III- MAISON
CLOSE
DOMUS
DOMINORUM
1. La clairière carrée des forêts pacifiques
S'orne de têtes réduites, de
boucliers
Qui tendent vers la nuit le
miroir chaotique
Des secrets initiaux appris puis
oubliés.
Les impétrants ont dû chevaucher
les troncs d'arbres
Tandis qu'on imprimait avec un clou rouillé
Tandis qu'on imprimait avec un clou rouillé
Les dessins imitant les écailles
de marbre
Des animaux tabous, sur leurs
deux flancs souillés.
La feuille sédative a desséché
leurs lèvres
Quand glissa sous leur peau la
lame du couteau,
Et leur corps infecté se
débattant en fièvres,
En rêve les brinquebalait, comme
bateaux.
Vides, légers, souffrant, dans le jour mal à l'aise,
Ils ont chassé, tout nus, les
animaux violents;
Ils voulaient enjamber d'un seul bond les
falaises
Quand l'aube les surprit, noirs
et sanguinolents.
Vers la porte du jour, en file
maladroite,
Les vieux les ont conduits,
tremblants, au rituel,
Projetant de broyer menu leur
couille droite
Ou d'ôter de leur gland le pli
conflictuel.
Les mâles déroutés par la vie
insultante,
Ecoutant les gourous qui
convoitent leur fric,
Construisent, dans les champs
civilisés, les tentes
Où ils suent en commun et
triquent en public.
Comme les chiens ils pissent
autour des racines,
Enserrent l'écorce des bouleaux
dans leurs bras,
Avalent les potions des
hommes-médecine
En récitant tout haut des
abracadabras.
Comme ils croient que faisaient
les indiens, ils se pendent
Par les seins au sommet des
tipis, rassurés
Que leur être effacé vers la
douleur se tende,
Aveuglé dans l'éclat du soleil
fracturé.
Ils sont entre eux, ils se
suffisent, l'un dans l'autre,
Ils font les gestes qui
abolissent le temps:
Dans le vestiaire au stade,
hurlant "il est des nôtres",
Raides comme au gibet, culs,
corps et cœur content.
2. Nous, orphelins, les héritiers
Nous avançons à reculons,
Traversant les corps de métiers,
Visseurs de culs et de boulons.
Nous sommes les liquidateurs;
Le feu privé dont nous brûlons
Ronge la foi des zélateurs
Etroits que nous émasculons.
Nous sommes les porte-étendard,
Nous, les pourfendeurs de colons,
Zouaves, poilus, grogneurs, soudards,
Branleurs sans armes,au bras long.
Chantant l'ordure et le dégoût,
Toujours vers vous nous basculons,
Sans cesse aux aguets, dans l'égout,
A la porte de vos salons.
Entendez-vous dans vos cités
Le chant
d'amour de nos canons?
Au fronton des
palais hantés,
Flottent les drapeaux à nos noms.
Nous exploitons vos pollutions,
Sans bruit comme nous avalons,
Fomentant la révolution
Dans le fond de vos pantalons.
3. Par l'encre, par la craie, le
graphite et la gomme,
Par l'empreinte du grec au flanc
du vase antique,
Par la plaque nitrée et l'épreuve argentique,
.
Nous construisons la maison des hommes.
Par le long défilé des soldats de Sodome,
Bataillon, Unité, corps,
troupe, bande, équipe,
Au fil du temps qui coud le
groupe avec nos tripes,
Nous construisons la maison des hommes.
En désirant sans fin mordre à toutes
les pommes,
Tristes corps que la nuit sans égard manipule,
Avec poings en truelle et pioches en virgule,
Nous construisons la maison des hommes.
En buvant au goulot nos fioles de
rogomme
En pissant sous la lune, en arrosant de sperme
La terre battue des caves qui nous renferment,
Nous construisons la maison des hommes.
Avec le gars en bleu, l'imprudent,
l'économe,
Avec tout ce qui veut, même dans la traîtrise,
Charpentiers et maçons oeuvrant avec maîtrise,
Nous construisons la maison des hommes.
Subjuguant les puissants, pauvres bêtes de
somme,
Criant sus à qui tourne le dos à
l'obstacle,
En gravant dans nos dos les
étoiles pentacles,
Nous construisons la maison des
hommes.
Avec le jardinier et contre
l'agronome,
Sur les buissons ardents que d'inconscients plantèrent,
Nous glanons les fruits verts trop tôt tombés en terre,
Nous construisons la maison des hommes.
Nous qui portons la vie et ce qui
la consomme,
Serpents bisexués s'avalant par
la queue,
Kangourou, hippocampe, otarie,
hochequeue,
Nous construisons la maison des
hommes.
Avec l'équerre, avec le flingue
qui dégomme,
Usant pour tout levier, béquille
ou couteau suisse,
Du vibrant balancier qui pend
entre nos cuisses,
Nous construisons la maison des
hommes.
