jeudi 6 novembre 2014

ballade de Jeffrey Dahmer















        LA BALLADE DE JEFFREY DAHMER






                                                                                                                                                                                                                        



Morceaux choisis





























1995






















     













































                                                                                                          "Je suis l'abîme qui souffre et qui nie."

                                                                                                                                      Henry Rollins




1.

A Milwaukee, les ados des sixties coulaient des jours heureux, dans un pays de lait et de sucre candi, sous un ciel toujours bleu.

A Milwaukee, les enfants des écoles apprennent l'allemand, obligatoirement, qu'ils viennent du Laos, d'Afrique, ou du Tyrol.

A Milwaukee, Henry, en passant, a senti l'odeur de la mort, le parfum de suicide et de cerveau brûlé qui flotte autour des supermarchés, des gares, des aéroports; c'était le relent du houblon qui fermente dans les fabriques, la lente décomposition de la bière de l'Amérique.

A Milwaukee, le vent du lac rend les passants neurasthéniques.  Les flics, comme ailleurs, sont cyniques, et les gamins fument du crack.


                                                                                          *


Les animaux aux abois sommeillent au fond des bois.  Les crapauds dans la nuit chantent, les prédateurs se lamentent.  Les carcasses des chiens morts pendent des arbres, dehors; je leur ai ouvert le ventre pour que les fourmis y rentrent: la poudre de leur os blancs, au vent, s'en va, dérivant.

Nature, sur ces autels, répands tes parfums mortels, les champignons de la transe, les herbes de transcendance.  Les animaux aux abois pourrissent au fond des bois.

Au sommet de la montagne, comme un semeur accompagne le grain qu'il jette aux sillons, Sorciers, nous éparpillons la légère pluie de cendre qui, tournoyant, va répandre l'âme privée de cercueil sur les sapins en grand deuil.  Les fragments blancs qui les ornent, de mon pays sont les bornes.
Dans la forêt enchantée, fuyez ma cabane hantée.


               *


Selon les tests faits au lycée, j'avais un Q.I. de 130.  Je ne voulais pas travailler; je pensais qu'on m'aimait mieux cancre.  Lorsque j'étais intelligent, mes notes ne passaient pas 3. Les profs me trouvaient insolent, les autres, égoïste et froid.  On voulait à peine de moi sur les photos de famille; sans amis, sans coeur, sans émois, je faisais fuir les jeunes filles.

Sur le cliché de fin d'année des petits génies de Revere, seul, je faisais un pied de nez au milieu des faciès sévères.  Photocopié par la machine de l'administration scolaire, effacé à l'encre de chine, je suis tout noir sur l'annuaire.  Déjà, on me montrait du doigt dans le club des bourgeois nantis: on n'avait pas voulu de moi au sein de l'Honor Society.
J'étais le meilleur au concours de buveur de bière au Skyway; on m'a jeté, saoul, sans secours, à la rue, devant chez Whitney.

A Noël, en 78, j'ai signé mon engagement.  Cela valait bien une cuite, partir à l'armée pour trois ans!
A Bath j'avais perdu mon âme, en inhumant sous les cyprès le premier type qui avait, en riant, repoussé ma flamme, parce qu'il avait mieux à faire... Je l'avais frappé aussi sec au pied de la bibliothèque familiale, avec un haltère.
A Baumholder en Allemagne, j'ai servi avec optimisme, puis, après 26 mois de bagne, on m'a viré pour alcoolisme.  Infirmier, manutentionnaire, serveur  de snack ou commerçant, dans tous les boulots, rien à faire, je n'étais que le remplaçant.

Apportez-moi, pour tout bagage, O Mère, afin que je survive, pour échapper à mes ratages, l'identité définitive, ou bien, je vais fabriquer seul un personnage perverti et me jeter droit dans la gueule des loups de l'Horror Society.


                                                                                          *



Grand-mère habite à West Allis et c'est avec philosophie que Père a dit: "Vas-y, mon fils, y soigner ta soûlographie''.

Dans le jardin croissent des lys, des roses-thé et des narcisses, des canas par paquets de dix; on croirait habiter la Suisse.

Derrière les volets fermés, on voit à peine la grand-route.  Tous les riverains sont armés.  Dimanche, ça sent la choucroute.

Entre les grappes de raisin, Mamie, cousant, est occupée à épier comment les voisins ornent leur maison de poupée.

 La porte de mon logement est cachée sous les tamaris.  C'est comme un long enterrement de végéter à West Allis.

Je suis revenu au bercail me racheter une conduite: toujours ponctuel au travail, bien poli, et ainsi de suite...
Bientôt à la foire au bétail j'irai fêter ma réussite.  Je file droit, sur le bon rail.  Peu s'en faut que je court-circuite.



                                                                                         *



Je disparais dans la vapeur: au Milwaukee Bath Club, je teste, avant de m'essayer au reste, mon cocktail d'infinie torpeur.  Ne me regardez pas agir, j'ai honte de votre désir.
Quand je joue les hypnotiseurs, certains échouent à la clinique: ce n'est que manque de pratique si je commets quelques erreurs.  Lisez cet ordre silencieux dans mes yeux: "Dormez, je le veux!"
En vous plongeant dans le sommeil, j'échappe à vos offres de sexe.  C'est ce qui vous laisse perplexe à l'instant de votre réveil.  Je ne veux pas de votre accord; en vain, vous réclamez mon corps.

Je ne suis pas votre ennemi.  Maestro de la Belladone, c'est pour l'art que je collectionne l'image des beaux endormis.




                                                                                         *





Je n'irai plus me promener au bord de la Kinnickinnic; son nom me faisait fantasmer: c'était pourtant pas exotique!  Je n'irai plus au fond des bois pisser mes bières en public.  Dans ce pays de tous les droits, c'est mal vu d'exhiber sa trique.  Je ne voulais pas me branler au bord de la Kinnickinnic; je ne pouvais pas soupçonner qu'y traînaient des gamins lubriques ...
Entre les buissons clairsemés, ils m'espionnaient  -c'était inique-, alors j'ai fini par montrer ce qu'ils attendaient que j'astique.  Ils ont longuement contemplé ma masturbation frénétique, m'encourageant à prolonger jusqu'à l'instant paroxystique.  Je les entendais rigoler: ils se touchaient, c'était comique.  J'ai joui, ils ont détalé: les sagouins m'ont donné aux flics!
C'est vrai, j'étais récidiviste; à la foire en 82, j'avais déjà montré ma queue à de jeunes scouts intégristes.



                                                                                       *


A la foire aux boeufs, j'ai sorti ma bite: toujours prompt au jeu, un démon m'habite.
Les flics excités m'ont collé des claques et une raclée à coups de matraques.  Voulaient me coincer pour vol de blouson; les ai blousés, suis sorti de prison.
A la foire aux bleus, j'ai croisé, dimanche, un gars., qu'en deux coups, j'ai coupé en tranches.



                                                                                            *



Steven avait quitté Ontanagon, un trou à l'ombre des monts Porcupine.  On l'aurait dit dessiné par Egon Schiele tant sa silhouette était fine.  S'il avait été un peu plus épais, Jeffrey l'aurait ignoré ce dimanche.  Tuer à nouveau, facile! oui, mais... trancher, c'est une autre paire de manches: démembrer, racler la chair sur l'os nu, au sous-sol de la maison de grand-mère... Il fallait qu'il ne soit pas trop charnu pour le mettre aux ordures ménagères.

