lundi 12 février 2018

Au Rendez-vous des orphelins - Acte III




ACTE TROIS



Quelques heures plus tard. Au lever du rideau, la scène est plongée dans l'obscurité. Harold entre.


HAROLD : Il fait noir comme dans un coupe-gorge ! Maxime ? Personne ! Qu'est-ce qu'ils trafiquent ?

Harold allume, Maxime sort de la chambre, en uniforme. il rajuste les derniers détails de sa tenue, ferme le col, remonte le nœud de cravate.

MAXIME : Tu vois, je me préparais pour aller au boulot. Bon Dieu, ce que je suis fatigué !

HAROLD : Où est Catherine?

MAXIME : Chut ! dans la chambre, elle... dormait.

HAROLD : Je suis content de constater que tu es revenu à de meilleurs sentiments vis-à-vis d'elle. Alors, elle va rester avec nous ?

MAXIME : Je le crains.

HAROLD : Qu'avez-vous fait ?

MAXIME : Bah, nous avons... nous avons tué le temps.

HAROLD : N'est-ce pas, elle est merveilleuse?

MAXIME : Ecoute, Harold, il faut que nous ayons une discussion sérieuse.

HAROLD : Oh, inutile, l'inspecteur Schneider m'a déjà tout expliqué.

MAXIME : Ce n'est pas vraiment de ça que je veux te parler. La situation n'est pas aussi simple que tu sembles le penser. Cette femme qui est dans notre chambre nous a menti à tous les deux.

HAROLD : Voilà que tu recommences !

MAXIME : Ce n'est pas du tout ce que tu imagines. Tu vas m'en vouloir certainement, mais c'est la vie qui m'oblige à te donner une leçon de choses.

HAROLD : Quelle leçon?

MAXIME : Tu crois sans doute encore que c'est le hasard, le merveilleux hasard comme tu disais qui a mis Catherine sur ta route ? C'est faux ! elle avait choisi de te rencontrer, elle savait qui tu étais, où tu habitais, plus que cela même.

HAROLD: Eh bien, c'est mieux encore ! N'est-ce pas cela même l'essence de l'amour, cette mystérieuse reconnaissance qui la poussait vers moi?

MAXIME (à part) : ça risque d'être plus difficile que je ne pensais ! (Haut) Mon pauvre Harold, tu n'a été qu'un instrument pour elle. Comment as-tu pu être naïf à ce point ! Toute cette comédie pour te séduire n'était qu'un moyen de m'atteindre.

HAROLD : c'est encore une de tes manœuvres. Je ne te crois pas Maxime.

MAXIME : Et que penses-tu qu'elle fasse dans mon lit ?

HAROLD : Ce n'est pas vrai. Tu n'en qu'un faux-frère !

MAXIME : Harold comment oses-tu ! Tu peux me traiter de tous les noms, mais pas ça !

HAROLD : C'est probablement pour mon bien encore que tu as couché avec elle. Mais pourquoi Maxime ? Tu savais combien c'était important pour moi.

MAXIME : Mais je n'y peux rien mon petit chat. Je te le jure, elle m'a forcé.

HAROLD : Toi?

MAXIME : Cette femme, comme toutes les femmes, est une incarnation du diable. Nous étions là, à discuter paisiblement : et avant que j'ai compris ce qui m'arrivait, ses mains n'étaient posées sur moi et me déshabillaient.

HAROLD : Exactement comme moi !

MAXIME : Elle m'a envoûté avec ses caresses abjectes.

HAROLD : Oh Maxime, ce que tu me racontes me fait tellement mal.

MAXIME : Tout cela ne serait pas arrivé si tu n'avais pas cessé de me faire confiance, car enfin c'est toi qui l'as ramendée ici.

HAROLD : Je me repens Maxime, si amèrement maintenant... Mais ce n'est pas grave, je vous aine tous les deux, nous ferons bon ménage, même à trois. Nous nous partagerons ses faveurs et son emploi du temps. On ne pouvait pas rêver mieux.

MAXIME : Je ne crois pas que Catherine l'entende ainsi.

HAROLD : Ce n'est pas possible, tu l'as dressée contre moi. Hier soir elle m'aimait.

MAXIME: Elle feignait, vieux truc de métier !

HAROLD : Je veux l'entendre de sa bouche.

MAXIME : Si te couvrir de ridicule est la seule façon de te convaincre, je n'ai aucune objection, mais il ne faudra pas venir pleurer dans mon giron. Je ne vais tout de même pas passer ma vie à consoler tout le monde dans cette baraque !

HAROLD : Catherine, Catherine, dis-moi que tu ne m'as pas abandonné !

Catherine entre, finit de rajuster son déshabillé.

CATHERINE : Tant de lits dans cette maison, et pas moyen de dormir ! En aurez- vous bientôt fini de vos disputes ?

MAXIME : Harold veut te parler.

CATHERINE : Je vous écoute, mon petit Harold.

HAROLD : Pourquoi êtes-vous soudain si distante avec moi?

CATHERINE Autant prendre tout de suite de bonnes habitudes. C'est plus correct ainsi. Lorsque Maxime m'aura épousée…

HAROLD : Épousée ?

CAI'HERINE : Ah ? Il ne vous a pas dit ?

HAROLD : Mais comment pouvez-vous ? Vous étiez si fragile, perdue, vous vous blottissiez dans mes bras avec des mots d'amour. Vous vouliez être ma petite sœur.

CATHERINE : Je serai votre belle-sœur. Je vous aimerai comme un frère.

HAROLD : Mais moi Catherine, je vous aime.

