vendredi 1 mars 2013

Tout est O-K à K-pital City 08







Carnets de Scott O'Kief

Notes pour servir de Mémoires

Mon seul bien est mon corps.
Ma seule liberté en jouir ou le mutiler.

Je m'appelle Scott O'Kief, troisième du nom, bien que les précédents n'appartinssent pas à ma famille.  Mais qu'importe le nom: quoique je sois connu du monde entier, peu de mes fidèles sont capables d'associer ce nom à mon visage, et certains de mes plus fervents admirateurs parviennent à peine à se rappeler le visage qui va avec le corps.
Acteur, je n'ai jamais vraiment tourné de film, je n'ai abusé personne par la parole.  J'ai seulement vendu par morceaux mon image.  Comme l'athlète de haut niveau j'ai gagné ma vie à force de performances physiques, négociant mon savoir et mes heures d'entraînement contre toutes sortes de contrats publicitaires.  J'ai ingéré fortifiants, anabolisants, vitamines propres à épaissir les humeurs, je me suis astreint à tous les régimes nécessaires à l'entretien de mon outil de travail.  Comme l'acteur, comme l'athlète, j'ai dû soutenir la compétition, prouver que j'étais plus résistant, plus long.  Et je porte les marques du métier dans ma chair, je surveille la disposition des traces dans mon dos (car ma peau de roux marque facilement), comme le gymnaste regarde s'élargir à l'intérieur de ses bras les bleus laissés par les barres parallèles ou examine la peau de ses paumes durcie par les rotations et le frottement des appareils.  Même l'avertissement liminaire de mes prestations assimile mes performances à l'exercice d'un art et en souligne la portée éducative.  Ordonnateur d'installations complexes et de tableaux vivants., je suis certain d'entrer un jour au musée comme le représentant emblématique d'un courant esthétique qui marqua mon siècle.  Et si, comme je le pressens depuis toujours, le destin voulait s'en mêler, peu s'en faudrait que je sois considéré comme un mythe, le support-culte d'une sous-culture appelée à renverser et à remplacer la bienséante culture dominante.
Je n'étais pourtant guère intelligent, rusé seulement, et je consacrais l'essentiel de mes loisirs à anéantir par les drogues le reste d'esprit et de raison que l'exercice physique n'avait pas su chasser.

Oui, vous me connaissez forcément, comme certains tableaux sont gravés dans votre mémoire sans que vous ayez jamais entendu prononcer le nom du peintre.  Je suis partout, sur les murs des célibataires (car ma vraie place est dans les chiottes), en double page des journaux qu'on achète, loin de chez soi, dans les gares, en couverture des livres qu'on lit la nuit, et j'apparaîtrai longtemps après ma mort sur des jaquettes de films auxquels, par force, je n'aurai pas participé.
Où que vous viviez en ce monde, vous m'avez vu dans les écrans des chaînes distribuées sur abonnement, par satellite; et même dans les pamphlets rédigés par mes détracteurs vous m'avez croisé sans y prendre garde.
Un bref résumé de mon oeuvre vous rafraîchira la mémoire:

Dans leurs transcriptions sur disque, les bandes de mes débuts conservent l'aspect saccadé de vieux films de vacances.  Les scènes s'y enchaînent si vite qu'on distingue assez mal les premiers rôles, et j'éprouve quelques difficultés moi-même à m'identifier dans la séquence finale de Sophomore Basement (La Cave aux Bleu-Bites).  Adolescent malingre lié à plat ventre sur une échelle, je n'apparais que pour pisser copieusement sur quelques victimes plus ou moins consentantes que les membres d'une congrégation pseudo-grecque glissent à la file sous les barreaux.  On m'avait abreuvé de plusieurs litres de bière qui furent ma seule rétribution.  Dans le film c'est bien moi qui pisse, mais la caméra cadre de loin et n'a pas fait de gros plan.  Je jouais une utilité, comme on dit des figurants inutiles.  C'est parce que je trainais nu entre deux plans sur le plateau que le réalisateur constata qu'il avait fait une grosse erreur de casting.  Après vingt minutes de hurlements, dus au limage intensif que je lui fis subir à sa demande dans sa loge, il me réengagea pour Wild Punks (Les Voyous Sauvages).  Là encore je n'apparais que dans le dernier tiers du film, mais j'ai pris du galon puisque j'ai un costume.  Coiffé d'une casquette de cuir et chaussé des santiags du cameraman, j'ai gardé mon propre jean aux déchirures éloquentes.  Je ne suis pas encore refait, et les gros plans sur mon sourire révèlent mes dents cassées et le chevauchement de mes incisives.  J'avais ou dix-huit ans la veille et nous tournions dans le jardin d'hiver de la villa de Doomsday.  Avant mon apparition mon partenaire a été disposé à plat ventre sur un banc par un autre motard d'opérette.  Au premier plan rapproché on voit que j'ai le regard vague.  Le patron avait fait circuler une pleine tabatière de poudre.  Le cerveau chamboulé par deux sniffs, je l'avais raide pour des heures.  Les quelques mètres de pellicule sur lesquels ma bite apparait pour la première fois dans toute sa splendeur sont eux-mêmes devenus un morceau de choix que les collectionneurs se disputent au prix fort.  Je me souviens mieux de ce que personne ne filma: le tournage virant à l'hommage, les scriptes, les gaffeurs, le perchman, l'éclairagiste voulaient toucher le pompon n'en croyant pas leurs yeux.  Des dizaines de mains voletaient autour de mon sexe, certains tombaient à genoux pour le flatter à coup de langue.  Au-dessus de la mêlée, Dino criait "Né lé faites pas zouir.  Moteur' car l'homme attaché à son banc commençait à trouver le temps long.  En m'agenouillant derrière lui je lui embrassai la rosette (mouvement de compassion coupé au montage).  La surprise lui redonna une érection présentable, la script cria: "Raccord!", des braguettes de techniciens s'ouvrirent ...
Mais on coupe pour me graisser la queue.  Le cuisinier a préparé en même temps que le repas de midi, un lavement d'huile tiède qu'on administre au colis ligotté pour que je puisse, comme le veut le  scénario, l'encaldosser d'un trait dans la plus grande propreté.  Les pets liquides font pouffer les assistants.  
Le maquilleur essuie les traînées jaunes qui dégoulinent à l'intérieur de ses cuisses, et donne quelques tapes pour faire rougir le siège.  Je tente de le pénétrer en force.  Malgré la préparation il se contracte au passage de la couronne du gland, effrayé par l'attente et la douleur subite qui l'écartèle.  Il  gueule qu'il ne peut pas.  Dino s'énerve "Tou veux dévénir oun star, si o no? il va me gâcher la séquence!"
L'accessoiriste prépare la seringue, le gars gueule quand il le pique dans la rosette: '’C'était pas prévu’'.  On lui promet une rallonge.  Deux minutes après (et je n'ai pas molli), il me présente un anus béant anesthésié, un boulevard large à y carrer des bouteilles, le sphincter si insensible qu'on aurait pu y tailler au couteau.  C'est pour ça qu'on ne voit pas la saillie de près, qu'on n'a gardé que la chevauchée, peu agréable d'ailleurs, car à quoi bon se frotter dans de la viande froide.  Je jouis au ralenti, les oscillations de ma queue qui se redresse et les giclées projetées sur sa nuque et son dos sont du meilleur effet. Le dernier plan s'attarde sur ma gueule sur laquelle il se branle.  Des rigoles de jus dégoulinent des  commissures de mes lèvres et je râle bouche ouverte de toutes mes dents irrégulières, tentant d'attraper au vol le jet que j'avale dans un claquement de langue.  Le film, qui n'était pas très bon, se vendit si bien que le patron décida de pondre personnellement le scénario du suivant.