Il lui fit goûter son cocktail-maison sans l'avoir touché, car, pour l'exercice, il voulait garder toute sa raison.  Il le découpa sans autres sévices.

Le lendemain il dormit tard, c'est tout.  La tête lourde il se montra lucide, mit quelques morceaux au fond d'un  faitout qu'il remplit ensuite avec de l'acide.  Il bricola toute l'après-midi en sécurité au fond du garage, jeta quelques sacs, puis  -c'était lundi-, fila au boulot en criant: "Courage!"



                                                                                            *



Je vais m'en aller avant qu'on me chasse ... Tu m'as vu baiser avec le grand noir.  Je ne voulais pas, mamie, que tu saches.  Personne, hormis toi, ne pouvait me voir.
Quand j'étais enfant, tu as dit, un jour: - Si jamais j'apprends, petit, que tu couches avec des garçons, malgré mon amour, je t'occis de deux balles dans la bouche!
Tu l'as oublié, c'était autrefois, mais ça s'est gravé, net, dans ma mémoire.  Il n'a pas fallu le dire deux fois: toute vie depuis est plus qu'illusoire ...

"Ce blanc choisit mal ses amis de coeur!" (Déjà contre moi les voisins consultent.) "Homo, passe encor, mais pas de couleur..." Je vais m'en aller avant qu'on m'insulte.
Ils applaudiraient s'ils savaient l'usage auquel je réserve mes compagnons.  La haine est un douloureux héritage: Je suis le produit de leurs opinions.


                                                                                        *



Indien américain, je serai ton bourreau.  Tu étais protégé au coeur de ta réserve, mais, sur mon territoire, à quoi veux-tu que servent tes ancêtres exterminés par nos héros?
Pour tout poteau je n'ai que mon lit de torture; attaché, tu peux bien y gigoter à oilp, ça ne m'empêchera pas de prendre ton scalp quand tu auras goûté de force à mes mixtures.

Malgré tes quatorze ans tu allais droit au but.  J'ai gravé au couteau l'outrance de ton rut dans ton cuir de peau rouge en creusant des rigoles.
Peint en gris, tout près du radio-réveil F.M., sur ma table de nuit, trône, comme un totem, ton crâne oblong et dur d'adorateur d'idoles.




                                                                                         *




 Par la vie chahuté, j'ai perdu l'équilibre.  Mais à quoi bon lutter puisqu'on est jamais libre?  De longs fils dans mon dos empêchent que je glisse, lesté par mon fardeau, au fond du précipice.  Dans ma fuite en avant, l'instant présent s'esquive, et je cède, rêvant, à toutes les dérives.

D'autres, plus avisés, quoique tout aussi lâches, d'un vice autorisé ont fait leur port d'attache.  J'aurais aimé trouver dans la drogue et l'opprobre l'alibi pour crever... mais Dieu m'a voulu sobre.  Même un alcool puissant ne me rend jamais ivre, et seul le goût du sang un instant me délivre.



                                                                                          *




J'invoque l'esprit de l'abîme, qui sépare le mal du bien, parce que je ne suis plus rien sinon l'agent passif du crime.
Il me remplit à l'intérieur avec son nom imprononçable.  Il dit, s'assoyant à ma table:
- C'est moi qui suis ton rédempteur.

Entre mes mains il met ses armes: le mépris de ceux qui accusent afin qu'à mon tour j'en abuse.
Le sang que je bois, c'est ses larmes.
















2.


A la croix de Kilbourn et de la 27ème, la vie n'est jamais morne: toute la nuit on traîne.  Au kiosque, chez Judy's, on sert des hamburgers; pour un dollar de mise, on y mange à toute heure.  Les clients noctambules font leurs courses sans trêve; sans cesse on se bouscule à Dany's shop and Save.  On a en point de mire l'étoile clignotante de J.R.News, qui vire de l'or à l'amarante.  L'incessant flux d'autos s'y déverse non-stop: au coeur du quartier chaud c'est le plus grand sex-shop.  Sous les néons clinquants de Pabst et Michelob, les jeunes délinquants se droguent jusqu'à l'aube.  On vient s'y amuser de toute la province, et l'on y voit muser putes et gigolpinces.

Dans la deuxième rue, l'attraction principale n'est pas le centre commercial une fois la nuit venue.  A deux pas de la caserne de pompiers, désaffectée, des bars sans publicité, l'un après l'autre, ferment.  Une borne d'incendîe signale le 219 à l'attention des keufs et des clients peu dégourdis.
Les soirs de paye, Jeffrey s'y saoûle au rhum-coca pour oublier l'odeur du chocolat qui le poursuit depuis la veille.  Puis, au moment redouté de la fermeture, il s'en va soigner sa biture dans un autre établissement: à La Cage, un saloon gentiment S.M., sans enseigne, où il traque dans les backrooms le gibier facile qu'il saigne.



                                                                                          *



Et c'est là qu'un soir de bamboche Richard échoua par hasard.  Pour trouver un lit c'était tard; il avait trois dollars en poche.  Il portait sa vieille capote, un manteau de demi-saison.  Il avait dit à la maison: - Salut, je m'en vais voir un pote.
Mince, petit, aimant la danse, un peu précieux pour un garçon; pour qui connaissait la chanson, c'est sûr, c'était gagné d'avance.

Dans le quartier de Meadowmere, pour fêter son prochain départ, Jeff le ramena dare-dare et l'assassina chez grand-mère.  Bien plus tard il fut incapable -car son amnésie s'aggravait- de se souvenir s'il l'avait sodomisé au préalable.

Après deux gorgées d'apéro, un bon noeud de cravate, et pfuitt! 24 mars 88, hop! exit Richard Guerrero.



                                                                                      *



Le cadavre du jour est toujours le dernier.  On a tendance, après le geste, à se renier; on se dégoûte de n'avoir su résister: Post coïtum, post mortem, animal triste.
La nuit d'après est comme un lugubre désert, il faut régler son compte à son double pervers: "Ah, tu as fais du beau, hier au soir, pauvre tâche!" Le bricoleur en vous doit se mettre à la tâche ...
Il faut un coeur d'acier, des nerfs de chirurgien et de la bière à flot pour ne penser à rien.  On taille dans le vif, et la chair qu'on mutile vous rappelle qu'on n'est que matière inutile, graisse et sang, muscles tétanisés par la peur, viande avariée qu'agite un cerveau corrupteur, et que tout ce qui vit se résume au proverbe: "Si beau soit l'extérieur, l'intérieur pue la merde".



                                                                                       *


Jeff se chercha un studio pour célibataire; tout se vidait, c'était l'été, période redoutée de vacances scolaires, et de mineurs en liberté.
"Là, je ne serai plus dérangé quand je baise", se dit-il en emménageant, Résidence Oxford, appartement 213.

Pas loin du numéro 900, la 25ème rue Nord conduit au West side, traverse un quartier mal famé; Dr Jekyll peut y cacher son mister Hyde, sans avoir à trop s'alarmer.
C'était sur le chemin du campus de Marquette et à deux pas du carrefour de Kilbourn où il venait faire ses emplettes de bière, de viande et d'amour.

