TROPHICULES
sonnets
Flaubert 15 juillet 1853
DEDICACES
1. Au Rubis-Cabochon, Jean Chouart,
Jean-Jeudi,
A
la pierre à casser les oeufs, à l'obélisque,
A
la potence, au doigt sans ongle, au boute-bisque,
A l'aiguille qui croit et qui marque
midi,
Au
cordon de François, Saint-Agathon, Frappart,
Au
manche du gigot, au robinet de l'âme,
Au
trépignoir, au bogue, à la couenne du carme,
La
cheville d'Adam, le fourrier, l'étendard,
Au
sous-préfet comme au degré de longitude,
Au
racloir, au canon et à la poutre rude,
Au
carafon d'orgeat, à la clé qui délivre,
A
la flûte à un trou, au drôle et au bâton
A
un bout, à la sentinelle, au mirliton,
A
la broque et au coin, j'offre en bandant ce livre.
2. Afin de ménager tes complexes, l'ami,
Je
le dédie aussi à la triste lavette,
A
la guiguite, au flageolet, à la navette,
A
l'allumette de six heures et demi,
Au
honteux, au mutin, fifre, mistigouri,
Au
cornichon, à la chiffe, à la chanterelle,
Au
pendiloche, au perroquet pour maquerelles,
Au
petit voltigeur, au panais, au pourri,
Au
spaghetti, au vermisseau, à la chenille,
Au
petit doigt, au pis, à la courte à deux billes,
Au moineau, au biniou, au frêle poupignon,
Au
hanneton, au berlingot, à la saucisse,
A
l'ardillon, à l'amulette, au clou qu'on visse,
Au
bidet atrophié, balançoir des mignons.
BEAU
COMME L'ANTIQUE
1. Ce nain barbu et difforme, qui rit sous
cape.,
Ote-le sans tarder des mains de tes enfants:
Si son tablier rouge se casse ou se fend,
Il montrera, sans fard, qu'il descend de
Priape.
Ce fils de Dionysos, porteur de lourdes
grappes,
Cache sous son bonnet ses cornes; triomphant,
Aux rostres des galères, tel un éléphant,
De son membre il fendait les bateaux qui
s'échappent.
Toi, comme l'âne qu'il chevauchait, pérorant,
Tu laisses tes gamins le flatter, ignorant!
Et dans l'épouvantail qui des blés mûrs émerge
Tu ne reconnais pas le dieu nu de Lampsaque.
Son écarlate aura n'est plus qu'un voile
opaque
De minium qui le teint en te cachant sa verge.
2. MYSTERES
Quand
il eut aux Enfers égaré Eurydice,
Orphée
s'en fut apprendre chez les Egyptiens
Les
épreuves des prêtres et des magiciens:
C'est
là disent certains qu'il s'initia au vice.
A
son retour, il enseigna à ses complices
Les
cultes orientaux inconnus des anciens.
Vénérant
l'oeuf sacré dont tout sort, il fit sien
Le
désir d'expier les péchés par les sévices.
Il
avait assagi les fauves par ses chants,
Mais
les femmes de Thrace, effrayées des penchants
Qu'il
suscitait chez leurs maris, sans chant funèbre,
Jalouses et meurtries, armées
d'outils tranchants,
Le
dépecèrent vif, hachant et arrachant
Ses
cinq membres qu'elles dispersèrent dans l'Hèbre.
3. PLAINTES
D'APOLLON
Dieux cruels, vous m'avez chassé de vos enceintes
A coups de pied; vous vouliez me livrer aux loups.
La joie de mes bergers vous a rendus jaloux;
Le zéphyr estival m'a enlevé Hyacinthe.
La lyre que
Mercure offrit sous la contrainte,
Je la pends à
cette branche comme à un clou;
Sur la fleur
j'ai inscrit en caractères flous
Le nom du
bien-aimé qui résume mes plaintes.
Comme à
Kouparissos, c'est sans le faire exprès
Que j'ai tué
l'amant transformé en cyprès;
Qu'y puis-je si
j'engendre à l'issue de l'étreinte
Un guerrier tout
armé avec du poil au cou,
Si
nos spermes mêlés font lever tout d'un coup
Sur
les rocs dénudés, des champs de thérébinthes.
4. LEG DE
DIONYSOS A L'HUMANITE
Tu m'avais réclamé ton salaire en nature,
Prosumnos, pour m'indiquer le chemin ardu
Qui
descend aux Enfers; je t'apportais ton dû:
Mon
cul anticipait ton hommage immature.
Hélas
de vils brigands, posant leurs mains impures
Sur
ton flanc, t'ont percé de leur glaive éperdu,
Et je
dois trouver un moyen inattendu
D'honorer mon
serment, seul, sur ta sépulture.
Dans l'olivier qui pousse au pied du tumulus,
En souvenir de toi
j'ai sculpté un phallus
Et j'ai dit, m'asseyant d'un coup sur la sculpture:
« Sur mes
autels, posez ce cadeau ambigu,
Mortels. Il fait
mêler aux pleurs des cris aigus
Et pousse à préférer au réel l'imposture.»
HERCULE
5. D'HERCULE
A HYLAS
Comme Ulysse ou Pélée, le protégé d'Acaste,
Au Pélion j'ai rempli l'office puéril:
Dans l'antre de Chiron je fus passif, car il
Enseignait la musique à tous ceux de ma caste.
Las! le Centaure à qui l'on m'avait confié chaste
Me tira de l'enfance à grand coups de pénil;
Je n'ai cessé depuis de me mettre en péril
Afin de retrouver sensation aussi vaste.
Si tu trouves mon neud trop rugueux ou trop long,
Songe à l'épreuve que m'infligea l'étalon.
Sur le mur de la grotte, écris, en ce jour faste
Un graphiti vôtif, c'est l'usage civil:
" Hercule m'a baisé, mais dans l'assaut viril
Ma bravoure égala celle de mon éraste. »
6. HERCULE
AU VIOLON
Poète n'attends rien de l'animal féroce:
L'Art ne le pare pas plus qu'un colifichet,
Les flèches de l'Amour sur lui font ricochet,
Et pour remerciement, il ne te rend que bosses.
Vraiment c'était, Linos, un trop grand paradoxe
Que d'apprendre à Hercule à manier ton archet;
Au géant musculeux en vain tu reprochais
De jouer du violon avec des gants de boxe.
En gourmandant
l'élève un peu trop vertement,
Tu reçus en pleine tête ton instrument,
Et pour prix de ton érudition, le colosse
T'a écrasé entre ses poing comme un hochet;
Des cordes du violon, il a fait un crochet
Auquel il t'a pendu, emmanché sur ta crosse.