CATHERINE : C'est tout ?

HAROLD : Que vous faut-il de plus ?

CATHERINE : Des preuves de vos allégations. Je ne sais pas moi, forcez un peu votre imagination, roulez-vous à mes pieds, dites que vous m'adorez.

HAROLD : Et quelles preuves puis-je donner, meilleures que celles de cette nuit-même.

CATHERINE : Précisément, cela non plus ne c'est pas apparu comme des plus convaincants. Vous êtes encore un enfant Harold, et votre frère, lui, est un homme… à condition de le pousser un peu.

HAROLD : J'apprendrai.

CATHERINE : Poussez-vous, vous me faites perdre mon temps.

HAROLD: Catherine, je vous adore, je n'ai jamais aimé que vous.

MAXIME (à part) : Je la tuerai. ou bien lui, ou tous les deux ensembles !

CATHERINE : Et comment voulez-vous que l'on vous prenne au sérieux, petit garçon ? Cessez vos caprices et vos enfantillages. Si vous persistez à nous faire de pareilles scènes, il nous faudra nous en aller.

HAROLD : Non, vous ne pouvez pas me laisser ! Oh Maxime, dis quelque chose !

CATHERINE : Maxime et moi parlons d'une seule voix maintenant. Il faudra vous habituer à cette idée. Et puis soyez heureux, vous serez bientôt tonton.

HAROLD : Ah, c'est une farce que vous me faites ?

Silence.

C'est impossible, comment auriez-vous fait ? Ce n'est qu'une supputation? Et comment savez-vous d'abord ?

MAXIME : Le mystère de la conception…

CATHERINE : Voilà, l'opération du Saint-Esprit. Rappelez-vous Harold, c'est inexplicable, mais c'est la destinée !

Elle sort.

MAXIME : J'aurais voulu t'éviter cette scène pénible, petit frère, mais elle me tient en laisse. Je ne peux pas lui échapper.

HAROLD : Qu'allons-nous faire ?

MAXIME : Ah si tu m'avais écoute !Je te parlais d'expérience. Je me suis trouvé pris au même piège. Et dire que si elle n'avait pas débarqué hier soir, notre vie aurait continué son cours paisible, heureux, serein. Mais à quel prix ! Dieu l'a voulu, et nous, pauvres créatures, ne sommes pas libres de désobéir à ses injonctions. (Un temps.) C'est pour ça que j'ai tué sa sœur. Tu sais que je ne suis pas un méchant homme. Je t'assure que je n'y ai pris aucun plaisir. Je n'avais pas d'autre solution ; elle voulait nous séparer avec son enfant.

HAROLD : C'est affreux !

MAXIME : N'est-ce pas? La même histoire ! Je ne pouvais pas savoir qu'un deuxième exemplaire identique jusqu'au moindre détail allait nous tomber subitement du ciel.

HAROLD : C''est horrible, tu l'as ?..

MAXIME : C''était une criminelle, elle avait assassiné un .homme, pour de d'argent, tiens, regarde ! Je n'ai été que le glaive de la Justice immanente.

HAROLD : Mais ce sont les boucles d'oreille de Catherine?

MAXIME : Elle les a apportée pour me faire chanter, tu comprends maintenant que tout ce que j'ai dit était la vérité... toute nue ?

HAROLD : Comme je la hais, elle m'a humilié, et maintenant elle voudrait t'avoir à elle pour te faire du mal.

MAXIME : Et tu ne la laisseras pas faire, hein, Harold ? Il faut y remédier.

HAROLD (se ravisant brusquement) : Tout compte fait, cela mérite réflexion. C'est une décision grave. Et puis, qu'ai-je à y gagner ?

MAXIME : Nous allons boucler les malles, partir ensemble loin dans un pays au soleil on il y aura des plages, de d'alcool et des femmes.

HAROLD : Des femmes ? Tu m'as toujours empêché d 'avoir des relations normales avec les gens de mon âge. Tu étais jaloux de tout ce qui me passait entre les mains, les jouets, les gens, la nourriture même. Tu voulais t'approprier tout ce qui me faisait plaisir. Déjà à l'orphelinat.

MAXIME : Une sombre prescience de l'avenir sans doute.

HAROLD : Tu m'as exploité Maxime, tu as profité de ma jeunesse, mais je suis devenu adulte en une nuit.

MAXIME : c'est toi qui l'as attirée chez nous, c'est à toi de nous sortir de ses griffes.

HAROLD : Qu'elle t'emmène, je serai enfin libre !

MAXIME : Quelle ingratitude ! c'est la jalousie qui te fait parler. Tu ne le penses pas et je le sais. Si c'est ainsi, autant dire toute la vérité à Schneider. Il nous conduira tous les trois en prison, et là, nous serons vraiment séparés pour longtemps. Tu sais comment ce sera ? Comme l'école et l'orphelin, en pire ! Harold,: mais je ne serai plus là pour te protéger.

HAROLD : Non, pas la prison.

MAXIME : Alors, il faut te montrer raisonnable.

HAROLD :Tu sais bien comme je suis maladroit ; ça ne marchera jamais.

MAXIME : Un petit geste, et clac, en trente secondes à peine, tout sera comme avant.

HAROLD : Je ne veux plus que tout soit comme avant, je ne veux plus être ton domestique et m'humilier dans des travaux féminins.

MAXIME : Mais Harold, je n'ai jamais rien exigé.

HAROLD : Et mon amour propre quand je lavais ton linge sale !