Dans Like it Rough (L'amour à la dure), je suis une des cinq bites qui ornent les glory holes pratiqués dans une cloison pailletée montée en hâte dans les chiottes écarlates du "Y".  Un esclave aux yeux bandés nous pompe à tour de rôle. Je suis le seul à triquer sans discontinuer même quand il cesse de me têter le dard.  Appréciant ma raideur il s'étrangle à vomir sur son bâillon de chair.  A la scène 2 on le retrouve attaché au plafond, les bras levés et ne touchant le sol que de la pointe des pieds.  Quoique le générique impute le rôle à un acteur fictif, c'est moi qui incarne le deuxième fesseur, dissimulé derrière la cagoule de cuir intégrale et le string clouté.  J'ai toujours pris mon travail très au sérieux.  Pour que le spectateur adhère, je dois prendre mon pied, ne pas me contenter d'un professionnalisme distant, ne pas avoir d'égard pour mon partenaire si le scénario l'exige.  Ne pas faire vrai; être vrai.  Aussi lorsqu'on me mit la cravache entre les mains en usai-je sans ménagement envers le comédien.  J'avais trouvé bien molle la correction infligée par le premier maître.  Je savais que je pouvais tirer plus de ce grand corps blanc, mince et élastique.  Son silence timide, son effacement, l'esquive dansante sous la lanière prouvaient suffisamment qu'il attendait qu'on le force à donner toute la mesure de son talent.  Du nanan pour un vrai pervers; je l'entrepris à pleine paume pour gagner sa confiance, distribuant mes coups à contre-temps au rythme de ses relâchements, guettant l'instant précis où l'homme commence à croire à un répit précaire.  Je lui fis compter jusqu'à vingt les coups appuyés de raquette de ping-pong, puis je recommençai, armé d'un tawse, dont l'impact fit monter d'un ton sa voix dans l'aigu.  Je m'efforçais d'obtenir que la lanière souple du fouet appliqué à plein dos, s'enroule autour de la cage thoracique, soignant la sonorité des claquements, croisant les marques pour dessiner des motifs agréables à l'oeil, faisant indéfiniment varier la nature des envols et des rebonds affolés du sujet d'expérience.  La caméra fixait le virage des roses aux rouges, puis au violet sous l'oeil offusqué de nos camarades ahuris mais au garde-à-vous.  L'accessoiriste fit rouler à mes pieds un martinet.  Je balançai les queues élastiques de l'accessoire contre la sienne dont l'état de turgescence m'était soudain apparu comme une insulte au personnage dominateur que je m'efforçais d'incarner.  Pour la première fois il demanda grâce.  Gino fit signe de continuer à tourner.  S'il tentait de se protéger les couilles en remontant les genoux ou en se coinçant les burnes derrière les cuisses, je l'atteignais par derrière, balayant l'entrejambe.  Un hurlement autoritaire et ses pleurs me dégrisèrent.  Un silence total succéda à notre échange, lourd du bourdonnement des respirations oppressées.  Lorsqu'il quitta le tournage, rhabillé et vouté dans son costume de ville, il me salua discrètement d'un "Merci, maître’’.  Je répondis que tout le plaisir avait été pour moi.
Le lendemain le tournage me mit sur les rotules puisqu'il me fallait démontrer mes aptitudes de pompeur.  Ma mission consistait à provoquer et à maintenir l'érection des sept membres qui pendaient tristement par les ouvertures de la cloison.  Aspiration, salivation, exploration du méat, mordillement, mâchouillage, je menai l'opération de bouche de maître, et mon instinct de l'instant propice ne m'empêcha pas de boire la tasse, une fois au moins.  Mais c'est là, les mains liées et les genoux en terre que je compris que toute ma vie avait tendu vers ça: l'enfance dans les bois, l'exercice physique, la honte de la différence, le poil roux, mes mollets trop nerveux, mes dents cassées, ma queue encombrante, tout trouvait sa solution dans le désir irrépressible que je déclenchais chez mes partenaires.  J'étais un phénomène; plus qu'un acteur, j'étais moi, enfin.  La scène finale symbolisa donc mon entrée fracassante dans la grande fraternité du show-bizz.  Tout le casting fit cercle autour de moi, avec blaireaux, mousse et rasoirs.  Mon sexe dégagé des touffes de poils roux, apparut, monstrueux, obscène, déplacé sur mon corps lisse et imberbe et je reçus, étendu les bras en croix un geyser de foutre, une gerbe à huit faisceaux, inondant mes oreilles, mes yeux et mes narines.  Je distribuai à chacun un nom de guerre inspiré par le goût de sa décharge, Groseille acide, Morille crémeuse, Amande amère, Sirop expectorant, Eau de vaisselle, et la scène s'acheva dans des éclats de rire.  Seul et ruisselant, au centre du plateau, sous les projecteurs, j'ignorai les congratulations d'usage.  Je venais de jouir mais ma trique pointait encore contre mon nombril.  Fléchissant les cuisses et me cassant en deux, je lèchai le sperme étranger sur mon ventre.  Les lèvres tendues j'aspirai l'extrémité de mon gland.  Quand il me vit en action Gino faillit s'en étouffer: ‘’madre Putana, et dire qu'on n'a pas mis ça dans la boite!'