7. LES CERCOPES
Ils croyaient que le coup viendrait
de leurs sujets,
D'un singe de leur race, habitant
Pithécuse,
Car leur mère avait dit: " Les
Dieux de vous s'amusent
Votre vainqueur arrive au terme du trajet.
Il a la cuisse noire et son poil couleur geai
Votre vainqueur arrive au terme du trajet.
Il a la cuisse noire et son poil couleur geai
Souligne l'éclat froid de son
regard de buse. »
Les
simiesques jumeaux tentèrent par la ruse
D'abuser
malgré tout de l'hôte qu'ils logeaient.
Tandis
qu'il les pendait par la queue à sa gaule,
Ils
virent, mais trop tard, courir sur les épaules
D'Hercule
la toison de funeste couleur;
Aux
plaisantins , le sort fait trop souvent
la pige:
Le
proverbe grec dit: " Prends garde au mélampyge! »
Car
on ne sait jamais d'où surgit l'enculeur.
8. MORT D'UN STRATEGE
"Tout
notre espoir se meurt" dirent les généraux
Au
quadruple vainqueur des guerres helléniques.
Ton
génie reconnu demeurera unique;
Tu
nous laisses sans descendant et sans héros.
-
Je lègue, en plus de nos ennemis massacrés,
Ce
corps d'élite, le secret de mes victoires,
Ce
régiment d'amants qui méprisent la gloire,
Les
guerriers invaincus du Bataillon Sacré.
Si
la peur de la mort un court instant les touche,
C'est
qu'ils tremblent pour ceux qui partagent leur couche.
Thébains,
pour m'honorer vous n'aurez qu'à jucher
Les
corps de ces soldats qui suscitaient ma flamme,
Entre
mes bras, tout au sommet de mon bûcher."
C'est
sur ces mots qu'Epaminondas rendit l'âme.
6. HEREDITE
Les Persans., les Indiens n'ont pu
briser ta nuque;
C'est la grippe qui t'a renversé,
Ephestion.
Je
mettrai l'univers entier à la question
Puisque
je n'ai plus rien, que Bagoas l'eunuque;
Avec
lui je fais la volupté comme on truque,
Avec
toi je faisais l'amour dans mes bastions,
"
Alexandre c'est lui aussi » sans exception
Rétorquais-je
aux envieux. C'est ainsi qu'on éduque
Les
princes grecs; mon père par Pélopidas
Enlevé,
fut le mignon d'Épaminondas.
De
ce couple il apprit le rude art de la guerre;
Comme
lui j'ai tenté, aimant trop les garçons,
De
conquérir le monde, droit sur mes arçons:
On
dit qu'à part ça je ne lui ressemble guère.
7. César, surnommé l'homme de toutes les
femmes
Fut
lui-même la femme de tous les maris.
Ses
soldats triomphaux, menant charivari,
Derrière
son char chantaient ces refrains infâmes:
"Nicomède t'a soumis comme toi les
Gaules;
Que
ne parade-t-il? Il t'a pris sans effort,
Toi,
le chauve adultère, éjaculateur d'or.
En
Bythinie, tu endossas bien l'autre rôle.
Non,
ce n'est certes pas la crainte des anthrax
Qui
te fait t'épiler les fesses au dropax".
Cicéron ne se priva pas de le
reprendre;
Au
Sénat, où César plaidait pour ce grand roi:
"Nicomède,
dit-il, était donc bien adroit
De
t'avoir donné plus que tu ne peux lui rendre".
8. Il servait le soleil, il avait quatorze
ans:
Les
soldats émus par sa beauté sans égale
Avaient
fait empereur le prêtre Héliogabale,
Fils
de Caracalla disaient les médisants.
Consacrant à Priape âne, coq et
homard,
Il
envoyait dans les bordels ses émissaires,
Ordonnant
qu'ils ramènent pour le satisfaire
Les
heureux possesseurs des plus gros braquemards.
"Comment
aimer" dit l'historien en son courroux
"Un
prince occupé à se remplir tous les trous
Et
qui veut épouser ses garçons de cuisine?"
Au bout de quatre années de règne,
avec mépris,
Ses assassins au Tibre ont jeté les
débris
De son corps après lui avoir tranché
la pine.
PARAPHRASES
1. Pacificus Maxime, Elégie 20
Ma
bite n'est pas née ou a chu: minuscule,
Elle
est si rétractée qu'à peine on peut la voir;
Le
Sort m'a castré sans même user d'un rasoir.
On
prétend que la queue pousse à ceux qu'on encule:
Les
membres les plus gros m'ont fouillé les entrailles,
On m'a mis le cul en compote nuit et
jour;
Elle
devrait me pendre aux pieds: j'attends toujours,
Mais mes excès n'ont fait qu'en
réduire la taille.
Car
c'est le rêve ardent de tout jeune balourd
D'avoir
la main remplie par son verêtre lourd,
C'est
pourquoi, naïf, j'ai tendu le cul sans cesse.
Mais
on m'a abusé, rien ne sert de s'asseoir;
Nature
injuste agit selon son bon vouloir
Et
c'est en vain, hélas, qu'on se fie à ses fesses.
2. Pacificus Maxime, Elégie 20 (2)
Ne
vous soumettez pas à la façon des bêtes:
Vos
bouches sans duvet suffiront aux ébats.
Triste
est le sort de qui, démangé par en bas,
A
l'âge adulte encore à tout bourreur se prête.
De
là vient que sans cesse en grattant l'on s'écorche;
Fistules
et verrues croissent aux culs usés
De
là vient le poil dru de ceux qui, médusés,
Passent
de blanches nuits à genoux sous les porches.
Ajoutez
à cela le teint jaune safran
L'odeur
de bouc des corps livrés au moins offrant,
La
peau molle et marbrée qui se fond avec l'âge
Si
bien qu'il faut souvent cautériser au fer
Les
fesses crevassées: pluie plus soleil d'enfer
Font
de même éclater les pommes de Carthage.
3. Pacificus Maxime, Elégie 14
Etruscus
m'amena son fils aux yeux de braise
Et
dit: "contre ton flanc, qu'il couche nuit et jour;
Les
dieux veuillent que tu le chérisses toujours.
Il
sera bien savant si souvent tu le baises."
Comme
l'enfant rétif semblait d'humeur chagrine,
Je
répondis tout net: "Béni soit le bailleur,
L'écolier
parait bon, je le rendrai meilleur,
Par
tous les bouts, il me sucera ma doctrine."
L'élève
prend ma queue, je lui tâte le cul;
Etruscus
s'en va satisfait et convaincu,
Seul
homme sage dans cette ville, repaire
D'esprits
étroits, de fesse-mathieu, de censeurs.
Ah
vrai! L'heureux garçon qui m'a pour
professeur!
