mercredi 12 novembre 2014

MAISON CLOSE (pRoses vol 3) Trophicules






TROPHICULES

sonnets



                "Les chevaux et les styles de race ont du sang plein les veines, et on le voit battre sous la peau et les mots,                              depuis l'oreille jusqu'aux sabots.  La vie! la vie!  Bander, tout est là."


                                                                                                             Flaubert 15 juillet 1853




DEDICACES


1.         Au Rubis-Cabochon, Jean Chouart, Jean-Jeudi,
            A la pierre à casser les oeufs, à l'obélisque,
            A la potence, au doigt sans ongle, au boute-bisque,
            A l'aiguille qui croit et qui marque midi,
            Au cordon de François, Saint-Agathon, Frappart,
            Au manche du gigot, au robinet de l'âme,
            Au trépignoir, au bogue, à la couenne du carme,
            La cheville d'Adam, le fourrier, l'étendard,
            Au sous-préfet comme au degré de longitude,
            Au racloir, au canon et à la poutre rude,
            Au carafon d'orgeat, à la clé qui délivre,
            A la flûte à un trou, au drôle et au bâton
            A un bout, à la sentinelle, au mirliton,
            A la broque et au coin, j'offre en bandant ce livre.



2.         Afin de ménager tes complexes, l'ami,
            Je le dédie aussi à la triste lavette,
            A la guiguite, au flageolet, à la navette,
            A l'allumette de six heures et demi,
            Au honteux, au mutin, fifre, mistigouri,
            Au cornichon, à la chiffe, à la chanterelle,
            Au pendiloche, au perroquet pour maquerelles,
            Au petit voltigeur, au panais, au pourri,
            Au spaghetti, au vermisseau, à la chenille,
            Au petit doigt, au pis, à la courte à deux billes,
            Au moineau, au biniou, au frêle poupignon,
            Au hanneton, au berlingot, à la saucisse,
            A l'ardillon, à l'amulette, au clou qu'on visse,
            Au bidet atrophié, balançoir des mignons.









BEAU COMME L'ANTIQUE



1.      Ce nain barbu et difforme, qui rit sous cape.,
         Ote-le sans tarder des mains de tes enfants:
         Si son tablier rouge se casse ou se fend,
         Il montrera, sans fard, qu'il descend de Priape.
         Ce fils de Dionysos, porteur de lourdes grappes,
         Cache sous son bonnet ses cornes; triomphant,
         Aux rostres des galères, tel un éléphant,
         De son membre il fendait les bateaux qui s'échappent.
         Toi, comme  l'âne qu'il chevauchait, pérorant,
         Tu laisses tes gamins le flatter, ignorant!
         Et dans l'épouvantail qui des blés mûrs émerge
         Tu ne reconnais pas  le dieu nu de Lampsaque.
         Son écarlate aura n'est plus qu'un voile opaque
         De minium qui le teint en te cachant sa verge.




2.         MYSTERES

        Quand il eut aux Enfers égaré Eurydice,
        Orphée s'en fut apprendre chez les Egyptiens
         Les épreuves des prêtres et des magiciens:
        C'est là disent certains qu'il s'initia au vice.
        A son retour, il enseigna à ses complices
        Les cultes orientaux inconnus des anciens.
        Vénérant l'oeuf sacré dont tout sort, il fit sien
        Le désir d'expier les péchés par les sévices.
        Il avait assagi les fauves par ses chants,
        Mais les femmes de Thrace, effrayées des penchants
        Qu'il suscitait chez leurs maris, sans chant funèbre,
        Jalouses et meurtries, armées d'outils tranchants,
        Le dépecèrent vif, hachant et arrachant
        Ses cinq membres qu'elles dispersèrent dans l'Hèbre.




3.         PLAINTES D'APOLLON

       Dieux cruels, vous m'avez chassé de vos enceintes
       A coups de pied; vous vouliez me livrer aux loups. 
       La joie de mes bergers vous a rendus jaloux;
       Le zéphyr estival m'a enlevé Hyacinthe.
       La lyre que Mercure offrit sous la contrainte,
       Je la pends à cette branche comme à un clou;
       Sur la fleur j'ai inscrit en caractères flous
       Le nom du bien-aimé qui résume mes plaintes.  
       Comme à Kouparissos, c'est sans le faire exprès 
       Que j'ai tué l'amant transformé en cyprès;
       Qu'y puis-je si j'engendre à l'issue de l'étreinte 
       Un guerrier tout armé avec du poil au cou,
       Si nos spermes mêlés font lever tout d'un coup
       Sur les rocs dénudés, des champs de thérébinthes.




4.         LEG DE DIONYSOS A L'HUMANITE

            Tu m'avais réclamé ton salaire en nature,
            Prosumnos, pour m'indiquer le chemin ardu
            Qui descend aux Enfers; je t'apportais ton dû:
            Mon cul anticipait ton hommage immature.
            Hélas de vils brigands, posant leurs mains impures 
            Sur ton flanc, t'ont percé de leur glaive éperdu, 
            Et je dois trouver un moyen inattendu
            D'honorer mon serment, seul, sur ta sépulture.
            Dans l'olivier qui pousse au pied du tumulus,
            En souvenir de toi j'ai sculpté un phallus
            Et j'ai dit, m'asseyant d'un coup sur la sculpture:
            «  Sur mes autels, posez ce cadeau ambigu,
            Mortels.  Il fait mêler aux pleurs des cris aigus 
            Et pousse à préférer au réel l'imposture.»






                                                               HERCULE

5.         D'HERCULE A  HYLAS

Comme Ulysse ou Pélée, le protégé d'Acaste,
Au Pélion j'ai rempli l'office puéril:
Dans l'antre de Chiron je fus passif, car il
Enseignait la musique à tous ceux de ma caste. 
Las! le Centaure à qui l'on m'avait confié chaste
Me tira de l'enfance à grand coups de pénil;
Je n'ai cessé depuis de me mettre en péril
Afin de retrouver sensation aussi vaste.
Si tu trouves mon neud trop rugueux ou trop long,
Songe à l'épreuve que m'infligea l'étalon.
Sur le mur de la grotte, écris, en ce jour faste
Un graphiti vôtif, c'est l'usage civil:
" Hercule m'a baisé, mais dans l'assaut viril
Ma bravoure égala celle de mon éraste. »



6.         HERCULE AU VIOLON

Poète n'attends rien de l'animal féroce:
L'Art ne le pare pas plus qu'un colifichet,
Les flèches de l'Amour sur lui font ricochet,
Et pour remerciement, il ne te rend que bosses. 
Vraiment c'était, Linos, un trop grand paradoxe
Que d'apprendre à Hercule à manier ton archet;
Au géant musculeux en vain tu reprochais
De jouer du violon avec des gants de boxe.
 En gourmandant l'élève un peu trop vertement,
Tu reçus en pleine tête ton instrument,
Et pour prix de ton érudition, le colosse
T'a écrasé entre ses poing comme un hochet;
Des cordes du violon, il a fait un crochet
Auquel il t'a pendu, emmanché sur ta crosse.




