« Beaucoup
d'autres encore ont choisi de semblables sujets : ils racontent,
comme des faits personnels, soit des aventures, soit des voyages, où
ils font la description d'animaux énormes, d'hommes pleins de
cruauté ou vivant d'une façon étrange. L'auteur et le maître de
toutes ces impertinences est l'Ulysse d'Homère, qui raconte chez
Alcinoüs l'histoire de l'esclavage des vents, d'hommes qui n'ont
qu'un oeil, qui vivent de chair crue, et dont les moeurs sont tout à
fait sauvages…
Car
n'y aurait-il dans mon livre, pour toute vérité, que l'aveu de mon
mensonge, il me semble que j'échapperais au reproche adressé par
moi aux autres narrateurs, en convenant que je ne dis pas un seul mot
de vrai. Je vais donc raconter des faits que je n'ai pas vus, des
aventures qui ne me sont pas arrivées et que je ne tiens de personne
; j'y ajoute des choses qui n'existent nullement, et qui ne peuvent
pas être : il faut donc que les lecteurs n'en croient
absolument rien. »
Lucien
de Samosate, Histoire véritable
Dédicace
Je
te sens répandu dans l’ondée obsolète
Qui
pleut sur les jardins pour les fleurir de lys,
J’entends
ta voix de basse enrober ma planète
Enrubannée
par la force de Coriolis.
Je
t’entrevois dans les enclumes des nuages
Ton
odeur se répand en tachant le papier
Ce
parfum de viande et de ferments de laitage,
D’entrecuisse
en sueur, d’aisselles ou de pieds :
Massif,
opaque et brun, tu changes de visage
A
chaque tentative pour t’imaginer,
Le
bedon rebondi, l’aine gonflée, le gage
Des
organes cachés encore invaginés.
Tu
te déplies comme le gâteau d’horoscope
Dans
la tasse de thé du service chinois,
Ton
épaisseur en moi comme un cœur d’héliotrope
Ouvre
vers le soleil sa coquille de noix.
Tu
es là dans le noir quand plus rien ne m’habite
Tu
durcis dans ma main, fantoche de chiffon,
Dernier
de mes amants de carton, toi l’hoplite
Qui
enfles en 3D quand je touche le fond.
Sur
le vague échiquier représentant l’espace,
Partenaire
privé de céleste repas
Médaille
sans avers tu es le sou sans face
Au
jeu tronqué, truqué des destins sans trépas.
J’entends
le cataclysme en moi lorsque tu marches
Dans
cet orage où pleut ton corps désincarné
Dessinant
des frontons et les ruines des arches
De
palais de brouillards aux balcons écornés.
Le
tueur de titans et de géants se dresse
A
l’image de l’océan recommencé,
Et
aveuglé je sens sur ma peau la caresse
De
ton souffle aviné sur mes membres cassés.
Livre Premier: Au cabaret de la férule
Mon
demi-frère et moi nous sortions de l’enfance ;
Au
temps que l’équinoxe d’été approchait,
Quand
les mouches dorées concentrent leur errance
Sur
les feux allumés dans les cours des palais,
Quand
devaient prendre fin les jeux de l’innocence
Et
que le jour se meurt aux lueurs des quinquets,
A
l’issue des festins, lorsque l’obéissance
Ne
nous confine plus aux emplois de laquais.
Le
Sénateur a dit : « Perdez-vous par la ville,
Sur
le pavé luisant, sous la lune d’été,
Où
les esclaves nus sous leurs robes serviles
Cherchent
la compagnie des patriciens crottés,
Sur
le carreau du temple où la nuit séculaire
Eteint
les braseros consacrés aux dieux morts,
A
l’ombre de l’arène où l’aigle dans son aire
Elève
les agneaux pour nourrir sans effort
Les
rejetons fluets qui prolongent sa race.
Dans
la lie des torrents trempez vos pieds de grès
Et
déployez aux vents vos ailes de rapaces
Comme
vous survolez aux thermes les agrès. »
Nous
savions que nos corps durcis par la pratique
Du
pugilat, nos membres forts comme nos troncs
Attiraient
les regards dans l’étuve publique
Des
sportifs débutants comme de leurs patrons.
Nous
croyant rejetons du plus noble lignage,
Dès
l’enfance adoptés, vierges de tout tourment
Dans
la ville aux cent rues nous faisions le voyage
Dont
on ne revient pas comme on était avant.
« Mes
fils, cette saison vous avez atteint l’âge
Pour
fonder vos maison de quitter le foyer,
C’est
le moment de perdre avec vos pucelages
Candeur,
vertu, usage, et de vous dévoyer.
Portez
au cabaret le reste de ma bourse,
Vous
frapperez trois coups au lourd vantail de bois
Et
direz au portier que le but de la course
Est
d’en gagner le triple en une seule fois.
Allez,
mes fils, au claque et riez de l’ivrogne,
A
son pas titubant mesurez la vigueur
De
vos corps de lutteurs et claquez lui la trogne,
Car
il n’aime rien mieux qu’arrogance et rigueur. »
Le
tripot pour enseigne arbore une férule
Où
s’enroule un serpent à tête de dragon.
On
nous a désigné un étroit cubicule
Dont
la porte a tremblé en grinçant sur ses gonds.
Dans
le mur décoré de graffitis obscènes
Un
pavé dessellé permet à discrétion
D’observer
la salle et l’arrière de la scène
Sans
avoir à prendre plus grande précaution.
Les
voix mêlées de cris des clients qui s’engueulent,
Les
chants des buveurs gris font monter la pression.
Le
cabaretier parle à voix basse à de veules
Voyous
gesticulant dans notre direction.
Un
coup de pied pousse l’huis de notre cellule,
L’aubergiste
est venu nous porter des boissons :
« Je
vous engage, avant d’être sur les rotules,
D’écluser
tout ce que vous offre la maison.
Tout
vous en semblera comme d’un mauvais rêve
Certains
philtres mêlés comme en une potion
Vous allégeront l’âme et feront trouver brève
La
nuit passée dans cette triste condition.
Je
devine à vos moues et à ces regards cranes
Que
vous ignorez tout de nos arrangements,
Vous
attendiez qu’on vous mène à des courtisanes
Mais
c’est vous qui serez le gibier du moment.
Pardonnez
si je le révèle avec franchise,
J’en
aurai profité moi-même avec plaisir,
Mais
je ne voudrais pas gâter la marchandise
En
usant ce qui ne peut qu’une fois servir.
Car
on vous a vendu, et l’argent de la bourse
N’a
servi qu’à louer la chambre des travaux,
Où
vous pourrez cacher mieux que sous la grande ourse
La
honte de servir de génisse à ces veaux. »
Alors
nous avons bu pour nous tourner la tête,
Et
n’ayant pas trouvé de sûr moyen de fuir,
Nous
avons résolu de leur pourrir la fête
En
leur volant ce qu’ils entendaient nous ravir.
Puisque
c’était le soir de l’ultime débâcle
Nous
sommes convenus au travers du brouillard
D’examiner
le déroulement du spectacle
Dont
nous étions promis d’être le clou paillard.
Courbé
sous le fardeau d’un manteau de misère
Nous
vîmes que l’acteur teint de rouge minium
Attendait
patiemment l’extinction des lumières,
Pour
ramper à tâtons au bout du proscenium.
C’était
le vagabond qui gagnait par l’ivresse
Sa
pitance, paria au coin des boulevards,
Effrayant
les enfants, insultant qui se presse
Comme
nous, innocents, au fond des traquenards.
Ses
sandales usées tenaient mal aux chevilles,
Révélant
les orteils d’un pied fort et velu,
Les
lacets délassés pendaient en longues vrilles
Le
long de ses mollets rebondis et charnus.
Sous
son masque, il chassait la sueur de ses joues
Que
sa barbe argentée collectait en ruisseaux
Et
ses cheveux, comme un catogan qu’on dénoue,
Sur
sa nuque musclée retombaient en fuseaux.