Qu'il remercie le ciel d'être né d'un tel
père.
4. Martial, Epigrammes I X, 44
Femme,
tu cries en vain quand je baise un garçon,
Tu
prétends avoir un cul pour mon membre raide:
Junon
n'a pas guéri Jupin de Ganymède.
Quand
Hylas sous Hercule pliait sans façon,
Mégare
en les trouvant fit-elle tant de bruit?
Daphné
la nymphomane avait aussi des fesses
Mais
Phebus préférait aux charmes qui s'affaissent
Le
séant d'Oebalius ce jeune et ferme fruit.
Briséis
couchait bien sur le flanc mais Patrocle
Au bel Achille aimait mieux crever
le monocle.
Tous
tes raisonnements sont foireux et abscons.
Cesse
de donner des noms d'homme à tes affaires:
Songe
à te taire, femme, il n'est rien à y faire,
Car
tu n'as pas de cul, toi, tu n'as que deux cons.
5. Martial, Epigrammes I 58, XI 72
Le
marchand me dit: " Mille écus pour ce garçon! »
Je
ris bien fort, mais Fabio dans mon dos approche;
Sans
discuter, vite, il met la main à la poche.
Ma
bite contre moi réclame sans façon.
Je
réponds: « Lui l'appelle son petit jouet;
A
ce compte Priape lui-même est un Galle! »
Avec
ce monstre-là, la lutte est inégale:
Sa
flûte a enroué souvent qui la louait.
Tu
me blâmes, toi, en célébrant ses largesses,
Mais
sa queue seule est la cause de sa richesse.
Pauvre
chose, ta cotte est bien basse à l'argus!
Accomplis
donc pour moi de semblables miracles.
Avant
que de porter ce veinard au pinacle,
Rapporte-moi
autant, je dépenserai plus ...
6. Bob Mizer P.P. 56
Il
est parmi certains clans d'Afrique un précepte
Qui
exige qu'on ne circule pas cul nu;
Aux
Samoas, c'est le nombril qu'aux inconnus
On
cache: mais se couvrir le sexe est inepte.
Ramses
permit que du châtiment l'on excepte
Celles
qui montraient leurs oreilles. Fait
connu,
En
Chine, la seule vision d'un pied menu
Faisait
rougir les courtisanes. L'on accepte
A
Tahiti les partouzes en société
Mais
dîner en commun est une obscénité.
Chez
l'Eskimo il ne faut pas ôter ses bottes.
Quand
tu mets ton maillot de bain sous ton futal,
Ne
te semble-t-il pas, sauvage occidental,
Qu'empaqueter
ta queue n'est que prévention sotte?
LES
FILS DE MERCURE
1. Le lutteur comparait, nu, devant le
xystarque;
C'est
la tenue pour le combat et pour le bain.
"
A quinze ans, dit le maître, on n'est plus un bambin,
Les peintres, les sculpteurs, les drauques te remarquent.
Les fils de patriciens dans l'exèdre
chahutent;
Ils
n'ont appris chez nous que l'art de bien parler
Et
quitteront bientôt la palestre.
Sers-les,
Puisqu'on
t'a destiné au métier de la lutte.
L'émotion
sexuelle est nuisible à ton art;
Aussi
l'anneau brisé te clora-t-il le dard:
La
fibule est la condition de ta carrière.
Gladiateurs
et acteurs connaissent ta douleur;
Leur
prépuce percé n'est que demi malheur:
Comme
eux saches trouver le plaisir par derrière. »
2. Ton corps huilé, luisant du sable de
l'arène
Ecorche
mon cuir dur quand tu es dans mes bras:
Jamais
encor, lutteur, autant tu ne cambras
Ton
cul d'éphèbe sous mes aines de Silène.
Ne
t'a-t-on pas appris qu'il est proscrit de mordre?
Quand
ton nouveau patron, ce soir, sous les flambeaux,
Frottera
sa queue torse en toi, comme un rabot,
Tu
regretteras fort d'obéir à ses ordres.
Cinède,
malgré tout est un état flatteur:
Redoute
de finir comme moi fellateur.
Ma
queue saigne pour toi aux trous de la fibule.
Dans
l'étuve, plus tard, quand tu m'auras vaincu,
Ecartant
des deux mains les globes de mon cul,
Je
dirai: " Lèche bien, car c'est là que je brûle. »
3. Tu connais la ceinture à rebours et de
face,
Le
bras roulé, le tour de hanche, c'est beaucoup;
Tu
maîtrises surtout l'enlacement du cou,
Le
violent croc en jambe par quoi l'on efface
Par
trois fois l'opposant pour qu'il demande grâce.
A
poings nus maintenant sache porter tes coups:
Parfois
c'est le lutteur vainqueur que l'on recoud
Malgré
tout à l'issue du combat de Pancrace.
Ne
te trouble pas trop si quelques spectateurs
Se
masturbent pour toi: ce sont des amateurs;
Remercie-les,
et dans le cercle, sans peur, entre.
Comme
fit autrefois Diogène le cynique,
Ils
répondront hautains aux détracteurs iniques:
"
Ah, si la faim cédait en se frottant le ventre! »
4. Comme l'époux offrait lors des noces
agrestes
La
ceinture volée par Mercure à Vénus,
En
te souhaitant santé, beauté, force et tonus.,
Pour
vaincre avec éclat je te remets tes cestes.
Ces
gants de cuir tressé alourdiront ton geste
Car
les fers en saillie dont on les arme en sus
En
déchirant la peau font craquer l'os, c'est l'us:
Le
plus défiguré de sa valeur atteste.
Mais
si tu te levais après le pugilat,
Vivant
quoique vaincu, dénouant l'entrelac
Des
liens à tes poignets, crains que je ne m'empresse
De
te coucher saignant, et n'use au maximum
Des
lanières cloutées comme d'un flagellum
Pour
te marquer le dos et t'étriller les fesses.
5. MERCURE
Ta
bourse dans la main comme autrefois Priape,
Dieu
des voleurs tu n'es plus qu'un génie déchu.
Ton
manteau s'est mité et ton pétase a chu.
Enfants,
mendiants, cul nu, se disputent ta cape.
Oublies-tu qu'aux danseurs tu
enseignas la lutte,
Le
pancrace, le pentathlon, les sports, les arts?
Tu
protèges tous les tenanciers de bazar.
Les
brigands à chaque carrefour te culbutent.
Au
Cirque Maximus, qui vient solliciter
Ton
conseil quand même tes prêtres t'ont quitté?
Dans
l'arène aujourd'hui, pitre, l'on te destine,
A
toucher de ton caducée chauffé à blanc
Les
gladiateurs tombés pour voir s'ils font semblant,
Auquel
cas on leur plonge un fer dans la poitrine.