Pour célébrer sa pendaison de crémaillère, il ramena un immigré, un gamin qui faisait l'école buissonnière, un petit mec aux yeux bridés.  Il lui fit du café sucré pour le détendre, lui donna 50 dollars; l'enfant se déloqua aussitôt sans attendre, et Jeffrey sortit son polar.

Quand l'ado se plaignit d'avoir mal à la tête, il vint s'asseoir, grivois, à ses côtés, caressa sa peau mate et chercha sa quéquette avec l'espoir de l'exciter.  Il lui murmura quelques mots doux à l'oreille:
- Bandé, tu seras plus sexy: sors le petit oiseau au photographe, et veille à t'ouvrir le cul au maxi ...

Dieu, s'étant réveillé dans son ciel improbable, lui envoyait du firmament, pour épreuve, cet ange au sourire adorable, mais rebelle aux médicaments.
Pendant que Jeff partait chercher la vaseline et un lacet pour l'étrangler, le gamin, qui feignait un sommeil de routine, en profita pour détaler.


                                                                                       *

C'est bon, si sa valise est prête, c'est que peut-être il souhaite au fond que les flics sans façon l'arrêtent; et tant pis si on le confond, après enquête.  Que le destin pour lui choisisse, il reste une chance sur deux que sa course au néant finisse, avant que ses crimes hideux l'ensevelissent.
Il a bien su tromper son père ...

Il désespérait de la loi quand des flics patrouillant par paire, à sa porte cognant trois fois, se présentèrent.
Après sept jours de préventive, sans qu'il eût à la soudoyer, l'administration, trop hâtive, sans exiger ni plaidoyer, ni caution alternative, décida de le renvoyer, de manière expéditive, à ses foyers.


                                                                                        *


Tony s'était trop longtemps regardé dans le miroir troublant de Narcisse, le pâle miroir à double côté, la fontaine des artifices.  Avec ses cheveux noirs et lisses, il était sûr qu'il était beau, se savait promis à la gloire malgré son métier dérisoire de petit gérant de Mc Do.
Dans ses rêves de midinette, il se voyait, comme les pros, couverture pour Vogue Uomo, coiffé par les plus grands esthètes, vêtu de costumes rétro faits par des couturiers vedettes.
Il était plutôt hétéro, pourtant pas l'homme d'un seul lièvre: à vingt ans c'est comme une fièvre, l'envie de se faire les crocs.  On appartient à tout le monde, ce serait con de se priver de l'humanité par moitié, pour rester fidèle à sa blonde.

 Avec un copain d'occasion, il entra un soir à La Cage, armé de belles illusions, pour tout bagage.  Un grand blond remarqua son look et lui fit des propositions: des portraits en pied pour son book, 100 dollars pour la prestation, et, s'il ne trouvait pas ça plouc, l'amour jusqu'à l'aube en option.
Le copain était généreux; il accepta sans rechigner de conduire les amoureux jusqu'au nid par eux désigné.  Jeffrey, qui craignait que son hâvre fût surveillé par les flicards, ne voulait pas que des cadavres s'empilassent dans ses placards.  Il emmena donc sa conquête dans le studio de West Allis où Antony perdit la tête pour avoir sifflé deux pastis et taillé une pipe honnête.  Conforme à ses voeux avisés, la vie lui avait fait sa fête et avait immortalisé par la photo son corps d'athlète, en douze morceaux divisé.

Jeffrey le dépeça si vite qu'il eut le temps la même nuit de bouillir dans une marmite le chef de son amant réduit en charpie dans des seaux d'enduit qu'il abandonna dans sa fuite.  Emportant dans son sac à dos le crâne dépouillé des chairs, il se disait que c'était beau d'avoir fêté dans l'adultère, à un jour près, l'anniversaire de la mort de Rick Guerrero.



                                                                                       *



Le 23 mai 89, Jeffrey passa en jugement.  Contrit, il fit un effet boeuf par ses serments d'amendement.  Il savait qu'aisément l'on gruge les représentants de l'état: il fit bonne impression au juge malgré ses cinq morts sur les bras.

Son avocat fut admirable et son raisonnement sans faille: son client, c'est irréfutable, avait un toit et un travail.  Ainsi ne s'efforçait-il pas de s'intégrer socialement, et fallait-il, pour un faux pas, le condamner trop durement?   Il n'avait pas violé l'enfant, insista-t-il en conclusion.  Parfois on ressort plus violent de vingt années de réclusion.  Un nouveau programme à l'étude (de réhabilitation) offrirait toute lattitude d'observer son évolution: un an de centre carcéral, tout en travaillant au dehors sous contrôle médical, lui ferait comprendre ses torts.

Quand le verdict fut prononcé Jeffrey pleura de gratitude, lui-même sûr de renoncer à ses mauvaises habitudes.
Si l'on se demande à quelle aune la cour jugea Jeffrey Dahmer, remarquons que, pour son malheur, seule la victime était jaune.



                                                                                         *



Si l'on pouvait vraiment dire ce que l'on pense, voici comment j'aurais assuré ma défense.  Vous n'auriez pas admis la vérité sans fard et j'aurais écopé de cinq ans de placard:

Les enfants! la voilà l'éternelle rengaine!  Et pourtant, tous les jours, il en meurt par dizaines sans que personne s'en émeuve s'ils sont noirs.  Les gamins des ghettos, les gosses des trottoirs peuvent s'entretuer, ce n'est pas votre affaire.  Au fond des mines, en Afrique, on les enterre, sous l'or et les diamants que portent à leur cou les poules des boursiers, sans le moindre dégoût.  Dans les usines en Asie, c'est par centaines qu'on les force à bosser au rabais, à la chaîne.  Au Brésil ou ailleurs, pour moins de cinq dollars, on leur vole leurs yeux pour greffer des richards.  L'état aveugle ignore leurs orbites tristes ... A Manille on les vend entiers pour les touristes.  En considérant tout ce qu'on leur fait subir, qu'est-ce, après tant d'horreurs, qu'une heure de plaisir?
Qui suis-je pour parler? moi, la dernière ordure, je les étrangle et je jouis sur leur figure.  Dites-moi, est-ce mieux, plutôt que les violer, de vendre des grenades pour les mutiler?
Vous pouvez m'acquitter, messieurs les bons apôtres: les enfants que je tue ne sont jamais les vôtres.












3.




Je n'étais bon à rien, c'était donc une aubaine qu'on m'embauche de nuit avec les cancrelats, à 200 dollars la semaine, pour surveiller le chocolat.
Au pied du bâtiment industriel, en briques, la boutique avertit par panneau lumineux: ''Ambrosia fabrique l'unique nourriture prisée des Dieux''.

Tout est automatique et c'est dans un chaos de cliquetis et de ronflements métalliques que s'envole le cacao et les arômes synthétiques.  L'odeur du sucre roux s'imprègne dans mes fringues, ce parfum rassurant de petit déjeuner; moi, cette odeur me rend dingue, je vomis rien que d'y penser.
Cauchemar de douceur et de confiserie, tous les soirs je te noies dans le Coca-cola.  On m'a dit: "pas d'ivrognerie pour surveiller le chocolat!''

Mener trois vies de front, c'est un peu difficile.  A trop changer de masque, je perds la raison.  Lorsque se réveille la ville, je vais dormir à la prison.
Sans arrêt dans mon dos quelque espion se faufile: liberté surveillée, telle est ma condition.  Jamais je n'aurai, c'est débile, fini de payer l'addition.
Entre chien et loup, je vais, dragueur anonyme, dans la deuxième rue siffler des téquilas, avant de regagner l'usine où je garde le chocolat.