Parfois,
lorsqu’il quémande à l’hôtelier un verre
Sa
tête se renverse et l’on voit s’échapper
D’une
peau d’animal un téton tributaire
De
l’anneau de fer blanc dont son sein est lesté.
Dans
l’entrebâillement du vêtement d’esclave
On
croit voir scintiller, comme gâche en cliquet,
Une
fibule d’or dont le fermoir entrave
Sous
sa bite ridée, ses couilles en paquet.
Et
voici qu’il se hisse enfin sur ses cothurnes,
Ajustant
sa ceinture où balance un gourdin
Qu’il
caresse au passage en présentant ses burnes
Au
public rigolard qui siffle avec dédain.
Il
est plus animal que l’ours à quatre pattes,
Jusqu’au
creux de ses reins se répand sa toison,
De
ses tarses puissants jusqu’aux cimes plus mates
Des
épaules croissent les crins noirs à foison.
Rubans
effilochés d’un châle de dentelle
Dressés
en gerbes drues aux sillons musculeux
Il
se forme en son dos un champ d’épis rebelles
Agité
de nuées d’insectes chitineux.
Il
a l’air épuisé des chevaux de parade,
Des
monstres exhibés aux baraques de zoo,
L’intérieur
de sa cuisse est la forêt malade
Où
le reflet du ciel n’atteint jamais les eaux.
Sur
la croix de velours qui partage son torse
On
ne distingue que le rose des tétons
Et
la pointe inversée du triangle où s’amorce
La
tétine du gland émergeant des festons.
Nul
sculpteur ne pourrait rendre le teint de fraises
Emergeant
des taillis, ni le foisonnement
Du
poil, sauf à creuser d’un peigne en fer la glaise
Voire
en grattant le marbre au tranchant d’un diamant.
Seule
la lame du rasoir dans son pelage
Permettrait
de tracer le nom en abrégé
De
son appartenance quand tout tatouage
Disparaît
à fleur de l’épiderme ombragé.
……………
L’aubergiste
à son tour est monté sur la scène
Revêtu
d’une tunique jaune citron,
Chevauchant
un balais comme un cheval obscène
Sur
lequel tressautait son opulent bedon.
Coiffé
d’une couronne de lierre en diadème
Il
dit : « Ne pressons pas la représentation,
Où
vit-on que l’on eût, et dans Athènes même,
Commencé
à jouer sans maintes libations :
Quelques
danses rythmées pas le choc des cymbales
Et
de beaux jeunes gens pour servir d’échanson,
Tout
ce qu’il faut enfin pour échauffer la salle
Et
qu’on batte des mains au bruit de nos chansons.
Si
nous improvisons, c’est toujours du théâtre
Je
dois frapper la scène avec ce grand bâton :
Prosternez-vous,
romains, devant l’étrange pâtre
Qui
brandit en riant son sceptre de carton.
Le
spécimen, quoique le temps ait fait son œuvre,
Est
ce qu’on voit de mieux en cage, le dompteur
Vous
l’assure ; au combat, fuyant comme la pieuvre
D’une
main il tuerait quatre gladiateurs.
Ses
larges cuisses sont des colonnes de temple,
Son
cul marmoréen pulvérise les noix,
Ses
pectoraux d’airain résonnent comme l’ample
Squelette
des statues… Lève-toi, tiens-toi droit ! »
Dit
le montreur en taquinant de sa badine
Les
rectangles velus de ses abdominaux :
-On
n’a dû entraver sa gigantesque pine
Pour
limiter un peu ses instincts animaux.
Mais
vous verrez qu’après l’avoir fait un peu boire,
En
ouvrant le clapet qui lui coince le gland,
Il
livrera à tous pour un prix dérisoire,
Un
spectacle sauvage, inédit et sanglant.
Car
deux jeunes puceaux d’excellente famille
Se
sont jetés tout seuls dans la gueule du loup,
Mais
n’anticipons pas… Rugis lion des Alpilles,
Et
dis-nous une histoire qui vaille le coup !
-J’ai
tué mon amant sur la tour de Tyrinthe,
J’avais
volé ses bœufs pour qu’il vint jusqu’à moi,
Il
s’était refusé deux fois sous la contrainte…
-Que
veux-tu à la fin, zut ! on n’est pas de bois :
« Sachons
le bon moment » clamait un des sept sages
Un
garçon dans sa fleur est aussi succulent
Qu’un
concombre primeur, mais s’il a passé l’âge,
Il
n’est bon qu’à nourrir les cochons corpulents.
-Vous
qui d’adolescents vous montrez fort avides
Hommes
murs vous souffrez et votre sort amer
Vous
contraint à jamais n’embrasser que le vide,
Car
aimer un garçon c’est assécher la mer,
C’est
dénombrer les grains du sable de Lybie,
Votre
désir d’amour n’est jamais étanché,
Pas
plus qu’au lit des oueds taris de l’Arabie
Ne
jaillit la fontaine où vous êtes penchés.
-Et
voilà maintenant des propos moralistes
De
poète lyrique on n’a pas plus besoin,
C’est
un genre à proscrire aussi bien de ta liste
Te
montres-tu exprès bête à manger du foin ?
-Hardi,
frère, les mots te montent à la tête
Tu
as assez causé et ton déguisement
Ne
peut faire oublier que c’est moi la vedette
Et
toi le bateleur qui fait son boniment.
-Te
voila impatient de tenir tes promesses :
Une
envie de purée t’agace l’estomac ?
Tu
seras moins vaillant quand vaincu par l’ivresse
Tu
fondras à mes pieds dans un demi-coma.
J’ai
transformé en vin ce tonneau d’eau saumâtre,
Car
c’est là mon métier de te désaltérer,
Au
terme du défi j’ai toujours su te battre
Sans
lutter corps à corps, ni en rien transpirer.
Car
lorsque tu seras ivre à pisser par terre,
Confondant
ta massue avec ton robinet,
Ta
langue déliée fera moins de mystère
Et
tu nous avoueras tout ce qu’on devinait.
-J’ai
laissé Abderos malgré son trop jeune âge
Garder
les noirs chevaux de Diomède, acculé ;
Ma
faute s’il est mort aux crocs anthropophages
De
ces monstres avant que j’ai pu l’enculer.
-Messieurs,
-notre assemblée ne compte pas de femmes,
Ou
bien j’aurais mal vu et suis hors de propos-
Ne
prenez pas au mot sa propension au drame
Ni
ne jugez l’artiste à sa queue au repos.
Allons
puisque rien ne te déride, cynique,
Ni
les tournées payées par nos bons spectateurs
Je
t’apprendrai céans un fort ressort comique…
Qu’on
m’apporte un trépied pour m’asseoir à hauteur !
Mais
d’abord, comédien, ôte cette pelisse
Que
je me vête de tes fringants attributs… »
Un
tabouret passé par une main complice
Paraît,
et le géant est vite dévêtu.
D’un
brasero l’on tire un fer blanc dont on marque
Les
bœufs aux champs, et d’un coup le voilà brûlé
De
l’emblème du cabaret où l’on remarque
L’ombelle
de férule au serpent accolé.
Malgré
son cri on entend la chair qui grésille,
La
fumée odorante du poil calciné
S’évapore
où la peau soudain boursouflée brille
D’un
beau rouge incarnat aux bords blancs ravinés.
Le
public applaudit, crie bis pour que ça dure
Qu’à
nouveau le tison creuse un relief massif,
Quelqu’un
suggère de pisser sur la brûlure
Qu’on
y jette du sel ou des gouttes de suif.
-Voila
comment berger tu es devenu chèvre
Un
seyant ornement pour mon maigre troupeau
De
ta bouche d’en bas je vais baiser les lèvres
Et
nous verrons si tu peux hisser le drapeau. »
Le
gaillard est tombé, il s’est roulé en boule
Se
protégeant les couilles d’une seule main.