6. LISTE
Arpin,
Dubois, Faouët, Sabès, maîtres es ruses,
Marseille
jeune, aîné, Pietro et Abdullah,
Kara-Ahmed, Osman, Pytlasinski,
Nourlah,
Tobie
de Toulouse et Doublîé de Vaucluse.
François
et Buisson de Bordeaux, Franck de Montmartre,
Achille
du Mont-Ventoux, Hackenschmidt, Hitzler,
Léon
Dumont, Paul Pons, et de Bouillon Omer,
Ou
Lagneau de Paris contre Etienne le Pâtre.
Ils
étaient forgerons, maçons, soldats, vachers,
Lepy
le géant, Raoul, Constant le Boucher,
L'Aimable,
Dumortier, champions de la culbute,
Gambier,
Crest, Van den Berg, Ganzouin et Fénelon.
Falguière
les a mis torse nu au Salon:
En
France ils ont écrit l'histoire de la lutte.
7. BORD DE TAPIS
Dans
la salle où l'on a disposé quelques chaises,
Les
lutteurs au repos finissent leurs sandwichs.
Ils
s'étirent, prennent des attitudes kitsch
De
vacanciers assis sur le bord des falaises.
Il
rit, à demi nu, il a quinze ans ou seize;
De
l'entraîneur, au loin, il n'entends plus le speech.
Remontant son T-shirt tout écrit en
english,
De
ses tétons durcis il écrase les fraises.
Puis,
baissant sur ses cuisses son survêtement
Il
montre à ses copains, fier douloureusement,
Le
début d'érection dont la tension l'épuise,
Avant
qu'un de ses équipiers, compréhensif,
Se
dévoue pour apaiser ce rut excessif,
Sachant
qu'il se bat mieux quand les fesses lui cuisent.
8. PASSIVITE
Le
choeur des supporters se désole ou s'épate:
Au
mot de « bleu au sol » répond : « Rouge passif! »
Jamais
en aucun lieu tant de cris agressifs
N'ont
réclamé qu'un gars se mette à quatre pattes.
Crispé
et honteux, les pros de la carapate
Sont
plus en danger dans leur zèle défensif
Que
qui creusant les reins offre un cul expressif
Dressé
au long limage et aux grands coups de latte.
L'adversaire
appliqué à feindre le fouteur
Tremble
sous la pression d'un pied inquisiteur
Et
l'autre le retourne avant même qu'il bande;
L'apparence
est trompeuse et le mot peu poli,
Mais
au combat souvent, pareillement qu'au lit,
Celui
qui est couvert tient ferme les commandes ...
LEGIONS
1.
MITHRA PARLE
Moi aussi je suis le soleil; je viens d'Iran.
J'ai voyagé avec les armées d'Alexandre;
Feu vivant, j'ai réduit mon créateur en
cendres
Et coiffé le bonnet phrygien du conquérant.
Je promets aux soldats l'autre vie dans mon
ciel
Pourvu qu'il mortifie en mon nom ses chairs
tendres.
J'oins de miel, je baptise, et je pourrais
prétendre
Que de l'Eucharistie j'ai forgé l'essentiel.
On dit que j'ai permis de sanglants
sacrifices
Humains; mes concurrents m'attribuent tous
les vices:
Mon astre en huit cents ans pourtant n'a pas
décru.
Avec César j'ai émigré jusqu'en Bretagne.
Mes fantassins n'avaient pas besoin de
compagnes.
Mes cavaliers velus savaient monter à cru.
2. INVITATION DU CENTURION
Sous
la grille où le Père égorge le taureau,
Nous
nous réunissons, compagnons de cohorte;
Nous
scellons dans le sang l'union qui nous conforte;
Nos
muscles sont aussi durs que nos pectoraux.
Corax,
gryphus ou lion, tous soldats et héros,
Nous
fixons nos manteaux, sur nos poitrines fortes,
Aux
anneaux de nos seins; dans la grotte qu'importe
Que
nous couchions à plat ventre sur le carreau.
Seuls
les mâles sont tolérés dans notre culte;
Les
chrétiens, nous pillant, nous abreuvent d'insultes.
Tu
en sais déjà trop sur nos rites, benêt.
Au
solstice d'hiver, nu mais ceint de lauriers,
Viens
avec nous légionnaire, chibre dressé,
Courir
les rues de Rome en criant: « Il renaît ».
3. PORTRAIT AVEC CHAR D'ASSAUT
Nulle
autre confrérie n'a semblables coutumes:
Qui
d'autre, par vingt-quatre, au pas s'en va pisser,
Et
se veut élégant, fusil au corps vissé,
Le
paquet comprimé dans un étroit costume?
Sans
femmes dans leurs rangs, les armées, d'âge en âge,
Se
reproduisent comme les fleurs du buisson.
Leurs
belles traditions leur donnent le frisson,
Leur
rêve fraternel se nourrit de carnage.
Trente
siècles ont fait cette expression du beau
Qu'incarne
le trouffion plaisantin et cabot,
Qui,
assis sur le fût du canon, prend sa taffe,
Souffle
par les naseaux le désir qui le tend,
Laissant
à l'entrejambe une main trop longtemps
Sur
sa queue qui raidit devant le photographe.
4. LEGIONNAIRE
Je
n'ai aimé personne, et ce fut mon seul crime;
On
ne peut pas prendre mon visage en photo.
A
mon engagement, sur mes deux biscoteaux
J'ai
tatoué en bleu la mention « anonyme ».
Mes
chefs, mes compagnons sont ma seule famille;
Ils
me donnent l'amour avec le châtiment;
De
la douleur je suis l'impénétrable amant:
Je
deviens orphelin quand je me déshabille.
Mon
histoire s'écrit sur mon corps balafré.
Je
sens le savon noir et le relent camphré
Du
désinfectant que je répands dans les chiottes.
Ne
me suis pas! L'usage veut, que, sans
céder,
Je
te casse la gueule avant le cul, pédé,
Et
j'ai moins que tu n'espérais dans la culotte.
5. L'oeil
bleu, cheveux blonds ras, moustache noire immense
Pour viriliser des traits par trop
féminins,
Le
général Lyautey, colérique et canin,
Ramena
le Maroc sous l'aile de la
France.
Bravant
les ordres et le feu, plein d'arrogance,
Ce
héros, cerné, dit à ses lieutenants: " Bien,
Récitez-nous
des vers, ainsi si la mort vient,
Nous
ferons jusqu'au bout assaut d'extravagance. »
Son
harem de soldats le suivait où qu'il fût,
Et
ses aides de camp entendaient le raffut
Des
râles de leur chef à travers les persiennes.
Clemenceau
porta ce jugement: " Invaincu,
Cet
homme-là, vraiment, a des couilles au cul ...