MAXIME : Je ne pouvais pas savoir que tu en souffrais. Souviens-toi Harold, avant son arrivée tu n'avais jamais été malheureux. Mais maintenant, j'ai compris, c''était une leçon pour moi aussi. Désormais nous vivrons sur un pied d'égalité, et même si tu veux, ce sera à toi de faire le grand-frère.

HAROLD :Tu feras le ménage ?

MAXIME : Le ménage

HAROLD : Et la lessive ?

MAXIME : Et la lessive.

HAROLD : Et la vaisselle?

MAXIME : Et la vaisselle.

HAROLD : Et la cuisine ?

MAXIME : Bah... nous verrons... Je t'en prie Harold, le temps presse, Schneider a dit qu'il revenait ce soir, le moindre impair peut nous être fatal. Nous aurons tout le loisir de négocier plus tard quand tout sera réglé.

HAROLD : C'est qu'il y a peu de chance que je retrouve une si belle occasion.

MAXIME : Tu es d'un égoïsme confondant tout de même ! Ai-je hésité une seule seconde lorsqu'il s'est agi de faire la même chose pour toi ? Non, j'ai tué la poule aux œufs d'or.

HAROLD : Tu as de ces mots !

MAXIME : Au point on nous en sommes, il serait oiseux d'ergoter sur le vocabulaire. Agir, c'est tout ce qui compte. Tu veux me prouver que tu es un homme ? Tu n'auras jamais de meilleure occasion non plus.

Maxime défait le lacet de sa chaussure.

Notre histoire est exemplaire, unique. Nous sommes le jouet d'un piège à retardement. Nous ne pouvons pas lutter, Harold : tu sais bien qu'il n'y a pas d'autre solution. Sois à la hauteur de ce que te dicte ton destin, et rejoins-là dans la chapelle. Va, cours, vole et nous venge !

Harold hésite, prend le lacet et sort.

Ah, je ne pourrais jamais supporter cette attentat.. Pourvu qu'il ne se laisse pas détourner de son but par des pensées lubriques…

Mme PAMELA (dans d'escalier) : Hou-hou, monsieur Maxime ? Tout s'est arrangé n'est-ce pas?

MAXIME (criant) : Vous pouvez rentrer chez vous, madame Paméla, tout va pour le mieux !

Mme PAMELA: Justement j'ai pensé que pour fêter tout cela nous pourrions peut-être boire une coupe de champagne, histoire de me faire pardonner le dérangement que je vous ai causé.

Elle entre, une bouteille de champagne à la main. Elle ne la pose pas.

MAXIME : Ce n'est pas sérieux, comme ça un jour de deuil !

Mme PAMELA : Je noierai mon chagrin dans d'alcool.

MAXIME : C'est très gentil à vous, mais vous savez bien que je ne bois pas, ça me rend violent.

Il la reconduit à la porte.

Mme PAMELA : Oh, vous êtes tellement beau dans la colère, on croirait un tigre. Et dans votre tenue officielle en plus ! Monsieur Maxime , vous ne m'en voulez plus ?

MAXIME : Mais de quoi , de quoi ?

Mme PAMELA: Il faut me le dire, j'ai besoin de savoir.

MAXIME (à part) : Comment me débarrasser d'elle ? (A Paméla) Ah vraiment, vous trouvez que l'uniforme me va bien ?

Mme PAMELA : Oh, si j'osais, Monsieur Maxime…

MAXIME : Eh bien, osez, que diable ! Qu'on en finisse ! Mais nous pourrions peut-être discuter de tout cela plus en privé.

Il l'entraîne vers la chambre.

Mme PAMELA : Mais, monsieur Maxime, c'est si soudain...


MAXIME (dans la chambre) : Ah quelle heureuse idée d'avoir apporté cette bouteille !

On entend un choc, un petit cri, plus rien.

La voila calmée pour un moment. Circulez M'sieurs-dames : y a rien à voir !

Après quelques secondes, Maxime sort de la chambre, valises en main. Il ferme la porte et commence à ramasser les vêtements qui traînent et les entasse dans les valises. Il ne voit pas entrer Schneider qui est monté sans bruit mais entend la porte qui se referme.

Tu en as mis du temps pour résoudre cette affaire.

SCHNEIDER : Qu'est-ce qui me vaut cette familiarité inattendue ?

MAXIME : Ah, c'est vous Inspecteur. Vous m'avez fait une peur mortelle. A-t-on idée aussi d'entrer sur la pointe des pieds.

SCHNEIDER : Habitude professionnelle. Vous partez en voyage ?

MAXIME : Euh... Je remballe de vieux vêtements pour la kermesse des œuvres de la police.

SCHNEIDER : Elle est passée depuis à peine quinze jours. Vous vous y prenez tôt pour la prochaine.

MAXIME : Harold et moi, nous avons décidé de partir en week-end.

SCHNEIDER : Comme c'est curieux ? un dimanche soir.

MAXIME : La vie devient insupportable ici ; je déménage ! Si seulement tout le monde cessait de me courir après et voulait bien me laisser tranquille. Juste une petite heure.

SCHNEIDER : Votre état n'a fait qu'empirer durant la journée, mon petit. Votre santé psychique me donne les plus graves inquiétudes.

MAXIME : Les femmes, docteur, Je n'en peux plus, elles sont toutes après moi comme des pieuvres.

SCHNEIDER: Nous allons boire, en brave garçon que nous sommes, un grand verre d'eau : et causer de tout cela tranquillement. Asseyez-vous. Et cette activité compulsive ! le soudain besoin de tout empaqueter, quand cela vous est-il venu ?