Il
dit « Tu l’as voulu » et regardant la foule :
-Je
sais un conte pour amuser les gamins.
Te
souvient-il qu’un jour dans les marais de Lerne
Tu
erras en cherchant la porte de l’Enfer
Tu
voulais arracher ta mère à la caverne
Des
ombres où Pluton règne d’un gant de fer ;
Mais
ne comprenant pas la langue des grenouilles
Tu
recherchais en vain où faire le plongeon
Quand
au pied d’un ponton où son frêle esquif mouille
Tu
vois un pêcheur qui dormait entre les joncs.
Toujours
farceur, d’un jet de pisse tu l’éveilles,
Pas
rancunier, le beau jeune homme te sourit,
Et
te dit, « donne-moi le jus d’or de ta treille,
De
l’espoir que tu vins, je fus toujours nourri. »
« Dans
le lac, repris-tu, tu as plongé les mailles
De
tes filets cent fois, moi je suis le poisson
Qui
sache recracher au lieu de la ferraille
Un
anneau de platine en place d’hameçon.
Enseigne-moi
le lieu de la source des fleuves
Où
gagner le radeau du nautonier Caron
Si
tu veux que le flot de ma source t’abreuve
Et
je t’apprendrais à devenir vigneron. »
Je ne veux, reprit Prosumnos, qu’une promesse
-Ce
garçon entre nous était un doux rêveur-
A
ton retour tu me feras don de tes fesses
Ce
n’est pas cher payer qu’un instant de bonheur. »
-C’est
que j’étais joli lorsque j’étais jeune homme
Et
les pêcheurs de Lerne ont le goût des garçons,
Ma
mission filiale valait bien que la pomme
Fut
en secret croquée de charmante façon.
-Hélas
à ton retour, tu ne trouves qu’un tertre
Et
sur la stèle écrit : « ici git, mort d’amour
Celui
qui ne voulut jamais se faire mettre
Le
vaillant Prosumnos à la queue de velours. »
Dans
une branche de l’if funèbre tu tailles
Le
simulacre en bois de l’organe du beau
Pêcheur,
pour honorer ton serment, tu travailles
A
t’enfoncer ce pieu planté sur son tombeau.
Et
c’est ainsi que pour imiter ton exemple
Les
jeunes initiés aux mystères du coin
Durant
les nuits de mai s’assoient au fond des temples
Sur
des pénis de bois avec le plus grand soin.
Une
fois élargi on garde la souplesse,
Tu
nous feras peut-être la démonstration
Que
tu es aussi vert qu’au temps de ta jeunesse
Pour
avaler la quille avec obstination ?
-Ces
choses-là se doivent de rester discrètes,
A
la foule on ne les livre pas sans stupeur ;
Lorsque
tu t’emparas du taureau de la Crête
On
dit que tu n’en fus pas quitte pour la peur,
Et
que récupérant l’invention de Dédale
A
genoux dans la vache de Pasiphaé
Si
tu l’emprisonnas ce fut par la fatale
Contraction
du lieu où il s’était fourvoyé.
Il
fallait pour exécuter ce coup de maître
En
avoir fait l’essai déjà sous d’autres cieux
Tu
te fis prendre mais pourtant pas prendre en traître
Et
ta virilité ne s’en porta que mieux.
N’est
perdu à jamais que celui qui recule
Sur
le paf à la rencontre de son bourreur
Il
suffit de montrer à celui qui t’encule
Que
tu n’aimes pas ça mais que tu as bon cœur.
-En
proie à la démence, au retour de la guerre,
J’ai
violenté ma femme et tué mes enfants.
-Ici,
le ton tragique au public ne plaît guère,
Tu
coules mon commerce avec ton ton ronflant.
La
folie, c’est l’état où les hommes nous mènent
Qui
refusent de voir en nous le clairvoyant,
Egaré,
je le fus, dans les prolégomènes
Qui
m’ont baladé dans l’orient des incroyants.
La
folie, c’est le refus de la race humaine
De
reconnaître le divin dans notre sang,
C’est
la force du vin libérant dans nos veines
L’étincelle
qui luit aux fronts érubescents.
La
folie, c’est cette foule éperdue de haine
Qui
nous a dépecés quand nous étions enfants :
Chevreaux
nous gambadions à travers vaux et plaines ;
Les
chasseurs sonnaient l’hallali dans l’olifant.
J’eus
à souffrir aussi, moi, de ma parentèle,
Quand
mon cousin Penthée du trône se saisit :
Pour
qu’il sût mon pouvoir je conduisis ses belles
En
bandes aux bosquets, en un arbre, l’assis ;
Les
pauvres affolées dans leurs orgies démentes
Crurent
voir un lion des montagnes dans l’espion,
Se
jetèrent sur lui en déchaînées bacchantes,
Il
n’en demeura pas la corne d’un arpion.
Les
filles de Mynias régnant à Orchamène,
Se
moquèrent de moi, se pensant des houris,
Je
leur fis avaler leurs frères pour la peine
Puis
les métamorphosais en chauves-souris.
Les
Argiennes, aussi revêches que bravaches,
Crurent
à mes corsos pouvoir se dérober,
Par
les bois divaguant se prenant pour des vaches
Dévorèrent
sous mon emprise leurs bébés.
Les
pirates de Chios connurent la débâcle
Me
trouvant ivre-mort et pensant m’épingler :
Sur
leur nef enlevé j’accomplis un miracle,
Ils
sautèrent à l’eau se pensant tous cinglés.
Même
les Athéniens se pendirent en nombre
Quand
ils eurent lynché le premier moissonneur
Qui
leur donna l’ivresse, et qu’imbéciles sombres,
Ils
l’avaient pris pour un vulgaire empoisonneur.
A
la folie sacrée nul ne peut se soustraire
Sous
mon bonnet phrygien, j’ai l’esprit divisé ;
Voilà,
gendre, pourquoi je t’appelle mon frère
Et
mets tout mon entrain à te martyriser.
Nous
sommes tous les deux étrangers à la terre
Cibles
conjointes d’un identique courroux
Deux
fois nés, rejetés par l’Olympe adultère,
Les
dieux ne voulaient pas s’accommoder de nous.
Quand
je t’ai rencontré au croisement des routes,
Que
tu redescendais les flancs du Cithéron,
Dans
ton esprit déjà s’était glissé le doute,
Et
je t’ai dit ; « Choisis entre ces deux larrons,
Celui-là
innocent et doux joue de la flûte,
Rien
ne peut égaler sa sociabilité,
Le
joueur de cymbale est une triste brute,
Le
ciel lui est promis pour sa servilité. »
Tu
as préféré prendre la route de Thèbes
Où
t’attendaient la gloire et le bonheur nuptial,
Mais
tu n’étais alors qu’un arrogant éphèbe
Qui
rêvait sans savoir d’un destin familial.
En
chemin tu as rencontré les émissaires
Qui
venaient réclamer à Créon le tribut
De
la part d’Erginos, qui pour venger son père
Collectait,
depuis bientôt vingt ans, cent zébus.
Ton
sang n’a fait qu’un tour devant pareille offense,
Aux
deux tu as coupé les oreilles, le nez,
Et
les ayant parés pour toute redevance
D’un
collier de leurs appendices sectionnés,
Tu
as dit : « Retournez vous en chez qui vous mande
Et
si de revenir vous aviez le culot
Craignez
qu’au pendentif j’ajoute sur commande
Pour
prix de l’affront, vos misérables grelots. »
Il
s’ensuivit alors une guerre inégale ;
Tu
portais la jupe et la lance d’Athéna,
L’armure
de Vulcain, et d’Hermès, les sandales.
Au
double de l’impôt, tous, tu les condamnas.
Par
la ruse tu reçus ta première épouse
En
ayant échappé à mon initiation,
Et
ton coup de folie ne fut que la jalouse
Conséquence
de ton peu de pénétration. »
-Je
voulais raconter, mais ici l’on s’égare
Comment
je fis le deuil de femmes et enfants
Comment
à mon neveu, je fis don de Mégare
Que
Thèbes me confia quand j’y fus triomphant.