                                                                                        *


Caroline habitait un quartier populaire.  Des onze soeurs et frères du même lignage, elle s'était choisi comme colocataire, Edward, qui vivait à l'étage.  Eddie avait une façon particulière de parler, de marcher; vêtu avec recherche, il était maquillé de façon outrancière: ça faisait causer les faux-derches ... Grande perche, il aurait pu faire une carrière, avec son mètre quatre-vingt dix sans aiguilles, au basket; les méchants l'eussent bien vu arrière... plutôt dans l'équipe des filles... Il portait un turban de tissu lamé comme en arborent les divas dans les magazines, et les voisins disaient que chez sa soeur, en somme, vivaient deux sacrés Carolines.

Le ''cheikh'', comme l'appelaient parfois ses copines, sortit un soir de juin pour faire la tournée des bars où l'on fêtait dans la joie clandestine la prochaine folle journée: car le lendemain on défilait dans la rue pour la Gay-pride.  Aux yeux de la foule épatée, Eddie devait paraître en petite tenue, sur son char, reine patentée.
A vingt-huit ans, il était grand temps qu'il s'y montre, torse nu pailleté, dans son string de cuir souple, avant qu'avec un beau chevalier de rencontre, il ne finisse en couple.

Lorsqu'Eddie franchit le seuil du 219, Jeffrey le foudroya méchamment du regard, puis il mit à profit ses talents pour le bluff en lui désignant la place voisine au bar.  Eddie réunissait, pour Jeffrey, en un mec, tout ce qu'il haïssait: il était fier et noir, la nature en son corps avouait son échec; il minaudait comme une fille des trottoirs.  Derrière son rictus de séducteur standard, il se disait déjà: ''Pauvre gars, triste sort!  Ce serait lui rendre service à tous égards que de précipiter légèrement sa mort.''

Deux semaines plus tard, Caroline reçut ce coup de fil, de toute émotion dénuée:
- Ton frère Eddie est mort, ne le recherche plus.
- Comment le savez-vous?
- C'est moi qui l'ai tué!



                                                                                         *



Tout ceux que j'ai connus se sont moqués de moi, jamais je n'étais dans la norme.  Est-ce ma faute, après tout ça, si  je n'aime personne?

On parle sentiment lorsqu'on pense calcul.  Moi, je démonte l'homme, sa mécanique ridicule, que seul l'orgueil façonne.

Je survis au dégoût.  L'épouvante me ronge.  Je ne veux pas qu'on me pardonne.  Je suis l'envers de vos mensonges: moi, je ne suis personne, sinon le destructeur, la machine qui souffre, et à qui son programme ordonne de plonger plus bas, dans les gouffres où ne descend personne.
Puisque la vie est laide et qu'on vous la retire au coin de la rue sans couronne, moi, l'exécuteur de l'Empire, je n'épargne personne.


                                                                                       *


Avant j'étais seul face au meurtre, chaque fois j'avais de la peine.  J'étais un amateur, un pleutre; les flics m'ont enseigné la haine.  Avant j'assassinais sans but: les méandres de la justice m'ont appris le mélange brut de la luxure et des supplices.
Des voyous m'ont cassé la gueule quand je suis sorti de prison; c'est que la vie à elle seule est le viatique et le poison.
Avant je vivais retiré aux abords de la métropole, je n'avais rien à espérer sinon que les morts me consolent.
Aujourd'hui le défi se double du piège qu'on m'a préparé.  Nul, même moi ne donne un rouble de mes chances de m'en tirer.


                                                                                    *


Le juge l'avait dit pourtant: ''Je prononce l'interdiction  pour vous, de toute relation avec des moins de dix-huit ans''.
S'il était entré à La Cage, c'est qu'il avait l'âge légal.  Jeff s'en foutait, c'était égal, qu'il eût quinze ans ou davantage.  En homme d'affaire avisé, le gars voulait 200 dollars.  Comptant les reprendre plus tard, Jeff n'hésita pas à miser.

Dans l'appartement 213, il tomba sans mal le calcif, se branla devant l'objectif sans être un instant mal à l'aise.  Au premier geste, il dit:
- Pas touche!  Pour toucher c'est plus cher, au moins 400 bucks avec les mains, 600 si c'est avec la bouche.
Devant cette inflation subite décrétée par le bout de chou, de son maillet de caoutchouc, Jeffrey voulut l'estourbir, vite.  Mais l'autre avait la tête dure, un couteau dans son pantalon, et, nu au milieu du salon, c'est lui qui menait l'aventure.

Jeffrey lui proposa un verre afin de calmer les esprits, mais le garçon avait compris: ce n'était pas la chose à faire.  Jeffrey, retombé de sa transe tentait de la jouer relax, il lui appela même un tax et paya la course d'avance.  Au moment de fermer la porte, il jeta, pas sûr de son sort:
- Tu vas aux flics et tu es mort ...
Plus bas: ''Que le diable t'emporte!''

Fidèle à leur réputation, les fonctionnaires de police lui rendirent encor service en prenant la déposition; ils se moquèrent du giton:
- C'est les risques du tapin, note que tu l'avais cherché, mon pote ...
 Et puis il n'en fut plus question.


                                                                                      *



Je déteste ce temps où tout se désagrège, les joyeux estivants sur les rives du lac, les étudiants en short sur le campus des facs, ces gamins insolents échappés au collège.
La rage qui m'étreint ne connaît pas de trêve, je brûle de dépit pour ce gosse évadé qui tient entre ses poings mon avenir bridé: eh bien, j'en tuerai dix pour un seul qu'on m'enlève!

L'attente de l'issue, c'est ça l'insupportable: n'avoir jamais le droit de se lever de table, être rongé de l'intérieur, sans rémission.  Je suis trop lâche pour sauter par la fenêtre.  Quand  me permettrez-vous de quitter, O mon maître, l'ardent pays de l'éternelle punition?




   * 




Raymond Lamont était mastoc; sous le pseudo de Ricky Beeks, il s'était fait des amis fixes dans des milieus plus qu'interlopes.  Après trente-trois ans d'intox, il avait pris la route, en stop, pour rejoindre sa fille Alix, à Rockford, avant l'équinoxe.
Comme il en avait plein son sac, au Club 219, relax, il s'était arrêté, quel luxe! pour se faire payer un bock et peut-être un sandwich en sus.  Il aimait bien qu'on le reluque, mais, prompt à provoquer des rixes, il préférait s'asseoir sans risque au zinc d'un bar de drague ad hoc, où tous les mecs étaient en rut.
Pâle escroc, il faisait le truc, trinquant avec tous les pédoques, habitué dans les bains turcs à s'offrir comme objet de troc au désir du premier trouduc qui raquait pour baisser son froc.  Il aurait voulu vivre en maque, entretenu par le paddock.
Sa femme l'avait, tout-à-trac, un soir, mis à la porte en loques.  Prenant ses cliques et ses claques, il traînait ses colis de parcs en garnis, en hôtels cradoques.  Jamais dans le vent de l'époque il ne s'était montré un crac.
Après trois mois passés au bloc pour une arnaque de cinq plaques extorquées à de craintifs viocs, il aurait bien filé au claque, niquer des blondes ou des blacks, s'il avait eu du fric en stock.  Mais, sans un sou d'éconocroques, il prenait tous les jobs en vrac. Ça ne lui filait pas le trac de poser pour des photos-choc.  Souriant à chaque déclic, clic-clac, il trouvait ça bien chic qu'on le paye sans qu'il en croque.