Mme PAMELA (dans la chambre, d'une voix de femme ivre) : Ah Maxime…

SCHNEIDER : Ah, je vois, on ne chôme pas chez vous, même le dimanche. Vous auriez dû me dire que je vous dérangeais. Ce n'était vraiment pas la peine de vous mettre dans des états pareils.

MAXIME : Inspecteur, qu'allez-vous croire ? C'est madame Paméla, ma logeuse.

SCHNEIDER : Encore! Elle a décidément la manie de tourner de l’œil précisément dans votre lit ! Un nouveau malaise sans doute ? J'ai toujours admiré cette faculté qu'ont les femmes à s’évanouir précisément au moment et à l'endroit opportun.

MAXIME : Inspecteur, vous ne pensez tout de même pas que…

SCHNEIDER : Avec vous, mon garçon, rien n'est plus susceptible de me surprendre.

MAXIME (à part): Je n'aime guère ces insinuations.

SCHNEIDER : Remarquez. Je vous comprends fort bien, moi-même quand j'étais jeune, j'avais un penchant accusé pour les femmes mûres. Elles sont plus généreuses en chair comme en espèces. Tenez, par exemple, l'abbesse qui tenait ce pensionnat de jeunes filles, une femme remarquable, une main de velours dans un gant de fer, avait un joli béguin pour moi ?

Mme PAMELA (faiblement): Eddy, Eddy: je t'ai attendu toute ma vie…

SCHNEIDER (un peu confus) : c'est incroyable ce pouvoir qu'ont les lieux de faire surgir en nous des souvenirs qu'on croyait définitivement enterrés. Pour un peu je croirais l'entendre encore qui m'appelle. Dans ce monde mélangé, par prudence, je m'étais fait surnommer Eddy, alors qu'en réalité mon vrai prénom est Frédéric.

MAXIME : C'est incroyable en effet !

SCHNEIDER : Vous ne saviez pas ?

MAXIME : C'est tout à fait curieux, mais figurez-vous que mon premier pronom dans l'Etat-civil, est aussi Frédéric. Mais personne ne s'en est jamais servi. A l'orphelinat tout le monde m'appelait Max, Max par ci, Max par là, par plaisanterie, comme si je n'avais pas eu d'identité. Alors à la longue, l'est moi qui me suis coulé dans le surnom, et pour le justifier j'ai rajouté Maxime derrière Frédéric sur les extraits d'Etat-Civil.

SCHNEIDER : c'est un délit.

MAXIME : Mineur.

SCHNEIDER : Il est vrai, nous ne sommes plus à ça près. Mais quelle troublante coïncidence : ainsi nous partageons le même prénom ? Ne vous disais-je pas hier au soir que la vie a plus d'imagination que nous ?

MAXIME : La journée d'aujourd'hui suffirait à convaincre n'importe qui de la pertinence de votre remarque !

SCHNEIDER : Et le meilleur peut-être est encore à venir.

Mme PAMELA (tambourinant à la porte) : Pourquoi m'as-tu frappée avec cette bouteille ? Je te veux, ouvre-moi, ouvre-moi !

SCHNEIDER : Et en plus vous les enfermez ! Quel homme !

MAXIME : Vous entendez bien qu'elle délire.

Mme PAMELA: Je me suiciderai si tu ne m'ouvres pas.

SCHNEIDER : Quel tempérament de feu!

On entend sauter le bouchon de la bouteille de champagne.

C'est trop fort ! Se tuer sous mon nez, c'est de la provocation!

Il ouvre la porte de la chambre à coups de pied.
Mais elle n'est même pas morte !

Il renifle.

Saoule sans doute, et au champagne en plus ! on. ne se refuse rien… Ce visage !.. J'ai déjà vu cette tête-là quelque part…

Il porte avec précaution la bouteille sur la table.

Quant à l'arme du crime. mettons-là de côté, nous la boirons plus tard.

MAXIME : L'arme du crime ? N'exagérons rien, Je n'ai tué personne aujourd'hui. Je veux dire, c'est un malencontreux accident, elle s'est assommée toute seule sur le bois de lit.

Mme Paméla surgit de la chambre, se jette contre Maxime et lui frappe la poitrine à petits coups de poings.

Mme PAMELA : Le salaud, le salaud, ! il m'a collée enceinte, et m'a abandonnée.

MAXIME : A son âge ? Cette femme a perdu la raison !

SCHNEIDER : De quoi parlez-vous, madame ?


Mme PAMELA : Je partie me cacher bien loin, ma mère ne pouvait pas me garder à la maison, ça nuisait au commerce... Et puis, qu'auraient dit les voisins ?

SCHNEIDER : Vous voulez dire que vous êtes la fille de... Ce n'est pas Dieu possible ! Thérèse !

Mme PAHELA : Eddy ? Oh mon Eddy, mon Eddy, mon Frédéric, j'ai toujours su que tu reviendrais !

SCHNEIDER : Ah, Thérèse, modère tes transports, laisse-moi respirer et revenir de ma surprise.

Mme PAMELA : Comme tu as vieilli, et grossi, et perdu tes cheveux.

SCHNEIDER : Voilà bien les femmes ! on ne se voit pas pendant vingt ans ; et tout de suite les mots qui blessent. Tu n'as pas rajeuni non plus.

Mme PAMELA : Après tout ce que tu m'as fait ! C'est avec toi que j'ai perdu ma jeunesse.

MAXIME : Comment ? vous vous connaissez ?

Mme PAMELA: Si nous nous connaissons ? il demande si nous nous connaissons ? Je n'étais pas encore majeure quand il m'a violée pour la première fois.