Ce fut l'argument d' Help Yourself (Aide-toi, ton cul t'aidera), tout entier consacré à mes performances en solo.  Pas d'autre décor qu'un podium blanc entre trois murs de carton crème.  Ce film révèle aussi la partie de mon anatomie jusqu'alors insuffisamment exploitée.  On n'a pas encore entrevu ma gueule que mon trou a déjà la vedette.  M'écartant les fesses, je présente au publie et au zoom de la caméra mon oeil noir, j'en lisse les plis épilés.  D'un doigt profondément dardé, je fais valoir l'élasticité du bourrelet, la mobilité de la bague, son relief rose-carmin qui forme crevasse entre les lunes pales.  Ecartant le sac des couilles, je glisse mon paf entre mes cuisses, je parviens à me chatouiller l'anus du bout du gland.  Mais aussitôt que je tente de me pénétrer, je bande.  Tant pis, vous en avez assez vu de ce côté-là.  Je vous montre que mes mains superposées ne contiennent pas les deux tiers de l'outil.  Je lâche quelques glaviots longtemps roulés d'une joue à l'autre, qui lubrifient ma hampe.  Le spectateur a tout le loisir aussi de flasher sur ma belle gueule carrée filmée par dessous, mon nez écrasé de boxer, le crin roux qui commence à repousser sur mes tempes.  Debout contre le mur, en souplesse avant, je m'auto-pipe.  Plaqué sur le dos, je ramène mes jambes en l'air et le bassin par-dessus la tête, je me tiens en équilibre sur les épaules.  Dans cette position je parviens à m'avaler plus avant, je joue de la langue autour de la base du gland.  Au signal de Lino, je m'aide de la main et jouis dans cette pose, relèchant mon foutre sur mes babines.  Je lui trouve un goût fade de lait pour bébé, mais je ne feins pas l'extase qui me transporte à commettre cet acte d'auto-anthropophagie.

Non content de me tondre la laine sur le dos, deux soirs par semaine, Doomsday réclamait son dû de performances live.  Il avait surtout pris goût à m'enculer (ce qui ne me faisait pas grand mal), appelant ça son domaine réservé, son copyright exclusif, puisqu'à l'écran j'étais toujours puceau des arrières.  Quand je demandais pourquoi (après tout, ma fierté et mon honnêteté professionnelle étaient en jeu), il invoquait de vagues raisons publicitaires, arguant que tout un montage financier reposait sur ce suspense et qu'il comptait vendre très cher ma défloration officielle.  Ne parvenant pas lui-même à se faire prendre sans douleur, à cause de restes de fistules, de tumeurs hémorroïdaires et peut-être un début de cancer qu'il niait, il rabattait des gigolos autour des gares, promettant le paquet à ceux qui étaient assez courageux pour engloutir le mien, mesurant et déduisant de leurs gages une somme proportionnelle au nombre de centimètres demeurés hors du tube les fois ou la sodomie était incomplète, triplant la mise pour qui consentirait à l'essayer à sec, aidé par des capsules d'ammoniaque fixées dans les narines et une profusion de psychotropes variés.