Aussi n'entrava-t-il que quick quand Jeff porta son coup d'estoc.



                                                                                       *



Ce meurtre si aisé lui laissait à penser: Jeff l'avait égorgé dans son sommeil factice mais il ne s'en sentait guère récompensé.  Ni le sang ni les convulsions annonciatrices de l'ultime soupir ne l'avaient transporté; il y avait longtemps qu'il n'était plus novice.

Systématiquement il avait écourté le rituel lassant de ses préliminaires.  Nul vivant ne pouvait plus le réconforter.  Il ne regardait plus les photos débonnaires des amants souriants qui l'avaient délaissé.  Ces sexes érigés étaient surnuméraires.

Pour bander à nouveau, quel tabou transgresser?




                                                                                    *




Il épongea la carotide, il l'avait saigné comme un porc.  Il lappa dans la tache humide, puis il déshabilla le mort.  Ses doigts tremblaient sur sa braguette; il était chaud à cet endroit.  Il souleva la queue inerte, suça jusqu'à ce qu'il soit froid.
L'anus mollissant qu'il souilla, avala sa bite enfin raide, et la tête se balança dans un craquement de vertèbres.  Il émascula sa victime, mit le sexe dans un bocal; il conserva la main en prime enveloppée dans un journal.
C'est avec la scie électrique qu'il le réduisit en portions.  Son appareil photographique enregistra l'opération.
A genoux, bavant comme un clebs, il se renfonça dans le tronc, puis il préleva les biceps: frit, ça serait peut-être bon.
Il mit la tête à la cocotte pour sa collection obsolète, et pour achever sa  popotte, il fit blanchir tout le squelette.

Ça lui avait pris la semaine, c'était mauvais pour le boulot.  Dans son abattoir, avec peine, il nageait, la tête sous l'eau.


                                                                                       *


 Il s'ennuyait le premier week-end de septembre; c'était le Labor Day.  Il en avait assez de tourner dans sa chambre comme un fauve enchaîné.  C'est dans la nuit du 3 qu'il rencontra Ernest, au kiosque, chez Judy's, jeune et beau danseur noir qui arrivait de l'est pour voir sa tante Elise.
Vingt-quatre ans, l'avenir était plein de promesses; il devait, tout de go, à la fin des congés regagner en vitesse sa troupe à Chicago.
Sa famille reçut à compter de ce jour des coups de téléphone.  Des voix en s'étranglant leur criaient ''au secours ''... mais ce n'était personne.


                                                                                        *


Vingt-et-un jours plus tard, devant la librairie adulte, auréolé par l'étoile clinquante, Jeff repéra David, que, séance tenante, il invitait à visiter sa boucherie.
Celui-là lui conta tous ses petits ennuis.  Il était sympathique, il ouvrait grand son âme: il parla de sa fille, il parla de sa femme, comme l'on fait parfois aux étrangers, la nuit.  C'était miraculeux comme ils riaient ensemble ... Il n'était pas vraiment question de sexe entre eux.  Plus que de vieux amis, malgré les propos creux, deux inconnus parfois trouvent qu'ils se ressemblent.
Comme l'heure avançait, David, avec candeur, bâilla en déclarant qu'il fallait bien rentrer.  Jeffrey, le sentant fuir, souffrant et empêtré, affolé d'abandon, lui servit sa liqueur.  Il le regarda s'assoupir avec effroi, puis aussitôt après il regretta son geste; en le devêtant  il lui parut manifeste, que, sexuellement, le gars le laissait froid.
- Voilà, de l'amitié, comme on sonne le glas, cria-t-il, dans sa rage froide, en tressaillant.  Il sera fâché, c'est
sûr, en se réveillant.
Et pour éviter la dispute, il l'étrangla.


                                                                            *


Les spasmes de l'amour s'éteignent tous trop vite, instantané basculement, petit pas dans la stase, éjaculé sans suite, bref bouleversement.

Le grand ébranlement c'est la giclée finale, elle seule ronge le mors, lorsqu'en changeant de plan la conscience étale confond l'amour avec la mort.

C'est dans cet inter-monde, inerte, que je flotte, protégé par le ventre enceint, pas né, déjà défunt, bientôt, comme une crotte, expulsé au creux d'un bassin.









4



Le garçon courait nu dans la ruelle étroite.  Un peu de sang coulait de son cul sur ses cuisses.  Dans la nuit rafraîchie tout son corps était moite.  Au loin brillaient les feux d'un fourgon de police.

Deux passantes s'étaient porté à son secours; le gamin titubait muet et vert de trouille.  Un homme blond jaillit de la nuit à son tour tandis qu'approchait la voiture de patrouille.

Les pleins phares des flics aveuglaient l'asiatique; Jeffrey avait posé son pack de bière au sol.  Les femmes, en criant, empêchaient qu'il s'explique, soupçonnant que c'était une affaire de viol.

Les agents préféraient éviter le scandale; les témoins excités aggravaient le foutoir: on ne s'entend jamais quand les femmes s'emballent ...
- Mesdames, circulez, il n'y a rien à voir.

Les pompiers arrivés à leur suite ne purent qu'envelopper le môme de la tête aux pieds dans une vieille couverture.
Les flics virèrent les pompiers.



                                                                                       *



Jeffrey parla en rougissant:
- C'est mon copain, on vit ensemble.
Le chef coula un regard d'angle aux collègues compatissants.
- J'ai beau le surveiller de près ... Quand il a bu il devient dingue: il casse tout, il sort sans fringues, il se cogne aux poteaux exprès.  Voyez, il avait réclamé que j'aille chercher des bouteilles.  Quand on s'est engueulé la veille, rien d'autre ne peut le calmer.

De fait, le jeune laotien n'alignait que des mots sans suite.  Il tenait une sacré cuite; le blanc, par contre, causait bien.
Jeff ajouta, au débotté:
- Vous voyez, ce n'est pas la peine, vraiment, messieurs, qu'on nous ramène.  Nous habitons juste à côté.
- Faudrait voir à ne pas troubler l'ordre public!  On va vous raccompagner.
Jeffrey blanchit d'un coup, mais aucun des trois flics ne le vit se décomposer.

Le jeune homme sombra sur la banquette arrière dans un sommeil de chloroforme, un instant rassuré à la vue familière des hommes en uniforme.

"Ça y est, je suis foutu, songea Jeffrey, en nage.  Une flambée d'adrénaline le fit se redresser et trouver du courage, malgré le mort dans la cuisine.  "C'est ma faute j'aurais dû expédier l'ouvrage avant.  Cette fois, c'est la bonne!  Et si je leur faisais goûter à mes breuvages avant qu'ils ne perquisitionnent? ''

Espérant encore un règlement à l'amiable, il chargea le paquet-cadeau sur l'épaule de l'officier le plus serviable, qui monta l'ado sur son dos.


                                                                                        *


Les précédant dans l'escalier, Jeff consulta longtemps sa montre; il repensait à sa rencontre avec le petit écolier.