SCHNEIDER : Violée me parait excessif, et une accusation grave à l'encontre d'un représentant de l'ordre.

MAXIME : Pour la première fois ? Ne vous semble-t-il pas optimiste et utopique de croire qu'on puisse se faire violer plusieurs fois par le même homme ?

SCHNEIDER : Et puis cela faisait partie des coutumes d’hospitalité usuelles dans cette maison.

Mme PAMELA: As-tu songé à mon déshonneur ?

SCHNEIDER : J'étais si jeune, Je ne pouvais pas réparer, il y avait ma carrière... Mais nous n'allons pas nous disputer, Thérèse, pas déjà ! Vois, je reviens animé des meilleures intentions. Nous sommes vieux tous les deux, et seuls... et moi non plus je n'ai jamais ai... Euh, désiré personne d'autre que toi. Maintenant que tu es devenue une honnête propriétaire immobilière, vivant de rentes locatives, je ne vois plus d'opposition majeure à notre mariage.

Mme PAMELA : Je crois que je vais m'évanouir.

MAXIME : Ah non, je vous assure, cette fois-ci cela ne nous sera d'aucune utilité.

On entend des bruits de lutte, un hurlement « au secours, au feu, à l'assassin ».

SCHNEIDER : Alors on ne peut pas s'absenter deux heures sans trouver la maison sens dessus-dessous !

Il se précipite dans la direction des cris.

MAXIME : Oh je suis fait, Seigneur, à moins d'un miracle... S'il vous plaît, un tout petit miracle pour votre serviteur.

Schneider revient, tenant Catherine par le bras et Harold par l'oreille, tous deux en tenue légère, l'air penaud.

SCHNEIDEZ : Allons, on ne vas pas jouer bêtement à se tuer les uns les autres comme dans un mauvais film policier. Et en petite tenue en plus.

MAXIME (pas très sûr de lui, à Schneider) : Une querelle d'amoureux qui aura mal tourné peut-être ?

CATHERINE (désignant Harold) : Il a voulu m'assassiner, Inspecteur. C'est lui le maniaque qui a tué ma sœur.

HAROLD : C'est elle, Inspecteur, qui l'a étranglée parce qu'elle voulait s'approprier Maxime.

Mme PAMELA: Quelque chose a dû m'échapper dans l'enchaînement logique des événements.

SCHNEIDER : Assez ! Que tout le monde se mette à table !.. Euh, prenne une chaise et fasse silence... Madame, mademoiselle, messieurs, je vous ai réunis ce soir pour vous annoncer que j'ai résolu la mystérieuse affaire qui nous occupe. Car, j'ose l'affirmer, le coupable est parmi nous.

Tout le monde échange des regards suspicieux.

Mme PAMELA : Quelqu'un pourrait-il me mettre au courant ?

SCHNEIDER : Comment ? ta maison a failli être le théâtre d'un crime, et tu prétends ne rien savoir, Thérèse?

CATHERINE et HAROLD : Thérèse ?

SCHNEIDER : Si l'on m'interrompt tout le temps nous n'en viendrons jamais à bout... Cet après-midi, poussé par le sixième sens qui a fait ma renommée, je me suis rendu à nouveau à fin de perquisition chez la défunte Julia Martin, soupçonnant à juste titre que quelque détail capital avait pu échapper à la sagacité de mes collègues.

Mme PAMELA et MAXIME: Et alors ?

SCHNEIDER : Eh bien, en examinant à la loupe la chambre de la susnommée, j'ai découvert l'arme du crime... ce lacet, (à Maxime) si je ne m'abuse, mon garçon, celui précisément qui fait défaut à votre chaussure gauche.

MAXIME : Mais, ce n'est certainement pas une preuve... le modèle est fort répandu.

SCHNEIDER : c'est exact, si répandu en vérité que celui avec lequel il fait la paire s'était égaré dans la main de votre frère. Quel fâcheux exemple pour un garçon aussi influençable !

MAXIME : La démonstration ne tiendra devant aucun jury.

SCHNEIDEZ : Vous avez encore raison, mais les jurés ici présents n'auront pas manqué de remarquer qu'un objet suspect déforme votre poche à droite.

Mme PAMELA : Tiens ? c'est vrai !

SCHNEIDER : Voudriez-vous être assez aimable pour révéler à la sympathique assistance de quoi il s'agit. Il vous sera tenu compte de votre bonne volonté... Comment expliquez-vous la présence de ces boucles oreille -au demeurant ravissantes- dans votre poche ?.. Non, je vous arrête, inutile de vous creuser la tête, je n'avalerai aucune histoire saugrenue ; je me souviens fort bien avoir vu ces même bijoux portés par mademoiselle ici présente... Or, il n'y a pas quarante-huit heures, ces bijoux dormaient dans la mallette d'un diamantaire qui a eu la malencontreuse idée de rencontrer Julia Martin. Suis-je assez clair ?

CATHERINE : Mais, je ne comprends pas. C'est Harold qui me les a données.

MAXIME : Oui, oui, Harold et elle, ils ont tout manigancé, et ils se sont arrangés pour que les soupçons retombent sur moi.

SCHNEIDER (pour lui-même ): Les rats quittent le navire!

H AROLD : Mais max, tu avais promis, je la tuais, et en échange...

MAXIME : Il avoue, Inspecteur !

HAROLD : Vous ne les croyez pas, n'est-ce pas ? Vous savez que je ne suis pas coupable.