Même
si ce ne sont pas forcément les siennes. »
6. VOCATION
Autrefois,
lorsqu'on ne collait pas à la norme
Et
qu'on avait des femmes un goût modéré,
Aimant
peu les enfants pour s'établir curé,
Avec
empressement on vêtait l'uniforme.
Pour
trouver des amants à ses désirs conformes,
Forts
et respectueux, seuls et désespérés,
Rien
ne pouvait valoir, horizons désirés,
Les
lointains coloniaux aux sociétés informes.
«
En Afrique, à Alger, à Marrakech ou Souss,
Disait
Lamoricière, nous en étions tous! »
Avec
Vidocq, les flics pointèrent sur la liste.
Mais
aujourd'hui où tout écart est toléré,
Pour
vivre d'aventure en pays tempéré,
Il
faut être pompier, rugbyman ou cycliste.
HISTORIETTES
1. Le très saint Père Sixte adresse cette
bulle
Aux
ministres de Jean de Latran: " Désormais,
Durant
les mois d'été, soit à partir de Mai,
Considérant
les effets de la canicule,
J'autorise
la sodomie si l'on promet
D'en
user qu'entre gens d'église mais jamais
Avec
ceux qui sont placés sous votre férule;
Afin
de limiter le désordre régnant,
Sixte
rend votre apostolat moins contraignant
Mais,
pour ne point choquer par la ville, stipule
Que
son arrêt demeure secret, et, qu'au moins,
La
chose soit toujours perpétrée sans témoin
Et
qu'on fasse silence pendant qu'on encule. »
2. LES MARECHAUX D'EMPIRE AUSSI MEURENT
D'AMOUR
Habite-t-on
à deux une étroite mansarde
Des
mois durant sans quelques moments de plaisir,
Quand
général sans solde on a pour tout loisir
De
voir brûler le seul soldat qui vous regarde?
Celui
qu'on avait fait commandant de sa garde
Après
Toulon, car il était beau à ravir
Ce
blond sergent de vingt-deux ans sans avenir
Qui
nourrissait son chef et nettoyait ses hardes.
Quand
tu ne l'aimas plus, fallait-il qu'à sa femme
Tu
te plaignes qu'il t'envoyait des mots infâmes,
Et
qu'au soir de sa mort, craignant les tribunaux
De
la rumeur, tu dépêches chez lui tes sbires
En
leur recommandant pour le bien de l'Empire
De
brûler tous tes billets d'amour à Junot?
3. Cambacéres, qui refondit les lois en
France,
Arrivait au conseil avec force
retard;
Il
dit, comme on le questionnait de toutes part:
"
J'avais un rendez-vous galant, et d'importance! »
Napoléon
regarda avec insistance
Son
archichancelier qui, vêtu en soleil
Se
promenait suivi de tout un appareil
De
gitons, au Palais-Royal de préférence.
La
postérité l'a affublé du surnom
«
Tante Urlurette » sans amoindrir son renom.
L'Empereur
reprit: " A cette personne sotte
Vous
ne manquerez pas de dire à l'occasion
Qu'elle
mette un peu plus de précipitation
A
ceindre son épée et à chausser ses bottes.»
MICHEL-ANGE
Certe,
il était hanté d'un étrange tourment
Lorsqu'il
sculpta ces corps noués par la torture
Et
les torses de géants dont la démesure
Lui
rappelait l'ardeur d'improbables amants.
La Sixtine achevée, vieux,
misérablement
Il
forgeait des sonnets de tragique facture
Et
payait aux voyous en quête d'aventure
Le
tribu du mépris des beaux au bois dormant.
On
a tronqué ses vers et du voile du doute
On
a couvert le sexe du Christ sur la voûte,
Car
l'église a changé depuis que Jules II,
Clouant
le bec aux détracteurs des sodomites,
Clamait:
" Ce péché véniel n'a rien de hideux
Et
on l'absout avec trois giclées d'eau bénite ».
ROMANTISME
NOIR
1. Heureux temps où dans les académies
d'artistes
Le
corps nu féminin offensait la pudeur
Et
qu'ouvriers, soldats, forts des Halles, rôdeurs
Posaient
ficelés des bergers irréalistes.
Théodore
traçait des esquisses adroites,
Tant,
que le professeur disait élégamment:
"
La figure ressemble à l'homme vaguement,
Comme
un violon peut ressembler à sa boîte. »
Il
les modelait tels qu'il voyait ses héros:
La
croupe d'un cheval et le cou d'un taureau,
Les
mains larges, des bras à manier la hache.
Bientôt
il irait voir au cirque les dresseurs
Et,
garde national, peindrait en connaisseur
Cavaliers
blessés et lieutenants à moustache.
2. Fuyant la société des dames de
Florence,
C'est
à Rome tout seul dans un odieux taudis
Qu'il
se bâtit un masque d'artiste maudit
Que
la nuit livre à de périlleuses errances.
Les
lettres racontant à ses amants de France
Ses
émotions devant Michel-Ange, pardi!
Ont
toutes disparues, et l'obscur paradis
Italien
passe pour le palais des souffrances.
Dans
le Trastevere, il croquait les vachers,
Les
garçons d'écurie et les taureaux lâchés.
Dans
le public des exécutions capitales,
Las
de ne peindre que les couilles des chevaux,
Ecrasé
par tant d'art dans chaque caniveau
Enfin
libre, il goûtait aux extases brutales.
3. " L'annexe de la morgue est au
faubourg du Roule »
Diront les rares visiteurs de
l'atelier:
Têtes,
bras mutilés, par les hospitaliers
Lui
étaient apportés à l'insu de la foule.
Les
rats hantaient la nuit ce repère de goules;
Ça
sentait le cadavre dans les escaliers,
Jusqu'au
fond du réduit où Jamar l'écolier
Offrait
son dos zébré au maître sans cagoule,
Lequel
pour mieux monter lui ajustait le mors.
Cinq
mois reclus, en créant, ils firent la mort:
Tous
les moyens sont bons pour que le génie fuse.
Car,
étudiant les jaunes verdâtres des chairs
Et
les muscles du nègre Joseph pour pas cher,
Il
terminait Les Naufragés de la
Méduse.
4. Le chirurgien ouvrit en désespoir de
cause:
Il
gratta l'os carié sous l'abcès de son dos.
Il
opérait à vif: agrippé au rideau,
Le
patient subissait la douleur lèvres closes.
Avec
le mal physique, il était en osmose.
Rageant
que la vie ne lui ait pas fait cadeau
De
cinq bons tableaux, il ravalait son radeau
Au
rang des vignettes que les journaux proposent.