Hélas
je n’ai jamais été un homme libre,
Rien
de ma destiné ne m’a appartenu
Ma
mère m’a porté trop longtemps, l’équilibre
De
l’univers ne tenait qu’à ce fil ténu ;
En
haut lieu, on ne voulut pas que je régnasse
Selon
la prophétie sur le monde connu,
Et
c’est à mon cousin qu’on réserva la place
De
gérer mes états et tout mon revenu.
Quand
je n’étais encor qu’un bouvier sans entrave
La
maladie sacrée fondit sur mon esprit
L’épilepsie,
la transe, ont fait de moi l’esclave,
La
brute rejetée et par tous incompris.
Je
me suis imposé l’exil du parricide,
J’ai
couru tous les lieux où j’avais sacrifié
Et
partout l’on m’a dit, retourne-t-en Alcide,
Le
pouvoir des mortels ne peut te purifier.
Je
n’avais plus qu’un seul compagnon de misère
Iolaos,
qui veillait sur mes noirs cauchemars,
Dernier
rescapé de ma fureur meurtrière,
Sur
la route incertaine il conduisait mon char.
Soleil
du long hiver qui m’a ravi tes braises,
Pourquoi
survivre à nos détours aventureux ?
Quand
j’avais vingt-cinq ans, que tu en avais seize
Et
que l’éternité souriait aux amoureux.
« Puisque
tu m’as tout pris, jugea mon demi-frère,
Et
qu’il ne m’est resté que ce seul descendant,
Emporte
le bien loin aux confins de la terre,
Fais-en
un homme fût-ce à ton corps défendant !
Apprends-lui
à bander ton arc, maître de lutte,
Pour
l’endurcir fais-lui transporter ton carquois,
Enseigne-lui
la ruse et l’art de la culbute,
Et
que du mal d’aimer il sache le pourquoi.
Tu
le ceintureras afin de le soumettre
Tu
le basculeras, le retournant en sus,
Tu
lui apprendras à se comporter en maître
Et
qu’il faut se plier pour avoir le dessus. »
Avant
de l’embrasser, je soignais ses blessures,
Il
ne sortait jamais vainqueur du pugilat
Et
je léchais son sang sur son front immature,
Liqueur
aussi corsée que son éjaculat.
Je
portais le fardeau du crime impardonnable
Comme
l’âge il m’avait fait blanchir le cheveu,
Ma
bite entre mes cuisses pendait incapable
D’apprendre
le métier à mon zélé neveu.
Le
haut mal malgré moi m’a mis la queue en berne
Je
désire ton cul et je ne peux l’ouvrir
Mon
gland ridé et gris a pris la teinte terne
Du
fruit mûr et trop mou en passe de pourrir.
Mon
premier apprenti, j’étais ton premier mâle,
Et
responsable encor de toute ma maison,
Il
fallait pour l’honneur des miens que je t’empale,
Dussè-je
pour bander y perdre la raison.
Et
voilà le motif de toute l’aventure
Qui
me fit consulter l’oracle d’Apollon
Apprendre
la méthode à suivre pour la cure
Qui
me rendrait ma vigueur passée d’étalon.
La
chèvre avait tremblé sous mon jet d’eau lustrale
Je
fus admis à descendre dans l’adyton,
A
toucher du doigt la pierre sacerdotale
L’omphalos
qui coiffait la tombe de Python.
La
voix de la prêtresse derrière ses voiles
En
énigme éructa son arrêt salvateur
« Le
temps que le soleil avale dix étoiles
Tu
serviras en chien ton vil usurpateur :
Va
trouver Eurysthée ton cousin à Mycènes
Il
te dira comment sortir de ta prison
Tu
lui obéiras et au bout de tes peines
Tu
trouveras un peu plus que la guérison. »
Je
n’obtins pas d’autre réponse à mes demandes
Je
dis à Iolaos, allons fouette cocher
C’est
le prix à payer pour forger ma légende
Dix
ans de loyauté et de travaux forcés !
…………….
On
a beaucoup exagéré mes compétences
Il
fallait être utile aux humains ? Perverti
J’ai
usé de mes armes par inadvertance
Et
la plupart du temps je me suis diverti.
J’ai
battu la campagne en chasseur autonome
Profitant
des ordres d’un tiers pour me livrer
Aux
pires exactions que l’on reproche aux hommes
Sous
couvert de chercher à les en délivrer.
Plus
que le roi des rois je fus fin politique
Mes
exploits ne visaient qu’à la satisfaction
Des
mes désirs secrets, et la ferveur publique
A
dressé des statues célébrant mes actions.
-Maître,
je suis venu me mettre à ton service !
Dis-je
quand Eurysthée m’eut ouvert son palais.
-Pas
si près ! répondit le monarque novice.
Il
était bien petit, bien chétif et bien laid.
Il
tremblait devant moi comme une pauvre feuille,
Je
pris mon air féroce par nécessité,
Feignant
de ne pas comprendre que l’on m’accueille
En
me montrant autant d’inhospitalité.
A
tout autre j’aurais retourné une rouste
J’étais
assez marri pour n’en pas rajouter
Envoyé
des dieux je ne pouvais crier « Ouste
Rend-moi
trône et trésor que tu m’as barbotés ».
-Déshabille-toi
vite, afin que l’on te fouille !
Je
ne portais qu’un bout de tissu pour manteau.
-Il
convient que devant ton roi tu t’agenouilles,
Les
mains en vue pour ne pas cacher de couteau.
Lorsqu’on
m’eut humilié en recherchant des armes
Dans
les plus dissimulées de mes cavités
Eurysthée
bredouilla son ordre, qu’un gendarme
Venait
de lui souffler : « tu devras éviter
Que
le lion de Némée fasse d’autres victimes
Et
pour que la contrée retrouve son repos
Faire
la preuve qu’il a expié tous ses crimes,
En
venant à mes pieds en déposer la peau. »
Des
lions, pauvre cousin, j’en avais occis d’autres,
Celui-là
disait-on était né de Typhon,
J’aurais
presque pu le compter parmi les nôtres,
C’était
aussi aisé qu’étouffer des griffons.
Je
logeais chez Morloch paysan de Cléone,
Son
fils pour notre monstre avait servi d’appât :
« Au
bout de trente jours, fais que la chair soit bonne,
Si
au cours des battues je trouvais le trépas. »
Le
lion devant mes coups regagna sa retraite
Dans
l’antre où il plaçait la viande à faisander
De
mes flèches en vain je voulus le larder
Elles
rebondissaient sur le cuir de la bête.
En
forêt de Némée pour assurer ma quête
Je
taillai ma massue dans un bois bien bardé.
Un
paysan me dit « ton outil va céder
Au
premier coup que tu porteras à sa tête ».
J’ai
clos l’issue du terrier pour vite régler
L’affaire,
et de mes mains nues je l’ai étranglé ;
De
ses griffes j’ai pu dépecer ma conquête,
Et
couvert de sa peau je m’en fus parader
Chez
celui qui comme mort m’avait regardé,
Et
le baisais sans qu’il m’en eut fait la requête.
L’exploit
mit fin à ma passagère impotence ;
Avant
que de porter à mon royal cousin
La
peau du lion défunt je testai ma puissance
Sur
mon parent qui en avait le plus besoin.
C’est
à toi Iolaos que j’offre cet unique
Hommage
de ma queue pour seul serment d’amour
Ensemble
célébrons le retour de ma trique
Je
promets d’être doux pour le premier débours.
Imaginez
la peau velouté d’une pêche,
Comment
ne pas croquer le cœur du fruit juteux
Les
deux pouces plongeant pour élargir la brèche
Plus
avant vers le fond du conduit sirupeux.
Ouvre-toi
Iolaos j’ai trouvé le sésame
Et
le pêne abyssal à ton verrou promis,
D’un
coup de reins je vais te décapsuler l’âme
Dans
ta gâche versant l’huile de l’insoumis.