7.         LES CERCOPES

  Ils croyaient que le coup viendrait de leurs sujets,
  D'un singe de leur race, habitant Pithécuse,
  Car leur mère avait dit: " Les Dieux de vous s'amusent
  Votre vainqueur arrive au terme du trajet.
  Il a la cuisse noire et son poil couleur geai
  Souligne l'éclat froid de son regard de buse. »
  Les simiesques jumeaux tentèrent par la ruse
  D'abuser malgré tout de l'hôte qu'ils logeaient.
 Tandis qu'il les pendait par la queue à sa gaule,
 Ils virent, mais trop tard, courir sur les épaules
 D'Hercule la toison de funeste couleur;
 Aux plaisantins , le sort fait trop souvent  la pige:
 Le proverbe grec dit: " Prends garde au mélampyge! »
 Car on ne sait jamais d'où surgit l'enculeur.





8.         MORT D'UN STRATEGE

"Tout notre espoir se meurt" dirent les généraux
Au quadruple vainqueur des guerres helléniques.
Ton génie reconnu demeurera unique;
Tu nous laisses sans descendant et sans héros.
- Je lègue, en plus de nos ennemis massacrés,
Ce corps d'élite, le secret de mes victoires,
Ce régiment d'amants qui méprisent la gloire,
Les guerriers invaincus du Bataillon Sacré.
Si la peur de la mort un court instant les touche,
C'est qu'ils tremblent pour ceux qui partagent leur couche.
Thébains, pour m'honorer vous n'aurez qu'à jucher
Les corps de ces soldats qui suscitaient ma flamme,
Entre mes bras, tout au sommet de mon bûcher."
C'est sur ces mots qu'Epaminondas rendit l'âme.



6.         HEREDITE

Les Persans., les Indiens n'ont pu briser ta nuque;
C'est la grippe qui t'a renversé, Ephestion.
Je mettrai l'univers entier à la question
Puisque je n'ai plus rien, que Bagoas l'eunuque;
Avec lui je fais la volupté comme on truque,
Avec toi je faisais l'amour dans mes bastions,
" Alexandre c'est lui aussi » sans exception
Rétorquais-je aux envieux.  C'est ainsi qu'on éduque
Les princes grecs; mon père par Pélopidas
Enlevé, fut le mignon d'Épaminondas.
De ce couple il apprit le rude art de la guerre;
Comme lui j'ai tenté, aimant trop les garçons,
De conquérir le monde, droit sur mes arçons:
On dit qu'à part ça je ne lui ressemble guère.







7.  César, surnommé l'homme de toutes les femmes
   Fut lui-même la femme de tous les maris.
   Ses soldats triomphaux, menant charivari,
   Derrière son char chantaient ces refrains infâmes:
   "Nicomède t'a soumis comme toi les Gaules;
   Que ne parade-t-il?  Il t'a pris sans effort,
   Toi, le chauve adultère, éjaculateur d'or.
   En Bythinie, tu endossas bien l'autre rôle.
   Non, ce n'est certes pas la crainte des anthrax
   Qui te fait t'épiler les fesses au dropax".
   Cicéron ne se priva pas de le reprendre;
   Au Sénat, où César plaidait pour ce grand roi:
   "Nicomède, dit-il, était donc bien adroit
   De t'avoir donné plus que tu ne peux lui rendre".



8.   Il servait le soleil, il avait quatorze ans:
  Les soldats émus par sa beauté sans égale
  Avaient fait empereur le prêtre Héliogabale,
  Fils de Caracalla disaient les médisants.
  Consacrant à Priape âne, coq et homard,
  Il envoyait dans les bordels ses émissaires,
  Ordonnant qu'ils ramènent pour le satisfaire
  Les heureux possesseurs des plus gros braquemards.
  "Comment aimer" dit l'historien en son courroux
  "Un prince occupé à se remplir tous les trous
   Et qui veut épouser ses garçons de cuisine?"
   Au bout de quatre années de règne, avec mépris,
   Ses assassins au Tibre ont jeté les débris
   De son corps après lui avoir tranché la pine.



























PARAPHRASES

1.         Pacificus Maxime, Elégie 20

Ma bite n'est pas née ou a chu: minuscule,
Elle est si rétractée qu'à peine on peut la voir;
Le Sort m'a castré sans même user d'un rasoir.
On prétend que la queue pousse à ceux qu'on encule:
Les membres les plus gros m'ont fouillé les entrailles,
On m'a mis le cul en compote nuit et jour;
Elle devrait me pendre aux pieds: j'attends toujours,
Mais mes excès n'ont fait qu'en réduire la taille.
Car c'est le rêve ardent de tout jeune balourd
D'avoir la main remplie par son verêtre lourd,
C'est pourquoi, naïf, j'ai tendu le cul sans cesse. 
Mais on m'a abusé, rien ne sert de s'asseoir;
Nature injuste agit selon son bon vouloir
Et c'est en vain, hélas, qu'on se fie à ses fesses.



2.         Pacificus Maxime, Elégie 20 (2)

Ne vous soumettez pas à la façon des bêtes:
Vos bouches sans duvet suffiront aux ébats.
Triste est le sort de qui, démangé par en bas,
A l'âge adulte encore à tout bourreur se prête.
De là vient que sans cesse en grattant l'on s'écorche;
Fistules et verrues croissent aux culs usés
De là vient le poil dru de ceux qui, médusés,
Passent de blanches nuits à genoux sous les porches. 
Ajoutez à cela le teint jaune safran
L'odeur de bouc des corps livrés au moins offrant,
La peau molle et marbrée qui se fond avec l'âge
Si bien qu'il faut souvent cautériser au fer
Les fesses crevassées: pluie plus soleil d'enfer
Font de même éclater les pommes de Carthage.