Avant
que de s'évanouir sous le scalpel,
Il
vit tous ces projets condamnés sans appel,
Dans
l'esprit relégués plus loin qu'en une cave:
Des
vues d'assassinat, des portraits de gibet,
Estrapade,
torture, et, sous les quolibets,
Les
bourreaux flagellant de musculeux esclaves.
ROMANTISME
ROSE
Dédiant
ses valses aux comtesses poitrinaires,
Il
faisait se pâmer les salons parisiens.
Le
sens importe peu dans l'art du musicien;
La
passion passe pour cri révolutionnaire.
"
C'est le canon qui l'a guéri disait sa mère,
Sans
savoir que ce canon qu'il avait fait sien
Nichait
sur deux boulets entre les poils pubiens
D'un
Hercule polonais et permissionnaire.
Il
écrivait: "Je dis, quand tombent sous mes doigts
Les
notes, cet amour qui n'appartient qu'à toi;
Je
cache tes billets comme un ruban d'amante.
Sache
que, loin de toi, en jachère, lopin
Qu'on
ne laboure plus, en scherzi se lamente,
Titus
Woycechovsky, ton Frédéric Chopin. »
BOURREAUX
1. VEPRES SICILIENNES
Palerme
avait connu trop de tyrans hideux:
Charles
d'Anjou fut accueilli comme la lèpre.
Français,
c'est votre glas que sonnèrent les vêpres
Du
vingt-huit avril Mil deux cent quatre-vingt deux.
Le
prétexte fut simple à ce massacre atroce:
Drouet,
un soldat provençal avait fouillé
Une
mariée qui voyant son honneur souillé
S'était
donné la mort au matin de ses noces.
Un
seul fut épargné de tout le contingent,
Pour
qu'il pût raconter à son retour en France
Comment
les siciliens exercent leur vengeance.
Et
c'est ainsi, qu'au lieu d'anchois, pour leur argent,
Les
marchands marseillais durant des mois reçurent
Des
tonneaux de queues et de couilles en saumure.
2. LE BOURREAU DE NAPOLEON
Juin
Mil huit cent: Barthélémy parvint au Caire
Le
tribunal, cédant à l'usage local,
Voulait
que l'assassin de Kléber par le pal
Subît
devant ses pairs un supplice exemplaire.
Pour
le bourreau aussi c'était une première:
Il
élargit l'anus en taillant au couteau
Avant
d'y enfoncer à grands coups de marteau
La
tige à bout rond qui y disparut entière.
Souleyman
el Habi au pied de l'Institut
Un
demi-jour hurla avant d'être abattu;
Son
cadavre a pourri, emmanché à sa poutre.
L'histoire
ne dit pas si le bourreau, mandé
De
France, regarda l'agonie sans bander,
Ou
s'il souilla son froc de force jets de foutre.
3. Zeljko n'était qu'un petit flic dans le
civil;
Son
zèle lui valut d'être fait capitaine
Du
camp d'internement d'Omarska: une veine
Pour
un gars amoureux de son métier (si vil).
Bravant
la pénurie, avec délectation
Il
inventa des fouets en câbles métalliques
Lestés
de lourds boulons et des gourdins phalliques
En
branches d'épineux pour la flagellation.
Le
spectacle commun du viol collectif dure
Peu
par rapport aux délices de la torture.
L'amateur
d'art en lui était écartelé:
Musique
pour les cris, sang, balafres, peinture!
Aux
exécutants mous, avec désinvolture
Il
disait: « Cingle au sexe avec le barbelé! »
4. Dusko Tadic, gérant de bar, karatéka,
Deux
enfants, faisait prof de gym avant la guerre;
Ses
soldats étaient ses élèves de naguère.
il
gardait ses voisins d'hier au camp d'Omarska.
Fikret
le musulman excitait sa colère:
Il
le fit mettre nu à coups de knout, et puis
Au
sous-fifre sur lequel il prenait appui,
Ordonna
de bien lui lècher la raie culière.
La
victime insensible à cette humiliation
Exacerba
un peu plus fort sa frustration:
Dusko
dit: « Castre-le! Avec les dents, minus
».
Le
soldat appliqua son ordre à la virgule;
Après
avoir craché un sanglant testicule,
Il
mit au prisonnier deux balles dans l'anus.
5. REMISE DES AILES
L'Amérique
choquée découvrit, hypocrite,
Dans
le journal du soir, à la télévision,
Comment
chez les Marines, avec dérision,
On
remettait l'insigne aux soldats émérites.
Les
ailes qui paraient le poitrail des bleu-bites
Etaient
fixées à coup de poing pour l'occasion;
Leurs
pointes acérées laissaient des contusions:
Deux
ruisselets de sang parachevaient le rite.
On
a protesté haut et fort, un mois entier,
Puis
plus rien; c'est le sort des armées de métier.
Personne
n'a parlé des épreuves nocturnes;
Car
les victimes sont les bourreaux de demain.
Sur
qui, sinon les siens, se ferait-on la main
Pour
les balais au fion et le jus dans les burnes.
CYCLE
1. Champion de la pédale, en ton cuissard
grenat
Dont
l'élasticité révèle les moelleuses
Rotondités,
la triple bosse avantageuse
D'une
virilité que nul ne condamna,
Tu
ne dérobes rien au spectateur acerbe
De
ce que Dieu a mis entre les muscles durs
De
tes cuisses nouées, et tes mollets sont sûrs.
Tu
t'ouvres le chemin par tes jambes imberbes.
Pour
fendre l'air, dit-on, tu te rases la peau,
Pour
que le masseur glisse mieux quand, au repos,
Tu
lui tends tes tibias légèrement convexes.
Que
pour la selle tu te dépoiles l'anus,
Je
comprends; mais dis-moi, macho, pourquoi, de plus,
T'es-tu senti forcé de t'épiler le
sexe?
2. Le public t'applaudit, machine,
homme-robot,
Emmanché
sur ton cadre au bout d'un tube oblique.
Sans ton engin, tu n'es qu'un torse famélique:
Tu
claudiques comme un citadin en sabots.
Au-dessus
du nombril, sec comme un coup de trique,
Centaure
ou Chèvre-pied, tu n'es qu'à moitié beau:
Tes
jambes de titan, ton buste de nabot,
Ton
bronzage en morceaux te donnent l'air comique.
Poussé
trop haut trop vite, avec ton corps d'ado,
Tu
es plus excitant quand on te voit de dos,
Quand
ton cul frotte sur la selle qui le brûle.
Tes
jarrets découplés contractés dans l'effort
Rappellent
au voyeur qu'ignorant le confort
Tu
te mets en danseuse aussi quand on t'encule.
3. C'est sous l'oeil égrillard du docteur
amical
Qu'on
te prie de pisser à l'issue de la course,
Le
cuissard aux genoux pour qu'on voie bien tes bourses.
