est-il capable de transe?
D'un geste il signifie au bourreau de suspendre la
correction:
- Qu'on le laisse au soleil jusqu'à ce qu'il devienne
blond. Otez-lui le bandeau et ne le désaltérez qu'avec du vinaigre.
A Blasphemy les nuits sont courtes et la température ne
tombe guère. Scott, hébété, les
stigmates violets du soleil imprimés sur ses yeux brûlants, ne peut trouver de
soulagement. Dès qu'il s'endort, il
s'affaisse, la pointe du cône d'acier le rappelle à la réalité des muscles
tétanisés de ses jambes, et la douleur reprend.
Au lever du jour, l'air est déjà épais, on le voit
danser au-dessus des fosses et des feux enterrés de la cour du Service. Le Grand Superstitieux est à sa
toilette. Il arrache de sa courte barbe
blanche deux poils roux. Il boucle sa ceinture
de crin retenue par deux bretelles hérissées de clous qu'il ajuste en grimaçant
dans les trous de la veille. Il noue les
cordons de son étui pénien dont l'intérieur est tapissé pour sa mortification
de papier de verre à gros grains. Puis
il endosse sa salopette-chasuble au pectoral de dentelle bleue.
Scott devine à peine les silhouettes des Pastors
auréolées par le ciel blanc. Il entend
qu'on discute son cas: - Il semble absent mais il n'a pas quitté son
corps. Il faudrait le brancher sur
l'antenne pour s'assurer qu'il est le bon messager.
Scott est libéré de ses entraves. Des serviteurs le lavent au tuyau. Il aperçoit les Pastors qui transportent un
brasero et croit que l'heure redoutée est venue. Mais ils n'utilisent la lame que pour le
raser des pieds à la tête. On l'assoit
sur un tabouret. Deux Pastors le
corsettent d'une armature solidaire d'une ceinture et d'épaulettes de
cuir. Les Novices apportent de longues
et fines tiges de métal au sommet desquelles sont fixés des fanions et dont les
extrémités inférieures sont taillées en pointe.
Tandis qu'ils maintiennent ses bras écartés, les Pastors pincent la peau
et introduisent les parties effilées sous l'épiderme. Scott est secoué de hoquets à chaque
intromission mais la douleur cesse dès que la tige en place repose dans
l'orifice de l'armature en demi-cercle.
Les biseaux disposées par dizaine, en motifs croisés forment une colonne
le long des pectoraux. Les Pastors
répètent l'opération dans son dos. Il
est enfin au centre d'un éventail de tiges disposées comme la roue d'un
paon. Meinkampf ordonne "lève-toi et
marche". Les Novices l'aident à se hisser
sur ses jambes flageolantes. Dès qu'il
est sur ses pieds, les tiges, entraînées par leur poids s'ajustent en glissant
sous la peau et s'enfoncent. Les fanions s'agitent à leur sommet, transmettant au métal
les vibrations que déterminent le pas et l'air environnant. Mécaniquement, il accélère sa marche. Sa vue se brouille, des points bleus comme
des taches d'encre s'agrandissent dans son champ de vision. Il sent qu'il s'en va, tend le ventre en
avant, un flux puissant se disperse par son nombril. Il voit
…
un homme, une femme, pourchassés à travers le désert. La femme est en selle sur un animal qu'il
n'identifie pas.
...
les enfants de Sandbox qui crucifient des rats…
…
un prisonnier prostré dans un angle de sa cellule et le gaz qui s'échappe d'un
brûleur de camping…
…les
soldats dispersés par l'orage aveuglant, les vêtements en flammes et les piles
de cadavres carbonisés…
...
les femmes armées qui patrouillent et marquent d'une croix à la craie les
maisons où se cachent les mâles...
...
les parcs fleuris de la réserve…
…
les pillards attachés par les pieds au bord du précipice sous la surveillance
des gouines et des folles de cuir...