Après quelques mois de musculation et de dentiste, je tournai enfin mon premier long métrage en vedette, avec rôle parlant, s'il vous plaît, Summer blue (La Plage aux Empafés).  Jeune campeur j'y raconte mes aventures de voyage qui constituent le scénario de sketches où je n'apparais pas toujours.  En véritable acteur, je déguise ma voix, je la tire vers le grave, j'emprunte un accent mâle et faubourien et mon débit ralenti n'est pas dû qu'à l'abus de poudre.  Je ne garde pas longtemps ma chemise à carreaux et mon slip de coton trop neuf si je conserve mes chaussettes blanches.  Les séquences qui me sont consacrées me montrent surtout en solo, secouant mes trente-trois centimètres de viande, retardant indéfiniment la séquence d'auto-fellation à coup sûr attendue par ma clientèle.  Intermède bucolique: courant nu dans les bois, j'avise un campeur sauvage occupé à dresser sa tente.  Il est en kilt et sa position courbée met en valeur les burnes pendantes entre ses larges cuisses musclées.  Grimpé au sommet d'un pin, je me branle pour qu'il me repère.  Dans l'herbe et les aiguilles de conifères, nous rampons.  Il me suce, je bande mou.  Un garde forestier nous surprend.  Nous le circonvenons et tandis que l'autre campeur, jupe relevée, le pompe en 69, je lui écarte les genoux pour le défoncer.  Rapidement les atermoiements du comédien en uniforme m'agacent.  Il fait la mijaurée, me repousse, me ralentit de la main, recale ma bite dont la cambrure le fait souffrir, s'ouvre enfin.  A peine l'ai-je pilonné trois fois que ma queue ressort sale.  Interruption du tournage.  Je l'insulte, je lui crie: "Allez, viens nettoyer ta merde" en le tirant par les cheveux je frotte ma bite à son nez, à ses lèvres.  "Quand on fait ce métier-là, on prend ses précautions avant’’.  Je regrette cet accès d'humeur.  J'étais à bout.  Les interviews, les photos, le succès naissant me montaient à la tête.  Et puis je redoutais la scène suivante, toute entière construite autour de mon dépucelage cinématographique.
C'est pendant cette interruption que l'hélicoptère de Dommsday se posa dans le champ voisin.  Jamais Pino n'avait vu le producteur débarquer en personne pendant les extérieurs.  C'est que Master Reginald avait réfléchi et insistait pour qu'on me substitue une doublure durant la scène de pénétration.  On tourna à regret, et c'est le cul du décorateur, roux, comme moi, que vous voyez à l'écran.
Cette sodomie pourtant, je l'avais attendue, j'en étais venu à la désirer avec violence.  Je voulais que mon public réalise enfin que j'étais un enculé et que je jouissais d'autres qualités que celles trop évidentes de mon mandrin fabuleux.  Mécontent de ne pouvoir me donner à fond, je ne voulus pas passer pour un lâche devant Pino et les techniciens.  Ayant tété dès neuf ans le manche en plastique cannelé d'une balayette de chiottes, je m'étais aguerri grâce aux bois des couteaux à désosser de la boucherie.  Avant de recevoir l'hommage mémorable de la bite à papa, tous les objets usuels de la maison étaient entrés en contact avec mon fion.  Tout cul de bouteille, si renflé soit-il avait plongé profondément dans le mien.  Parfois je circulais, gardant au chaud des fioles, que j'expulsais pour faire rire les gamins de l'école.  Au jardin j'essayais les manches des râteaux ou des pioches, les piquets des clôtures, les animaux, les vagabonds, le tout venant.
Dès que Doomsday eut tourné les talons, je me mis à croupetons et demandai qu'on m'apporte un des concombres achetés pour le hors-d'oeuvre de notre pique-nique.  Il était plus court mais tout aussi renflé en son milieu que mon pieu.  Sans autre lubrifiant que ma salive je m'introduisis d'un trait le légume que mon cul accepta comme un suppositoire.  Je m'efforçais de rester impassible pour faire honte au brailleur, esquissant à peine le commencement d'une grimace au passage des reliefs du cucurbitacé.  Des applaudissements fusèrent quand l'objet disparut en entier, et de nouveau quand je restituai cette merde verte, sans un spasme.  J'invitai Pino, comme j'allais m'en rendre compte bien nommé, à remplacer l'accessoire, puis par ordre protocolaire d'importance, tous ceux que la scène avait échauffés, à prendre sa relève.  A l'issue de la tournée je dégorgeai un demi verre de foutre que je recueillis pour l'avaler d'un trait à la santé de tous.  Je sais que certains ont bâti une fortune en revendant la bande pirate de cette séquence off de travail collectif.  J'avais la conscience tranquille; j'avais mis en accord mon désir et mon devoir.