3.         Pacificus Maxime, Elégie 14

Etruscus m'amena son fils aux yeux de braise
Et dit: "contre ton flanc, qu'il couche nuit et jour;
Les dieux veuillent que tu le chérisses toujours.
Il sera bien savant si souvent tu le baises."
Comme l'enfant rétif semblait d'humeur chagrine,
Je répondis tout net: "Béni soit le bailleur,
L'écolier parait bon, je le rendrai meilleur,
Par tous les bouts, il me sucera ma doctrine."
L'élève prend ma queue, je lui tâte le cul;
Etruscus s'en va satisfait et convaincu,
Seul homme sage dans cette ville, repaire
D'esprits étroits, de fesse-mathieu, de censeurs.
Ah vrai!  L'heureux garçon qui m'a pour professeur!
Qu'il remercie le ciel d'être né d'un tel père.





4.         Martial, Epigrammes I X, 44

Femme, tu cries en vain quand je baise un garçon,
Tu prétends avoir un cul pour mon membre raide:
Junon n'a pas guéri Jupin de Ganymède.
Quand Hylas sous Hercule pliait sans façon,
Mégare en les trouvant fit-elle tant de bruit? 
Daphné la nymphomane avait aussi des fesses
Mais Phebus préférait aux charmes qui s'affaissent
Le séant d'Oebalius ce jeune et ferme fruit. 
Briséis couchait bien sur le flanc mais Patrocle
Au bel Achille aimait mieux crever le monocle.
Tous tes raisonnements sont foireux et abscons. 
Cesse de donner des noms d'homme à tes affaires:
Songe à te taire, femme, il n'est rien à y faire,
Car tu n'as pas de cul, toi, tu n'as que deux cons.



5.         Martial, Epigrammes I 58, XI 72

Le marchand me dit: " Mille écus pour ce garçon! »
Je ris bien fort, mais Fabio dans mon dos approche;
Sans discuter, vite, il met la main à la poche.
Ma bite contre moi réclame sans façon.
Je réponds: « Lui l'appelle son petit jouet;
A ce compte Priape lui-même est un Galle! »
Avec ce monstre-là, la lutte est inégale:
Sa flûte a enroué souvent qui la louait.
Tu me blâmes, toi, en célébrant ses largesses,
Mais sa queue seule est la cause de sa richesse. 
Pauvre chose, ta cotte est bien basse à l'argus! 
Accomplis donc pour moi de semblables miracles. 
Avant que de porter ce veinard au pinacle,
Rapporte-moi autant, je dépenserai plus ...



6.         Bob Mizer P.P. 56

Il est parmi certains clans d'Afrique un précepte
Qui exige qu'on ne circule pas cul nu;
Aux Samoas, c'est le nombril qu'aux inconnus
On cache: mais se couvrir le sexe est inepte. 
Ramses permit que du châtiment l'on excepte
Celles qui montraient leurs oreilles.  Fait connu,
En Chine, la seule vision d'un pied menu
Faisait rougir les courtisanes.  L'on accepte
A Tahiti les partouzes en société
Mais dîner en commun est une obscénité.
Chez l'Eskimo il ne faut pas ôter ses bottes. 
Quand tu mets ton maillot de bain sous ton futal,
Ne te semble-t-il pas, sauvage occidental,
Qu'empaqueter ta queue n'est que prévention sotte?







LES FILS DE MERCURE

1.         Le lutteur comparait, nu, devant le xystarque;
C'est la tenue pour le combat et pour le bain.
" A quinze ans, dit le maître, on n'est plus un bambin,
Les peintres, les sculpteurs, les drauques te remarquent. 
Les fils de patriciens dans l'exèdre chahutent;
Ils n'ont appris chez nous que l'art de bien parler
Et quitteront bientôt la palestre.  Sers-les,
Puisqu'on t'a destiné au métier de la lutte.
L'émotion sexuelle est nuisible à ton art;
Aussi l'anneau brisé te clora-t-il le dard:
La fibule est la condition de ta carrière.
Gladiateurs et acteurs connaissent ta douleur;
Leur prépuce percé n'est que demi malheur:
Comme eux saches trouver le plaisir par derrière. »



2.         Ton corps huilé, luisant du sable de l'arène
Ecorche mon cuir dur quand tu es dans mes bras:
Jamais encor, lutteur, autant tu ne cambras
Ton cul d'éphèbe sous mes aines de Silène.
Ne t'a-t-on pas appris qu'il est proscrit de mordre? 
Quand ton nouveau patron, ce soir, sous les flambeaux,
Frottera sa queue torse en toi, comme un rabot,
Tu regretteras fort d'obéir à ses ordres.
Cinède, malgré tout est un état flatteur:
Redoute de finir comme moi fellateur.
Ma queue saigne pour toi aux trous de la fibule.
Dans l'étuve, plus tard, quand tu m'auras vaincu,
Ecartant des deux mains les globes de mon cul,
Je dirai: " Lèche bien, car c'est là que je brûle. »



3.         Tu connais la ceinture à rebours et de face,
Le bras roulé, le tour de hanche, c'est beaucoup;
Tu maîtrises surtout l'enlacement du cou,
Le violent croc en jambe par quoi l'on efface
Par trois fois l'opposant pour qu'il demande grâce.
A poings nus maintenant sache porter tes coups:
Parfois c'est le lutteur vainqueur que l'on recoud
Malgré tout à l'issue du combat de Pancrace.
Ne te trouble pas trop si quelques spectateurs
Se masturbent pour toi: ce sont des amateurs;
Remercie-les, et dans le cercle, sans peur, entre.
Comme fit autrefois Diogène le cynique,
Ils répondront hautains aux détracteurs iniques:
" Ah, si la faim cédait en se frottant le ventre! »











4.         Comme l'époux offrait lors des noces agrestes
La ceinture volée par Mercure à Vénus,
En te souhaitant santé, beauté, force et tonus.,
Pour vaincre avec éclat je te remets tes cestes.
Ces gants de cuir tressé alourdiront ton geste
Car les fers en saillie dont on les arme en sus
En déchirant la peau font craquer l'os, c'est l'us:
Le plus défiguré de sa valeur atteste.
Mais si tu te levais après le pugilat,
Vivant quoique vaincu, dénouant l'entrelac
Des liens à tes poignets, crains que je ne m'empresse
De te coucher saignant, et n'use au maximum
Des lanières cloutées comme d'un flagellum
Pour te marquer le dos et t'étriller les fesses.



5.         MERCURE

Ta bourse dans la main comme autrefois Priape,
Dieu des voleurs tu n'es plus qu'un génie déchu.
Ton manteau s'est mité et ton pétase a chu.
Enfants, mendiants, cul nu, se disputent ta cape.
Oublies-tu qu'aux danseurs tu enseignas la lutte,
Le pancrace, le pentathlon, les sports, les arts?
Tu protèges tous les tenanciers de bazar.
Les brigands à chaque carrefour te culbutent.
Au Cirque Maximus, qui vient solliciter
Ton conseil quand même tes prêtres t'ont quitté? 
Dans l'arène aujourd'hui, pitre, l'on te destine,
A toucher de ton caducée chauffé à blanc
Les gladiateurs tombés pour voir s'ils font semblant,
Auquel cas on leur plonge un fer dans la poitrine.