... les tiroirs de la morgue, les couloirs
de l'entreprise où les zombies déambulent en songe…
...
son propre basculement au sein d'un moule en creux, l'aspiration dans le
couloir interminable…
…
la salle des douches, le vertige et le brouillard d'où émergent les Mères
assises au centre du cabinet des miroirs, veillant sur l'ampoule rouge et les
audiences de l'Ordinatrice…
…
les lambeaux de son corps disloqué collant à l'épiderme des survivants,
frottement de muscles, sueur, sang, l'espace aboli, le calme d'un ciel sidéral
avant le recommencement des luttes…
…lui-même
courant en tous sens comme une poule décapitée dans la cour du Semenciaire, se
heurtant aux murs, tordant les hampes des drapeaux plantés dans son corps…
...l'écran total, le noir…
Le Pastor Meinkampf a fait transporter Scott évanoui
dans son salon d'épreuve. L'étui pénien relevé sous sa robe, il admire le corps rebondi de
l'adolescent, et l'appendice gigantesque qui pend, flasque, entre ses cuisses.
- Voilà donc l'étalon de Sandbox?.. Je sais qu'il n'est
pas muet mais il était écrit qu'il viendrait à moi sans un mot. A moi de lui faire retrouver la conscience.
D'un claquement de doigts il fait apporter une boite à
l'intérieur de laquelle des aiguilles sans chas sont fichées dans un coussinet
de velours. Il chausse un gant de fer
aux doigts articulés:
- Puisqu'il est muet, que ses lèvres sont privées de
cris.
Il enfonce de son index ferré une aiguille courbe dans
l'épaisseur des lèvres. Elle s'y loge
comme un fermoir. Les serviteurs
retournent Scott, on le fait se casser en deux, le cul saillant. La deuxième aiguille lui lie les bords de
l'anus. La pièce de métal pénétrant dans
le sphincter lui arrache des grognements gutturaux qui augmentent quand elle
crève difficilement la peau pour ressortir.
Scott revient à lui en hurlant.
Poussé par un souci artistique, Meinkampf plante une dernière épingle
dans la couille gauche. Soutenu par deux
Pastors, Scott est conduit au
cabinet de prélèvement. Il a beau essayer d'écarter les jambes, sa
démarche est gênée par les pointes courbes qui lui piquent le cul et
l'intérieur de la cuisse. Un cercle
d'enfants entiers a été disposé sur le carreau en couronne. Accroupis dans la pose du petit chien, ils
tendent le cul.
Meinkampf relève sa robe pour prendre place sur son
trône. Un godemiché de bois d'olivier
est attaché verticalement par la racine au siège. Malgré son habitude de la dilatation
rectale., le Grand Superstitieux marque un temps avant de s'asseoir et
d'ordonner qu'on lâche l'étalon. Les
Novices désignent pour Scott le premier garçon en le lui présentant, fesses
ouvertes. L'enfant imberbe n'a pas plus
de onze ans, l'âge auquel Scott fut éduqué par le boucher à la trique. Comprenant l'attente du Supérieur, Scott
s'approche du corps gracile et caresse l'anus vierge, resserré et luisant. Il s'efforce de rassembler ses esprits pour
bander, sollicite dans sa mémoire les images du boucher, les seules visions
érotiques qu'il connaisse. Par peur de
perdre son érection naissante, il pousse sa bite en avant, s’arcboute et
dépucèle le garçon en s'y glissant tout entier.
Les Novices qui tiennent l'enfant le giflent pour le faire taire. Le petit corps coulisse sur le nerf de Scott,
se piquant les fesses à sa couille aiguillonnée.
- Tu tireras d'eux le premier jus, celui qui fécondera
les Jésus, les petits humains de compagnie destinés au plaisir. Quand tu les auras traits, on les renverra
aux serres pour le bistournage.
Un
Pastor agenouillé, attentif au progrès de la saillie est prêt à recueillir dans
une éprouvette-suceuse la claire liqueur séminale du pré-adolescent. L'enfant émet quelques gouttelettes laiteuses
vite aspirées par le tube. Scott se
retire et embroche le suivant. Une
contraction tend Meinkampf qui jouit dans les plis de sa robe. Il approche pour contempler le travail. Il écrase dans sa main gantée les couilles de
Scott pour s'assurer qu'il ne se videra pas dans le cul des gamins, brisant
l'aiguille dont les morceaux s'enfoncent tant dans sa paume que dans les
boules.