De mon temps, la seule discipline médicale en expansion à K-pital était la chirurgie esthétique.  Les progrès de la science ont permis à mes contemporains d'atteindre la complétude de leurs désirs fantasmatiques.  Hormis moi, qui en suis un, je sais que le rêve de la majorité des envieux est de devenir un monstre, d'avoir trente centimètres de viande dure à poser sur la table.  Dans ma profession c'était plus qu'une obligation.  Nombreux sont mes camarades qui ont terminé leur carrière mutilés par trop d'interventions douteuses.  Pour les plus mous, la mode fut en un temps de se faire greffer dans la verge un fragment de côte afin de présenter une érection perpétuelle.  D'autres se firent implanter des dispositifs à pompe, dont le réservoir dissimulé dans les couilles ou sous le scrotum, permettait d'aboutir occasionnellement au même effet.  On imagina ensuite d'insuffler entre la peau et les corps caverneux de l'air comprimé, au moyen d'une aiguille creuse, procédé efficace mais éphémère; je le vis pratiquer sur divers plateaux, admirant le stoïcisme des vedettes qui s'infligeaient en grimaçant l'introduction du biseau de la grosse aiguille.  Sous l'impulsion du professeur Unsinn se répandit la technique consistant à implanter de la graisse liposucée pour accroître le diamètre de l'organe, mais un résultat fiable ne paraissant atteint qu'après la quatrième ou cinquième tentative, l'intervention laissait sur la verge des cicatrices inesthétiques.  Malgré les greffes de peau et les prothèses perfectionnées, la concurrence s'agitait en vain.

Désormais mon nom faisait vendre.  Je gagnais plus en un jour de tournage que la somme cumulée de mes rétributions antérieures.  J'apparaissais en guest star dans les productions de studios concurrents, comme dans Watergames (Histoire d'eau) où j'incarne un jardinier chaussé de paraboots qui arrose par mégarde son patron endormi au soleil.  Comme il convoite mon tuyau d'arrosage, je l'en pénètre et il rejette l'eau claire de ces lavements successifs.  Lorsque l'eau est limpide, je l'encule.  L'acteur était joli garçon, son cul accueillant et souple.  A la plus grande satisfaction de Nino, je lui tirai du foutre sans q'il se soit touché et je réussis à lui pisser dans le cul pour couronner la scène par un ultime rinçage.  Dans Talkin'bout Mechanics (Devenez Pompiste en dix Leçons), nu sous mon bleu de garagiste, je retourne le collègue sur le capot de la jeep, il me demande de le fourrer avec des clés à pipe et je le graisse avec une burette d'huile de vidange.  Il a pourtant du mal à encaisser le cadeau, se cabre, mais cette fois c'est moi qui dirige et je prends plaisir à tourner vers la caméra sa face contractée de martyre appliqué qui vous suggère parfaitement dans quel état vous seriez à sa place.  Rassurez-vous, comme c'est dans son contrat, il l'aura prise sans moufeter jusqu'à la garde, et recevra le droit de se venger, en sandwich, sur son petit copain débutant.

Les scénarios étaient d'une pauvreté affligeante et l'on se lasse de la répétition des mêmes exercices.  Pour exploiter le filon jusqu'à la corde, la production me faisait enregistrer des cassettes de remise en forme, des conseils de régime ou d'entraînement sportif.  Profitant de la mode du rap, on m'encouragea à enregistrer un disque qui connut un relatif succès.  On m'avait laissé libre de poser sur la boucle musicale les paroles de mon choix.  Je cite, de mémoire:
        Ils m'ont appelé l'homme à la verge d'or
        Qui n'en n'a pas tâté peut en douter, d'accord!
        Vas-y c'est bon, encore, crient sous moi les plus forts
        Quand mon bâton d'acier les agite comme un ressort

         Ils m'ont appelé la carabine à six coups,
         Le magicien de la braguette avec ma baguette à un bout,
         Le missile à deux têtes, le plus dur des bourreurs de mou
         Je marche sur trois pieds, moi ça m'en bouche un coin,
              pas vous?

         Lâchez l'étalon dans la ville!
         Lâches, vous tournez les talons.
         Moi, je mets toujours dans le mille,
         Mon flingue est dans mon pantalon.

         Maintenant le taureau vous baise,
         Vous qui vouliez des couilles au cul
         Vous en avez quatre, et, foutu,
         Vous criez qu'on vous tue, foutaise!

         L'homme à la verge d'or a toujours dans ses outres
         Pour vous désaltérer quelques litres de foutre.
         Ceux qui ont peur du pal et du mal, passez outre.
         Charpentiers, à cheval! dansez la java sur ma poutre.

         Lâchez la grappe à l'artilleur,
         Sortez vos mains de mon futal,
         Cinq minutes un quart de bonheur
         Vous enverraient à l'hôpital.

         Car on m'appelle l'homme au bélier mortel,
         Le curateur des culs et le bourreau des selles
         Le chevaucheur à cru, le pêteur de rondelles,
         Et tous ces noms sont bien en-dessous du réel ...