4. Les
hommes du matin
Le soleil déjà haut dans le jour encor froid
Fait vibrer l'air léger sur la colline aux cistes;
Les hommes du matin sont décidés et tristes;
Le regard affûté, ils ne marchent pas droit.
Ceux que la nuit n'a pas comblés, ceux qui travaillent,
Ceux qu'elle a satisfaits, mais pas à satiété,
Ceux qui n'ont pas tiré avant d'aller pointer
T'attendent, le short bas, de dos, dans les broussailles.
Leurs culs sont grand ouverts comme des entonnoirs,
Ils se font bourrer mieux que ne feraient leurs femmes.,
Au réveil quand
l'envie d'être plein les affame
Et qu'ils larguent leur jus avant le petit noir.
Ils ne t'embrassent pas, ce n'est pas un truc d'homme,
Ils évitent de te toucher; leur frustration
Les pousse à réclamer de vertes punitions:
Tu sais vite tout d'eux sauf comment ils se nomment.
Sous la crasse ils sentent le savon bon marché,
Ils n'ont que l'intérieur de propre pour la fouille;
Ils ordonnent « plus fort » quand tu leur broies les
couilles
Et te disent merci après qu'ils ont craché.
5.
Quatre-piquets (negro
spirituel)
Aux pieux plantés en croix comme sur la
boussole
J'ai moi-même fixé les cordes de nylon,
Mais comment attacher, à moins que je
les colle,
Mes deux membres restant sans l'aide
des colons?
En glissant sur leur bras comme un
piston s'échappe,
Pourrai-je me vider de tout ce qui
pourrit?
Désirerai-je encor conquérir par étapes
Le paradis muet où les fauves sourient?
Je ne peux épouser ce monde
inéluctable,
Il faut donc qu'on le rentre en moi à
coups de poing
Pour qu'à l'issue du jeu je reste sur
la table
Tendre, au soleil rôti, cuit comme un
steak, à point.
Camphre, piment, citron, saturée de ces
drogues,
Ma voix réclamera le hurlement du
fouet:
Que, semblable au marron l'on m'arrache
à ma bogue,
Pantin éviscéré dans la malle aux
jouets.
Après je serai mort à l'orgueil et au
crime
J'aurai expié: vivre est, en soi, le
châtiment.,
Et je ferai avec mes sanglots de
victime
L'éloge des bourreaux qui furent mes
amants.
6. Paper-roll piano (souvenir de
Corigliano)
Allongé sur le souffle annonciateur
d'orage,
Bercé par la dérive infime des nuages,
Comme si je jouais du piano mécanique
Et que flottait au loin la mélopée
bornée
Du Tango d'Albeniz, je me laisse
emporter
Vers l'été qui déploie sa splendeur
chimérique.
Comme si je jouais du piano mécanique,
Comme si je pissais dans l'ouïe d'un
violon,
Comme si je battais les tambours
héroïques,
De
concerts avortés en mal de conclusion.
Oh ce vacarme hideux d'orchestre qui
s'accorde,
Ces accords hérités de pianistes
défunts,
Ces rouleaux de papier usés jusqu'à la
corde,
Danses qui n'ont gardé que l'aigreur
pour parfum:
Ces scies de music-hall substituées aux
mots,
Comme si l'on jouait du piano mécanique
Font s'imbriquer les rouages
fantomatiques
Et les circuits rouillés de mon corps de
robot.
7.
Voilà trois bons jours pleins que chantent les cigales,
C’est que l’été flamboie sur le foin des chardons,
C’est que la chaleur tue lorsque le cœur s’emballe
Et
que le soleil blanc irradie sans pardon
Sur les toits en alu chapeautant les
casernes,
Sur la maison en toile où chauffe le goudron,
Sur les clochers rongés où les drapeaux en berne
Comme de rouges focs incendient
l’horizon.
Clair août, tant désiré, je redoute ta laisse,
Je suffoque étranglé sur le
bord des rus secs
Chaque éclat de mistral comme un rasoir me blesse
Et
je n’ai que mes pleurs pour boire à mes échecs.
Tandis que hurleront les sirènes des plages
Une sueur glacée coulera dans mon dos
Car c’est en plein hiver que mon esprit voyage,
Patineur égaré dans le flot des badauds.
8.
Bordée
Marin, crache dans tes mains
Pour que gonfle le foc et se tendent les drisses
Pour raviver le feu qui rougit les machines
Verse sur les pistons l'huile de vaseline
Et serre à l'étrangler le manche de ta pioche.
A
la croix des coursives, l'oeil blanc, aux aguets
En heurtant aux boulons le front du mousse envieux
Marin crache dans tes mains
Pour élargir sans heurt le quartier-maître hideux
Gras comme un fruit d'orient grêlé par la vérole,
Etroit comme un lit d'oued asséché au
désert
Marin crache dans tes mains
Dans la soupe aux cuisines
Où tu pétris ton pain de sueur et de sel
Au retour de la nuit dans la chambre commune
Pour ramollir ton cal
Marin., crache dans tes mains et astique ta pine
9. Le soldat a besoin d’amour
Dès qu’il n’obéit plus aux ordres ;
« Pour l’amour c’est chacun son tour »
Sa
tendresse ne sait que mordre.