6.         LISTE

Arpin, Dubois, Faouët, Sabès, maîtres es ruses,
Marseille jeune, aîné, Pietro et Abdullah,
Kara-Ahmed, Osman, Pytlasinski, Nourlah,
Tobie de Toulouse et Doublîé de Vaucluse.
François et Buisson de Bordeaux, Franck de Montmartre,
Achille du Mont-Ventoux, Hackenschmidt, Hitzler,
Léon Dumont, Paul Pons, et de Bouillon Omer,
Ou Lagneau de Paris contre Etienne le Pâtre.
Ils étaient forgerons, maçons, soldats, vachers,
Lepy le géant, Raoul, Constant le Boucher,
L'Aimable, Dumortier, champions de la culbute,
Gambier, Crest, Van den Berg, Ganzouin et Fénelon. 
Falguière les a mis torse nu au Salon:
En France ils ont écrit l'histoire de la lutte.









7.         BORD DE TAPIS

Dans la salle où l'on a disposé quelques chaises,
Les lutteurs au repos finissent leurs sandwichs.
Ils s'étirent, prennent des attitudes kitsch
De vacanciers assis sur le bord des falaises.
Il rit, à demi nu, il a quinze ans ou seize;
De l'entraîneur, au loin, il n'entends plus le speech.
Remontant son T-shirt tout écrit en english,
De ses tétons durcis il écrase les fraises.
Puis, baissant sur ses cuisses son survêtement
Il montre à ses copains, fier douloureusement,
Le début d'érection dont la tension l'épuise,
Avant qu'un de ses équipiers, compréhensif,
Se dévoue pour apaiser ce rut excessif,
Sachant qu'il se bat mieux quand les fesses lui cuisent.



8.         PASSIVITE

Le choeur des supporters se désole ou s'épate:
Au mot de «  bleu au sol » répond : «  Rouge passif! »
Jamais en aucun lieu tant de cris agressifs
N'ont réclamé qu'un gars se mette à quatre pattes. 
Crispé et honteux, les pros de la carapate
Sont plus en danger dans leur zèle défensif
Que qui creusant les reins offre un cul expressif
Dressé au long limage et aux grands coups de latte. 
L'adversaire appliqué à feindre le fouteur
Tremble sous la pression d'un pied inquisiteur
Et l'autre le retourne avant même qu'il bande;
L'apparence est trompeuse et le mot peu poli,
Mais au combat souvent, pareillement qu'au lit,
Celui qui est couvert tient ferme les commandes ...






















LEGIONS

1.        MITHRA PARLE

  Moi aussi je suis le soleil; je viens d'Iran.
  J'ai voyagé avec les armées d'Alexandre;
  Feu vivant, j'ai réduit mon créateur en cendres
  Et coiffé le bonnet phrygien du conquérant.
  Je promets aux soldats l'autre vie dans mon ciel
  Pourvu qu'il mortifie en mon nom ses chairs tendres.  
  J'oins de miel, je baptise, et je pourrais prétendre
  Que de l'Eucharistie j'ai forgé l'essentiel.
  On dit que j'ai permis de sanglants sacrifices
  Humains; mes concurrents m'attribuent tous les vices:
  Mon astre en huit cents ans pourtant n'a pas décru. 
  Avec César j'ai émigré jusqu'en Bretagne.
  Mes fantassins n'avaient pas besoin de compagnes.
  Mes cavaliers velus savaient monter à cru.


2.         INVITATION DU CENTURION

Sous la grille où le Père égorge le taureau,
Nous nous réunissons, compagnons de cohorte;
Nous scellons dans le sang l'union qui nous conforte;
Nos muscles sont aussi durs que nos pectoraux.
Corax, gryphus ou lion, tous soldats et héros,
Nous fixons nos manteaux, sur nos poitrines fortes,
Aux anneaux de nos seins; dans la grotte qu'importe
Que nous couchions à plat ventre sur le carreau.
Seuls les mâles sont tolérés dans notre culte;
Les chrétiens, nous pillant, nous abreuvent d'insultes. 
Tu en sais déjà trop sur nos rites, benêt.
Au solstice d'hiver, nu mais ceint de lauriers,
Viens avec nous légionnaire, chibre dressé,
Courir les rues de Rome en criant: « Il renaît ».



3.         PORTRAIT AVEC CHAR D'ASSAUT

Nulle autre confrérie n'a semblables coutumes:
Qui d'autre, par vingt-quatre, au pas s'en va pisser,
Et se veut élégant, fusil au corps vissé,
Le paquet comprimé dans un étroit costume?
Sans femmes dans leurs rangs, les armées, d'âge en âge,
Se reproduisent comme les fleurs du buisson.
Leurs belles traditions leur donnent le frisson,
Leur rêve fraternel se nourrit de carnage.
Trente siècles ont fait cette expression du beau
Qu'incarne le trouffion plaisantin et cabot,
Qui, assis sur le fût du canon, prend sa taffe,
Souffle par les naseaux le désir qui le tend,
Laissant à l'entrejambe une main trop longtemps
Sur sa queue qui raidit devant le photographe.






4.         LEGIONNAIRE

Je n'ai aimé personne, et ce fut mon seul crime;
On ne peut pas prendre mon visage en photo.
A mon engagement, sur mes deux biscoteaux
J'ai tatoué en bleu la mention  « anonyme ».
Mes chefs, mes compagnons sont ma seule famille;
Ils me donnent l'amour avec le châtiment;
De la douleur je suis l'impénétrable amant:
Je deviens orphelin quand je me déshabille.
Mon histoire s'écrit sur mon corps balafré.
Je sens le savon noir et le relent camphré
Du désinfectant que je répands dans les chiottes. 
Ne me suis pas!  L'usage veut, que, sans céder,
Je te casse la gueule avant le cul, pédé,
Et j'ai moins que tu n'espérais dans la culotte.