A
quoi penses-tu quand tu remplis ton bocal?
Loin
les lèvres avides de ta femme ... Mon!
Tu
rappelles les images qui te dégoûtent:
L'odeur
crue des chambrées, le copain qui se shoote,
Les
douches en commun dans un froid cabanon.
Les
culs blancs finiront par te mettre à l'amende:
«
Faites, que sur commande, ô Seigneur, je débande! »
Supplie
l'athlète étonné de ses réactions.
Cinq
minutes plus tôt sur la ligne fatale,
Croyait-il
que le lycra de son cuissard sale
Suffisait
à dissimuler son érection?
4. Tu souffres près de moi quand j'ai les
grosses cuisses;
Nous
faisons chambre commune mais lit à part.
Je
vais te rechercher quand tu es en retard,
Je
porte tes bidons et toi mon couteau suisse.
Victorieux,
tu m'étreins, tu dis: « nous en rêvions »
Quand
j'ai travaillé dur afin que tu t'échappes.
J'espère
à l'arrivée une petite tape
Au
cul; c'est moi qui plane quand tu fais l'avion.
Tu
l'entends bien qu'en te parlant ma voix s'enroue.
Je
voudrais faire mieux que de sucer ta roue
Quand
je ne vois plus rien tête dans le guidon.
Dans
le noir J'épie tes gestes quand tu te couches.
Pourquoi
préfères-tu ton poignet à ma bouche
Quand
tu peux te servir sans demander pardon.
5. Aujourd'hui le journal titre
pudiquement
Que
tu as « des problèmes de selle »: limpide!
La France est suspendue à tes
hémorroïdes,
A
ton prurit rectal, fruit de l'échauffement.
A
la télé trois fois on a montré tes fesses
Quand
le docteur t'a mis un doigt au fondement.
On
l'a vu de loin tartiner copieusement
Ta
raie rougie qui fait la une de la presse.
On
parle des diarrhées qui t'irritent l'oeillet;
A
la longue on croirait que la nuit, au maillet
On
t'enfonce les godes et les plugs par douze.
Ne
t'étonnes donc pas si un beauf attiré
Par
le souvenir de tes cuissards déchirés
Tout
en t'encourageant crie dans ton dos « Tantouze! »
6. Equipier, tire-le! pousse-le fort au
cul,
Sur
la pédale il a la socquette légère,
La
selle lui rentre dans le fion: tout suggère
Que
ton grimpeur, sec, a déchargé ses accus.
Tu
es son fer de lance, tu es son écu,
Tu
es le berger de ce prince sans bergère;
Tu
baragouines mal dans sa langue étrangère
Où
courage s'écrit avec B ou grand 0.
Tu
travailles pour décorer ses étagères,
Son
affection n'est qu'une crampe mensongère;
Tu
le regardes comme un dieu, pauvre cocu.
Tu
excuses sa défaillance passagère
En
te disant (mais tu sais que tu exagères):
«
Dans la côte le poids de sa queue l'a vaincu. »
SUPPORTER
1. Ses deux bras recouverts de poignards et
de crânes
Serrent la poche à bière qu'est son
estomac:
Il ne sait plus trop bien quand
l'alcool l'assomma;
L'oeil trouble, en beuglant des
chants de chambrée, il crâne
Il traite d'enculés les joueurs et
l'arbitre,
Il agite avec fierté son drapeau français
Lorsque Mohammed marque ou bien
Karim, qui sait?,
Il crache sur le beur mais applaudit
le titre.
La svatiska qu'il s'est fait graver
sur le cul
Le cuit moins que la voix - vrai
cauchemar vécu -
Qui répète obsédante et sur un ton
allègre,
Sous son front bas rasé, dans sa tête
sans tifs,
A voir les africains renforçant
l'effectif:
"Quel goût ça peut avoir une
bite de nègre?"
2. On a perdu: on a cassé, et les
bouteilles
Ont méchamment volé au-dessus du
public:
On a castagné dur pour repousser
les flics;
La vidéo n'a vu qu'un bout de nos
oreilles.
Après sur le touriste on a pissé nos
bières
Et fait un feu de joie avec deux
trois autos,
Puis les mecs dans le bar ont sorti
les couteaux;
En vomissant, j'ai remonté la Cannebière.
Le reste de la nuit, dans des lieux
successifs
Je me suis livré à l'abattage
intensif;
Que fais-tu d'autre quand ton
univers s'écroule?
Au jeu de boules, nu, près du parc
Borelli,
Jusqu'au petit matin, seul, ivre,
démoli,
Je me suis fait casser le cul par
les bougnoules.
3. Je ne mérite pas, si tant est que je
puisse,
De te lécher les pieds, de te bouffer
le cul.
Grâce à ton coup de reins,
aujourd'hui j'ai vécu
Le plus beau jour, buteur, grâce à
tes fortes cuisses.
Dans la foule des fans en quête
d'autographes,
J'ai effleuré d'un doigt ton short
mouillé collant
Et j'ai senti ta queue et tes couilles
ballant;
Toi, tu t'es laissé peloter sans
faire gaffe.
Malgré ta chaîne en or qui vole par
à-coups,
Malgré les cheveux longs qui te
mangent le cou,
Ce n'est rien moins que Dieu pour
moi que tu incarnes.
Imitant la posture humble du
musulman,
J'attends que tu me fasses hurler
méchamment
En me collant ton but tout droit
dans la lucarne
MELEES
1.
Héros aux bras robustes noués dans le môle,
Vos nez cassés et plats vous donnent l'air râleur.
Vos oreilles tirées ouvertes en choux-fleur
Sont des bijoux cassants martelés dans la tôle.
Vous avez le regard noir des gens qui
s'enrôlent,
L'accent du sud profond, le ton vif et
hâbleur,
Le ventre des buveurs de bière, la couleur
Rose des beaux bébés, mais du poil aux épaules.
Vos mollets à l'ovale charnu, ces ballons,
Jaillissent des bas comme de jumeaux melons.
Dans vos corps de géant un seul détail détonne:
Si vous abattez un mec d'un revers de main,
Entre vos jambes larges comme des colonnes
Ne se niche souvent qu'un sexe de gamin.
2. La bagarre est virile et les mêlées
sont chaudes
Les coques en plastique frottent
dans les poings;
La
boîte à gifles s'ouvre à tout espoir de point.
Fourchettes et coups bas insidieusement
rôdent.
Les
piliers, se courbant, dans un « han » se taraudent;
La fumée des corps chauds flatte
leur embonpoint.
On grogne, on pleure, on crie mais
on ne cède point,
On se bourre au hasard de coups de
pieds en fraude.