Plus
jamais je ne t’épuiserais par la boxe
C’était
de coups de poings que je t’avais bourré,
Et
je vais provoquer l’apaisant paradoxe
De
l’heureuse douleur d’avoir été fourré.
Au
lieu de te castrer je fais migrer tes burnes
Vers
les sacs resserrés qui pour les recevoir
En
s’épanouissant se sont gonflés en urne
Dont
le col s’est fêlé quand j’y mis mon ouvroir.
Au
palais d’Eurystée, déclenchant la panique
Je
me présentais nu, la bite à angle droit,
Viril
et menaçant, je dispersai la clique
Chargée
d’assurer la sécurité du roi.
Prévenu
du retour triomphal –je me gausse-
Il
avait fait creuser dans ses appartements
Pour
abriter une jarre en fer, une fosse
Où
dissimuler à ma vue ses tremblements.
-Pourquoi
redoutes-tu du fond de ta caverne
De
me voir t’apporter le produit de mon art ?
C’était
trop tôt pour mettre tes drapeaux en berne,
Je
t’aimerai d’abord, je te tuerais plus tard.
Ma
vigueur revenue, je vois, ça te consterne,
Crains-tu
que je te force à faire grand écart
Ignorant
le resserrement de ta poterne ?
Je
t’ouvrirai d’abord, je te tuerai plus tard.
-Emporte
ces haillons puants dans ta caserne
Couvre-t-en
pour cacher ton obscène étendard,
Va
t’en décapiter l’horrible hydre de Lerne.
-J’obéirai
d’abord, je te tuerai plus tard.
Les
marais odorants n’étaient pas idylliques
Asséchons
la contrée et dressons sur leurs bords
En
souvenir de nous une borne phallique
Où
les amants viendront saluer nos efforts.
La
légende voulait que le monstre eût cent têtes,
Huit
c’était bien assez, neuf c’était déjà trop ;
La
dernière, perchée sur ses appuis centraux,
Immortelle,
bavait, comme un grand veau qui tète.
De
la forêt prochaine incendiant les retraites
Mon
cocher rapporta des brandons magistraux
Dont
je cautérisais les cous coupés, au trot,
Empêchant
leur repousse en creusant des plaies nettes.
Quant
au chef invincible, on l’enterra profond
Roulant
un lourd rocher au-dessus de son front :
Tels
on nous statufia, vainqueurs en tête-à-tête
Dans
le temple de Lerne aux lueurs des vitraux
Enlacés,
contemplant les mouvements astraux,
L’un
dans l’autre imbriquant nos corps massifs d’athlètes.
Dans
le cadavre ouvrant de purulentes brèches
D’un
coup de ma massue par l’acide rongé
J’ai
trempé l’acier froid des pointes de mes flèches
Offrant
à Iolaos mon corps à éponger.
Nous
ne rapporterions cette fois qu’une histoire,
Dans
l’incendie forgés, des serments éternels
Ecrits
en mots de feu comme dans la mémoire
Le
souvenir de nos débordements charnels.
-Ah
ça ! dit Eurysthée, la preuve n’est pas faite !
Si
tu n’avais pas eu l’aide de ton giton,
Tu
serais revenu nous conter ta défaite
Au
lieu de ce roman en vers de mirliton.
Désormais
je te ferai porter par notre oncle
La
liste des exploits suscitant les bravos ;
Ton
dernier coup d’éclat ne vaut pas un pétoncle,
Je
ne le compte pas parmi tes dix travaux. »
Je
t’ai conduit au cœur de la forêt profonde
Pour
la dernière fois où nous serons unis
Cachant
notre bonheur, tous les deux seuls au monde
Sans
peaux ni vêtement, de nos couteaux munis.
Le
vulgaire a voulu que cesse notre alliance
Les
temps subissent de constantes mutations,
Conduire
plus avant ces terribles déviances
Nuirait
fatalement à ta réputation.
Eclaireur
de ma vie, pour toujours je t’emmanche,
Demain
nait différent de nos corps séparés
Au
réveil, il fait froid, et nous sommes dimanche,
De
nos cœurs brisés nous avons fait des carrés.
Va
je ne t’oublie pas dans l’humide clairière
Où
nous nous embrassons pour la dernière fois,
Je
rallume sans fin le feu intermédiaire
Où
nous nous consumions l’un l’autre avec effroi.
Regagne
ta patrie et revêtant la blouse
De
travailleur, oublie qu’un jour tu m’appartins ;
Fais
de nombreux enfants à qui fut mon épouse
On
se reverra dans vingt ans sois-en certain.
Je
dois m’en aller seul, j’en ai fait la promesse,
Chasser
la biche coiffée de ramures d’or
Que
n’a pas attelée à son char la déesse:
Je
le veux Iolaos, oublie-moi et t’endors !
Plus
vive que la flèche, au moindre bruit instruite
Du
pas du poursuivant, la biche aux pieds d’airain,
M’entraîna
aux confins des rivages marins,
Un
an ne la fatigua pas de la poursuite.
Comme
elle retournait vers Cérynie, détruite,
Hésitant
à franchir le fleuve en crue, serein
Je
m’ancrais à ses mâles ornements ; mes reins
Pour
ceinture reçurent la bête éconduite.
Ne
voulant pas fâcher la chasseresse à l’arc
A
mon patron qui voulait la mettre en un parc,
Je
dis : « Viens la chercher toi-même avec ta suite ! »
Puis
comme il descendait les remparts sans entrain,
Tranchant
les liens retenant son arrière train,
« Tu
as été trop lent, ta biche a pris la fuite ! »
C’est
à ce point, je crois, que ma mémoire flanche,
Mon
histoire s’embrouille à force de doublons,
J’ai
bu plus qu’il ne faut pour demeurer étanche
Ah
du malt fermenté, de l’orge, du houblon !
-On
n’a pas ça en magasin, pour qu’on t’abreuve
De
liquide doré il est bien un moyen
Mais
tu préféreras attendre enfin qu’il pleuve
Plutôt
que solliciter nos concitoyens.
Allons
divertis-nous par tes récits risibles,
Je
paierai ma tournée quand viendra le moment.
Des
conséquences de tes éclats irascibles
Nous
voulons savoir le pourquoi et le comment.
Songe
à la récompense attendant en coulisse
Quand
tu auras narré la fin de tes malheurs,
Et
si ce n’est pas drôle, au lieu d’appuyer, glisse,
Ici,
aucun sujet sérieux n’a de valeur.
-Ma
femme répudiée, il m’en faut une neuve,
Eurytos
d’Oechalie organise un concours
De
tir à l’arc, je cours pour m’inscrire à l’épreuve ;
Iole
est le prix promis au vainqueur du parcours.
Il
m’enseigna l’art qu’il tint d’Apollon lui-même,
Il
me défie de le battre et ses quatre fils,
Deion,
Clytios, Toxée, Iphitos et la crème
De
ses soldats (aussi instruits pas Artemis).
A
peine ai-je bandé cinq fois mon arbalète
Que
ma flèche au cœur de la cible fait douleur,
Les
ayant tous vaincus j’attends que l’on admette
Que
j’ai gagné le prix, portant haut mes couleurs.
-Tu
uses contre nous d’artifices magiques
Récrimine
Eurytos que le vin rend hargneux,
Esclave
d’Eurysthée tu mérites la trique,
Qu’attends-tu
d’un roi libre, pauvre besogneux ?
Tu
répudies ta femme et réclames ma fille
Après
avoir jeté tes enfants dans le feu,
Eloigne-toi
dément avant que l’on t’étrille.
Iphitos
ne se joignit pas au désaveu.
Par
la porte du nord, je m’en vais la queue basse,
(Nous
nous reverrons pour venger ce camouflet),
Devant
les murs dans un vaste pré d’herbe grasse
Paissent
de blancs chevaux gardés par des mouflets.