5.         L'oeil bleu, cheveux blonds ras, moustache noire immense
            Pour viriliser des traits par trop féminins,
Le général Lyautey, colérique et canin,
Ramena le Maroc sous l'aile de la France.
Bravant les ordres et le feu, plein d'arrogance,
Ce héros, cerné, dit à ses lieutenants: " Bien,
Récitez-nous des vers, ainsi si la mort vient,
Nous ferons jusqu'au bout assaut d'extravagance. »
Son harem de soldats le suivait où qu'il fût,
Et ses aides de camp entendaient le raffut
Des râles de leur chef à travers les persiennes. 
Clemenceau porta ce jugement: " Invaincu,
Cet homme-là, vraiment, a des couilles au cul ...
Même si ce ne sont pas forcément les siennes. »



6.         VOCATION

Autrefois, lorsqu'on ne collait pas à la norme
Et qu'on avait des femmes un goût modéré,
Aimant peu les enfants pour s'établir curé,
Avec empressement on vêtait l'uniforme.
Pour trouver des amants à ses désirs conformes,
Forts et respectueux, seuls et désespérés,
Rien ne pouvait valoir, horizons désirés,
Les lointains coloniaux aux sociétés informes.
«  En Afrique, à Alger, à Marrakech ou Souss,
Disait Lamoricière, nous en étions tous! »
Avec Vidocq, les flics pointèrent sur la liste.
Mais aujourd'hui où tout écart est toléré,
Pour vivre d'aventure en pays tempéré,
Il faut être pompier, rugbyman ou cycliste.









HISTORIETTES



1.         Le très saint Père Sixte adresse cette bulle
Aux ministres de Jean de Latran: " Désormais,
Durant les mois d'été, soit à partir de Mai,
Considérant les effets de la canicule,
J'autorise la sodomie si l'on promet
D'en user qu'entre gens d'église mais jamais
Avec ceux qui sont placés sous votre férule;
Afin de limiter le désordre régnant,
Sixte rend votre apostolat moins contraignant
Mais, pour ne point choquer par la ville, stipule
Que son arrêt demeure secret, et, qu'au moins,
La chose soit toujours perpétrée sans témoin
Et qu'on fasse silence pendant qu'on encule. »



2.         LES MARECHAUX D'EMPIRE AUSSI MEURENT D'AMOUR

Habite-t-on à deux une étroite mansarde
Des mois durant sans quelques moments de plaisir,
Quand général sans solde on a pour tout loisir
De voir brûler le seul soldat qui vous regarde? 
Celui qu'on avait fait commandant de sa garde
Après Toulon, car il était beau à ravir
Ce blond sergent de vingt-deux ans sans avenir
Qui nourrissait son chef et nettoyait ses hardes. 
Quand tu ne l'aimas plus, fallait-il qu'à sa femme
Tu te plaignes qu'il t'envoyait des mots infâmes,
Et qu'au soir de sa mort, craignant les tribunaux
De la rumeur, tu dépêches chez lui tes sbires
En leur recommandant pour le bien de l'Empire
De brûler tous tes billets d'amour à Junot?



3.        Cambacéres, qui refondit les lois en France,
           Arrivait au conseil avec force retard;
Il dit, comme on le questionnait de toutes part:
" J'avais un rendez-vous galant, et d'importance! »
Napoléon regarda avec insistance
Son archichancelier qui, vêtu en soleil
Se promenait suivi de tout un appareil
De gitons, au Palais-Royal de préférence.
La postérité l'a affublé du surnom
« Tante Urlurette » sans amoindrir son renom. 
L'Empereur reprit: " A cette personne sotte
Vous ne manquerez pas de dire à l'occasion
Qu'elle mette un peu plus de précipitation
A ceindre son épée et à chausser ses bottes.»




MICHEL-ANGE


Certe, il était hanté d'un étrange tourment
Lorsqu'il sculpta ces corps noués par la torture
Et les torses de géants dont la démesure
Lui rappelait l'ardeur d'improbables amants.
La Sixtine achevée, vieux, misérablement
Il forgeait des sonnets de tragique facture
Et payait aux voyous en quête d'aventure
Le tribu du mépris des beaux au bois dormant.
On a tronqué ses vers et du voile du doute
On a couvert le sexe du Christ sur la voûte,
Car l'église a changé depuis que Jules II,
Clouant le bec aux détracteurs des sodomites,
Clamait: " Ce péché véniel n'a rien de hideux
Et on l'absout avec trois giclées d'eau bénite ».





ROMANTISME NOIR


1.         Heureux temps où dans les académies d'artistes
Le corps nu féminin offensait la pudeur
Et qu'ouvriers, soldats, forts des Halles, rôdeurs
Posaient ficelés des bergers irréalistes.
Théodore traçait des esquisses adroites,
Tant, que le professeur disait élégamment:
" La figure ressemble à l'homme vaguement,
Comme un violon peut ressembler à sa boîte. »
Il les modelait tels qu'il voyait ses héros:
La croupe d'un cheval et le cou d'un taureau,
Les mains larges, des bras à manier la hache. 
Bientôt il irait voir au cirque les dresseurs
Et, garde national, peindrait en connaisseur
Cavaliers blessés et lieutenants à moustache.



2.         Fuyant la société des dames de Florence,
C'est à Rome tout seul dans un odieux taudis
Qu'il se bâtit un masque d'artiste maudit
Que la nuit livre à de périlleuses errances.
Les lettres racontant à ses amants de France
Ses émotions devant Michel-Ange, pardi!
Ont toutes disparues, et l'obscur paradis
Italien passe pour le palais des souffrances. 
Dans le Trastevere, il croquait les vachers,
Les garçons d'écurie et les taureaux lâchés.
Dans le public des exécutions capitales,
Las de ne peindre que les couilles des chevaux,
Ecrasé par tant d'art dans chaque caniveau
Enfin libre, il goûtait aux extases brutales.





3.        " L'annexe de la morgue est au faubourg du Roule »
           Diront les rares visiteurs de l'atelier:
Têtes, bras mutilés, par les hospitaliers
Lui étaient apportés à l'insu de la foule.
Les rats hantaient la nuit ce repère de goules;
Ça sentait le cadavre dans les escaliers,
Jusqu'au fond du réduit où Jamar l'écolier
Offrait son dos zébré au maître sans cagoule,
Lequel pour mieux monter lui ajustait le mors. 
Cinq mois reclus, en créant, ils firent la mort:
Tous les moyens sont bons pour que le génie fuse. 
Car, étudiant les jaunes verdâtres des chairs
Et les muscles du nègre Joseph pour pas cher,
Il terminait Les Naufragés de la Méduse.



4.         Le chirurgien ouvrit en désespoir de cause:
Il gratta l'os carié sous l'abcès de son dos.
Il opérait à vif: agrippé au rideau,
Le patient subissait la douleur lèvres closes. 
Avec le mal physique, il était en osmose.
Rageant que la vie ne lui ait pas fait cadeau
De cinq bons tableaux, il ravalait son radeau
Au rang des vignettes que les journaux proposent. 
Avant que de s'évanouir sous le scalpel,
Il vit tous ces projets condamnés sans appel,
Dans l'esprit relégués plus loin qu'en une cave:
Des vues d'assassinat, des portraits de gibet,
Estrapade, torture, et, sous les quolibets,
Les bourreaux flagellant de musculeux esclaves.