- Je n'aurai pas beaucoup de temps.  J'allais au foot à Mitchell Park ... Mes parents sont pas au courant.
- Moi, c'est Jeffrey.
- Moi, Konerak. .

On est oublieux à quinze ans: son frère, quitte pour la peur, s'était, deux ans auparavant, enfui de chez Jeffrey Dahmer.
- Bon , pour les photos, c'est d'accord, disait-il en baissant son zip.  De toutes les parties du corps, mais je n'enlève pas mon slip.
- Soit.  Tu veux voir une cassette en buvant ton whisky-coca?  J'en ai quelques-unes de chouettes: c'est sûr que t'as jamais vu ça!

La merveilleuse sensation de la sucer dans son sommeil, de le baiser sans précaution; avec le poing, c'est pas pareil!

Au débouché de l'escalier, Jeff avait une érection forte, escorté par les policiers qui ne franchirent pas sa porte.



                                                                                      *


Dans l'appartement 213, cela ne sentait pas très bon, mais chez les couples de garçons souvent flotte un relent de baise à travers toute la maison.  Contrairement aux gens normaux (les flics le savaient bien d'avance), ils ont souvent des animaux, et l'odeur de fauve est intense, mêlée aux parfums orientaux.  Comme dans les cars de bidasse, ça sent les pieds et la sueur.  Dans leurs locaux aussi, la crasse causait la même puanteur; ils firent un peu la grimace.
Ils ignorèrent la présence, aux murs, des photos de mecs nus, par peur que les occupants pensent qu'ils s'intéressaient à leur cul en restant là par complaisance.  Cela n'était pas incongru, on trouvait chez tous les homos des piles de revues de cul.  D'ailleurs -ce sont leurs propres mots- ils ne les voyaient même plus..

Jeffrey, conservant son air bête, savait que pour gêner un flic afin de hâter sa retraite, la plus payante des techniques consiste à fixer sa braguette.
Ils jetèrent un oeil distrait aux papiers des amants coupables, et, apercevant les portraits en slip du garçon, sur la table, se montrèrent des plus discrets.

Jeffrey tenta, pour être aimable de leur glisser quelques billets:

- Vous avez été formidables.
Mais les agents se récriaient:
- Non., mais l'intention est louable.

En repartant, ils plaisantaient:
- Ah vraiment, ce qu'il faut pas faire!
- Eh dis, Bob, ça se présentait pas mal pour s'envoyer en l'air?
- C'est pas toi, Bill, que ça tentait?
- Pas de rapport circonstancié; on se foutrait trop de nos gueules.  Tu les entends insinuer ''Les gars, vous êtes pas bégueules, de rabibocher les pédés!''

Deux étages au-dessus d'eux, encore en proie à la panique, et pris d'un fou-rire nerveux, Jeffrey étranglait de ses deux mains nues le gamin asiatique.



                                                                                        *




Sur les écrans, cette année-là, on contemplait avec horreur les masques d'Hannibal Lecter, cannibale de cinéma.  Sur la requête des émirs, les U.S.A. et leurs bons chiens envoyaient des soldats mourir pour le pétrole koweïtien.  Les bannières démocratiques cachaient les fanions de la haine; dans la croisade économique, le diable était Saddam Hussein.
A Los Angeles, la flicaille enregistrée par video tabassait, c'était son travail, Rodney King, un noir du ghetto.
A Milwaukee, en liberté, un pédophile, un cannibale., poussé par la haine raciale, tuait en toute impunité.




                                                                                       *



Les voisins me cherchent des crosses, bientôt ils voudront me rosser.  Les femmes m'envoient leurs molosses; je voudrais bien les désosser.  D'abord, c'est le bruit qui les gêne, les chocs sourds contre les cloisons, les moteurs des outils à chaîne:
- Je bricolais à la maison ...

Puis c'est l'odeur qui les étouffe:
- C'est le frigo qu'a dégelé, j'ai dû jeter toute la bouffe, ou c'est le dîner qu'a brûlé ... Ce sont les égouts qui refoulent.  Tenez, mes chiottes sont bouchés.  Je ne sais pas d'où ça s'écoule, mais cela tache le plancher ... J'ai constaté la même chose, oui, je sais, ce n'est pas marrant.  Il faudrait bien que quelqu'un ose en toucher deux mots au gérant!


                                                                                        *



Avant le petit bonze, je crois que j'en ai tué deux.  Je me perds dans le compte de l'année 91.  Depuis je  sais plus trop ... Dans le haut de mon frigidaire, celui de la gare routière a bien planté ses crocs.
C'était pas du jeu, Matt.  Fallait pas quitter le foyer.  Je t'ai juste un peu rudoyé, puis mis échec et mat.




                                                                                       *




Je suis l'homme accompli, le type archétypal, le chasseur qui hanta la caverne maudite.  La domestication trouve en moi sa limite.  L'ordre établi s'effraie de mon chaos total.
Regardez dans mes yeux, agrandis et complices, grossir votre reflet au miroir déformant.  Je le tends à la trivialité de vos vices.  J'incarne l'ogre, et vous, la belle au bois dormant.
Vous êtes tous à mettre dans le même sac quand vous vivez par procuration vos fantasmes, que vos soldats proprets tuent sans le moindre spasme, 300 000 civils dans les villes d'Irak.
Demain vous vous attaquerez à vos semblables: vos flics de cinéma, contre vous retournés, mettront un point final à vos vies misérables en vous exterminant avec un pied de nez.













5


Promenons-nous en goguette sur la route de Chicago.  C'est là que le loup-garou guette, pour y débusquer des gogos.
Loup y es-tu, saperlipopette?  Loupiot, y joues-tu du pipeau?  Jamais en vain je ne trompette péniblement dans mon appeau.


                                                                                         *



C'était le 5 juillet, week-end d'Indépendance, un vendredi férié.  Jeff avait échoué dans un vieux club de danse.  Il était bien bourré.
Il écumait contre les couples sympathiques qui tournoyaient enlacés.  Route de Chicago, il entra, romantique, au Caroll's, bien cassé.
Il cherchait par un semblant d'amour à s'absoudre, cessant de s'esquinter, il voulait le grand jeu fatal du coup de foudre, car il était pinté.
Jeremiah Weinberger vint à croiser sa route, c'était déjà l'été; Jeffrey en tomba fou amoureux, ce, sans doute, car il était cuité.
Ils baisèrent tout le samedi sans mollir; Jeffrey le laissa vivre jusqu'au dimanche soir.  Lorsqu'il voulut partir, Jeffrey n'était plus ivre.



                                                                                         *


Maintenant je te possède seul, pour toujours.  Tu ne prêtais de toi que ta surface plane; il fallait pour t'aimer cultiver les détours.  Je fais directement l'amour à tes organes.
C'était sans grand entrain que tu livrais tes trous; je m'insinue dans ceux que j'ai creusés moi-même, je t'ouvre comme un fruit, je brise les écrous, je t'agrandis comme un laboureur son domaine.



                                                                                        *



Le matin renaissant me découvre hâve et pâle; les pires cauchemars, je les fais sans dormir; ils m'observent de leurs yeux vides et leurs râles confirment le plaisir qu'ils prennent à mourir.

Je redoute qu'un jour ils se lèvent en masse, comme des goules qu'ils s'asseyent sur mon cou.  Ils agitent leurs mains desséchées; leurs carcasses me tirent par les pieds vers l'entrée de l'égout.