Il lui faut des piliers de bar,
Des inconnus prompts aux rencontres,
De brefs ébats, fruits du hasard,
Des poupées pour se chauffer contre.
Son
impuissance aux sentiments
Le
met sans cesse à l’exercice.
Ce
n’est jamais qu’à lui qu’il ment
En
bafouillant comme un novice.
Dans
ses villes de garnison,
Comme il s’ennuie quand c’est relâche,
Avec
ses amants de prison
Dans
ses transports il dit : « La vache ! »
Il
sait aimer à en mourir,
Car
il crève sous la cravache :
C’est ça de pris sur l’avenir !
Sa
passion meurt quand on l’attache.
Il
se fait mettre sans façon,
Te
prend comme un cheval de somme,
Mais
ce n’est qu’un petit garçon
Aussitôt qu’il se croit un homme
Sa
vie c’est La Grande Illusion,
Du
tra-la-la et des costumes,
De
l’or en galons à foison,
De
l’honneur, des bijoux, des plumes.
Il a
le cœur sec des vainqueurs,
Et
l’égoïsme de l’athlète,
Ô
mon handicapé du cœur,
Ma
majorette, mon Trompette.
Il
ne sait se donner qu’au corps,
A
l’arme, au groupe ou à la troupe;
On
n’obtient jamais son accord
Qu’à
coups de pompes dans la croupe.
Il
ne veut prêter son concours
Qu’à
éteindre les feux d’urgence,
«Va,
je t’en donne de l’amour,
Toi
t’es verni pour la romance ! »
Le
Soldat meurt seul au combat,
Il
s’est tatoué sur l’épaule
« Maman, je t’aime » et puis, plus bas :
« Robinet d’amour pour les drôles. »
10. On va
toujours à l’aventure
Le
hasard épingle à tout coup
Pauvre corps et triste nature
Quand vivre nous vient par à-coups
Le
temps quand on n’en fait rien s’use
Le
moteur s’étrangle à tout va
Danseur sur le gouffre on s’amuse
D’observer ce qui grouille en bas
Tout ce qu’on saisit se dérobe
C’est en vain que l’on s’y soustrait
Ce
qu’on avale nous englobe
Tout est possible rien n’est vrai
11. Je
suis mort hier
Toujours à ma montre
Le
temps des rencontres
S’égraine à l’envers
Ne
m’en veuillez pas
J’étais las d’attendre
Et
de me suspendre
En
vain à vos bras
Sans jamais pouvoir
Filer à la voile
Rejoindre l’étoile
Qui
luit dans le soir
J’étais un fruit sec
Au
bord des fontaines
Et
la vie hautaine
M’a
cloué le bec
12. J'entends dans mes poumons
Le souffle embarrassé de ma voix qui s'éteint,
Ce jappement de chien, ce ronflement de braise,
Qui chuinte et siffle, rauque, à travers les goudrons.
Ma cheville qui craque,
Mon genou déboîté, ma sciatique chronique,
Confèrent à mon pas ce petit air comique
De vieillard claudiquant, sautillant et maniaque.
Par mes deux poings serrés
Je conjure le sang qui bat fort dans ma tête
Et ce raidissement nerveux de bête inquiète
Relance les sursauts de mon coeur déchiré.
Entre mes cuisses pend
Un bout de chair inerte, appendice apaisé
Que plus rien ne secoue, ni les regards
croisés,
Ni la main fatiguée que parfois j'y suspends.
Je ne sais pas par où
Je tiens, par quels boulons restés par chance en place
Ni quel moteur poussif anime ma carcasse,
Ni quels étais branlants me maintiennent debout.
L'esprit vif et le corps débile,
Je suis porté par le vent froid des vanités,
Recollant les éclats du réel délité,
Uniquement ému, et mu, par l'inutile.
13.