Je
pris douze juments et douze mules pleines
C’était
mal de ma part, pour me dédommager,
Mais
j’espérais du vol tirer à moindre peine
Un
intérêt plus grand que l’on pouvait gager.
Je
n’avais pas senti de désir venant d’Iole,
Le
temps ferait son œuvre et le destin avec,
Je
ne redoutais pas que sa beauté s’étiole ;
Tant
que je bandais dur il me fallait un mec.
On
s’amollit bien vite à fréquenter les femmes,
A
vouloir trop séduire on devient délicat,
Certains
savent comment entretenir la flamme
Avec
force mots doux, ce n’était pas mon cas.
Parfois
l’on s’entend mieux au lit entre fripouilles,
Chargé
de mon troupeau je ne balançais point,
Je
m’en allais trouver, maître de la débrouille
Qui
m’avait appris à me servir de mes poings,
Autolycos,
expert à la lutte, au pancrace,
Avait
acquis son don d’Hermès, dieu des bandits :
Il
savait transformer par de magiques passes
En
vaches les chevaux, et mules en brebis.
On
m’avait accusé d’user de sortilèges
Quand
j’avais gagné par mon adresse d’archer
Ce
n’était qu’un juste retour, ajouterai-je,
Qu’y
recourir alors qu’on m’avait fait marcher.
Autolycos
voulut pour ces simples emplettes
Que
je lutte au terme d’un combat arrangé
Et
l’affrontement se termina en branlette
Sur
quoi nous nous quittâmes tels des étrangers.
J’allais
à Iphitos alors chanter mes plaintes :
« Thèbes
n’est plus à moi depuis que j’ai prêté
Ma
femme à Iolaos, je vis seul à Tyrinthe,
Rejoins-moi,
à ta vue mon cœur s’est arrêté ».
Il
me semble pourtant que la chose était claire,
Mon
message fut-il si mal interprété
Qu’il
ne comprit pas que je l’inventais dans l’aire
D’où
les aiglons s’élancent en vol pour flotter ?
« Ce
précieux bétail qu’on a volé à ton père
Je
m’engage avec toi à la chercher partout,
Goûte
à la libation de vin vieux et tempère
Les
soupçons qu’envers moi tu gardes malgré tout.
Montons
sur le donjon qui domine la plaine
Et
de là tu verras courir dans les vallons
Les
troupeaux assemblés au sein de mes domaines,
Tu
les reconnaîtras si j’en ai pris, allons !
Iphitos
se tient aux montants de l’ouverture
Je
susurre « est-il un cheval qui t’appartient ? »
Il
scrute avidement par les vertes pâtures
Les
troupeaux gambadant et me réponds : « Non, rien !
Mais
je sens dans mon dos se dresser une barre
Menaçante
qui grandit au creux de mes reins,
J’ai
passé l’âge de subir l’épreuve rare
Qu’en
mon cul à l’envers on rebrousse les crins. »
-Tu
es laid, je te veux, tu es roux, ô merveille,
J’aime
l’odeur de suint qui transpire à ton cou,
Le
poil désordonné de tes vastes oreilles
Décollées
que la honte a fait rougir d’un coup.
Au
bord de l’ouverture où le viol brut t’accule
Choisis
ou bien l’amour en épousant mon nœud
Ou
le vertige qui fait faire la bascule
En
te fermant à mes désirs libidineux. »
Tandis
que je poussais sur sa rondelle humide,
Iphitos
effrayé comme un prince déchu
Préféra
se laisser absorber par le vide :
Voilà
en vérité comment l’entêté chut,
Et
pourquoi sans savoir on m’accusa du crime
D’avoir
précipité par-dessus les remparts
Mon
hôte qui ne fut que sa propre victime
Puisque
de mon amour il rejeta sa part.
…………………
L’oracle
répéta : « Puisque l’on t’incrimine
Livre-toi
poings liés à la reine aux seins nus ! »
Deux
fois c’en était trop et j’avais dans la mine
Renversé
le trépied et les prêtres chenus.
Ailleurs,
j’irai fonder de plus fiables oracles
M’intoxiquant
de soufre et de jaunes vapeurs…
Mais
en décolérant je ne mis pas d’obstacle
A
ma revente à perte aux premiers pourvoyeurs.
Pour
avoir projeté par-dessus la muraille
Iphitos
qui n’avait pas cédé à ma cour
Je
fus sur le marché vendu vaille que vaille
Pour
trois talents d’argent et sans aucun recours ;
C’était
ma destinée prononça la pythie
Et
l’unique chemin de mon expiation
Que
servir traité sans la moindre sympathie
Sous
le joug d’une reine aimant la transgression :
Trois
talents c’était une somme colossale
Et
Hermès avait bien négocié le contrat,
M’avait-on
reconnu sous la fourrure sale
Par
la fruste massue qui pendait à mon bras ?
Omphale
était alors la reine de Lydie,
Fille
de fleuve et veuve des monts de Tmolos,
Lien
entre ciel et mer, nombril d’Anatolie,
Elle
avait mis de l’ordre, un peu, dans le chaos.
Elle
m’avait choisi pour mes cuisses de marbre
Couvertes
de poils noirs semés à profusion
Sur
l’estrade j’étais, une arche entre deux arbres,
Campé
sur mes mollets forts comme une illusion.
Elle
avait bien palpé aussi la marchandise
Et
dit : « on n’en pas de pareil par ici,
Non,
dans toute l’Asie, vraiment quoi qu’on en dise,
Rien
qu’on put comparer à ce géant précis.
A
ma cour pour trois ans, servir, cela m’enchante
Donne-moi
la dépouille du lion qui te vêt
Prends
la robe de lin que portent mes servantes,
Remets
entre mes mains ta massue, j’en rêvais ! »
Ainsi
je fus adjoint à la troupe des dames,
Je
portais le panier de laine qu’on filait
Et
la reine flattait sous mes atours de femme,
Avec
son pied menu mon sexe qui gonflait.
Je
voulais bien jouer le rôle de fileuse
Briser
dans mes gros doigts le fuseau du rouet
Mais
à la nuit venue à cette malheureuse
Je
n’offrais que la mécanique du jouet.
A
la femme, je ne donnais pas ma semence,
Nourrissant
l’instrument par un fil mal cardé,
J’empruntais
la voix contraire à la préséance
Car
le couloir arrière était fort mal gardé.
Esclave
tu me veux, ton serviteur je reste,
Ne
me demande pas d’enfants car je suis sec
Je
n’apporterais que les bubons de la peste
Et
dans ton utérus les ferments du mal grec.
Il
ne suffisait pas de tenir la quenouille,
Chaque
soir ajoutait à mon humiliation
Les
servantes riaient en me frappant les couilles
A
grand coups de battoir avec application ;
La
reine me giflait du plat de ses pantoufles
Et
pour accompagner le chant de ses binious
Elle
avait préparé, quand s’éteignait mon souffle,
Après
les bambous mous, des flagelles à clous.
J’entasse
sur mon cul la souffrance du monde ;
Je
suis l’expiation, je suis le contempteur ;
Donne-moi
le rejet l’ordure et tout l’immonde
Désir
dont rien n’a pu être le rédempteur.
Me
voici asservi, héros à quatre pattes
Et
sinon nettoyer ta contrée des brigands
Qu’attendrais-tu
de moi, afin que je t’épate
Du
sperme par tonneaux pour te servir d’onguent ?
Le
jour on m’envoyait assainir la campagne
Pacifier
des cités ou tuer des serpents
Dans
les vignes de Syleus, vêtu d’un pagne ;
Je
pressais raisins et patron en même temps.
Tandis
qu’ils me volaient profitant de ma sieste
J’attrapais
Passalos et Acmon, les culs-blancs,
Les
pendit par la queue sur mon bâton agreste
Jetant
sur mes épaules ce fardeau tremblant.