On m'invitait avec curiosité jusque dans les émissions littéraires, les couturiers et les peintres se disputaient mes faveurs exorbitantes de modèle surpayé.  Les instances officielles négociaient mon soutien, utilisant mon image pour des campagnes de propagande, m'habillaient en soldat, en médecin, en superstitieux.  Tout cela m'attristait.  La notoriété me rendait neurasthénique.
Comme tout artiste, j'avais besoin de silence, de solitude, de réflexion, de confrontations muettes avec la caméra chargée de porter jusqu'à vous mes moindres émotions.  Quand je me branle, le monde existe, et moi avec.  Je suis réceptif à tout.  Nulle entreprise n'est impossible et je voudrais les tenter toutes.  Le but ultime serait de se maintenir dans cet instant instable, d'élargir le spasme, la jouissance, aux dimensions de la vie, cette vie de nouveau vide dès que le sperme a coulé, que la raison recommence à souffler ses mensonges et commande "passe à autre chose".  C'est ce message que j'ai disséminé aux quatre vents par mon image.  S'il est exact que le moindre de nos gestes altère la course réputée immuable des astres, songez que vous êtes des milliers, à toute heure du jour et de la nuit, à reprendre en choeur avec moi la prière interrompue, le rythme souverain amplifié par nos gestes simultanés, qui soulève la terre en hoquets, déclenche les émeutes, les révolutions, et noie les sociétés constituées dans le fleuve de foutre qui nous poisse les mains.


                                                                               "Tout artiste a besoin d'être applaudi"

                                                                                Paul Valéry

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Voilà des nuits que je me terre dans l'immeuble abandonné et sombre de Dead End Street où je vis retranché, éclairé seulement par la lumière des écrans qui me cernent.
Dehors, personne n'est plus en sécurité.  Les quartiers commerciaux et les centres de loisirs (qui, connaissant mon code identitaire, m'a envoyé cette carte d'entrée permanente à Fantasyland?) sont les premières cibles des attentats.  Les milices qui surveillent la pose des écrans-ciel s'attaquent indifféremment à tous les passants.  Les étoiles et la lumière naturelle disparaissent des zones habitées.
Les menaces des hétéro-terroristes affluent quotidiennement aux studios, et c'est ce danger, réel ou imaginaire qui a finalement décidé le boss à m'installer dans ce bunker.  J'y serais moins esseulé si j'acceptais la compagnie des top-models que Doomsday m'envoie dans l'espoir que je consente à reproduire ensuite nos ébats sous les projecteurs.  Hors-caméra, les performances des pros ne valent pas tripette.  Ils me donnent l'impression de venir faire de mauvaise grâce des heures supplémentaires.  De plus, je ne tiens pas à ce que le patron et la société soient informés par leur canal de tous les détails de ma vie intime.
Ceux de l'extérieur ne valent guère mieux; ils sont déjà tous fichés en face.  Quand ils me reconnaissent, ils sont flattés d'abord, puis jaloux, et effrayés enfin par ma célébrité comme par mon calibre.  J'en ai passé des nuits à m'échiner sur ces culs tremblants sans parvenir à rien, qu'à m'irriter la bite.  La plupart s'effarouchaient moins de la taille de mon poing.  Et si, pour satisfaire mes tripes, je leur offrais mon cul, pris d'un accès de respect ils débandaient, ou éclataient avant d'avoir trouvé l'entrée dans l'anticipation du bonheur à venir.
J'avale une pilule violette et je branche la tri-di.  Voilà à quoi en est réduit le mâle universel!  Plongé
dans l'univers falsifié du spectacle, j'aurai toujours vécu couché.  A mesure que la drogue se répand dans mon organisme, les ouvertures des murs se comblent, l'écran étincelant demeure la seule fenêtre.  J'entre dans la phase crépusculaire. Je glisse une sphère dans le codeur et l'image se colle à moi, se développe dans l'espace que je pénètre.  C'est une copie d' Help yourself . Mon image élargie s'est solidifiée.  Je peux me toucher maintenant.  Je m'introduis les doigts dans l'anus.  Je me concentre pour éjecter de mon champs sensoriel la doublure-lumière.  L'image tremble et grésille, mais le codeur a capté l'intention.  Le voyant qui clignote me signale qu'il faut reprendre un quart de tablette de rouge pour poursuivre.  Je me vois, courbé devant moi, cul offert.  Je pince mon sphincter pour encourager son relâchement.  Je ne sens rien, mais le moi à quatre pattes, lui, grogne et fait un bond vers l'avant.  Il doit coopérer, c'est moi qui tiens les rennes.  Il s'écarte les fesses.  Mon bélier se cale contre les lèvres de l'anneau, je me pénètre, et grâce au comprimé, la sensation de chaleur m'envahit en boucle.  Rempli, écartelé, et chaussé en moi-même, je me bourre avec mon gode vivant, celui-là même dont vous possédez tous la copie en latex.  Mais parfois, comme toi, spectateur, je me lasse de ma propre image.  Couché devant la tri-di, par la force de l'hypnose, je voyage dans les réalités artificielles.