Lorsque je reviendrai à moi
Le monde aura changé et tout sera
parfait
Ma
volonté est morte et je veux désapprendre
Lorsque je reviendrai
Les murs seront en ruine
La
nature cruelle aura repris ses droits
Les liserons en fleurs étrangleront la vigne
Et
les outils rouillés des trimeurs maladroits
Si
je reviens après avoir sauté
Dans l’inconnu lié à un bout d’élastique
Si je crois que l’on peut
revenir sur ses pas
Lorsque je reviendrai après avoir ôté
Les habits éculés du pantin domestique
Si
je voulais savoir et manger mon pain blanc
Si je voulais
Quarante années d’usure et n’avoir rien appris
Quarante ans de vacance et pas un seul projet
Tout pris tout digéré et sans objet épris
N’ingérer que la cendre et les fruits du rejet
14. Toi qui n’es pas de ma famille
Et que certains voient dans le ciel
Toi qui m’a apporté des billes
Des poupées des dattes du miel
Nourris la flamme qui vacille
Et le tissu cicatriciel
Eloigne du gui la faucille
Noies mon chagrin superficiel
La prochaine fois que je pleurerai
Sur d’autres sur moi sur après
C’est Noel que l’on déshabille
Si la sorcière avec son fiel
Arrache chapeau et mantille
Du front qui m’est consubstanciel
Il y aura des tirs factices
De pétards dans le ciel d’hiver
Des fusées de feux d’artifice
Et des bonbons d’orange amers
La prochaine fois que je pleurerai
Sur d’autres sur moi sur après
Il y aura dans mes armoires
Les cadavres de mes aÏeux
Des fanions de proches victoires
Et des portraits en camaïeu
Des joncs dans les bijouteries
La
coquetterie des adieux
Et
dans chaque boulangerie
Les galettes des trois rois pieux
Il
y aura de la musique
Pour les corps nus dans les pornos
Quelques complaintes romantiques
Sur le beat lourd de la techno
Des gladiateurs blessés sans risque
Mais qui circulent dans le sang
Des laits noirs suintant des lantisques
Au
cabaret des trépassants
La
prochaine fois que je pleurerai
Sur d’autres sur moi sur après
15. Seigneur,
dieu des chrétiens, apportez moi la grippe
Vous attendiez le temps de rompre notre sceau
Mais quand la bave bleue me baignera la lippe
Je
jouirai du sang dans un dernier sursaut.
Abrités
par l’abside on se taillait des pipes
Enfants de chœur on s’enculait sous le
boisseau
On
s’enivrait de vin en se bourrant les tripes
Des
fluides consacrés qu’excrétaient les puceaux.
Je
prie pour ces fléaux qui sont votre vengeance,
Le
déluge et le feu de notre délivrance
Pour les veaux étranglés dans les nœuds des lassos
En
ce soir de Noêl vêtu de pauvres nippes
A
croupetons je viens comme un fieffé pourceau
Vous réclamer la peste à en vômir mes tripes
16. Ni le
feu clignotant des petites étoiles
Ni
les lampions frileux des dancings désertés
Ni
les songes jetés sur les écrans de toiles
Ne
rempliront mon cœur par l’hiver hébété
Fenêtres dans la nuit qu’avez-vous à me dire
Qu’un semblable horizon s’empourpre au loin ailleurs
Et
que ce qui brûlait comme un éclat de rire
Luit toujours dans l’aura des soleils intérieurs
Que
sur le chemin sombre on rallume des torches
Que
dans l’obscurité se profile un veilleur
De
l’épaule appuyé à l’arc-boutant d’un porche
Et
qu’il promet du feu pour des matins meilleurs
Un
ange qui met fin aux longues solitudes
Qui
parlerait quand tout s’est tu avec douceur
Dissipant de sa voix les tristes habitudes
D’un
geste dispersant les oiseaux jacasseurs
Toi
qui n’existes pas ne mouche pas les cierges
N’éteins pas les bougies des frêles paradis
Ecris dans mon esprit comme en un livre vierge
Les
serments écrasés des désirs interdits
17. L'odeur de détergent, de foutre
répandu
Où
se mêlent relents de sueur et de pisse,
Ce
parfum de vieux cinéma porno, de trou complice,
Obscur, où tous les corps, même mous, sont
tendus,
Je
l'ai, comme mon propre musc, dans les narines:
Elle monte vers moi des couloirs du métro,
Des massifs piétinés, des parcs municipaux,
Des impasses, des porches où, saoul, l'on
urine.
Elle promet tout son pesant de bourses pleines
De
coups de cinq minutes, l'oeil vif, aux aguets,
De
cris de jouissance étouffés, de paquets
Trop vite déballés et d'explosions soudaines;
Remugle de piscine emplissant les vestiaires,
D'humanité suant dans les fourgons de flics,
Senteur de panard chaud dans la grolle en
plastique,
De
chantier emboué aux toilettes précaires,
Imprégnée dans mes vêtements, sur mes
semelles,
Je
la traîne, comme un signal pour le passant,
Jusqu'au lit, où, cassé dans un spasme
puissant,
Pour ne plus la sentir, je m'évapore en
elle...
Q
.V .Q
1. Pénétrez-vous
l'esprit de saignants cauchemars,
Mordez
dans l'herpès purulent des lèvres mâles,
Du
cul, du vrai, du cru, du sexe, mais du sale,
Les
déchets que la nuit réunit au hasard.
Hôtel
au mois,
Quasi
de passe,
«
A la réception passe
Courbé
» ... L'autel:
Le
lit aux draps puants,
Les
cafards qui se coursent,
La
plaque de beurre sur la fenêtre
C'est
l'hiver,
Le
gode caché sous la pile de pulls.
«
Accroupi, froc bas, aux chevilles! »
Pas
utile de commander.
Je
dédaigne sa queue bandée;
Lui ne s'est même pas vidé
Pour
s'offrir propre au jeu de quilles.