Ces
malandrins riaient et me faisaient la pige
En
observant mon cul tout tanné et tout noir
« Mère
nous avait dit ; prend garde au mélampyge :
Tu
dormais sur le dos, aussi, comment savoir ? »
Je
les déchargeais aux pieds de la souveraine
Qui
les trouva jolis en plus de rigolos
Ordonnant
aussitôt que les jumeaux étrennent
Leurs
bites de puceau dans mon cul au galop :
« Puisque
tu ne veux pas du divin réceptacle
De
mon ventre fécond, que ces nains adossés
A
ton cul noir au moins me donnent le spectacle
De
l’impotent puni, par leurs soins engrossé. »
Je
n’eus pas à beaucoup souffrir sous les Cercopes,
L’usage
de m’offrir à ses guerriers membrés
M’avait
déjà dressé à servir de salope
Aux
poings rugueux forçant mon derrière cambré.
Pour
me venger je mis enceinte sa suivante ;
A
la toilette, avant de m’appliquer le fard,
Elle
avait avec une insistance irritante
Prit
soin de m’astiquer copieusement le dard.
Je
ne voulais baiser qu’à condition égale,
Laquais
je restai le maître de mon mastard
Ainsi
la prétendue descendance d’Omphale
Est
l’ancillaire ramassis de mes bâtards.
Voici
qu’après trois ans on fait sauter les barres
Du
cachot, je suis libre et pauvre c’est patent
Je
n’ai pas contenté la reine des barbares ;
On
me rend peau, massue, et l’on me dit « Va t-en !»
Seul
et abandonné parcourant le rivage
En
cherchant le moyen de construire un radeau
Je
découvre couché au milieu d’une plage
Un
jeune homme endormi qui me tourne le dos.
Le
soleil de midi qui tannait sa peau matte
Avait
répandu des brûlures sur ses flancs
Et
des sangles de cuir fixées aux omoplates
Dans
sa chair s’enfonçaient comme sillons bouffants.
Le
long des vertèbres saillant de sa colonne
Une
mare laiteuse appuyée au coccyx
Collaient
les poils luisants de la touffe en couronne
En
éventail, pareil aux ailes du bombyx.
Ses
côtes corsetées formaient sur sa chair nue
L’armure
caparaçonnée des combattants,
S’achevant
en blancs globes de cire fondue
Sur
ses fesses galbées en un moule épatant.
En
fuseaux jaillissaient les muscles d’une cuisse
Qui
débordaient de la ceinture d’Apollon
Au
creux de son genou saillaient les tendons lisses
Du
mollet découplé fléchissant son talon.
Je
durcis à l’idée : Ah ça qu’on me dénoue !
L’épingle
me fait mal qui comprime mon gland,
Au
bout de mon récit je veux, contre mes joues,
Etaler
le jus blanc de mon fluide collant.
Le
rythme du discours épousera l’histoire
Dès
lors que je serai renversé, haletant,
Livré
tout entier au rythme masturbatoire,
Mes
poings contre ma bite ensemble combattant.
Je
voulus l’éveiller d’un baiser sur la bouche,
Mais
la nuque rigide, il était déjà froid.
Son
bras plongeant dans le sable comme une souche
A
tout autre que moi n’eut inspiré qu’effroi.
Ange
tombé du ciel, ta destinée me navre
De
ton corps disloqué, rongé par le remords
Je
n’ai pu caresser que le charmant cadavre,
Sans
t’avoir disputé au règne de la mort.
Afin
qu’aux Enfers tu partes armé d’un cierge
J’avoue
que transgressant les communs préjugés
Souhaitant
qu’à l’Achéron tu n’arrives pas vierge
Sur
ta dépouille, seul, je me suis soulagé.
Aux
peuplades du lieu j’appris malgré leurs tares
Les
rites présidant aux commisérations,
J’ordonnais
« Elevez pour célébrer Icare,
Un
temple au soleil qui voulut sa crémation. »
Pleurer
les morts errants dans leur jardin de pierres
C’est
l’apanage de la civilisation.
Je
suis le fossoyeur, le pourvoyeur de bières,
La
tête de pont de la colonisation.
Mon
retour au pays se fit à la nuit noire ;
Sur
la côte un gardien m’attendait l’arme au poing,
Et
je crus voir dressé au bout du promontoire
L’ennemi
planté sur mon chemin, comme un coin.
Je
bourrais de coups la forme pyramidale ;
Le
guerrier n’était qu’un simulacre de bois,
Une
effigie grossière sculptée par Dédale,
L’ayant
mise en bouillie, je vis que c’était moi !
L’hommage
que m’avait rendu par sa trouvaille
Un
père empêché de faire au fils ses adieux,
Me
remerciant d’avoir conduit ses funérailles,
En
apprenant l’usage aux sauvages sans dieux.
Remettant
à plus tard la fin de mon ouvrage,
-Eurysthée
n’attendait pas vraiment mon retour-
Je
voulus chercher un compagnon de voyage
Confondant
ma quête de justice et d’amour.
Car
tel était mon lot d’aller porter la guerre
Chez
ceux qui résistaient à toute intégration,
Par
le glaive dresser le fils contre le père
Et
dicter des lois où l’on vivait d’exactions.
-Tes
décrets s’appliquaient à tout ce qui t’arrange
Tu
voulais abuser surtout de ton pouvoir :
Il
faut bien que l’on gratte où cela vous démange…
Ta
probité naissait au fond des urinoirs.
-Il
existait alors dans la vallée du Pinde,
Entre
Oeta et Parnasse un peuple de brigands
Ils
ne valaient pas mieux que quelques cochons-d’Inde
Et
vivaient de rapine en dévorant des glands.
A
ces hommes des bois reclus en leur province,
Comment
apprendre mieux les règles des nations
Les
plus civilisées qu’en enlevant leur prince ?
Minos
en avait fait la codification.
Car
parmi ces nains contrefaits, par quel prodige,
Il
était né le plus avenant des garçons
Descendant
de Dryops et d’Apollon aurige,
Un
foudre de beauté à donner le frisson ;
Je
le vis, je rougis, je pâlis à sa vue,
Mes
yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler,
Un
trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Je
sentis tout mon corps et transir et brûler.
Il
passait pour raté, lotus parmi ces rustres,
Petit
canard ingrat, si mal formé hélas,
Pour
qui n’avait vu le soleil depuis des lustres ;
C’était
inespéré qu’on leur enlève Hylas !
Au
roi Theodamias, son père, avant la fête
J’envoyais
l’armement des jeunes impétrants,
Un
lourd bœuf de labour et la coupe parfaite
Qui
apporte l’ivresse aux plus récalcitrants.
Pour
la célébration on nous mène en cortège
Au
temple mais le sol est souillé par le sang
De
l’offrande qu’on mit à rôtir, sacrilège !
Les
convives la guettent en se pourléchant.
L’échanson
me verse sur les mains l’eau lustrale
Qui
aurait du servir à me laver les pieds :
Ma
colère à ce coup me monte au nez, brutale,
D’un
coup de coude adroit j’estourbis l’estropié.
Une
mêlée suit la confusion générale ;
Traînant
Théodamias par ses cheveux pendants,
Sur
l’escalier d’accès à la chambre nuptiale
Je
lui tranche le cou devant ses descendants.
Puis
ayant décimé ces sylphes et ces elfes
Je
les conduis comme une chaîne de forçats
Pour
la troisième fois au sanctuaire à Delphes,
Prêt
à les immoler pourvu qu’on m’y forçât.
L’oracle
refusa qu’on en fit sacrifice
Mais
qu’on les expulsât du fond de leurs forêts
Afin
que déportés mais soustraits aux supplices
Ils
fondent des cités gagnées sur les marais.
Ce
n’est qu’après deux moins d’errance par les plaines
Craignait
d’imposer plus qu’il ne pût essuyer
Que
je me présentais sous les murs de Mycènes
Flanqué
pour bras droit de mon nouvel écuyer.