Je glisse une sphère de sport dans le codeur.  Les cordes d'un ring apparaissent autour de moi.  Je dévêts les combattants qui s'affrontent parés de leur seule coquille.  Les entraîneurs entre les rounds vaselinent les culs en place des visages, huilent les queues.  C'est pour la pipe que le champion ôte son protège-dent et c'est du foutre qu'il crache au lieu d'eau vinaigrée dans la bassine. quand le K.O. survient, le vainqueur se saisit de l'adversaire estourbi; les élastiques de la coquille encadrent l'accès au trou prélubrifié qui accueille sans effort même un pal mollissant.  Le vaincu revient à lui, éveillé par la douleur insolite du tringlage.  Rendu à son camp., il attend, cassé sur les cordes, que l'éponge du soigneur ait torché le canal du sperme et de l'excès de graisse qui l'obstruent.

C'est après la grande course.  Mal à l'aise dans leurs souliers hauts, les cyclistes font la queue devant ma caravane, car j'ai endossé la blouse du médecin.  Par souci de correction et respect de la vie privée, une vitre les sépare de mon bureau.  Je leur rappelle que le règlement exige qu'ils pissent cuissard baissé sur les genoux et les bras assez loin du corps pour éviter qu'ils déversent dans les flacons d'analyse d'éventuelles poches d'urine cachées sous les aisselles ou sous le scrotum.  Je regarde défiler les deux cents bites du peloton, l'oeil froid et inquisiteur derrière mes lunettes aux verres argentés.  J'attends patiemment que l'envie leur vienne, qu'ils écrasent les dernières gouttes sur le col du pistolet, se décalottant ou se secouant l'outil bruyamment.  Je grave dans ma mémoire ce défilé de vits, je prends note mentalement de leur dimension, du relief, cherchant celui qui serait en mesure de me filer des complexes, long à mi-cuisse, large, à la tête épatée et violette.  Quand je veux m'en saisir, l'illusion se dissipe ...

                J’avale un autre quart de rouge.  Mon coeur s'affole.  Pendant un temps qui me parait infini, je reste paralysé, incapable de remuer un doigt ... Apparaît un abatteur de bois.  Je le zappe.  Il ôte sa chemise à carreaux, présente à ma bouche engourdie ses couilles ridées dont les poils noirs libèrent de petites étincelles au contact de ma langue.  Je le fais enculer par un soldat dans le cul duquel un vieux superstitieux barbu tente d'enfourner la bite d'un cheval blanc.  L'étalon lui casse le cul et lui défonce l'abdomen.  Je zappe avant que le couple d'enfilés ne soit noyé dans ses tripes et piétiné par la bête.

                Même dans l'univers des codeurs, tout n'est pas licite.  Perdu dans les mondes parallèles suscités par la machine, le drogué sous l'empire du rouge attente à la réalité commune.  Les modifications qu'il introduit dans l'image du passé affectent le déroulement du présent.  Je suis bien placé pour le savoir, tiraillé que je suis par votre désir collectif, violenté par votre volonté qui résonne en moi comme l'écho d'un grand orgue, et poussé toujours plus avant, de l'extravagant à l'inimaginable.  Dans le vide neigeux, entre les canaux, les psycho-keufs sont à l'affût.  C'est peut-être ce passant à la mine fermée, cet acteur de série Z, ce rugballman que je vais cueillir dans son vestiaire et projeter au centre de ma chambre au moment où il sort de sa douche, ruisselant et mis en condition par les agacements et les tripotages de ses coéquipiers victorieux.

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