ROMANTISME ROSE


Dédiant ses valses aux comtesses poitrinaires,
Il faisait se pâmer les salons parisiens.
Le sens importe peu dans l'art du musicien;
La passion passe pour cri révolutionnaire.
" C'est le canon qui l'a guéri disait sa mère,
Sans savoir que ce canon qu'il avait fait sien
Nichait sur deux boulets entre les poils pubiens
D'un Hercule polonais et permissionnaire.
Il écrivait: "Je dis, quand tombent sous mes doigts
Les notes, cet amour qui n'appartient qu'à toi;
Je cache tes billets comme un ruban d'amante.
Sache que, loin de toi, en jachère, lopin
Qu'on ne laboure plus, en scherzi se lamente,
Titus Woycechovsky, ton Frédéric Chopin. »





BOURREAUX

1.         VEPRES SICILIENNES

Palerme avait connu trop de tyrans hideux:
Charles d'Anjou fut accueilli comme la lèpre.
Français, c'est votre glas que sonnèrent les vêpres
Du vingt-huit avril Mil deux cent quatre-vingt deux.
Le prétexte fut simple à ce massacre atroce:
Drouet, un soldat provençal avait fouillé
Une mariée qui voyant son honneur souillé
S'était donné la mort au matin de ses noces.
Un seul fut épargné de tout le contingent,
Pour qu'il pût raconter à son retour en France
Comment les siciliens exercent leur vengeance.
Et c'est ainsi, qu'au lieu d'anchois, pour leur argent,
Les marchands marseillais durant des mois reçurent
Des tonneaux de queues et de couilles en saumure.



2.         LE BOURREAU DE NAPOLEON

Juin Mil huit cent: Barthélémy parvint au Caire
Le tribunal, cédant à l'usage local,
Voulait que l'assassin de Kléber par le pal
Subît devant ses pairs un supplice exemplaire.
Pour le bourreau aussi c'était une première:
Il élargit l'anus en taillant au couteau
Avant d'y enfoncer à grands coups de marteau
La tige à bout rond qui y disparut entière.
Souleyman el Habi au pied de l'Institut
Un demi-jour hurla avant d'être abattu;
Son cadavre a pourri, emmanché à sa poutre.
L'histoire ne dit pas si le bourreau, mandé
De France, regarda l'agonie sans bander,
Ou s'il souilla son froc de force jets de foutre.



3.         Zeljko n'était qu'un petit flic dans le civil;
Son zèle lui valut d'être fait capitaine
Du camp d'internement d'Omarska: une veine
Pour un gars amoureux de son métier (si vil).
Bravant la pénurie, avec délectation
Il inventa des fouets en câbles métalliques
Lestés de lourds boulons et des gourdins phalliques
En branches d'épineux pour la flagellation.
Le spectacle commun du viol collectif dure
Peu par rapport aux délices de la torture.
L'amateur d'art en lui était écartelé:
Musique pour les cris, sang, balafres, peinture!
Aux exécutants mous, avec désinvolture
Il disait: « Cingle au sexe avec le barbelé! »









4.         Dusko Tadic, gérant de bar, karatéka,
Deux enfants, faisait prof de gym avant la guerre;
Ses soldats étaient ses élèves de naguère.
il gardait ses voisins d'hier au camp d'Omarska.
Fikret le musulman excitait sa colère:
Il le fit mettre nu à coups de knout, et puis
Au sous-fifre sur lequel il prenait appui,
Ordonna de bien lui lècher la raie culière.
La victime insensible à cette humiliation
Exacerba un peu plus fort sa frustration:
Dusko dit: « Castre-le!  Avec les dents, minus ».
Le soldat appliqua son ordre à la virgule;
Après avoir craché un sanglant testicule,
Il mit au prisonnier deux balles dans l'anus.





5.         REMISE DES AILES


L'Amérique choquée découvrit, hypocrite,
Dans le journal du soir, à la télévision,
Comment chez les Marines, avec dérision,
On remettait l'insigne aux soldats émérites.
Les ailes qui paraient le poitrail des bleu-bites
Etaient fixées à coup de poing pour l'occasion;
Leurs pointes acérées laissaient des contusions:
Deux ruisselets de sang parachevaient le rite.
On a protesté haut et fort, un mois entier,
Puis plus rien; c'est le sort des armées de métier.
Personne n'a parlé des épreuves nocturnes;
Car les victimes sont les bourreaux de demain.
Sur qui, sinon les siens, se ferait-on la main
Pour les balais au fion et le jus dans les burnes.























CYCLE



1.         Champion de la pédale, en ton cuissard grenat
Dont l'élasticité révèle les moelleuses
Rotondités, la triple bosse avantageuse
D'une virilité que nul ne condamna,
Tu ne dérobes rien au spectateur acerbe
De ce que Dieu a mis entre les muscles durs
De tes cuisses nouées, et tes mollets sont sûrs.
Tu t'ouvres le chemin par tes jambes imberbes.
Pour fendre l'air, dit-on, tu te rases la peau,
Pour que le masseur glisse mieux quand, au repos,
Tu lui tends tes tibias légèrement convexes.
Que pour la selle tu te dépoiles l'anus,
Je comprends; mais dis-moi, macho, pourquoi, de plus,
T'es-tu senti forcé de t'épiler le sexe?




2.         Le public t'applaudit, machine, homme-robot,
Emmanché sur ton cadre au bout d'un tube oblique.
 Sans ton engin, tu n'es qu'un torse famélique:
Tu claudiques comme un citadin en sabots.
Au-dessus du nombril, sec comme un coup de trique,
Centaure ou Chèvre-pied, tu n'es qu'à moitié beau:
Tes jambes de titan, ton buste de nabot,
Ton bronzage en morceaux te donnent l'air comique. 
Poussé trop haut trop vite, avec ton corps d'ado,
Tu es plus excitant quand on te voit de dos,
Quand ton cul frotte sur la selle qui le brûle.
Tes jarrets découplés contractés dans l'effort
Rappellent au voyeur qu'ignorant le confort
Tu te mets en danseuse aussi quand on t'encule.