SCHNEIDER : Non, fiston. Vous ne valez pas la corde pour vous pendre. On ne retiendra contre vous que les charges de tentative d'homicide, de complicité assassinat au mieux.

Mme PAMELA: Si c'est un nouveau jeu de société, j'aimerais participer aussi. Quelles sont les règles ? ça a l'air amusant comme tout, et excitant à l'extrême toutes ces histoires de crime.

SCHNEIDER : Mais tais-toi donc Thérèse, et assiste, émerveillée, à l'instant de mon triomphe. Je vais même faire la une des journaux de province. Non seulement Schneider vous a capturé un fantôme, mais au lieu d'un coupable, il vous en livre deux. Que demande le peuple? N'ai-je pas fait bon usage de vos impôts mes chers concitoyens ? Songez à l'avenir de la France: votez Schneider !

CATHERINE : Mais, vous n'allez pas nous arrêter ?

MAXIME : Nous jeter en prison comme des criminels.

SCHNEIDER : Et comment appelez-vous les forfaits que vous avez commis ?

MAXIME : Un instant d'égarement, un moment de colère. Et puis c'était l'expression de la justice divine. Cette femme, après tout, la morte, là, ne venait-elle pas de commettre le plus abominable des crimes ?

SCHNEIDER : Et qui l'avait poussée à ces extrémités ?

MAXIME : Je vous le jure, Inspecteur : ce n'est pas moi, c'est Catherine, c'est elle qui a tout manigancé dans l'ombre et lui a suggéré d'assassiner le diamantaire.

CATHERINE : Ah, si peu! je n'ai fait qu’émettre une idée, à peine une supposition; suis-je responsable si elle m'a prise au mot. Et puis tu n'as pas de preuves non plus, Maxime. Personne ne soupçonnait mon existence. ni que nous étions jumelles.

Mme PAMELA : Ah, mon Dieu, jumelles, comme c'est étrange !

SCHNEIDER : Mais on se tue à te le répéter. C'est le nœud gordien de cette affaire.

MAXIME : Et le scandale, Inspecteur ? Avez-vous songé à l'uniforme que je porte ?

SCHNEIDER : évidemment, en l’occurrence, j'aurais préféré que mademoiselle se charge de toutes les responsabilités, mais sans son consentement et des aveux spontanés, cela risque de soulever quelques difficultés. Bah, après tout, nous en avons vu d'autres en matière de bavure. Je ne sais pas, nous dirons que sur le conseil de votre psychanalyste et la pression du stress, vous aviez démissionné deux jours avant le drame. Je remplirai les papiers adéquats. Nous trouverons toujours un moyen de mettre l'administration hors de cause, rassurez-vous.

MAXIME : Je refuse de passer pour fou.

SCHNEIDER : C'est maintenant l'affaire des experts. Vous n'êtes pas fou? Quelques mois de détention préventive vous convaincront du contraire. Vous verrez, vous deviendrez doux comme un agneau, vous nous supplierez de vous transférer à l'asile. Et puis,en France, on ne lobotomise pas encore régulièrement les maniaques sexuels.

MAXIME : Je me tuerai !

SCHNEIDER : Voila qui est mieux, je suis content de vous voir revenir à la raison. Et bien, l'enquête est finie. Je pense que ce que nous avons de mieux à faire est d'appeler nos collègues du commissariat et de laisser la justice suivre son cours. Ce n'est pas de gaieté de cœur, mais je n'ai plus d'autre solution. Aussi, si vous m'aviez demandé conseil, je vous aurai évité de commettre des bourdes.

Mme PAMELA:: C'est terrible, je vais me retrouver toute seule dans cette grande maison.

SCHNEIDER : Je serai là Thérèse.

Mme PAMELA : Mais je les aime tellement ces petits, tu ne peux pas leur faire ça le jour de nos retrouvailles, Eddy !

CATHERINE, HAROLD et MAXIME: Eddy ?

SCHNEIDER : Eh bien soit Thérèse, en l'honneur de nos fiançailles, organisons une dernière petite fête improvisée, mais ensuite, pas de quartier, tout le monde au violon !

CATHERINE : Oh, comme c'est gentil, du champagne, quelqu'un a pensé à mon anniversaire.

Mme PAMELA : Qu'avez-vous dit ? votre anniversaire ?

CATHERINE : J'ai vingt-deux ans tout juste aujourd'hui.

Mme PAMELA : Et vous aviez une sœur jumelle qui s'appelait Marie ?

MAXIME : c'est le coup sur la tête qui l'a rendue extralucide !

Mme PAMELA (à Schneider) : Et toi qui allais la conduire en prison. Malheureux! Comment ne t'es-tu pas rendu compte ! Catherine est notre fille ! Et dans l'instant où je la retrouve, j'apprends la mort de sa sœur, si bien que je ne sais si je dois pleurer de joie ou de douleur.

CATHERINE (horrifiée) : Comment ? Je suis la fille d'un flic ?

Mme PAMELA: Tu devrais montrer un peu plus de respect pour les cheveux blancs de ton père.

SCHNEIDER : C'est impossible, un encore, je veux bien, à la rigueur, mais nous n'avons tout de même pas eu trois enfants !

Mme PAMELA : Deux ans après, tu as de nouveau abusé de moi Eddy, et j'en ai conçu des jumelles. Je suis retournée dans cette clinique du Nord on j'avais accouché de notre premier-né. C'était à la campagne, un coin charmant, que des orphelinats, des institutions d'enfants inadaptés, des casernes et des maisons de retraites. J'ai déposé mes filles devant le pensionnat des Tulipes Roses, j'avais remarqué cet établissement au nom bucolique lors de mon précédent voyage. Il n'était qu'à cinq cents mètres de l'orphelinat des Pâquerettes Bleues où j'avais pu placer notre fils. Oh, il était si beau, il te ressemblait tellement. Je l'avais appelé Frédéric, comme toi.