Le sperme des éprouvettes fécondera les fillettes
disposées en batterie dans les serres.
Elles servent jusqu'à ce qu'elles meurent en couche. Quand elles accouchent de Sophies, on trie
leur progéniture en
-fillettes
zéro-défaut remises au Comité d'Education des Elites
-malformées
destinées au stockage ou à la reproduction
-travailleuses
stériles remises aux bordels pour mutants des Terres du Milieu. On leur excise le clitoris et les grandes
lèvres afin qu'elles ne ressentent pas de plaisir. Quand on ne les coud pas, on leur fixe des
mèches en cul et en con pour qu'elle s'habituent à leur usage
ultérieur, on les élargit avec des épis de maïs et des cornes de bovins. Certaines sont décervelées, réduites à l'état
de machines végétatives et molles.
Le Semenciaire fait office, selon sa destination
première, de C.H.I.U.R.E. (Centre Habilité aux Implantations Urétro-Rectales
Electro-Identitaires. Les greffeurs
partagent les locaux du Bloc avec les adolescents qu'ils ont soustraits au
groupe du Service. Après un séjour en
chambre nuptiale où l'on vérifie qu'ils possèdent les qualités anatomiques
requises et aucun symptôme de mutation, ils seront remis aux autorités qui
décideront des suites à donner à leur carrière.
Scott est lié à la table d'opération, les jambes en
l'air, dans la position de la parturiante, rosette dégagée. Un Pastor en blouse blanche l'a piqué dans la
corolle pour obtenir l'élasticité nécessaire sans procéder à une fastidieuse
dilatation. Le règlement en vigueur
requiert qu'il reste conscient durant l'implantation. Meinkampf écarte avec ses pouces le muscle
relâché, il isole avec une pince à mâchoires une portion de la paroi rectale
située à quelques centimètres de l'orifice, il y pose la pointe du bistouri et
taille. Les Pastors chantent pour
couvrir les hurlements de l'opéré.
Meinkampf introduit la bille électronique dans la cavité qu'il a
légèrement creusée à la curette. Il
recoud de quelques points de catgut.
Tous les jours on vient surveiller les progrès de la
cicatrisation. Scott est maintenu sur le
dos à une table de Proust; un écarteur fiché dans l'anus permet un accès facile
à la plaie pour les soins. On ne le nourrit
plus pour éviter le passage des matières.
On lui lave l'intérieur avec des solutions salées. Pour lutter contre le bourgeonnement, on
l'enduit de substances acides qui réduisent la suppuration, déterminent des
hémorragies de surface et provoquent des douleurs lancinantes jusque dans ses
genoux et ses chevilles rouillées.
Quelques semaines plus tard, le Grand Superstitieux
procède en personne au dernier test. Il
fait vider les lieux de tout témoin. Il
ôte la cape qui le revêt et son corps malingre reflète la lueur verte de la
lampe circulaire qui éclaire la table de chirurgie. Dans le verre des lampes qui l'aveuglent,
Scott aperçoit les jambes fluettes et osseuses; la queue dressée est recouverte
d'une sorte de corne creuse striée et annelée comme une râpe queue-de-rat. Le Pastor l'enduit d'un gel alcoolisé et
l'introduit dans l'espace laissé béant par les pinces. Il progresse par à-coups, frottant contre
l'entaille cicatrisée. Dans le douleur
infernale de la pénétration, Scott éructe:
- Père, donnez-moi l'arbre et non l'écorce.
Le Pastor se retire et déclare:
- Maintenant, ton avenir, si tu en as un, est au-delà
du Léssépissé.
"Attention, attention! Parents d'enfants en bas âge, ou futurs parents! Dans un avenir proche... Vous serez déportés! Vous serez installés dans des centres d'élevage. Les mâles seront exterminés sans douleur. Les femmes seront parquées en batteries, avec un étalon par équipes de trente reproductrices ... Les bébés et les jeunes enfants trouvés à l'extérieur des zones de reproduction seront immédiatement détruits. Ainsi que leurs ‘’parents’’ bien sûr. Merci de votre coopération.’’Henry Rollins Body Bag
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