Dans un bruit de succion emporté par la trombe, tout mon monde se vide comme une vessie; pour ne plus respirer l'air vicié de la tombe, que ma chair se dissolve, et que je meure aussi.




                                                                                        *



Aujourd'hui, j'ai été renvoyé de l'usine; il était plus que temps.  D'ailleurs, ça m'est égal.  Je vais pouvoir dormir sans le bruit des machines qui frappaient dans ma tête à un rythme infernal.

Le travail me rendait semblable à un zombie, un vampire accablé par le soleil moqueur, l'habitant d'un univers anaérobie, plus noir et torturé que le fond de mon coeur.

En société j'étais une bête servile.  Je ne pouvais tuer que les jours de congé.  Maintenant que me voici lâché sur la ville, c'est dans un lac de sang que je vais la plonger.


                                                                                         *


Le jour où on le vira de l'usine, Jeffrey rencontra Oliver Lacy pour qui tous les blancs avaient cette mine de papier mâché et l'oeil indécis.

Contre la douleur et la vie si laide, Jeff savait que l'alcool ne valait rien.  L'assassinat était le seul remède susceptible de lui faire du bien.



                                                                                        *



Si Joseph avait su, il aurait attendu dix minutes de plus le prochain autobus sur Wisconsin avenue.  Pauvre chômeur, il n'aurait pas fui l'état du Minnesota, aurait acheté du soda au lieu du pack de Corona qu'il tenait serré sous son bras.  Il serait rentré chez sa femme coucher ses trois gamins sans drame, sans confier au premier quidam ses griefs et ses états d'âme.

Il avait juste vingt-cinq ans, ses amants le trouvaient craquant; il aurait préféré les filles, mais il allait au
plus payant ...
Il faut être un peu plus prudent quand on a charge de famille.


                                                                                      *


Tracy Edwards, c'était son lot, fuyait devant tous les képis.  Il arrivait de Tupelo dans l'état du Mississipi.  Il avait eu maille à partir avec la justice locale et s'était enfui au sortir de la prison municipale.  A 31 ans, déjà père de six enfants (belle brochette!) on lui reprochait, sombre affaire, d'aimer un peu trop les fillettes.  Mais à Milwaukee ce bellâtre n'avait pas été inquiété.  Il s'y était, blanc comme plâtre, refait une virginité.  Fan de foot et pro black-power, ce grand gars bâti pour la boxe revenait de voir les Brewers, vainqueurs des Chicago White Sox.

Au-dessus de Grand Avenue, un ours monoclé et cycliste pédale sur un fil tendu pour mieux attirer les touristes.  C'est là que Tracy, en ce soir du 22 juillet, historique, venait trinquer à la victoire de son équipe, avec sa clique.
Installé devant la terrasse du Speisegarten, le beau mec riait de voir la populace croquer le bretzel, trinquer sec.

Jeffrey était connu du groupe; ils l'avaient vu, sans s'en méfier filer le train aux jeunes croupes masculines dans le quartier.  Qu'il fût ou non de la jacquette, au moins il n'habitait pas loin ... La perspective d'une fête, entre gars, ne les troublait point.  Jeffrey dit à Tracy:
- Allons acheter de la Bud, ça presse.
Puis, à part, aux autres garçons, il donna une fausse adresse.



                                                                            *




Tracy se sentait mal à l'aise sur le canapé du salon: l'odeur surtout était mauvaise.  Le blond matait son pantalon.
Ils avaient éclusé leur bière, étaient passés au rhum-coca, et les invités de dernière minute ne se montraient pas.

Jeffrey, les yeux rivés au verre, scrutait avec le coeur battant, dans l'aquarium rudimentaire, ses derniers
poissons combattants.                    
- Souvent j'aime à regarder comme ils se mutilent savamment.  Ces poissons-là, comme les hommes, luttent inéluctablement... Tu ne sens pas comme une brume douce te monter à la tête?
- Non, non, moi, quand je bois, j'assume ...
- Un autre cocktail?
- Non, j'arrête ...

Et tandis que Tracy, distrait, regardait les poissons siamois, il sentit que sur son poignet se fermait un rond d'acier froid.  Il se débattit comme un diable mais Jeff appuyait un couteau sur son coeur.  Le blanc, incroyable! tentait de lui faire la peau.
- Tu fais ce que je dis, esclave, ou tu es mort dans la minute.

Pour s'en tirer, l'heure était grave, sans hésiter, il fit la pute.  Tracy, comme Schéhérazade, n'avait pour repousser la crise que le suspense pour parade; il n'ôta donc que la chemise.
Avant qu'il en arrive au slip survint un répis imprévu qui calma un instant son flip.  Jeffrey commit une bévue: la télé passait l'exorciste, son film favori, une veine!  Il trouvait que l'histoire, triste, ressemblait un peu à la sienne.  Mais, dès la fin du générique, il dit:
- Voici qu'approche l'heure d'ouvrir ta cage thoracique et de te dévorer le coeur.
Puis, se ravisant, il pensa prendre quelques nus du garçon.  Tracy d'un direct l'étala, profitant de l'indécision.



                                                                                      *



Les flics, Rauth et Müller, dressèrent l'inventaire: quatre têtes en tout enfermées dans des sacs, un coeur mis au congel, de louches victuailles, cinq crânes dont trois peints, des ossements en vrac, une marmite emplie de mains et de viscères par l'acide rongés, des membres en pagaille.

Tracy Edwards avait pu convaincre les flics: des menottes pendaient à sa main prisonnière quand vers la résidence Oxford ils l'escortèrent.  La porte de Jeffrey s'ouvrit dans un déclic, mais il voulut cogner lorsqu'ils le questionnèrent.
Les flics, Rauth et Müller, dressèrent l'inventaire: dans le frigo leur souriait Joseph Bradehoft, cou tranché dans un plat plein de bicarbonate, la tête convulsée du petit Konerak, celle de Matt Turner, fugueur et psychopathe, et d'Oliver Lacy.  C'était loin d'être soft: quatre têtes en tout, enfermées dans des sacs.
Les filets de Curtis, depuis six mois crevé, des bouts d'Errol Lindsey, chanteur à Great Spring Hill, tous deux noirs, 19 ans, une sacré trouvaille!  De Tony le muet, quel fragment gardait-il?  Jeff oubliait sur qui il avait prélevé un coeur mis au congel, de louches victuailles.

Mais ils n'avaient sondé que la moitié du puits; dans la chambre tous les clichés de découpage en leur sautant aux yeux leur filèrent le trac.  Les proches des défunts n'eussent pas davantage reconnu leurs reliefs dans la table de nuit: cinq crânes, dont trois peints, des ossements en vrac.
C'est dans la penderie, caché sur l'étagère, dans une puanteur à suffoquer un boeuf que Barbe-bleue stockait tout son trésor de guerre: testicules tranchés et pénis, en tout neuf.  Les flics vomirent en choeur lorsqu'ils déplacèrent une marmite emplie de mains et de viscères.
A peine osèrent-ils, en se tenant le bide, soulever le couvercle noir qui recouvrait un gros fût bleu; mais se forçant, vaille que vaille, un mouchoir sur le nez, ils aperçurent, -vrai!- flottant dans le bouillon et les vapeurs fétides, par l'acide rongés, des membres en pagaille.