La
marque du gland en plastique
S'imprime
dans le beurre dur.
La
tige de latex orange
Fichée
à mi-canal,
Il
gémit et avale,
Avide,
la hampe du membre.
A coups de poings les demi-couilles
Forment
la butée du désir,
Va-et-vient
foireux où la merde
Lui
dégouline au long des cuisses
Car
c'est la dernière façon
De faire vibrer sa chair flasque;
Sans que j’aie fourré dans la vasque
Ma queue qui
pend sans résistance ;
Je
n’y colle pas un index,
Qu’il
dépose dans son kleenex
Un
jet d'urine et de semence.
2. Condylome
et fistule
Le
dermatologue
M'a
regardé l'oeillet;
A
dit d’un ton rogue
« Allez voir ma collègue »
-
Le docteur va vous prendre »
A
fait la secrétaire
Du
dispensaire
-Belle
annonce!-.
Derrière
son bureau
Une
dame sourit ...
Non
maman,
Je
veux pas grimper sur la table.
Le
froc bas,
A
genoux,
J'attends
Qu'elle
graisse son instrument.
Je
sens à peine
Le
bout froid
Du
speculum
Qui
pénètre.
Elle
regarde:
« Il y en a
Aussi,
dit-elle,
A
l'intérieur ».
Mon
pénis
Se
rétracte
Un
peu plus,
Chiffon
mort.
La
porte s'ouvre;
L'assistante
Stagiaire
fait
«
Bonjour », enjouée.
La
joue sur l'oreiller,
Je
dis «c’est rien »
Le
médecin
Dit
« Observez ! ».
Un
oeil banal,
Inquisiteur,
Scrute
l'intérieur
Du
conduit rectal.
Je
serre les fesses
Sur
la crotte dure
De
métal, qu'elle laisse
Fichée
au chaud
Le
temps de rédiger
Pour
le chirurgien
Son
rapport. Puis
Je
chie l'engin.
*
Le
connard
Cravaté
Me
demande
Si
je suis pédé.
Je
m'en défends:
«
Je suis marié »
Il
répond:
«
Ça n'empêche pas »
Je
dis:
«
Je n'ai pas eu de chance,
Une
fois,
Et
voilà le résultat ».
Il
dit:
«
Quand on y a touché,
Un
jour vient
Où
l'on recommence »
Je
n'ai pas la présence
D'esprit
de faire
Remarquer
Qu'il
est bien renseigné.
Il
veut ensuite
Examiner
le site;
Je
sens ma bite
Et
mon estomac se nouer.
Le
pantalon
Sur
les chevilles,
Je
monte sur la couche
Sans
ôter mes chaussures.
Il
dit: « En position! »
Et
« Ecartez les fesses »
Mais,
avec le stress,
Mon
cul est en béton.
J'entends
le frottement
Des
gants de latex.
Il
pousse son endoscope
Sans
lubrification.
Je
grogne qu'il fait mal ...
«
Z'avez pas l'habitude? »
Insinue-t-il
L'air
dégoûté.
« Trois verrues,
Loin,
vers l'intérieur,
Et
deux visibles
Sur
les plis:
On
va traiter
Ça
au laser.
Si
vous avez du cran
On
le fait en local,
Mais
soyez prévenu
Que
beaucoup de patients
Tournent
de l'oeil
Quand
on les pique;
Deux
injections
Dans
le rectum
Sont
nécessaires
Pour
opérer.
La
dilatation anale
N'est
pas une partie
De
plaisir,
Vous
savez! »
Je
suis livide
Et
je le sens
S'amuser
A
me voir blêmir.
J'ai
les foies,
Je
choisis quand même
Une
anesthésie
Générale...
Quand
je serai
Dans
les vaps,
Tout
l'hôpital
Pourra
me passer dessus.
La
douleur me fait peur,
Je
suis une lavette.
Qu'il
se délecte
De
ma face écarlate!
Il
se garde bien
De
prévenir
Qu'on
déguste
Ensuite
un bon mois,
Le
temps que les brûlures
Au
troisième degré
Cicatrisent
Complètement.
*
La
vieille infirmière
A
moustache
Me
rase
Les
poils du cul,
Evitant
d'écorcher
Les
reliefs
Sous
la lame;
Je
frissonne.
Le
gel froid
L'acier
bleu
Me
donnent
Un
début d'érection.
Je
m'enferme
Dans
les toilettes
Pour
m'infliger
Le
lavement:
Il
faut que la zone
Opératoire
soit propre:
Les
docteurs n'aiment pas
Se
salir les mains.
Il
faut garder
Le
liquide
Dix
minutes,
Cul
serré.
Je
n'ai pas de talent
Pour
le masochisme
Les
chirurgiens
Vont
m'apprendre.
Je
me vide, c'est bon.
J'avale
les pillules.
La
tension tombe.
Je
sombre.
*
Mon
voisin dit:
«
Ils ont ou peur,
Ils
étaient tous
Autour
de toi.