Le talonneur furieux a sèchement
mordu
Une oreille, arrachant un bout
d'ourlet tordu;
Son vis-à-vis s'est relevé saignant
et pâle:
Le demi d'ouverture alors a
chuchoté
Au fautif mâchouillant le cartilage
ôté:
« L'arbitre n'a rien vu, cache la
preuve: avale! »
3. C'est à l'homme et demi, au gros, au
roc, au boeuf,
A la montagne à la pilosité
trompeuse
Que je m'attaquerai, profitant des
rugueuses
Altercations créées par mon numéro
neuf.
Lui déchirant son short sous l'oeil
inquiet des keufs,
Méprisant les sifflets de la foule
houleuse,
Je lui mettrai un doigt au cul
criant: « hein? Gueuse,
Je l'ai rentré profond, tu es plein
comme un oeuf! »
Et si pas un de mes coéquipiers ne
bronche,
A coups de pieds il me défoncera la
tronche;
Mais tant pis, j'ai parié, je serai
courageux.
S'il m'en laisse le temps,
j'ajouterai, cynique,
Regrettant qu'il soit la victime et non
l'enjeu:
« Si tu n'aimes pas ça, dis-moi
pourquoi tu triques?»
4. LES GAGNANTS
Dans le bassin étroit la forte
odeur de chlore
Se mélange aux vapeurs de
champagne, d'alcool;
Les vainqueurs parodient les
plongeurs de haut vol.
Les chants et les hoquets ont
commencé d'éclore.
Les joueurs échangent des tapes
indolores,
Se coulent par bravade et
s'attrapent au col:
L'un se lave les dents en
compissant le sol,
L'autre avec volupté lâche un pet
inodore.
La presse vient jeter sur leurs
ébats secrets
Un regard amusé mais par trop
indiscret
Car serviettes et shorts ont glissé
sur les lombes.
Le basque assis dans l'eau dit à
l'interviewer
Tout en se masturbant sous son nez
sans pudeur:
« J'astique après le match pour que
la tension tombe... »
5. LES PERDANTS
Dans le camp des vaincus le
vestiaire bourdonne
De propos échangés tout bas entre
des pleurs.
Sur les torses velus des avants en
sueur
Les jeunes se rechargent en
testostérone.
« Je n'avais plus de jus » dit,
pour qu'on le pardonne,
Le trois-quart qui s'est blotti
contre le buteur,
Lequel, le consolant d'un index
chahuteur
A travers le short lui caresse la
colonne.
C'est ainsi que renaît dans ses
yeux la lueur
De la fraternité. Un sourire tueur
Sur ses lèvres s'inscrit, et c'est
l'eau à la bouche
Qu'il dit timidement en se
déshabillant,
Posant en strip-teaser, mais le
regard fuyant:
«
Punis-moi en m'enfilant à sec sous la douche! »
FAITS
DIVERS
1. « Monsieur le Président, j'ai dans le
caleçon
La preuve indiscutable de mon
innocence. »
L'accusé se dégrafe devant
l'assistance:
Tout le tribunal est parcouru d'un
frisson.
Autour du sexe on voit les
circonvolutions
D'un serpent tatoué, un détail
d'importance;
L'enfant, en ignorant l'imposante
présence
Ne l'a pas signalé dans ses
accusations.
« Que n'avez-vous plus tôt fait
état de la chose? »
Dit l'avocat général figé dans sa
pose.
« Si les jurés s'en remettent à mon
avis,
Paralysé de peur, la petite victime
N'a pu mémoriser ce laid dessin
intime:
Qu'on lui colle dix ans! » Les
juges ont suivi ...
2. Il a ingurgité urine et excréments
Et même les mégots éteints sur sa
poitrine.
Il s'est lavé les dents avec l'eau
des latrines.
Les fils dénudés l'ont secoué
vertement.
Sur son nez fracturé on a joui
sciemment.
On a fait brûler du papier entre
ses fesses.
Un pied de tabouret coincé avec
adresse
N'a pas laissé de traces dans son
fondement.
Sur les cinq mecs à cran partageant
sa cellule,
Trois se sont tus. Les chefs disaient: « Il affabule,
D'ailleurs il est en bonne santé,
et vivant! »
Les hommes sont méchants dès qu'on
les met en meute.
Aura-t-il plus de chance avec les
thérapeutes?
Il était déserteur. Il avait dix-neuf ans.
3. En décochant sa gifle, le maître de
stage
Réprimande en public son apprenti
retors:
« T'as pas honte, corniaud de
gueuler comme un porc
Pour trois claques au fion et un
pied de tringlage!
O.K. personne ne touchera à tes
fesses;
Certains des ouvriers même tendront
le cul;
Baise-les, tu n'auras plus à te
préoccu-
Per du métier: tout seul, il
rentrera sans cesse.
Va te plaindre: on rira! N'aies rien de plus pressé
Que d'apprendre la règle à ne pas
transgresser:
Je donne du travail aux derniers
prolétaires,
Sur la table je mets la viande et
le hâchis,
Mais dans ma boîte chacun suce sans
chichi,
Plombier, zingueur, couvreur,
patron ou secrétaire! »
INVOCATIONS
1. C'est à ton avant-bras aux poils roux
de renard,
C'est aux carreaux d'argent de tes
Ray-ban, molosse,
C'est aux crins de ton cou, c'est à
ta courte brosse
Que je parle ravi, mais pas à toi,
connard.
C'est à ta voix qui a des doigts
pour la cravache
Que je souris, c'est à ton alliance
d'or blanc.
Dans ta bague serrée je m'écorche
le gland,
Et je te baise parce que sur toi je
crache.
La haine et l'abjection me poussent
à jouir
De ta masse de chair qui a su
m'éblouir:
La bandaison est très mauvaise
conseillère.
Tu encaisses sans une plainte la
douleur,
Tu as honte, tu tends le cul pour
ton malheur:
Gerbe sur ton désir, vas-y,
fais-toi mal, serre!
2. O Seigneur, donnez-moi des ouvriers
balèzes,
Des flics au froc luisants tachés
de points laiteux,
Des facteurs roux et des électriciens
boiteux,
Des infirmiers pervers pissant sur
les alèses.
Faites-moi des garçons-bouchers aux
queues obèses,
Des camionneurs velus aux slips
noirs et douteux,
De blonds plombiers vêtus de bleus
moulant coûteux,
Et que ce zoo humain ne rêve que de
baise.
Apprenez-moi surtout dans l'action
à saisir
Ces astres, ces reflets imagés du
désir
Que le hasard met à chaque instant
sur ma route.
Bientôt je n'aurai plus la force de
branler
Ma queue frippée, et au lieu de ces
corps musclés,
Je n'aurai étreint que des espoirs
et des doutes.
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