MAXIME : Comment ?

SCHNEIDER : Tu ne veux pas dire ?..

Mme PAMELA: Eh bien oui, J'avais pensé que comme ça ils ne seraient pas loin les uns des autres, que peut-être la voix du sang les ferait se reconnaître, si le hasard voulait s'en mêler un peu.

SCHNEIDER : Eh bien vous en avez fait de belles, le hasard et toi ! ou bien le sang de ces petits parlait bien haut pour reprendre tes métaphores hasardeuses…

MAXIME : Mais alors, vous êtes ma sœur ?

CATHERINE ! Et vous mon frère, quelle horreur !

MAXIME : Et vous ma mère madame Paméla, je suis le petit Frédéric de l'institution des Pâquerettes Bleues.

Mme PAMELA : Mon Dieu, quand je pense que nous avons failli… Ah c'est affreux, que de bonheur ! Toute notre famille enfin réunie !

SCHNEIDER : Cela complique singulièrement notre problème et ajoute à la liste de nos chefs d'inculpation le fratricide et l'inceste.

CATHERINE : Oh mon Dieu, mais alors, l'enfant que je porte…

Mme PAMELA : Je vais être grand-mère ? Oh, c'est plus que je n'en peux supporter en une seule journée.

MAXIME : Mon fils est mon neveu, et je suis mon propre beau-frère !

SCHNEIDER (à MAXIME) : Et toi, tu ne pouvais pas faire un effort et devenir homosexuel ?

MAXIME (montrant Harold de la tête) : C'est que… j'ai bien essayé… Mais… à force de réticences.

SCHNEIDER : Quel soulagement tout de même de comprendre que l'affection trouble que je nourrissais à votre égard, Maxime, n'était qu'un sentiment des plus honorables, inspiré par l'amour paternel.

CATHERINE : Pourquoi a-t-il fallu que la même tragédie se reproduise à nos dépens ?

Mme PAMELA : Quoi d'étonnant à cela ? tel père tel fils !

HAROLD : Les chiens ne font pas des chats.

SCHNEIDER : Ah, modérez vos comparaisons ! Je n'ai jamais tué personne, moi. Ou bien par excès de zèle, dans un moment d'inadvertance.

Mme PAMELA : Quoi qu'il en soit, tu ne peux pas traîner en prison tes propres enfants.

SCHNEIDER: Jamais père de famille se trouva-t-il devant situation plus cornélienne ? Il parait évident qu'à la lumière des dernières révélations nous devons sérieusement reconsidérer la solution de l'énigme. Ce n'est tout de même pas de ma faute si ton fils, ce petit imbécile, n'a rien trouvé de mieux que de trucider sa sœur. Et puis, moi aussi je pourrais te dire « telle mère, telle fille ! » et où cela nous mènerait-il?

Mme PAMELA: Un ton plus bas s'il te plaît. Ne nous disputons pas devant les enfants.

SCHNEIDER : Quoi de plus normal dans un ancien magasin de blanc que de laver son linge sale en famille ? Il me faut un coupable, à moi ! Si je ne résous pas cette affaire, fini les éloges de la presse, au placard, Schneider.

HAROLD : Je m'en voudrais d'interrompre vos effusions familiales, mais moi, qu'est-ce que je deviens dans tout ça ?

SCHNEIDER : Ah, c'est gentil de vous dévouer. Évidemment vous êtes seul au monde, vous, vous n'avez plus de famille. Le profil du criminel idéal, la cour vous trouvera des circonstances atténuantes.

CATHERINE : Et en plus il a essayé de m'étrangler.

MAXIME : Si tu t'avise de nouveau de toucher un cheveux de ma sœur, il t'en cuira Harold.

Mme PAMELA : Un débauché qui a suborné ma fille !

HAROLD : Mais non, je ne veux pas, je ne vous laisserai pas faire ; vous m'avez tous poussé, je le dirai à la police, je porterais plainte pour détournement de mineur !

SCHNEIDER : Je ne m'y risquerais pas si j'étais vous, on ne sait jamais comment ça finit. Avec nos collègues, le moins on en dit, le mieux on se porte.

MAXIME : C'est vrai, il en sait trop.

CATHERINE : C'est une menace pour nous.

Mme PAMELA : Toujours devant nos yeux, un éternel reproche.

SCHNEIDER : Ne nous emballons pas, mes enfants. Si la violence conduit parfois à quelques résultats dans nos bureaux, l’expérience aurait dû vous apprendre que les solutions qui paraissent les plus radicales en imagination nous entraînent malgré nous dans des complications sans fin. En un mot, le crime ne paie pas. Nous ne nous tirerons de cette histoire que tous ensemble ou pas du tout. Nous sommes au fond de braves gens, prête à aider Harold de tout notre cœur comme notre fils ou notre frère... Si le bonheur de cette famille en dépend, je suis prêt à lui sacrifier ma gloire professionnelle. A défaut de légion d'honneur, je resterai en lice, au vu de ma nombreuse progéniture, pour l'ordre du mérite.

CATHERINE : Comment ferez-vous pour étouffer l'affaire ?

SC HNEIDER : En France, on s'arrange fort bien de tous les scandales. Et à quoi servirait la Justice sinon ? Nous mis à part, tout le monde ignore encore ton existence, Catherine, et le parfum de surnaturel qui a baigné cette affaire pourra nous servir à jeter de la poudre aux yeux. Le diamantaire, se rendant compte qu'il a été empoisonné aura eu la force dans un dernier sursaut d'étrangler son agresseur.

Mme PAMELA : Mais bien sûr ! Comme dans Roméo et Juliette : il suffira de fournir une paire de chaussures réglementaires et le tour sera joué.

MAXIME : Nous vous serons éternellement reconnaissants papa.

SCHNEIDER : Ah, ne vous prévalez pas de nos liens de parenté pour m'appeler papa pendant le service, agent... Schneider.

MAXIME : Ne m'appelez plus ainsi, je ne me sens plus digne de porter cet uniforme. Je vais démissionner.

SCHNEIDER : Voilà justement la bêtise à ne pas faire. Pour attirer l'attention sur toi ! Ce n'est pas une petite crise de conscience qui va te faire gâcher ta carrière sur un coup de tête. C'est que j'ai de l'ambition pour mon fils, un brillant sujet. Avec mon appui, tu graviras les premiers échelons, tu deviendras inspecteur, puis commissaire, préfet, qui sait ? ministre peut-être, la vie est tellement pleine d'imprévus… Allons, l'avenir nous sourit. L'entente de notre cercle familial sera plus tard citée en exemple... Mais pourquoi cet air sombre Catherine ?

CATHERINE : Je songe à cet enfant qui ne connaîtra pas l'affection de son père.

MAXIME : Il serait peut-être judicieux de recourir à une intervention chirurgicale.

SCHNEIDER : L'avortement est un crime ! Une famille chrétienne comme la nôtre ne saurait le tolérer. Nous trouverons une meilleure solution… Il me semblait hier que vous vous entendiez bien Harold et toi ? Rien ne s'oppose plus à ce que vous convoliez en justes noces. Ta mère et moi nous nous installerons dans mon appartement.

Mme FAMELA: Mais pourquoi ? J'aime cette maison. N'est-ce pas le berceau de notre famille?

SCHNEIDER : Justement, je ne tiens pas en rentrant à l'improviste à te trouver de nouveau dans le lit de mon fils. Quelle qu'en soit l'explication, cela n'est pas correct.

CATHERINE : Moi ? Épouser Harold ?

SCHNEIDER : De cette façon, au yeux du monde, les apparences seront sauves. Je ne comprends pas ton étonnement.

CATHERINE : Mais il a essayé de m'assassiner !

SCHNEIDER : Bah, c'est l'amour! Beaucoup de couples finissent par en arriver là après vingt ans de vie commune. Vous, au moins, vous aurez commencé le roman par la queue. Ainsi vous pouvez être sûrs d'éviter le pire. Catherine vous plaît, n'est-ce pas, Harold ?

HAROLD : Et puis nous pourrons continuer à vivre avec ton frère, ma chérie ?

SCHNEIDER : Nous vous laisserons le fond de commerce qui te fera vivre comme ta mère avant toi et sa mère avant elle. Je vois d'ici l'enseigne : Au rendez-vous des orphelins, hôtel de luxe, mobilier d'époque.

Mme PAMELA:: Et nous couronnerons cette rude journée par un double mariage, n'est-ce pas mon Frédéric ?

SCHNEIDER : Ah, un détail encore, il faut me remettre les bijoux compromettants.

MAXIME : Ne pourrions-nous pas les conserver? Oh, juste pour leur valeur sentimentale, naturellement. Nous les offririons à ma sœur pour ses noces.

SCHNEIDER : c'est trop risqué mes enfants, et vous ne vous en déferiez qu'à vil prix. Je sais au contraire comment faire le meilleur usage possible de la prime que versera l'assurance. Cette somme ne sera pas de trop pour supprimer du dossier toutes les pièces susceptibles de nous compromettre. J'ai des relations, soit, mais tout travail mérite salaire ; et c'est en les traitant bien que l'on conserve ses amis. L’honnêteté de nos jours est un luxe hors de prix ! Mais je parle, je parle... il se fait tard et nous n'avons pas dîné. Que diriez-vous d'aller prendre ensemble notre premier repas de famille ?

Mme PAMELA : Partez devant mes enfants, votre père et moi, nous avons encore tant de choses à nous dire.

Harold sort au bras de Catherine, suivi par Maxime.

SCHNEIDER : Eh bien, qu'avais-tu de si pressé à me confier ?

Mme PAMELA : Ils feront bien durer un peu l'apéritif.

SCHNEIDER : Oh, ce regard, Thérèse !.. Comme ça ? là, tout de suite?

Mme PAMELA : Il y a si longtemps Frédéric.

SCHNEIDER : Au même endroit, sur la banquette du train.

Mme PAMELA: J'ai toujours su que sous tes dehors puritains, tu cachais le cœur d'un grand romantique.

Ils s'enlacent.

SCHNEIDER :Prenons garde tout de même à ne pas donner un grand-oncle à notre futur petit-fils.
Jusqu'ici l'éducation de nos aînés n'a pas été une franche réussite.

Mme Paméla s'allonge sur la banquette.

Mme PAMELA: Maintenant que nous sommes redevenus maîtres de notre destin nous saurons éviter les écueils de la vie... Oh Frédéric, viens, que mon corps puisse enfin cesser de d'attendre.

SCHNEIDER :Veux-tu me faire plaisir Paméla? Appelle-moi Eddy, ça me rappellera ma Jeunesse !

Rideau.

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