Z'ont
eu du mal
A
te réveiller » ...
Je
me lève
Avec
la perfu.
Dans
l'escalier
Aux
courants d'air,
Je
fume un clope;
La
tête me tourne...
Je reviens en métro;
Les
vibrations m'empêchent
De
m'assoir sans douleur
Sur
mon cul torturé.
Je ne
peux plus dormir
Sauf
à plat sur le ventre.
Parfois
en pleine nuit.
Je
m'éveille en hurlant.
Je
rêve: on m'a fiché
Trois
sèches allumées
Dans
le boyau; au bout
Un
sadique crapotte.
Je
bouffe des gelées
Pour
avoir la colique.
J'arrête
de manger
Pour
moins chialer aux chiottes.
La
branlette devient
Le
seul analgésique,
Actif,
un court instant
Après
la jouissance.
*
Quelques
mois plus tard
Un
vieux blond me drague
Avenue
de Clichy.
Il me
chuchote:
« On
a baisé une fois;
J'ai
pris un super-pied.
Tu te
souviens pourquoi?
Tu
t'es fait enculer ».
Voilà
que me reviennent
Les
souvenirs diffus
Emportés
par l'ivresse:
Je le
revois sur moi
Avec
sa queue râpeuse
A la
couronne ornée
Sur
le pourtour du gland
De
petits grains en crête.
Je
tourne les talons,
Je
n'ai pas le réflexe
De
lui bourrer la gueule
Pour
mon cul boursouflé.
Après
tout, c'est ma faute
Je
ne suis qu'une lope.
Désormais
après boire,
Je
serai moins salope.
*
Je porte mon anus
Comme
l'autre sa croix;
C'est
pire cette fois,
J'ai
le trou plein de pus.
Les
toubibs avec moi
Se
sont montré gentils
Et
ne m'ont mis des doigts
Qu'avec
parcimonie,
De
peur probablement
Que
de bons hurlement
N'affolent
leurs patients
Dans
la salle d'attente.
C'est
génial, l'hôpital
Est
au métro Gaîté:
Pour
finir charcuté
C'est
l'endroit idéal.
J'informe
l'infirmière
Que
je chie dans mon froc
A
l'idée des douleurs
Que
la taille provoque.
«
Ça fait pas mal
Les
condylomes:
Une
fistule du rectum
C'est
pas la mort du petit ch'val!
On
donnera
De
la morphine
Si
ça va pas,
Soyez
tranquille. »
Couché
sur le dos
Dans
mon lit d'hosto,
J'ai
tout le loisir
D'en
rire.
Je
touche du doigt
La
plaie que creusa
Le
scalpel en moi
Et
qui cicatrise.
Entier
devenu
Mon
seul trou du cul,
J'ai
toujours en vue
Qu'on
me sodomise.
J'ai
hâte de voir
Comme
un jouet neuf
Si
mon oeil de boeuf
S'ouvre
à vos boutoirs;
Prêt
à l'essai,
Je
tends, lecteur,
Aux
pieux épais,
Mon
postérieur,
Et
je t'invite
A
venir vite
Clouer
ta bite
A
l'intérieur.
3. Nuit
chienne
Nuit
noire,
Nuit
blanche,
Sous
les branches
Des
marronniers.
J'ai
tiré
Trois
fois
Mon
coup
Sans
faiblir.
L'africain
Qui
sent bon
M'a
sucé
Sans
dégoût.
J'ai
rendu
La
pareille
Au
circoncis
Par
politesse.
J'ai
tenté
De
m'assoir
Sur
le noeud
Du
coiffeur,
Près
du lac
Aux
canards,
Dans
les massifs
En
fleurs.
Son
bout dur
M'a
tout juste
Ecorché
La
rondelle.
Appuyé
Au
muret
De
briques
Face
aux voies,
Je
respire
L'odeur
Acre
et aigre
De
pisse,
J'inonde
De
poppers
Le
petit jour
Levant.
Je
tripote
A
travers
Mon
short troué
Ma
bite
Pour
happer
Le
premier
Qui
voudra
Y
goûter:
Un
vieux con
Bedonnant
A
l'haleine
Fétide
Qui
tient
En
laisse
Son
clebs
Idiot.
Je
sors ma queue;
La
bête pose
Sur
mon gland rose
Sa
truffe humide.
Le
maître dit
«
Lèche » et la langue
Tête
et lape
A
sa demande:
Lippe
troussée,
Babines
hautes,
Il
est dressé
A
l'ouvrir grand.
Je
demande
Au
débris
Si
son bâtard
Le
bourre.
«
Ma femme
M'en
empêche.
Lui
a le dard
Trop
court ».
Je
branle
Le
cabot
Qui
gémit
Et
qui tremble:
Un
passant
Me
surprend
La
paume
Sur
son membre,
Hésite
A
s'arrêter
Pour
se joindre
A
la scène,
Et
je jouis
Enfin
Sous
son regard
Obscène.