Là,
mon oncle Coprée, m’apprit, qu’en sa bonbonne,
Eurysthée
retiré, car à mon sang lié,
Anticipant
que cette occasion fut la bonne
M’enjoignait
d’aller à la chasse au sanglier.
Des
Dryopes floués ayant reçu la troupe
Il
leur avait offert Eion comme Arsiné,
Interdisant
que nous nous mêlions à leur groupe,
Mon
Adonis et moi, et tous nos asinés.
A
la mort de l’hiver sur les pentes neigeuses
D’Erymanthe,
aveuglé par des destins jaloux,
J’ai
suivi en hurlant bien plus fort que les loups
Le
sanglier géant à la lippe ombrageuse.
Celui
qui ravageait par les nuits orageuses
Les
sillons de Psophis où ne croissaient que clous,
Dont
les crins dépassaient en haut des cyprès flous
Sur
l’horizon rayé de stries fuligineuses.
J’ai
couvert de poudreuse une fosse en l’étang
Où
la glace affaiblie par le naissant printemps
A
cédé sous le poids de la piètre nageuse,
Demi-noyée
déjà groguie par le glou-glou
Du
naufrage, ma proie, fracassant cet igloo
A
sauté dans mes bras toute raide et fangeuse.
Mais
je vois qu’apparaît un sourire incrédule
Sur
les lèvres de nos exigeants spectateurs
Plus
je raconte et plus la confiance recule,
Ce
ladre, ce mendiant est un mauvais acteur !
On
me fait grief de l’identité trop vague
Empruntée
au héros quand je suis seul et vieux
Je
ne suis que le sale esclave qui divague
Au
carrefour, et compte pour rien à vos yeux.
Vous
méprenant encor, dans l’artiste comique
Vous
n’avez reconnu que le fieffé cochon
Qui
gère le bordel où les soldats forniquent
Et
sert le vin coupé, agitant son torchon.
Comment
suis-je venu en traversant les sphères,
M’incarnant
à nouveau sous vos yeux ébahis,
Moi
qui suis mort depuis plus de deux millénaires,
Ne
laissant sur mes pas que des serments trahis ?
Quel
désir me projette au travers de l’espace
Quand
j’ai gagné ma place au musée des erreurs
Et
pourquoi revenir sur mes humaines traces
Quand
les dieux me voulaient compter parmi les leurs ?
Sur
la fresque figée de l’Olympe immobile
Bras
levé pour une éternelle libation
Que
ne suis-je resté, auprès d’Hébé l’habile,
Le
motif étonnant de votre admiration !
Qui
dans la nuit m’appelle et fait vibrer son plectre
Sur
la corde sensible en long bourdonnements
Suscitant
mon apparition parmi les spectres
En
sonnant le réveil dans son casernement ?
Un
trouffion fatigué dans sa tranchée de l’aube
Prisonnier
de la boue sous les tirs de mortier
Un
reclus mal nourri de pain noir et de daube
Qu’à
travers le guichet lui jeta le portier.
Mais
qu’un seul parmi vous désespère des hommes
Et
je saurais franchir la barrière des temps ;
Je
suis l’Adam premier qui croqua dans la pomme
Je
suis Eve éplorée et je suis le serpent.
Les
temps sont revenus que s’achève le monde
Et
dressé pour la fin je suis votre mentor
Celui
qui sans fierté se vautre dans l’immonde
Effrayant
les puissants de ma voix de stentor ;
Toi
en mieux, je suis le combat et la mitraille
A
travers la vitrine de la création,
M’élevant
main à main, pied à pied, je bataille
Présage
de la dernière déflagration.
…………….
-Voici
enfin venu le moment de l’entracte,
Chocolats
glacés ou bonbons, à emporter
Pop-corn
sucré, salé, mais que dis-je –dont acte,
Le
maïs n’a pas encore été inventé !
L’heure
s’est arrêtée au cadran de ma montre,
J’ai
eu un écran bleu sur mon ordinateur
Bref
j’ai pété les plombs hâtant notre rencontre
Et
je suis en jet-lag stoppant mon bi-moteur…
Ah
ça ! c’est tout les dieux, dans leur fringant jeunisme,
De
ne plus trop savoir de qui l’on faisait cas,
Pardonnez
spectateurs à mes anachronismes,
Et
trinquons en mêlant le gin à la vodka !
………….
Les
lumignons éteints ont plongé la taverne
Dans
l’obscurité du changement de décors
Les
ombres confondues aux murs de la caverne
Ne
laissent que le bruit du frottement des corps.
Il
semble qu’à tâtons se heurtent quelques formes
On
entend le murmure des halètements
Par-dessus
la rumeur parfois un cri hors-norme
Traduit
le choc violent de leur contentement.
Aveugle
redoutant qu’approche la menace,
Ecoutant
le piétinement des spectateurs,
Pensant
qu’on va venir nous séparer, j’enlace
Mon
compagnon de geôle d’un bras protecteur :
« Avant
que le rideau ne tombe sur la pièce »
J’ai
dit « Frère il est temps d’offrir au fiancé
Cet
anneau inviolé que j’ai entre les fesses,
Je
suis prêt à danser dessus ton balancier.
Avant
que les premières enchères s’annoncent,
Entre
d’un coup de rein dans le couloir étroit
S’il
en jaillit du sang et que je crie, enfonce !
Car
je veux le premier t’en concéder le droit.
Allons
sans plus tarder arme-toi de courage,
Nul
ne meurt qu’on lui entre au fourreau ce poignard,
Dans
mon cul déchiré viens épancher ta rage
Et
je t’élargirai de mon pieu revanchard.
A
l’intérieur de moi coule-toi fort et ferme
Que
chacun puisse voir comme l’on m’a baisé
Que s'échappe en ruban du trou béant le sperme
Qu’y
a laissé la queue qui m’aura déniaisé.
Qui
souffre de nous deux le plus, quoi que je dusse
Tendre
à tes coups ce fion qu’on n’a jamais ouvert
Cela
vaut-il le feu qui brule ton prépuce
En
t’étranglant le gland dans mes poils à l’envers ?
Amour
achève en moi ta violente tâche
Que
je libère en toi ce que tu m’as donné
Il
faut que promptement dans mes boyaux tu craches
Sans
que j’explose en trois sursauts désordonnés.
C’est
à toi maintenant, le devoir te retourne,
Présente-moi
ton cul, ouvre sans résister,
Pousse
fort, attention car dans l’instant j’enfourne,
Mords
dans mon bras plutôt que te manifester.
Fais-moi
honneur frérot en gardant le silence,
Je
connais la douleur qui t’a plié en deux
Tandis
qu’à ton oreille je chuchote, pense
Que
c’est le mal d’amour qui te paraît odieux.
C’est
pour te protéger que sans délicatesse
Je
laboure ta chair avec brutalité,
Pour
qu’aucun autre après prétendre entre tes fesses
Avoir
pris le trophée de ta virginité.
Frère,
tu es pareil à moi quand je t’encule,
La
rose de ton con prend mon gland comme un gant,
Les
lèvres de l’anus me font un réticule
Où
je cogne en forçant à l’envi sans onguent.
O
céleste jumeau dont l’intestin vorace
Réclame
que la vie se répande en rampant
Dans
l’humide redoute où ton anus m’enlace
Dont
chaque poil dressé me caresse en passant.
Le
jus de ta jeunesse inonde mon étrave
Je
suis ouvert comme la corolle au bourdon
Dans
ma cire amollie ton stylet d’acier grave
Des
vagues du désir l’improbable cordon.
La
hampe du fuseau où le fil s’accumule
Comme
un sabre me fend sous ton corps de vainqueur,
Tu
me cabres cheval léger sous ta férule
Ta
queue dans mon colon hoquète en haut-le-cœur.
Baise,
j’ai de nouveau les cuisses à l’équerre,
Mon
chibre se redresse à sentir les détours
De
ce nœud que tu tisses dans ma bouche arrière
Patiemment
construit comme une lettre d’amour. »