3.         C'est sous l'oeil égrillard du docteur amical
Qu'on te prie de pisser à l'issue de la course,
Le cuissard aux genoux pour qu'on voie bien tes bourses. 
A quoi penses-tu quand tu remplis ton bocal?
Loin les lèvres avides de ta femme ... Mon!
Tu rappelles les images qui te dégoûtent:
L'odeur crue des chambrées, le copain qui se shoote,
Les douches en commun dans un froid cabanon.
Les culs blancs finiront par te mettre à l'amende:
« Faites, que sur commande, ô Seigneur, je débande! »
Supplie l'athlète étonné de ses réactions.
Cinq minutes plus tôt sur la ligne fatale,
Croyait-il que le lycra de son cuissard sale
Suffisait à dissimuler son érection?







4.        Tu souffres près de moi quand j'ai les grosses cuisses;
Nous faisons chambre commune mais lit à part.
Je vais te rechercher quand tu es en retard,
Je porte tes bidons et toi mon couteau suisse. 
Victorieux, tu m'étreins, tu dis: « nous en rêvions »
Quand j'ai travaillé dur afin que tu t'échappes. 
J'espère à l'arrivée une petite tape
Au cul; c'est moi qui plane quand tu fais l'avion.
Tu l'entends bien qu'en te parlant ma voix s'enroue. 
Je voudrais faire mieux que de sucer ta roue
Quand je ne vois plus rien tête dans le guidon.
Dans le noir J'épie tes gestes quand tu te couches. 
Pourquoi préfères-tu ton poignet à ma bouche
Quand tu peux te servir sans demander pardon.





5.         Aujourd'hui le journal titre pudiquement
Que tu as « des problèmes de selle »: limpide!
La France est suspendue à tes hémorroïdes,
A ton prurit rectal, fruit de l'échauffement.
A la télé trois fois on a montré tes fesses
Quand le docteur t'a mis un doigt au fondement.
On l'a vu de loin tartiner copieusement
Ta raie rougie qui fait la une de la presse.
On parle des diarrhées qui t'irritent l'oeillet;
A la longue on croirait que la nuit, au maillet
On t'enfonce les godes et les plugs par douze.
Ne t'étonnes donc pas si un beauf attiré
Par le souvenir de tes cuissards déchirés
Tout en t'encourageant crie dans ton dos « Tantouze! »



6.         Equipier, tire-le! pousse-le fort au cul,
Sur la pédale il a la socquette légère,
La selle lui rentre dans le fion: tout suggère
Que ton grimpeur, sec, a déchargé ses accus.
Tu es son fer de lance, tu es son écu,
Tu es le berger de ce prince sans bergère;
Tu baragouines mal dans sa langue étrangère
Où courage s'écrit avec B ou grand 0.
Tu travailles pour décorer ses étagères,
Son affection n'est qu'une crampe mensongère;
Tu le regardes comme un dieu, pauvre cocu.
Tu excuses sa défaillance passagère
En te disant (mais tu sais que tu exagères):
« Dans la côte le poids de sa queue l'a vaincu. »









SUPPORTER



1.       Ses deux bras recouverts de poignards et de crânes
          Serrent la poche à bière qu'est son estomac:
          Il ne sait plus trop bien quand l'alcool l'assomma;
          L'oeil trouble, en beuglant des chants de chambrée, il crâne
          Il traite d'enculés les joueurs et l'arbitre,     
          Il agite avec fierté son drapeau français
          Lorsque Mohammed marque ou bien Karim, qui sait?,
          Il crache sur le beur mais applaudit le titre.
          La svatiska qu'il s'est fait graver sur le cul
          Le cuit moins que la voix - vrai cauchemar vécu -
          Qui répète obsédante et sur un ton allègre,
          Sous son front bas rasé, dans sa tête sans tifs,
          A voir les africains renforçant l'effectif:
          "Quel goût ça peut avoir une bite de nègre?"




2.         On a perdu: on a cassé, et les bouteilles
             Ont méchamment volé au-dessus du public:
             On a castagné dur pour repousser les flics;
             La vidéo n'a vu qu'un bout de nos oreilles.
             Après sur le touriste on a pissé nos bières
             Et fait un feu de joie avec deux trois autos,
             Puis les mecs dans le bar ont sorti les couteaux;
             En vomissant, j'ai remonté la Cannebière.
             Le reste de la nuit, dans des lieux successifs
             Je me suis livré à l'abattage intensif;
             Que fais-tu d'autre quand ton univers s'écroule?
             Au jeu de boules, nu, près du parc Borelli,
             Jusqu'au petit matin, seul, ivre, démoli,
             Je me suis fait casser le cul par les bougnoules.




3.         Je ne mérite pas, si tant est que je puisse,
             De te lécher les pieds, de te bouffer le cul.
             Grâce à ton coup de reins, aujourd'hui j'ai vécu
             Le plus beau jour, buteur, grâce à tes fortes cuisses. 
             Dans la foule des fans en quête d'autographes,
             J'ai effleuré d'un doigt ton short mouillé collant
             Et j'ai senti ta queue et tes couilles ballant;
             Toi, tu t'es laissé peloter sans faire gaffe.
             Malgré ta chaîne en or qui vole par à-coups,
             Malgré les cheveux longs qui te mangent le cou,
             Ce n'est rien moins que Dieu pour moi que tu incarnes. 
             Imitant la posture humble du musulman,
             J'attends que tu me fasses hurler méchamment
             En me collant ton but tout droit dans la lucarne






MELEES



1.        Héros aux bras robustes noués dans le môle,
            Vos nez cassés et plats vous donnent l'air râleur. 
            Vos oreilles tirées ouvertes en choux-fleur
            Sont des bijoux cassants martelés dans la tôle. 
            Vous avez le regard noir des gens qui s'enrôlent,
            L'accent du sud profond, le ton vif et hâbleur,
            Le ventre des buveurs de bière, la couleur
            Rose des beaux bébés, mais du poil aux épaules. 
            Vos mollets à l'ovale charnu, ces ballons,
            Jaillissent des bas comme de jumeaux melons.
            Dans vos corps de géant un seul détail détonne:
            Si vous abattez un mec d'un revers de main,
            Entre vos jambes larges comme des colonnes
            Ne se niche souvent qu'un sexe de gamin.