Tous
quatre
Nous
pissons
Arqués
Contre
les grilles
Tandis
que
Les
trains filent
Dans
l'aube
A
l'unisson.
4. F.F.
Je suis devenu peintre
Pour avoir mis mes poings
Dans le cul épaté
De
Jacques le sculpteur.
Je
me souviendrai longtemps
De
l'atelier aux grenouilles,
Des
fleurs factices, des miroirs,
De
l'odeur de la glaise humide.
J'avais
dit: « Je suis pas violent »
Au
téléphone, et lui, inquiet:
«
Tu peux rentrer la main fermée? »
-
Oui, les deux mêmes, si tu y tiens.
J'avais
trop fumé, trop couru
En
remontant la longue rue:
La
porte encadrée de faux pampres
S'ouvrit.
Le barbu me dit « Entre ».
Torse
nu dans son jean,
Il
ne m'attendait plus;
Suis-je
le bienvenu
En
lui léchant la pine?
Au
fond, près de la douche,
Une
porte à secret
Dévoile
une autre couche
Et
des instruments prêts,
Des
godes noirs et blancs
Dont
la taille croissante
Devient
à chaque rang
Plus
menaçante.
Plus que tout je respecte
L'homme
offert sur son dos
Plus
que l'athlète,
Plus
qu'un héros,
Le
magicien contorsionniste
Qui
sait s'embrocher sans broncher
Sur
le faîte d'un double fist
Fiché
dans son cul, mains croisées.
Tu
es la porte de mon monde;
Ton
oeil noir m'a hypnotisé.
Moi
j'incarne la bête immonde
Que
ta bouche n'a pas crachée.
5. Ciné-moche
Je
demande son âge:
Il
répond dix-neuf ans.
Il y
a bien longtemps
Que
ça ne m'est pas arrivé ...
C'est
lui qui a voulu
Qu'on
s'isole dans la salle,
A
l'orchestre et aux premiers rangs;
Moi
la lumière de l'écran
Me
gêne, mais me voir l'emballe.
Il me
rend ma pipe enthousiaste
-Il y
avait longtemps aussi-.
Pourquoi
ai-je déjà joui
Avec
des vieux à la queue flasque?
Il
est tellement amical,
Et
moi si froid,
J'ai
de la peine,
Je
vais vite venir, et mal:
C'est
gâché, Ça vaut pas la peine!
Orgasme
douloureux et bref,
Pourquoi
m'ôtes-tu tout plaisir
En
me rappelant les ficelles
Qui
ont étranglé mon désir?
Une
famille à la maison,
Un
amant jaloux, et l'horaire
Qui
m'autorise à peine à faire
Un
tour pour cracher, et basta.
Et
lui, je lis dans son sourire
L'attente
avide du savoir,
Plus
qu'à la chair, l'appel à l'âme,
Que
je ne peux pas assouvir,
Et
j'assiste muet au drame,
Impuissant
à me retenir
Quand
ma queue éclate en sanglots.
Parfois,
malgré la bonne baise,
En
quittant le ciné porno
Le
coeur noué, on l'a mauvaise
De
retourner à ses fourneaux.
6. Un
mort dans la famille
Rien n'égale le frisson
Des nuits en plein air
Dans la ville en fête-
Un qui meurt de froid
Un qui meurt d'ennui
Un qui meurt de manque,
Les animaux
Puants, asociaux
Occupés seulement
A tirer sur leurs chaînes
En ces temps d'agonie
De sapins crucifiés
Les fêtards aux souliers ferrés
Regrettent les hoquets
Provoqués par l'alcool
Qui ne les rend plus ivres.
On l'avait trouvé dans sa chambre
A demi asphyxié nageant dans son vomi
Pour me défendre de mourir aussi
N'être qu'un sac vidé
Soulevé par le vent d'un poumon synthétique
J'avais pour seul projet
De
m'étourdir de monde
M'affranchir
de la jugulaire
De
l'imagination destructrice.
Alors
je me réfugiais
Dans
les métros bondés
Sur
le pavé mouillé des jours de grêve
J'agitais
des drapeaux noirs et rouges
Hurlant
avec les choeurs d'homes à l'unisson
Chez
les débitants de burgers
Ma
faim était inextinguible
Du
gras, du steack de vache folle
Avant
les tuyaux de l'hosto
Le
régime sans sol
La
laisse à oxygène...
Je
me joignais au grouillement
De
la vie qui foisonne
Dans
les égouts obscurs
Pullulement
de rats
Contorsions
de lombrics affolés par la proie
Jetés
au fond d'un trou dans la terre stérile
Dans
les caves des sex-shop
Seul
remède à la tristesse
Une
branlette à la sauvette
Un
tremplin pour la frustration
Viendra? Viendra pas?