6



Vous avez inventé le napalm et la bombe à neutron pour remplacer la fragmentation.  Moi, j'améliore aussi la course vers la tombe, j'oeuvre au progrès de la déshumanisation.
Vous avez inventé la solution finale.  Je n'ai pas les crédits pour être si rapide.  Mon entreprise est demeurée artisanale. Ça n'était pas aisé de manier les acides.

Edison vous inventa la chaise électrique.  Bien des docteurs se sont faits vos empoisonneurs.  L'assassinat est oeuvre de salut public; j'y mets moins de publicité mais plus de coeur.

Vous avez inventé le nettoyage ethnique, toléré l'apartheid, la justice de classe, en appelant ''progrès'' la maladie chronique qui vise à perfectionner le meurtre de masse.
Vous avez restauré pauvreté et famine, vous spéculez, comme des hyènes, sur la mort, et moi qui n'ai tiré aucun profit du crime, il faudrait que je paye et que j'aie des remords!




                                                                                      *




Questionnez, inspecteur Murphy, je vous dirai tout, c'est promis.

Vous me trouvez gentil, poli et malgré votre étonnement je sens bien que pour vous je suis un animal intéressant.  Vous n'en revenez pas vous-même quand, en toute décontraction, j'avoue les crimes à la chaîne et leur procédé d'obtention.
Questionnez, inspecteur Murphy, je vous dirai tout, c'est promis.

Vous m'avez fait donner des clopes, une bière ... A bâtons rompus nous discutons entre salopes.
Savez-vous, vous m'auriez bien plu si je vous avais vu traîner du côté de Grand Avenue ou dans les boîtes à pédés de la deuxième rue.  Votre embonpoint et votre âge, ç'eût été neuf pour ma cuisine, du gros oeuvre de découpage pour moi qui tuais par routine.  J'aurais fait frire vos abdos, votre grasse viande de keuf, j'aurais testé si vos gigots ont le goût du porc ou du boeuf.
Questionnez, inspecteur Murphy, je vous dirai tout, c'est promis.





                                                                                      *






"Il voulait élever des autels à Satan'' ...
Satan a bonne presse chez les journalistes.  Pour vendre des torchons, il est premier de liste.  Pour s'acheter le diable, on est toujours partant.

Du fond de sa prison, Jeff mettait le holà.  ''C'est en vain, disait-on, qu'il veut donner le change''.  Les unes le montraient en uniforme orange.  Pour le juger en bonne forme, on l'isola.

Répondant aux requêtes de ses avocats, il accepta enfin de raser sa moustache pour ne pas ressembler à l'image du lâche dont tous les quotidiens avaient fait leurs choux gras.

En Allemagne, un de ses compagnons de route se souvint qu'il disait: "Un jour dans les journaux tu verras mon portrait', et ajoutait, penaud:
- Parfois il me regardait comme un casse-croûte ...

Tracy Edwards connut son quart d'heure de gloire: les télés voulaient tout savoir par le menu.  Mais l'effet médiatique est toujours provisoire: les flics de Tupelo l'avaient bien reconnu.  Au sortir du plateau du journal de treize heures -Il y apparaissait tous les jours en premier-, les flics de Milwaukee le mirent en demeure de filer en prison cultiver ses lauriers.

Jeffrey fut condamné à 960 ans de prison; pour un seul homme, c'est ridicule.  Après deux ans tout seul, on le mit en cellule avec des droits communs, pour qu'il ait du bon temps.




                                                                                      *



A Portage, Jeffrey se rapprochait de Dieu.  On l'avait aussi surnommé le Diable, en taule.  Un beau matin, pendant l'office religieux, on voulut l'égorger avec un bout de tôle.
A Portage, Jeffrey, inactif en cellule vit croître son avoir, car pour son entretien, une dame de Londres lui fit un pécule de 3000 dollars; plus qu'il avait besoin.
Chaque jour apportait sa trentaine de lettres, on lui proposa le mariage par deux fois, une nonne parvint à lui faire remettre de l'argent qu'elle avait caché dans son envoi.  Après l'anonymat, le procès, les insultes, le ''diable'' s'endormait dans un confort fictif, conscient que commençait sa destinée occulte, il attendait la mort, déprimé et passif.
Un matin on lui dit ''Va nettoyer les chiottes '' -c'était souvent son tour de bosser pour les durs-.  Tandis qu'il récurait les traces de leurs crottes, un costaud l'envoya gicler contre le mur.





*




Jeffrey, tu n'es pas ordonné, ton frigidaire a débordé.

C'était pas bien, pas bien vraiment , d'égorger les adolescents, d'offrir des autels à Satan et de découper tes amants.

C'était pas bien, à la campagne, de baiser le fils du voisin, de l'enterrer dans le jardin et d'échapper ensuite au bagne.

C'était pas bien en Allemagne de saigner les gentils trouffions pour venger tes humiliations.

Jeffrey, tu n'es pas ordonné, ton frigidaire a débordé.

C'était pas bien dans la grand-ville, d'épingler des haltérophiles sur les murs neufs de ton salon, de menotter tes compagnons.  Le juge t'avait dit pourtant qu'il fallait te montrer prudent, pas sécher ton job mercredi à la chocolaterie.

C'était mal à coups de couteau de rendre le mal pour le mal, d'user de la scie à métaux et de la bière au véronal, de mettre des queues en bocaux et des têtes au congélo, de faire bouillir des cerveaux, d'empuantir le voisinage en laissant pourrir les cadavres.

C'était pas bien d'ouvrir les bides pour manger le foie des puceaux, ni de mettre à fondre leurs os dans de grandes cuves d'acide.

Ils le savaient ceux qui t'enculent et qui partageaient ta cellule, les escrocs et les assassins qui s'improvisaient les soutiens de l'honneur et de la morale.  Ils le savaient au tribunal, que même sans chaise électrique tu crèverais à coups de trique, sans potence ni hôpital.

C'était mal d'être un mongolien, un monstre, un dep, un moins que rien qu'on écrase comme un insecte.  C'était mal d'être une lopette quand ils t'ont fracassé la tête sur le rebord de la cuvette, avant d'appeler les gardiens.

Jeffrey tu étais déglingué: ton cerveau froid a explosé.
















                                                                                                                           

                                       Note

Bien qu'il n'ait pas été conçu dans ce but, ce texte peut donner lieu à une représentation scénique mettant en jeu un ou deux acteurs.  Pour l'option monologue, le comédien prendra soin de souligner les différentes voix narratives en revêtant par exemple une blouse blanche de médecin durant les parties de ''récitatif''.

Dans la version pour deux protagonistes, le récitant sera revêtu d'un uniforme de policier et se tiendra derrière un bureau pourvu d'une lampe d'interrogatoire.  Le proférateur de la prosopopée mesure plus d'un mètre quatre-vingt, il est mince, blond, porte la moustache et la tenue orange vif, à manches courtes, des bagnes américains.  Il a trente-cinq ans.  Ils n'apparaissent jamais ensemble dans la lumière avant la cinquième section de la ballade.

D'autres acteurs ou danseurs peuvent se livrer, dans le fond, à un mimodrame illustratif, à condition qu'il soit décalé par rapport au propos principal.  Il n'est pas exclu qu'ils reprennent en choeur et à contre-temps certaines bribes du texte.

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