2.         La bagarre est virile et les mêlées sont chaudes
             Les coques en plastique frottent dans les poings;
             La boîte à gifles s'ouvre à tout espoir de point. 
             Fourchettes et coups bas insidieusement rôdent.
             Les piliers, se courbant, dans un « han » se taraudent;
             La fumée des corps chauds flatte leur embonpoint.
             On grogne, on pleure, on crie mais on ne cède point,
             On se bourre au hasard de coups de pieds en fraude.
             Le talonneur furieux a sèchement mordu
             Une oreille, arrachant un bout d'ourlet tordu;
             Son vis-à-vis s'est relevé saignant et pâle:
             Le demi d'ouverture alors a chuchoté
             Au fautif mâchouillant le cartilage ôté:
             « L'arbitre n'a rien vu, cache la preuve: avale! »



3.         C'est à l'homme et demi, au gros, au roc, au boeuf,
             A la montagne à la pilosité trompeuse
             Que je m'attaquerai, profitant des rugueuses
             Altercations créées par mon numéro neuf.
             Lui déchirant son short sous l'oeil inquiet des keufs,
             Méprisant les sifflets de la foule houleuse,
             Je lui mettrai un doigt au cul criant: « hein? Gueuse,
             Je l'ai rentré profond, tu es plein comme un oeuf! »
             Et si pas un de mes coéquipiers ne bronche,
             A coups de pieds il me défoncera la tronche;
             Mais tant pis, j'ai parié, je serai courageux.
             S'il m'en laisse le temps, j'ajouterai, cynique,
              Regrettant qu'il soit la victime et non l'enjeu:
             « Si tu n'aimes pas ça, dis-moi pourquoi tu triques?»





4.         LES GAGNANTS

             Dans le bassin étroit la forte odeur de chlore
             Se mélange aux vapeurs de champagne, d'alcool;
             Les vainqueurs parodient les plongeurs de haut vol.
             Les chants et les hoquets ont commencé d'éclore.
             Les joueurs échangent des tapes indolores,
             Se coulent par bravade et s'attrapent au col:
             L'un se lave les dents en compissant le sol,
             L'autre avec volupté lâche un pet inodore.
             La presse vient jeter sur leurs ébats secrets
             Un regard amusé mais par trop indiscret
             Car serviettes et shorts ont glissé sur les lombes.
             Le basque assis dans l'eau dit à l'interviewer
             Tout en se masturbant sous son nez sans pudeur:
             « J'astique après le match pour que la tension tombe... »




5.         LES PERDANTS

             Dans le camp des vaincus le vestiaire bourdonne
             De propos échangés tout bas entre des pleurs.
             Sur les torses velus des avants en sueur
             Les jeunes se rechargent en testostérone.
             « Je n'avais plus de jus » dit, pour qu'on le pardonne,
             Le trois-quart qui s'est blotti contre le buteur,
             Lequel, le consolant d'un index chahuteur
             A travers le short lui caresse la colonne.
             C'est ainsi que renaît dans ses yeux la lueur
             De la fraternité.  Un sourire tueur
             Sur ses lèvres s'inscrit, et c'est l'eau à la bouche
             Qu'il dit timidement en se déshabillant,
             Posant en strip-teaser, mais le regard fuyant:
             «  Punis-moi en m'enfilant à sec sous la douche! »
























FAITS DIVERS



1.         « Monsieur le Président, j'ai dans le caleçon
             La preuve indiscutable de mon innocence. »
             L'accusé se dégrafe devant l'assistance:
             Tout le tribunal est parcouru d'un frisson.
             Autour du sexe on voit les circonvolutions
             D'un serpent tatoué, un détail d'importance;
             L'enfant, en ignorant l'imposante présence
             Ne l'a pas signalé dans ses accusations.
             « Que n'avez-vous plus tôt fait état de la chose? »
             Dit l'avocat général figé dans sa pose.
             « Si les jurés s'en remettent à mon avis,
             Paralysé de peur, la petite victime
             N'a pu mémoriser ce laid dessin intime:
             Qu'on lui colle dix ans! » Les juges ont suivi ...




2.         Il a ingurgité urine et excréments
             Et même les mégots éteints sur sa poitrine.
             Il s'est lavé les dents avec l'eau des latrines.
             Les fils dénudés l'ont secoué vertement.
             Sur son nez fracturé on a joui sciemment.
             On a fait brûler du papier entre ses fesses.
             Un pied de tabouret coincé avec adresse
             N'a pas laissé de traces dans son fondement.
             Sur les cinq mecs à cran partageant sa cellule,
             Trois se sont tus.  Les chefs disaient: « Il affabule,
             D'ailleurs il est en bonne santé, et vivant! »
             Les hommes sont méchants dès qu'on les met en meute. 
             Aura-t-il plus de chance avec les thérapeutes?
             Il était déserteur.  Il avait dix-neuf ans.





3.         En décochant sa gifle, le maître de stage
             Réprimande en public son apprenti retors:
             « T'as pas honte, corniaud de gueuler comme un porc
             Pour trois claques au fion et un pied de tringlage!
             O.K. personne ne touchera à tes fesses;
             Certains des ouvriers même tendront le cul;
             Baise-les, tu n'auras plus à te préoccu-
             Per du métier: tout seul, il rentrera sans cesse.
             Va te plaindre: on rira!  N'aies rien de plus pressé
             Que d'apprendre la règle à ne pas transgresser:
             Je donne du travail aux derniers prolétaires,
             Sur la table je mets la viande et le hâchis,
             Mais dans ma boîte chacun suce sans chichi,
             Plombier, zingueur, couvreur, patron ou secrétaire! »






INVOCATIONS

1.         C'est à ton avant-bras aux poils roux de renard,
             C'est aux carreaux d'argent de tes Ray-ban, molosse,
             C'est aux crins de ton cou, c'est à ta courte brosse
             Que je parle ravi, mais pas à toi, connard.
             C'est à ta voix qui a des doigts pour la cravache
             Que je souris, c'est à ton alliance d'or blanc.
             Dans ta bague serrée je m'écorche le gland,
             Et je te baise parce que sur toi je crache.
             La haine et l'abjection me poussent à jouir
             De ta masse de chair qui a su m'éblouir:
             La bandaison est très mauvaise conseillère.
             Tu encaisses sans une plainte la douleur,
             Tu as honte, tu tends le cul pour ton malheur:
             Gerbe sur ton désir, vas-y, fais-toi mal, serre!



2.         O Seigneur, donnez-moi des ouvriers balèzes,
             Des flics au froc luisants tachés de points laiteux,
             Des facteurs roux et des électriciens boiteux,
             Des infirmiers pervers pissant sur les alèses.
             Faites-moi des garçons-bouchers aux queues obèses,
             Des camionneurs velus aux slips noirs et douteux,
             De blonds plombiers vêtus de bleus moulant coûteux,
             Et que ce zoo humain ne rêve que de baise. 
             Apprenez-moi surtout dans l'action à saisir
             Ces astres, ces reflets imagés du désir
             Que le hasard met à chaque instant sur ma route. 
             Bientôt je n'aurai plus la force de branler
             Ma queue frippée, et au lieu de ces corps musclés,
             Je n'aurai étreint que des espoirs et des doutes.

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