Le
sportif aux muscles de bois
Protégeant
de trois doigts
Sa
bite ridicule
Accueillant
la mentule
D'un
vieillard maigre au teint cireux
Spectacle
croqué sur le vif
Comme
sur l'écran video
Le
son hurle réglé trop haut
Couvrant
le râle alternatif
De
cet accouplement d'exclus
Dont
l'adieu est définitif
Dès
qu'a jailli le premier jus.
On
aurait pu avoir ceux qui n'ont pas voulu
Et
l'on s'est refusé aux quémandeurs avides
Jeu
douloureux du vide épreuve primordiale
Mensonge
quotidien
Tout
qui s'éveille et qui s'éteint
Comme
on froisse un vieux mouchoir sale
Dans
mon atelier sous-terrain
Se
déshabillaient des lutteurs
Les
soldats nus sortaient des douches
S'unissaient
à des rugbymen
Marqués
au poinçon des crampons
Atys
hurlait émasculé
Déchiré
par des mains ailées
Morcelé
comme ma conscience
Par
le peu de désir de vivre
Un
jour oui, un jour non.
Lui,
suffoquant sous penthotal
Crevait,
la sonde dans la queue
Le
ventre creux, enveloppé de couches
Englué
dans le temps, muet comme une mouche
Tombée
dans un milieu aqueux
Son
souffle luttait pour quitter
Ce
corps qu'il avait détesté
Pour
n'avoir apporté que plaies paradoxales
Vivant,
habité par la nuit
Errant
déjà de place en place
On
attend que le coup de grâce
Permette
que sans bruit
L'on
passe.
J'ai
dit à l'hôpital: ça valait mieux ainsi
On
n'aurait pas pu le laisser souffrir longtemps
Et
au tenancier du sex-shop, « Un jeton s'il vous plaît »
Le
sous-sol était vide
Et
je me suis branlé tout seul dans la cabine.
7. Adieu
au poème
Le
poète a besoin d'extrême solitude
Et
de regrets
Pour
que l'ennui le pousse à faire des chansons.
Autrefois
l'amour suffisait.
Derrière
les volets clos,
En
face de l'école où habitait Chopin,
J'en
ai dit des sottises.
L'inspiration
gisait au fond de nos culottes;
J'étais
Ce
petit chef dont Sartre imagina l'enfance:
Nous
faisions salon littéraire et One-Two-Two.
Le
prof nous enseignait la métrique et le vice;
Nos
éjaculations affolaient ses toutous.
Je
me souviens de toi
Denis
à la queue courbe,
Que
l'on m'avait laissé comme un gibier piégé.
Je
n'aimais guère les adolescents
Quand
j'avais quatorze ans,
Mais mon désir ne connaissait pas de bornes.
Je
me souviens comment, à Rome,
Je
me suis acharné à vouloir te baiser
Quand,
dès le premier soir,
Le
patron de l'hôtel avait surgi en rogne,
Ordonnant
méchamment qu'on tire le verrou
Pour
faire nos cochonneries.
Je
me souviens d'Hervé, montagne à la chair lisse,
Sumo
distingué quand ce n'était pas la mode.
Je
me souviens des pipes dans la cuisine
Sous
l'évier où tu pissais tes calculs,
De
tes sorties inspirées par la jalousie
Quand
je sautais ton mec
En
Normandie, dans la roulotte;
Gershwin
passait à la radio,
Et
toi tu réclamais
Qu'au
moins je lime en rythme.
Je
me souviens des chiens
Avides
de lècher le sperme répandu
Sur
le couvre-lit marron.
Je
me souviens du jour où j'ai dit:
«
Baise-moi » pour me rétracter aussitôt.
Je
me souviens de la potée au chou
Que
tu me servis un midi après la baise
Et
du malaise
Qui
me valut un jour de colle,
Parce
que j'avais précipitamment quitté
Le
cours de physique,
Cherchant
dans la panique
Un
coin discret où chier,
Avant
que la récré ne remplisse les gogues.
Je
me souviens de Camus, Pirandello, Duvert,
Lacan,
Genêt, Apollinaire,
De
tes propres romans qui inspiraient les miens.
Je
me souviens de l'encre violette
Des
lettres de vacances que tu m'envoyais
Dans
la maison de ma grand-mère,
Que
je cachais, craignant que l'on vît au travers
La
promesse de fornications futures.
Je
me souviens du calva à soixante degrés,
De
cette ivresse dont ma mère profita
Pour
me faire avouer mon goût des hommes
Vers
deux heures du matin, une nuit
Que
nous avions baisé à trois
Plus
longtemps que de raison.
C'était
le meilleur de moi;
Je
ne le savais pas.
J'avançais
à tâtons en aveugle lubrique,
Je
pissais des vers comme une taupe hémophile...
Aujourd'hui,
le poète a besoin de matière brute,
De
l'odeur musquée des travailleurs manuels,
Des
soldats dans sa tête,
Des
aiguilles, du fouet,
Mais
tout étant fantasme, il est devenu sec
Et
n'ayant d'autre phrase à ajouter sur lui,
Qu'
« A quoi bon »,
Il
regarde de loin ce qui advint aux autres: