mercredi 24 mai 2017

La Transmigraton d'Alcide III

              Livre 3: Centauromachie




                 


J’ai vu les cavaliers déferler sur la Grèce
Caracolant au loin couverts de lourds manteaux
D’écarlate, cachant leurs cuisses et leurs fesses,
Dressant sur l’horizon leurs corps monumentaux.

J’ai vu se profiler sur le couchant étale
Leurs formes divisées brandissant des couteaux
Issue de l’incendie et de la colossale
Nuée où se fondaient leurs ombres en troupeaux.

Je les ai vu mêlés à leurs frustes montures
Gardians la pique au poing pourchassant les taureaux
Encerclant leurs bestiaux sous les sombres ramures 
Rangeant leurs glaives tachés de sang au fourreau.

J’ai vu leurs sabots rythmiques frapper la terre,
Soulever la poussière en tourbillons nitreux,
Dans leurs crins roux flamber le désir adultère
Que ne reflétait pas leurs tristes yeux vitreux.

Dans le lit des torrents quand je perdais leur trace
J’ai remonté leur piste en bravant le courant
N’emportant que l’arc et ma massue dans la chasse,
Tout seul, au seuil des morts, dans l’antichambre errant.

Je n’avais plus chevaux, cocher, ni équipage
M’en retournant à pied pour noyer mon chagrin ;
Le statut des proscrits m’avait-il rendu sage
Ou avais-je toujours comme autrefois un grain ?

Maniaque dangereux dans ma course cyclique,
Je ne peux contenir dans mon bras l’assassin,
Le jour bon compagnon, la nuit, cyclothymique,
La raison dans mon cœur s’obscurcit à dessein.

Ne vous fiez pas à moi, je tue tout ce que j’aime,
Toute chair caressée n’est que sable en mes mains
Mes promesses ne sont que brûlants anathèmes,
Immatures fruits secs tombés de l’arbre à pains.

Je n’ai jamais planté sur le bord des rivières
Que de gris peupliers, bosquets de cyprès blancs,
Le deuil pendu comme à ma selle l’étrivière
Se noue à mes talons en fardeau accablant…

Je me souviens d’un temps où la mer intérieure
Baignait les bords conjoints de l’Olympe et l’Ossa
Avant que je ne trace une brèche majeure
Dans les rocs de Tempé où mon poing s’enfonça,

Que traçant une issue pour le fleuve Pénée,
Je ne vide la Thessalie comme un bassin
Ouvrant un delta dans la Méditerranée,
Ne gardant que du lac Nessonis le dessin.

Fallait-il vous laissez envahir ces rivages,
Chevaux venus d’Asie en rudes conquérants,
Et mon travail fit-il pour vous ce paysage
Y portant le chaos et vous déshonorant ?

Noués à la monture au rythme qui vous berce,
De l’amble au grand galop je vous vis parader,
Hybrides arrachés au fin fond de la Perse
Aux oreilles percées et aux grands yeux fardés,

Indiens dont le pubis se fondait à la robe,
Dont la croupe au poil roux se parait de damiers
Aux abdominaux en carrés qui se dérobent
Dans le poitrail saillant imitant des palmiers.

Les chevaux, les chevaux, leurs pas frappent la plaine
Ils font trembler la terre au bruit de leurs sabots
Soulevant tourbillons dans la rapide traîne
De l’envol de leur course où l’homme est un nabot.

Chevaux humains, vautours mêlés en d’autres places,
Hyppolectyons aux pattes et à queue de coq,
Bucentaures taurins combatifs et tenaces
Ou Néphèles ailés comme des oiseaux-rocs,

Toutes formes issues des fantasmagories
Vous font le pur produit de l’imagination
Mais aux temps héroïques j’en vis les scories,
C’était le début de mes pérégrinations.

Mon père au ciel m’a dit « va chasser cette race
Ils deviendront féconds pas leur hybridation
Arrête les avant que leur ardeur vorace
Ravage les progrès des colonisations,

De ces pieds-de-chevaux nés de coïts infâmes
Fais de frustes gaillards, de francs agriculteurs,
En maîtres dominant pour tout épithalame
Change ces noirs chevaux rustres et culbuteurs

Sépare l’agrégat des froides créatures
De la mer qui naîtront de l’inceste et du rut
J’ai choisi l’homme et non le succès des vultures
A mon image je t’ai fait violent et brut

Je t’ai créé pour que ta force les soumette
Des centaures je t’ai voulu le toréro
Que l’homme malheureux bine son champ de blettes,
Va c’est ma volonté, réduis-les à zéro ;

Il fallait un ordinateur pour les cavales
C’est toi qui en feras le successeur du bœuf
Dans l’ordre renaissant du monde occidental
Tu leur assigneras enfin un emploi neuf

Tu les asserviras sous le joug des charrues
Ils perdront le langage et l’arrogant orgueil
Ils ne sèmeront plus la terreur dans les rues
Des cités qu’ils épiaient avec leur unique œil

Tu es là pour boucler le temps mythologique
Que mon geste a créé en désordre, achever
Ce que j’ai fait au détriment de la logique
Grever d’un ordre humain ce que j’avais rêvé. »

Tout cela malgré moi je ne l’ai vu qu’en songe,
Pourquoi m’avoir rêvé au fil de l’écheveau
Comme je fus fileur l’étrangleur à rallonge
Qui réduirait à quia la race des chevaux ?

Je n’étais jusqu’alors en psaumes et en laudes
Que l’exterminateur de fauves et des lions
Je présidais à l’éruption des sources chaudes
J’y groupais les humains, obséquieux, par millions

Conducteur de troupeaux je regroupais dans l’aire
Les hommes qui semant font repousser le grain
Et contraint mais vainqueur de toutes les misères
Je dois mener ces veaux sous ma verge d’airain ?

Chevaux ailés, je m’en vais trahir votre horde
Qui m’a donné cet ordre de servir l’humain ?
De cueillir dans la boue ces fleurs bleues qui débordent
Des ravins afin de les grouper dans mes mains ?

……………………


Centaures vous voulez à jamais nous poursuivre 
Croyant par la violence et le feu des frictions
Faire plier les dieux pour que l'enfer délivre
Ixion lié sur la roue de sa crucifixion;

Doctes et respectés au sein de votre race
Chiron au cap Malée s’est détaché de vous
Pholos s’est retiré dans sa grotte à sa place ;
Dionysos avec lui m’a fixé rendez-vous.

Humblement retiré dans la forêt humide
Devant son antre il cultivait son potager
Un genou replié sous son lourd corps hybride
Dans la tourbe fertile il paraissait nager

Profil bas, replié comme par la fatigue
J’approchais doucement pour ne pas le fâcher
Tendant dans ma main droite une olive et la figue
Cueillie dans le bosquet où je m’étais caché :
………………………..


« Nous nous étions promis, dis-je, dans un autre âge,
De nous revoir, toi qui sus calmer les instincts
De ton peuple livré à l’ivresse et l’outrage ;
Je te trouve binant les racines du thym.

Tandis que tes sujets sont partis pour la chasse,
Toi, civil instructeur, seigneur en ton jardin,
Au marcheur affamé accordes-tu la grâce
De s’allonger à table au bord de tes gradins ?

Si je suis revenu c’est que j’avais en tête
De régler quelque compte avec mes vieux amis,
Halcyone souffre encor du rut fou de la bête
Qui en la bousculant la tua à demi. »

Pholos leva les yeux de son carré d’avoine
Dit souriant : « c’est pour raviver le conflit
Que longtemps tu as cherché un prétexte idoine
Et le viol de la sœur d’Eurysthée l’a rempli.

Je doute que tu viennes poussé par ton maître
Chercher querelle à ceux que nous pourrions cacher ;
Le responsable, Homade, est déjà mort en traître,
Sa tombe n’est pas loin si tu veux t’y pencher.

Si tu le souhaites j’offre un coin de ma caverne
Où tu pourras dormir et causer, et manger :
Il ne sera pas dit que comme un ours j’hiberne
Oubliant mes devoirs envers les étrangers. »

Pholos s’est assis sur ses jambes de derrière
Il entasse du bois pour nourrir le foyer
Je pose au coin de l’âtre ma massue guerrière
J’ôte ma peau de lion afin de festoyer.

« Chez nous autres, peuple sauvage des centaures
La coutume veut qu’on mange le gibier cru
Mais je vais le rôtir pour que tu te restaures,
Mon dégoût de la chair dût-il en être accru. »

Or, bientôt rassasié de rôtis et de viandes,
J’ai demandé à boire à mon amphitryon :
« De quoi sert ce tonneau s’il faut que je quémande ?
Il était convenu que nous le percerions ! »

-Je ne suis que gardien de l’énorme barrique,
Le Dieu qui l’a donnée fit ce cadeau commun,
Nous laissant avec lui ce présage cynique
Que le jour d’y goûter on en viendrait aux mains.

-C’était avant que ne commence mon histoire ;
Depuis plus de trente ans, il avait tout prévu :
Un étranger viendra te demander à boire,
T’avait-il dit, voilà, c’est moi qui suis venu !

Comptes-tu échapper aux prophéties divines ?
Quel que soit notre choix le destin s’accomplit,
Rouages réglé de l’infernale machine
Nous sommes impuissants pour en ouvrir les plis.

Il t’avait dit que tu mettrais toi-même en perce
Ce fût, que tu boirais avec moi le vin pur,
Que l’issue n’était pas évitable, donc verse,
Puisque pour l’avenir le pire est toujours sûr. »

Pholos s’est résigné, bientôt il m’accompagne
Cédant au bouquet capiteux de ce nectar
Plus son fumet s’épand, plus la chaleur nous gagne ;
Pour jouir de la chair, il n’est jamais trop tard.

Voici que l’heure vient des basses confidences
Et des mots égrillards que nous nous chuchotons
Je sens l’excitation m’envahir en cadence
Tandis que devant moi il traîne à croupetons :

Ma main s’égare sur le poil gris de sa cuisse,
Il s’ébroue au contact parcouru d’un frisson
Lentement tout mon corps contre son ventre glisse,
Ses bourses dans mon poing vibrent à l’unisson.

-Je n’ai jamais connu la croupe des cavales
Tu restes insensible à tout mon baratin…
-C’est te souiller, dompter ma moitié animale,
Je m’en voudrais de te barbouiller de crottin.

Vouloir me pénétrer c’est abuser de l’hôte ;
Je ne m’en défends pas je suis hospitalier…
-Dans la nuit écoulée c’est un rêve qu’on m’ôte…
-C’est un long cauchemar qu’on franchit par palier…

-Tends ta coupe, tends-moi ta croupe, dans l’ivresse
Fêtons l’union avant de funèbres combats,
Laisse battre ta queue sur celle qui te presse,
C’est moi qui suis le monstre et toi qui te débats.

Tu es humide et chaud où ton train se découple,
Mieux qu’au carreau de l’âtre je suis déplié
Aux lueurs des tisons aspiré par la souple
Brèche qui me sourit en voulant supplier.

Tu es si doux, tu es si fort, bois et me saoule !
-Berce mon intérieur au rythme lent du pal,
Qu’à ta gueule échappé le vin sur mes reins coule…
-Si le plaisir te vient, pour moi, hennis, cheval !

Toi qui ne fus jamais monté que par toi-même,
Sens le fardeau de l’homme embrassant ton garrot
Et sur ton front ridé se poser le diadème
Du don que tu te fis lui servant de fourreau.

Ce soir tout est parfait, de Pandore la boîte
Est à nouveau scellée qui contenait nos maux
Dans ta grotte, épuisées, deux formes qui s’emboîtent
Refondent le monde en des transports animaux. »

A bien limer enfin le plaisir vient à terme
Je suis emprisonné de par ses contractions
Nous glissons tous les deux dans la mare de sperme
Que Pholos a lâchée au milieu de l’action.

Mais voici que dans l'orgasme qui nous rassemble
L’orage intempestif gronde en se rapprochant
Un spasme nous disjoints sous nous la terre tremble
Des gravats du plafond tombent en ricochant

Les chevaux, les chevaux, les voilà qui piétinent
A l’entrée de son antre ils piaffent en ruant
Les centaures m’ont vu me nettoyer la pine,
Et l’un d’eux a poussé un cri tonitruant.

Anchios et Agrios se sont mis à leur tête,
Derrière eux Mélandrite et Thérée en soutien
Entourent Astylus, Isophée et les bêtes
Assoiffées par l’odeur que la cave retient.

Ils arrachent le drap qui nous masquait au groupe
Débandant, nu, je suis la cible des regards
Egrillards mais hostiles de toute la troupe ;
Sur moi s'est refermé le piège des soudards,

« Ça sent la chair brûlée, la nourriture honteuse
Nous a plus attiré que le parfum du vin,
Nous voulons boire aussi et laver la hideuse
Offense qu’on fit en baisant notre devin :

Allons sers-nous Pholos puisque tu dégoulines
De la semence dont t’a souillé ce pouilleux,
Dans l’ivresse noyant notre humeur assassine
Nous lui réservons un traitement périlleux. »

Les coupes passent de main en main, on s’agite,
On rit fort en me fusillant du coin de l’œil
Les centaures couchés sans qu’on les y invite
Pour m’empêcher de fuir ont encombré le seuil.

« Cet humain assista au banquet des Lapithes,
Il a contribué à notre humiliation
A ceux qu’il épargna il a tendu trop vite
Le couteau rituel de l’émasculation.

Quelle erreur se mêler à des guerriers sauvages,
Tu pensais chez nous être accueilli sans façon ?
Et pouvoir faire subir les derniers outrages
Au patriarche aimé d’un peuple de garçons.

Nous savons qui tu es et quel désir te ronge
Quel trésor tu cherchais que nous avons forgé ;
Qu’un hippopode ailé fut né c’était mensonge
Pour t’attirer parmi nous et mieux t’égorger.

Notre instinct nous a fait des ravisseurs de femmes,
Le coït zoophile est notre quotidien ;
Tu te crois supérieur à nous, violeur infâme
De vieillards ou d’adolescent sans poils pubiens ?

Nous sommes moins naïfs que les peuples farouches
Que tu as effrayé par tes rites obscurs,
Nous rejetons les lois proférées par ta bouche
Et chevaux nous restons orgueilleux et impurs. »

Je vois venir le coup, j’anticipe, j’attrape
La coupe aux vastes flancs que vient de reposer
Rhoetus, la projetant à la volée, je frappe,
De sang comme de vin le voilà arrosé.

Les outres et les vases instruments d’usage
Du plaisir, fendent l’air, redevenus soudain
Les armes redoutées de l’effrayant carnage :
Les pieds battent le sol mais je n’ai que dédain.


Je saisis un tison, en me brûlant j’écrase
La braise sur le front de Thérée dont les os
Déchirent le cerveau, sa crinière s’embrase,
Un œil arraché pend le long de son museau.

Mélandrite endormi en travers de la porte
Au milieu du tumulte à son verre agrippé
Ne sent pas le coup de javelot qui l’emporte
Quand son sang se mélange au vin de l’invité.

Dehors Démoléon arrache un pin antique
Pour servir de massue mais j’ai pris mon carquois
Et ma flèche le cloue à l’épais tronc conique,
Etonné d’avoir chu entraîné par son poids.

Mais voici que sur nous tombe la pluie d’averse,
La nuée a pleuré pour sauver ses enfants
Je glisse dans la boue et le troupeau adverse
S’enfuit en me jetant de lourds rochers tranchants.

Je cours, je cours tout nu dans la forêt humide,
Je n’ai plus que mon arc aux traits empoisonnés,
Je suis fouetté  par l’herbe et les ronces avides
Plantent leurs griffes dans mes mollets burinés.

Cavaliers débridés je vous suis à la trace
Aux Jeux, j’ai bien battu des chevaux au galop,
Vous me croyez moins résistants que votre race
Vous êtes obstinés mais moi j’ai le culot.

Je vois fuir dans la nuit les ombres tutélaires
Des victimes passées que les constellations
Répètent en miroir ; trois fois l’orbe solaire
Disparut devant moi avec ostentation.

Il n’y a rien tout au bout de la péninsule
Les monts de Laconie se jettent dans la mer
Le Péloponnèse en forme de main simule
Vers l’horizon le doigt médian d’un gant de fer.

Au large sans qu’on voie s’en détacher la côte
Il pointe vers Cythère asile des amants,
Sous les rochers Chiron demeure l’unique hôte
Des abris qu’épargnent tempêtes et tourments.

C’est parce que j’avais été un temps l’élève
De l’ermite reclus entre estran et ressac
Qu’en bord de plage votre chevauchée s’achève
Et que vous vous jetiez au fond du cul de sac.

Au milieu des écueils qui côtoient les abîmes
Espériez-vous trouver le vaisseau salvateur
Qui vous porte à l’écart des routes maritimes
Vers l’île redoutée par les navigateurs ?

Je n’ai pas attendu que le chant des sirènes
Disperse votre troupe affaiblie par les flots.
Ceux qui étaient restés embourbés dans l’arène
Ont servi de cibles mouvantes dans l’enclos.

Le premier trait, d’instinct, a chassé les plus fourbes,
Eurytos et Nessus ont rebroussé chemin,
Leurs ombres ont disparu au pied de la courbe
De l’arc en ciel montant sous leurs sabots d’airain.

Elatos s’est trouvé bras percé par ma flèche,
Et comme il l’arrachait tremblant sous le poison,
Vacillant il en a planté la pointe sèche
Dans le genou du miséricordieux Chiron.

Un enfant a surgi de l’intérieur de l’antre
Tendant les bras vers son malheureux précepteur
« N’y touche pas » fit le centaure en gestes, « rentre »
Tandis que j’approchais pour jouer les docteurs.

-Toi qui as revêtu les habits de l’enfance
Croyais-tu que je devais mourir sous tes coups
Que tu m’apporterais l’éternelle souffrance
De devoir implorer la mort par contrecoup ?

Dompteur à peine né qui tuais dans tes langes
Les serpents de la nuit, cœur-de-lion, toi guerrier,
Qui dans la sombre horreur des brumes et des fanges
A percé l’Hydre antique au souffle meurtrier,

Le plus beau, le meilleur, l’aîné des dieux propices
Qui sous ton œil radieux vis, libres, tournoyer
Les centaures cabrés au bord des précipices,
Dans l’étau de tes mains tu nous a tous broyés.

Ceux qui restent ne sont qu’à peine des menaces,
Et l’occasion viendra de les exterminer
Ils ne feront jamais concurrence à ta race
Et Ixion sur sa roue demeure laminé.

C’est en vain que je t’ai appris la médecine
Contre le sang du monstre point de traitement,
Comme la douleur lance et que le feu lambine
A m’envahir entier dans son embrasement.

Je n’ai plus qu’à prier afin que les dieux m’ôtent
Cette immortalité que Chronos me légua,
Temps suspendu, va-t-en, trouve-toi un autre hôte,
Quant à mon meurtrier faites-en le légat :

Qu’il aille délivrer toute la ribambelle
Des Titans enchaînés que l’aigle dévora ;
J’offre l’éternité à Prométhée rebelle. »
Il dit, Zeus ayant acquiescé, il expira.

Le retour sur mes pas fut cruel et morose
Sur la voûte du ciel les astres s’assemblant
Formaient le dessin neuf de la métamorphose
Du Sagittaire archer à Chiron ressemblant.

Poussé par la curiosité scientifique
Pholos s’était piqué le doigt en retirant
Du corps d’un combattant tombé la pointe oblique,
Il avait subi le sort de tous ses parents.

Dans sa cave à l’abri j’ai traîné son cadavre
J’ai pris un dernier verre et dit en le levant
« Bien joué Dionysos, même si ça me navre
D’être fossoyeur, car le dernier survivant ! »

Récupérant mes armes et ma peau de bête,
J’ai fait pleuvoir des rocs des sommets dégommés
Pour clore le tombeau ; ainsi prit fin la fête
Au mont Pholoé comme on l’a depuis nommé.
……………


Le rideau tombe sur ces frustes funérailles
Au coin de la ruelle au balcon suspendu ;
L’amphitryon dans sa tunique jaune paille
Aux buveurs attablés vient réclamer son dû.

-Un as la pinte, ce vin mêlé de vinaigre
Et le prix du spectacle exceptionnel compris !
Pardonnez à l’acteur son ton si peu allègre
Et le texte hésitant qu’il a fort mal appris.

S’il s’est par trop tenu entre épique et tragique
Le moment est propice au divertissement
Voici dans son morceau la césure agogique
Où le mime n’est pas que ralentissement. »

Dans la cellule aux murs chaulés qui nous enserre
Sans cesser d’observer les gestes de l’iti-
phallique comédien bientôt notre compère
Mon frère et moi lisons d’effrayants graffitis :

« Dans ce réduit, bravo ! pour bien moins qu’une obole,
Bellicus, le beau gars, avec son juteux dard
A bien baisé Hylas qui n’est vierge ni folle
Mais n’a eu pour dîner rien d’autre que mon nard »

Soudain surgit le portefaix qui nous enchaîne,
Victor le bien membré surnommé Pet-à-l’ail ;
Tout au long du couloir par lequel il nous traîne
On lit ces mots gravés dessous un soupirail :

« Il ne peut voir de queue sans remuer les lèvres…
Qui l’écrivit baisa, enculé qui le lit…
Ma mentule enflammée lui a collé la fièvre…
Les ours me suceraient si nous usions d’un lit ! »

On entre dans la salle où les ivrognes beuglent
« A poil, les empafés », Victor nous pousse nus
Sur la scène où l’éclat des torches nous aveugle.
Le cabaretier nous sonde par le menu :

Ses gros doigts boudinés nous rentrent dans les fesses
« Ah ! crie le souteneur, on nous aurait trompé :
La marchandise ne vaut plus quatre sesterces
Leur anus usagé est de foutre trempé !

Je paierai moins d’impôts sur la première passe
On ne peut enchérir sur vos virginités
Dans la pièce entamée nous tenterons l’impasse
Et vous y ferons jouer les utilités

Es-tu prêt comédien à nous donner le change
A baiser devant nous ces trous déjà conquis
Ces culs qui se tortillent que le rut démange
La brute sort de la coulisse et dit « A qui

T’adresses-tu aubergiste ? vois sur ma hampe
Les veines se gonfler en serpents menaçants
Quel personnage odieux requiers-tu que je campe ? »
La foule hurle « Prends-les » avec des cris perçants.

« Baise Alcide il est temps que le public se branle
Voici des heures que nous gobons tes récits
De la porte du conte ébranlons le chambranle
Distribue les rôles et montre-toi précis

Ici c’est Peep-show live on veut pour notre oseille
Voir en direct ce qui nous était annoncé
Ne pas jouir que de ta voix dans nos oreilles
Mais voir le sang jaillir de leurs culs défoncés

Allons joueurs de sistres, triangles, musique !
Qu’au rythme des crotales crache le serpent
Et de nous sortirons gutturaux et basiques
Le choral rituel du brutal viol rampant

Hermès aux talons ailés a joué de même
Avec moi je n’étais qu’un tout petit enfant
Gallus le gladiateur avec toute la crème
De l’arène est venu t’applaudir triomphant

-Chacun dit mon histoire comme ça l’arrange,
Moi-même je n’en sais que ce qu’on en prétend
Qu’on remplisse mon verre pour poursuivre l’étrange
Fable érotique que notre public attend

Ce soir vous voila réunis pour le théâtre
Baissons doucement la lumière des flambeaux
Laissons peu à peu le feu s’éteindre dans l’âtre
Fondus dans la pénombre enfin nous serons beaux

Que sur nos corps la lumière de la poursuite
Trace le halo d’or qui nous rend surhumains
Remplis ma coupe et je déclamerai la suite
Sous la lampe brisé, me branlant à deux mains.

Oui je vais vous baiser avant que le conclave
Des patriciens contrits viennent vous réclamer
Vous qui ne saviez pas misérables esclaves
N’être que les lutteurs sur le stade acclamés »

      -Reprenons, où en étions-nous dans cette daube ?
Les chevaux souviens-toi tu n’étais qu’un valet
Et ton corps de géant dans les lueurs de l’aube
Ciselé se découpe sur le chevalet.


-Sur la barre de bois mal assis je chevauche
Et son faîte coupant me cisaille le cul
M'arrachant la peau du scrotum lorsque j'ébauche
Cette défloration qu'achètent vos écus


Qu'on m'amène l'aîné pour subir les outrages
Sens-tu comment le gros gland granuleux d'un grec
Procède sans merci au violent débourrage
En rythme le public murmure « A sec ! A sec ! »

Et pour te divertir pendant que je te lime
Je te raconterai comment j’ai nettoyé
Au risque de perdre de mes pairs toute estime
Un royaume, trente ans sous la merde noyé.
………………


Les chevaux, les chevaux dans la fange pataugent,
Ils mourront étouffés si l’on n’y met pas fin,
Les grands bœufs assoupis aussi devant leurs auges
Si l’on y prend pas garde vont mourir de faim.

De chevaux, les écuries d’Augias étaient pleines,
Pour ces animaux je n’avais pas de passion,
On m’avait envoyé là comme homme de peine,
C’était tout le sens de ma nouvelle mission :

On y trouvait aussi des vaches par centaines,
Des troupeaux de cochons répandus alentour,
Chèvre à l’avenant et bœufs blancs à la traîne,
Qu’on disait éternels dans leurs brillants atours,

Donnés par le Soleil à sa progéniture
Car la fable contait qu’Augias le roi fermier
Avait reçu d’Helios sa terrible stature ;
Des fils du soleil ce n’était pas le premier…

S’il avait un penchant poussé pour l’élevage,
L’hygiène semblait inconnue de ce pays
Dont le sol n’était plus qu’un puant marécage ;
La bouse et le crottin avaient tout envahi.

Des combats inégaux je revenais indemne,
On voulait me salir en me faisant porter
La fiente par kilos résolvant le dilemme
De ma quête imprévue de l’immortalité.

A ma course en avant tentant de mettre un terme,
Mon malséant cousin avait avec humour
Pensé m’utiliser comme valet de ferme
(Le métier d’égoutier n’étant pas très glamour.)

L’erreur fut de vouloir négocier un salaire,
Alors que j’étais en service commandé,
Augias ne croyait pas au succès de l’affaire,
Dix pour cent du cheptel m’avait-il accordé.

Je pensais qu’un témoin me serait nécessaire
Et j’avais repéré un bel adolescent,
Phylée, cadet des fils du roi autoritaire
Qui sur mon corps jetait un œil concupiscent.

Suis-moi lui dis-je enfin, tu n’auras rien à faire
Qu’à me regarder nu suer et m’éreintant
Je dois travailler seul mais nous ferons la paire
Ton regard me fera me montrer épatant.

Après avoir creusé un portail dans la brique
Soutenant les extrémités des bâtiments,
Je gravis le chemin qui montait gentiment
Vers le panorama sur les vallées attiques.
Puis taillant à mains nues des canaux identiques
Je dérivais le cours des fleuves hardiment,
Le Pénée et l’Alphée joignant infiniment
Dans un seul confluent leurs eaux cataclysmiques.
Le flot balaya tout sans que j’y mis les poings
Il n’y surnagea que poules et quelques groins,
J’avais sauvé des eaux chevaux et bœufs étiques.
Après avoir construit des digues de ciment,
N’espérant pas d’Augias d’autre remerciement,
Dans ce lac neuf je fis un plongeon symbolique.

Au jeune homme resté accoudé à la berge,
Je criais « Rejoins-moi pour apprendre à nager »
Marquant l’étiage avec la pointe de ma verge,
Sûr que mon érection allait l’y engager.

Au bord de l’eau il laissa tomber sa tunique
Et cédant à mes bras musclés qui l’enlaçaient
Il roula contre moi dans les remous critiques
Sans se préoccuper des bergers qui passaient.

Les bergers nous ont vus quand regagnant la rive,
Je l’ai pris sur mon dos comme l’âne son bât,
Les laboureurs aussi et les cueilleurs d’olive
De loin ont assisté à nos brûlants ébats.

Les promeneurs venus attirés par la source
Nous ont vus rouler nus dans les prés adjacents,
Les astres nous ont vus, le Sagittaire et l’Ourse,
Tandis que je tenais ce discours indécent :

Regarde-moi droit dans les yeux quand tu me suces,
Que je voie dans les tiens le bonheur d’étouffer
Et tes larmes couler, alors que mon prépuce
Par ta gorge troussé, t’empêche de pouffer.

Regarde-moi quand ma main en coupe te flatte
Le menton, comme un chat, dessous les poils follets
De ce bouc clairsemé, lorsque ta bouche éclate,
Flûtiste exsangue qui goba son flageolet.

Regarde-moi aussi quand en bloquant ta tête
Du geste du joueur protégeant son ballon,
J’excite ta colère alors que tu halètes
Percé comme un fruit mûr par un trop gros bâton.

Ne ferme pas les yeux non plus quand je t’encule,
Je veux les voir rouler avec le blanc rougi,
Le sourire crispé jusqu’à tes clavicules
Tressautant d'un rictus de pantin assagi

Stupidement désarticulé, avec tes quilles
Balançant dans le vide, en apnée, dans l’effroi ;
Je veux sous la poussée que tu les écarquilles
Ces yeux quand je t'aurai assis sur mon beffroi.

Je veux voir se figer ton regard de danseuse
Qui grimpe en suffoquant la côte aux flancs pentus
Tout injecté de sang par la plaie scrofuleuse
Que je creuse à grands coups de mon plantoir pointu.

Ce cul un peu trop gros, grêlé par l’urticaire
Dont le poil blond gravit les fossettes du dos
Qui promet d’être étroit, le tremblant reliquaire
De la jeunesse enfouie le signifiant fardeau,

Il sourit à ma queue qui sans huile s’y love,
Le sébum lubrifie ses globes rebondis,
Il tremble sous mes mains quand en pinçant j’innove
Pour en faire rougir le graisseux arrondi.

Car ton cul reste suspendu entre deux âges,
L’enfance n’a cédé qu’à l’élégant semis
De fourrure brossée dans un savant dosage
De virils crins droits et de coton insoumis.

Jusqu’à la nuit tombée je lui fis son affaire
Et puis me relevant toujours ferme et bandé
J’ai dit « Et maintenant retournons chez ton père
Chercher pour cet exploit le butin demandé. »

« Pour ton travail tu viens réclamer un salaire »,
Dit Augias, la bouche tordue par le mépris,
Comme ces frères architectes qui pillèrent
Mon trésor, dans l'écrin par leurs ruses construit :

Trop fier d'avoir usé de magiques remèdes
Pour mieux se ménager un soupirail secret,
A son propre collet le cadet, Agamède,
Un soir se trouva pris -ce n'était pas discret !

Trophonios -c'est l'aîné- par peur qu'on le démasque
Trancha la tête de son frère et les deux mains ;
Il les jeta sur l'or dans le fond de ses basques,
Puis vint me réclamer le fruit de son larcin.

Je n'ai pu arrêter l'escroc dans sa cavale…
On m'a conté plus tard qu'au nombre des forfaits
Des frères figurait la chambre d'or nuptiale
Où tu naquis adultérin et contrefait,

Tu n'as rien fait tu as laissé faire le fleuve
Et il a ravagé récoltes et troupeaux,
Il aurait mieux valu que j'attende qu'il pleuve
Que voir mes champs changés en mares aux crapauds.

Je retiens contre toi le prix de ton parjure,
Apporte moi la rançon de mon déshonneur
Puisque tu t'es vautré dans la pire luxure
Vantant aux su de tous ton ignoble bonheur ;

Tu as baisé mon fils non content de ma ruine
Prends-le cet avorton il n'est plus de ma chair
Tu t'es déjà payé au fond de le ravine
Et par les dieux, crois-moi c'était vraiment trop cher

Emporte ton giton et quitte mes provinces,
L'avaleur de ton sperme n'est plus de mon sang ! »
-Je sais qu'un jour, Augias, nous reviendrons en princes
Laver l'odieux affront de tes propos grinçants .

Malheureux étrangers chassés de ville en ville
Ne trouvant de refuge où que nous nous risquions
Hors d'Argolide enfin nous demandons asile
A la cité sans roi qu'on nommait Doulikhion

Mais voici que Coprée dépêché de Mycènes
M'arrache à mon amant tandis que nous baisions
Eurysthée bien caché me poursuit de sa haine
Menaçant la paisible cité d'invasion

- Ton maître ayant appris ta forfaiture enrage
Refuse de compter au nombre des travaux
Cet exploit pour lequel tu réclamas des gages
Vas à Stymphale et il t'absoudra de nouveau

Tu débarrasseras les marais de leurs stryges
Ces oiseaux carnassiers si friands des humains
Il te conseille afin d'éviter tout litige
Aux princesses du lieu de demander leur main

Car le temps est venu que les dieux te démasquent
Héra réclame que tu prouves par l'action
Qu'un mariage imminent mette fin à tes frasques
Ta promise fût-elle de basse extraction.

Avant de partir pour la prochaine tuerie
J'ai chassé l'étalon dans les monts alentour
A Phylée j'ai confié toute cette écurie
Pour qu'il les dresse en vue de mon prochain retour

Je lui dis : «  tu feras de ces mâles des hongres
Dociles impuissants à toute hybridation
Que ni monstre marin à faciès gris de congre
Ou centaures naisse de leur fornication »

J'eus tort pour l'occuper d'imposer cette tâche
Je ne devinais pas qu'il en prendrait le goût
J'aurais dû lui donner celui de la cravache
Mais d'avance sait-on ce que crache l'égout ?

Me voici de retour dans la forêt profonde
Chasseur adolescent prêt pour l'initiation
Ignorant et blasé des mystères du monde
Seul et indifférent à toute incantation

Il montait cependant du coeur du sanctuaire
Les mélismes stridents de l'aigle et du vautour
Et dans la voie lactée le cygne mortuaire
Dissimulait son col sous ses brillants atours

Je ne me mêle pas du culte des déesses
Je disperse la troupe à qui l'on veut m'unir
On priait en haut lieu que le scandale cesse
Me changer en époux afin de me punir

Les chimères d'airain ont la cuisse légère
Elles forment l'essaim des filles à marier
En moissonnant les champs dans leurs envols guerriers
Elles tuent les jeunes mâles qu’elles digèrent
Mais qu’un chasseur surgisse et creusant des terriers
Avec leurs becs d’acier les nuées passagères
Se replient en silence à l’abri des fougères
De les en dénicher il ne faut point parier
Athéna l'offensée m’a fourni des cymbales
Qui ont effarouché les oiseaux de Stymphale
Comme poulets rôtis je les ai appariés
Sur ma flèche embrochant les robustes mégères
Je les ai fait servir aux tables des bergères
En guise de banquet nuptial aux mets variés

Voleuses éhontées, filles déchues de reines
Dans leur envol vers quelques rochers désertés
Ces oiseaux par leur mue sont devenus sirènes
Gare à qui sur la mer des caps s'est écarté

C'est ainsi qu'elles ont prêté l'aile à ma tâche
Les centaures naïfs fuyant sur leurs vaisseaux
Oubliant qu'il fallait à leur mats qu'ils s'attachent
Se sont précipités dans les flots abyssaux

Sur l’île d'Anthémuse elles ont souveraines
Par leurs chants monstrueux rendu fous les paillards
Marins aventureux répandant la gangrène
Epouvantant d'un cri les plus hardis gaillards

Vainqueur je repoussai tout gage et tout hommage
Sûr que ce n'était qu' un grossier piège tendu
Par la gardienne céleste des mariages
-Belles filles pardon, mais je suis attendu.

A chaque jour suffit sa triste fin du monde
Tout gage ne m'est plus que ruines et déchets
Tristes colifichets où le clinquant abonde
Or battu recalé au bord du trébuchet

……..


A mon retour Phylée n'était plus un novice
Il ne se livrait plus sans lutter au bourreau
Il avait en castrant les chevaux pris le vice
D'infliger au couilles du bourreur le carreau

En refermant son poing fermement sur mes boules
Dès la première nuit après mon dur combat
Il écrasa comme la pâte dans le moule
L’ovale résistant de mes jumeaux abats

Avec délice il fit rouler mes testicules
L’un contre l’autre ignorant les spasmes profonds
De mon corps retenu par l’étau minuscule
Et je pliai sous lui comme la glace fond

Soumis je le laissais me malaxer les couilles
Et boxer violemment le consistant paquet
D’un uppercut il fit changer de camp la trouille
M'arrachant malgré moi les plus violents hoquets

Surpris par la vigueur de son initiative
Je ne pus que clamer ma peine en balbutiant
Comme il tirait plus fort dans sa ferveur hâtive
Je me pris à son jeu à demi inconscient :

« Serre moi les roustons fais grandir dans mes aines
La douleur sourde qui me remonte au nombril
Taris dans leurs canaux la multiple fontaine
Qui ne peut plus vider dans ton cul son baril

Frappe mets mon courage et ma force à l’épreuve
Claque moi les balloches fais les moi doubler
Qu’à mi-cuisses lestées elles balancent neuves
Impotentes comme un pendentif accablé

Tu me tiens tu me tires par les castagnettes
Qui torture le mieux les bourses du seigneur
Au premier hurlement je suis une tapette
Redoutant la pichenette de mon soigneur

C’est à couilles d’acier que joue ta main de plâtre
Dans le gant qui les serre à les faire éclater
Comme dans un fruit dur s’enfonceraient les quatre
Doigts qui les malaxent comme chair à pâté »

Tel que je fus esclave un jour aux pieds d'Omphale
Je demeurais poignets liés tête en retrait
Tandis qu'il me tenait en laisse par le phalle...
Le lendemain je ne lui trouvais plus d'attrait.

Je suis né premier et dernier de mon engeance
Je ne me couche à table que pour festoyer
Pour exercer sans fin sur la vie ma vengeance
Je lève des armées pour partir guerroyer,

Alors pour échapper aux tentations lubriques
J'ai promis à Phylée d'engager des soldats
Pour défoncer le palais d'Augias brique à brique
               J'ai vendu les sonnailles d'or de mon barda.

Les cavaliers velus sont nus sur leur montures
Mâles émasculées qu'ils chevauchent à cru
Sans équipage nous partons à l'aventure
Nous sommes victorieux sans combat -qui l'eut cru ?

Le peuple n'attendait que ce héros imberbe
Egorgeant le tyran au bruit de son retour
D'Augias ils n'ont laissé qu'un peu de sang sur l'herbe
Puis Phylée couronné m'a payé des débours.

Rendant Elis à son souverain légitime
Je poursuis mon travail de redresseur de tort
Bientôt après Augias Nélée est ma victime
Et j'assois sur son trône un successeur retors

Je ne compterais pas les exploits héroïques
Ni comment je blessai Hadès dans le combat
Mais voici le discours que je crachais stoïque
Au fils de ce tyran occis sur son grabat

« Quand l’âge t’aura fait champion de l’éloquence
Et que les héros grecs s’en moqueront à tort,
Voila ce que de moi, avec condescendance,
Tu pourras, pour briller, leur raconter, Nestor !

Sur la terrasse du palais aux toits en cône,
Nous voyons les vallées sans fortifications,
A Pylos où je t’ai installé sur le trône,
Détruisant ta lignée par anticipation.

Là dans des lits moelleux nous savourons les fastes
D’un repas éclairé par les premiers flambeaux,
Et le moins tu consens que je sois ton éraste,
Plus avance la nuit, plus je te trouve beau.

Nous sommes éventés par des serviteurs mâles,
Il monte un doux parfum de laurier des brasiers
Nos secrets pour toujours sont reclus dans des malles
Dont leurs doigts minutieux ont façonné l’osier.

J’ai délaissé pour toi les devoirs de famille,
J’ai combattu pour te rendre la liberté,
Tout serait idéal, passant sur ces vétilles,
Si tu voulais m’aimer sans toujours t’écarter.

Constamment dans tes yeux je croise le reproche
D’avoir exécuté tes frères un à un
Sans savoir que les dieux, pour la mort de tes proches,
T’accorderont le temps que j’ai pris à chacun.

Tu vivras dix générations, roi de Messène,
Ta vengeance sera dans ta longévité ;
Ce temps suffira-t-il à infléchir ta haine,
Ou dois-je m’efforcer de mieux la mériter ?

Sous les hauts murs de Troie à mon fils Tlépolème,
Tu conteras, vieillard, mes exploits à demi
(Je vois dans l’avenir…) tu pleureras quand même
Ce frère mort, transformé en aigle ennemi.

Tu prétendras que j’ai ravagé, inflexible,
Les cités de ton père, en un rire nerveux
Tu diras que j’aimais le guerrier invincible
En qui Cénis violée muta selon son vœu.

Tout ce qu’à l’avenir inventera ta verve,
M’est égal, puisque aujourd’hui je suis ton mentor,
Que tu m’aimes ou pas, pourvu que tu me serves,
Allons sans discuter, retourne-toi, Nestor !

Ouvre-toi au désir, souhaite que je t’encule
Estime-toi heureux que, content de ton cul,
Je renonce à te fracasser les mandibules,
Et qu’en bas seulement, je verse mon écu.

Sous moi, tel le centaure éventré par le sabre,
Accueille le pal froid dans tes chauds intestins,
Fais comme le poulain qui en ruant se cabre,
Accepte le dompteur car tel est ton destin. »

Des rebelles galants il survient qu'on se lasse
J'ai fait des rois de tous mes amants éconduits
Leur haine me poursuit quand nos liens se délacent
A voyager tout seul je suis toujours réduit

Las ! je n'ai plus d'élève et ne veux point de maître
Il ne me reste plus de guerres à mener
Que finir mes travaux avant de m'en remettre
Aux dieux qui m'ont toujours préféré mes aînés.


…………….


Me voici de nouveau à la croisée des routes
Où la borne d'Hermès montre le chemin vert
De son phallus tendu dans l'ombre duquel broute
Le bétail égaré par ses bergers pervers

Je saisis son pénis comme l'anse d'un vase
La pierre humide est chaude où se posent mes doigts
Sortant de la nuée coiffé de son pétase
Le dieu nu m'apparaît pour me dicter sa loi

-J'ai un fils, me dit-on près d'Oponte en Locride
Mais la loi m'interdit de tout lui enseigner
Sur son cou par mon vœu resserres fort ta bride
Sois l'initiateur que je lui veux assigner

Mets la voile à Cyros comme écrit sur ce socle
Prends pour chef Abdéros ses amis te suivront
Ne laisse à Ménétios que son vrai fils Patrocle
Promis à d'autres bras ce pour quoi nous oeuvrons

En rêve j'ai soufflé cette idée à ton maître
Crois bien que tu ne pars qu'avec sa permission
Avec l'aide des miens dès lors je peux promettre
Que tu viendras à bout au mieux de ta mission

Tu mettras fin en Thrace au règne de Diomède
Qui ne doit son pouvoir qu'aux ignobles chevaux
Dont il pense avoir fait l'imparable remède
Aux troubles fomentés par ses nombreux rivaux

Ares avait confié afin qu'il les enchaîne
Ces monstres à son fils mais il en abusa
Lorsqu'il les vit se sustenter de chair humaine
A les en sustenter Diomède s'amusa

Satyres, faunes, dieux, et moi Hermès le sage
Vénéré des prostitués et des voleurs,
De ses crimes fréquents nous avons pris ombrage
Et t'envoyons là-bas rétablir nos valeurs . »


…….


Il suffit d'un regard pour qu'Abderos m'enflamme
Sa suite nous poussa tout droit vers le bateau
Chantant à mâles voix le grave épithalame
Leurs bras entrelacés formaient un chapiteau

On m'emmène en croisière, en voyage de noces
Parmi tant d'aspirants sur quel poulain parier
A la barre qui se fera le plus véloce
Méritant le surnom de repos du guerrier

Quand l'amant désigné se montre envers moi tendre
Je l'offre résigné aux autres voyageurs
Sachant que son désir s'exacerbe d'attendre
En matière de sexe on me sait partageur

Je contemple ses jeunes suivants qui le couvrent
Sur la proue du vaisseau où je l'ai attaché
J'encourage leur zèle en espérant qu'ils l'ouvrent
Pour glisser dans son cul par leur sperme entaché

Etranglé du désir de complaire à la troupe
D'immatures guerriers élevés au secret
Il espérait que tous le baisassent en groupe
Qu'en mer il trouverait un asile discret

A plat ventre couché sur l’éperon qui grince
Grimaçant il dissimulait ses émotions
Gardant la réserve et la dignité du prince
Sous les maladroits qui limaient sans précaution

Que le viol rituel s'écoule sans sarcasme
Sans signe de douleur ni de gémissement
Qui trahisse la violence de ses orgasmes
Et nuise à la solennité de ce moment

Comme s'il avait vu de loin venir l'orage
En souffrant sous l'assaut de ses fiers compagnons
Il voulait me montrer l'étendu du courage
Qu'il mettrait à servir ma gloire et mon fanion

Lorsqu'il entra tout nu dans l'étroite cabine
Aménagée pour nous sous le gaillard d'avant
Il conservait toujours sa mine sibylline
Tentant d'une main de cacher sa queue se relevant

Souffle court, regard bas, rougissant de sa drisse
Il fixait mon énorme organe en s'extasiant
Le foutre lui coulait à l'intérieur des cuisses
Je lui tendis un bock de vin anesthésiant

J'avais enduit ma bite du même liquide
Pour qu'il puisse s'asseoir sur moi sans débander
Il approcha sans peur quand sa coupe fut vide
S'exécuta avant que je l'ai commandé

Il glissa sur le mat sans à-coup de lui même
Quand son cul posa sur mes couilles au rebond
Du premier va et vient il murmura « je t'aime »
Quand j'étreignis sa taille, il murmura « c'est bon ! »

« On me l'avait promis, dit il, et ça commence
Même si je deviens de cent vierges l'époux
Puisque d'un demi-dieu j'ai reçu la semence
Dans mes entrailles pour toujours battra ce pouls »

Aidé par le roulis, les sursauts du tangage
Je demeurais en lui rigide et impérial
Je lui fis l'amour jusqu'à la fin du voyage
Arrosant à grand jet son intérieur royal

Dans la nuit nous formons à douze l'escadrille
Pour monter à l'assaut à peine débarqué
Abdéros sur mon flanc seul traîne la mandrille
Claudiquant fièrement sur ses membres arqués

Diomède trop certain du pouvoir de sa harde
N'a pas posté de garde sur son campement
Ses soldats casernés ronflent dans leur mansarde
Nous infiltrons sans bruit le premier bâtiment

En nous réjouissant de pareille incurie
Nous progressons dans les couloirs enchevêtrés
Le labyrinthe étroit empeste l'écurie
Il soulève le coeur dès lors qu'on est entré

Nous butons sur ce que nous prenons pour des branches
Approchant nos flambeaux avec effarement
Nous découvrons des membres tranchés à la hanche
Dans le murmure au loin d'odieux hennissements

                Je dois le rapporter, même si ça me navre
                Nous devinons l'ombre d'un palefrenier nu
                Occupé à baiser les restes d'un cadavre
                Content il poussait des halètements ténus


                Il a suffi d'attendre l'instant qu'il dégorge
                Pour se jeter sur lui tout en le bâillonnant
                Dégoûtés à plusieurs nous lui tranchons la gorge
                Son sang sur le pavé s'écoule en  bouillonnant

                    Nous avons suivi le ruisseau dans la rigole
                    Sur le plan incliné du sol de l'abattoir
                    Jusqu'au haras central où les mares rigolent
Attendant qu'on les laisse en paix dans leur dortoir

Dans le cénacle nous ne pénétrons qu'à onze
Mon amant fut désigné pour faire le guet
Les chevaux enchaînés aux mangeoire de bronze
De par notre intrusion demeurent aux aguets

Les plaques sur le mur cantonnent à leur place
Podargos la rapide et Lampon le brillant
Deinos le terrible et Xanthos la jaunasse
Tous affamés soufflent le feu en sémillant

Nous leur jetons pour calmer leur faim convulsive
Le corps de leur geôlier qu'elles désiraient tant
Apaisées par ce don les cavales rétives
Nous laissent les mener vers les flots remontant

D'une hache improvisée je leur creuse une île
Je dis « Qui veut garder ces monstres en appât
Quand Diomède verra ses gardiens inutiles
Mâchouiller dans le vide et ne nous manger pas

C'est à moi que revient l'honneur et l'apanage
De veiller sur le sort des otages Vainquez
Je rejoindrais plus tard le vaisseau à la nage
De ma faiblesse amis vous pouvez vous moquer

Nos compagnons déjà encerclent le rivage
Pour un dernier baiser je reviens sur mes pas
Je découvre que dans le bras de mer surnagent
Un corps déchiqueté les reliefs du repas

Déjà dévoré par les vautours et les pies
Mon soupirant est dispersé par le courant
Mon amour démembré n'est que chair en charpie
Que ne l'ai-je tué moi-même en expirant

Tu es mort dévoré par la sollicitude
Des déesses jetant sur moi leurs sorts bâtards
Dors tranquille je n'ai que par trop l'habitude
Qu'on m'enlève ceux que j'ai chéri en retard

Te voila descendu au tombeau sans promise
A peine pourrons-nous rassembler tes morceaux
Je rêve du monde que par ton entremise
J'eus façonné sans carnassier et sans pourceaux

L’orgueil m'a traversé de vouloir être un homme
Malgré moi on m'a rappelé à mon statut
Je ne veux racheter rien de ce que nous sommes
Devant la destinée contrit je me suis tu

Diomède réveillé par le fracas des chaînes
Me poursuit avec son armée de fantassins
Je suis la cible désignée aux assassins
J'envoie voler ma hache au cou du roi J'enchaine
Fort d'un chagrin d'amour le coeur gonflé de haine
Je vois fondre la horde de ces marcassins
Qui plongent sans le voir tout droit dans le bassin
Creusé pour qu'ils s'y noient à l'orée des grands chênes
Ignorant les soldats dans le flux dérivant
Je m'empare du roi vaincu encor vivant
Sûr qu'il puisse jouir de sa lente géhenne
Je le projette aux pieds des mares dont l'essaim
De dents acérés se disputent le larcin
De lambeaux extirpés à sa grasse bedaine

Ainsi la chair de ce demi-dieu qu'ils dévorent
Calme instantanément l'appétit du troupeau
Erratique indompté de chevaux carnivores
Les peuples sans leurs rois trouveront le repos

Afin qu'à ce retour de la paix tous adhèrent
Sur les restes fumants du palais j'élevai
La cité que depuis on a nommé Abdère
Et décrétait les jeux que mon héros rêvait

On y célébrerait l'éternelle jeunesse
On y ferait l'amour sous le bruit des bravos
Tout y serait permis la luxure et l'ivresse
Seules seront bannies les courses de chevaux

Sous la haie de cyprès je contemple le fleuve
Mon deuil serve à ceux qui condamnés survivront
Ce n'est pas moi mais c'est ma douleur qui est veuve
Les oiseaux chantent les combats que nous livrons

Ciel étoilé je m'en remets à ta lumière
Mon espoir s'est dissous dans tes constellations
Pourrais-je regagner ma structure première
De plante du désert sans régénération

Les chevaux les chevaux la force percussive
De leurs sabots d'airain sonne en moi comme un glas
Je demeure l'errant qui va de rive en rive
Ma patrie n'est jamais qu'un miroir de verglas

Vient enfin le moment fatal que je repousse
D'achever le travail entrepris par erreur
Le roi Dexamenos m'appelle à la rescousse
Sur sa ville un brigand fait régner la terreur

Cet ennemi qui échappa à ma vindicte
C'est l'un des centaures que je n'ai pu tuer
Je dois accomplir ce que le devoir me dicte
Empêcher Eurytion de se perpétuer

Pauvre Dexamenos joué par les ménades
Quand Dionysos te fit deux filles dans le dos
Puis qu'Artémis fâchée transforma en pintades
Leurs sœurs dont le grand deuil lui était un fardeau

Elles pleuraient sans fin à grand renfort de violes
Méléagre encorné aux bois de Calydon
Pourquoi suscites-tu la rancoeur des bestioles
Dexamenos de qui requiers-tu le pardon

Voici qu'après avoir décimé ta famille
On t'envoie ce centaure afin de t'arracher
Ou ta ville ou l'honneur de ta dernière fille
Dont le monstre prétend qu'il s'est amouraché

Laisse moi te venger laisse grandir mon ire
Dissimulé parmi les invités je viens
Célébrer les joies des noces de Déjanire
On aura au menu du cheval ou bien rien

Au fatidique instant où sonnent les trompettes
Je lance ma massue cloutée sur le marié
Les pointes acérées lui arrachent la tête
Dispersant dans le sang son baiser avarié

..

- Ah, l'histoire est finie ? C'est un peu court jeune homme
La corne d'Amalthé t'en souviens-tu benêt
La fête qui battait son plein et toi qu'on nomme
Le nouveau fiancé malgré que tu en aies

Tu étais plus disert la semaine passée
Ton récit souffrait moins de tant d'imprécisions
Souffle le tavernier. Ta mémoire effacée
Refuse de livrer lz triste conclusion

Profitant de la joie de sa cour en délire
Dexamenos prudent plus que reconnaissant
Te force à accepter la main de Déjanire
Egarée par le choc de son amour naissant

Me voila promu de demi-frère beau père
L'Olympe est apaisée car c'est sans précédent
De faire Zeus grand-père et arrière grand-père
Le double aïeul de tous vos futurs descendants

La table étant dressée pour cette union précoce
Sur le cadavre d'Eurytion encor fumant
On célèbre aussitôt la fête de vos noces
Et l'ordre restauré dont tu es l'instrument

Parmi les échansons jalousement je veille
A remplir de vin fort ta coupe à profusion
Mon zèle à t'enivrer a toujours fait merveille
Et te voila bientôt en pleine confusion

Eunomos en te lavant les mains te réveille
Il te renverse sur les cuisses son bassin
Tu lui as un peu trop fort tiré les oreilles
Il s'écroule, et horreur ! Expire sur ton sein

Tu as déjà conté sous sa forme imparfaite
Semblable maladresse ; était-ce le moyen 
Pour efficacement te soustraire à la fête 
Que tuer par défi le seul fils du doyen ?
En vain Architélès son père te pardonne
Tu t'es déjà levé entraînant par la main
L'épouse s'écriant qu'il y a là maldonne
Que ta fuite en exil peut attendre à demain

« Nous consommerons le mariage sur la route »
Promets-tu, « et l'imbroglio se résoudra 
Sur notre honneur levons incontinent le doute
Et partons pour Trachis où Céyx m'absoudra »

Et maintenant Nestor ou celui qui l'incarne
Va nous conter la fin brutale du conflit
Puisque notre héros sur qui le sort s'acharne
Refuse d'assumer ce qu'il a accompli :

« Après deux jours de marche ils arrivent au fleuve
Mais il n'est pas question de le franchir à gué
En plus de leurs malheurs il a fallu qu'il pleuve
Au bord de l'Evénos les voilà relégués

Le temps était venu d'avoir l'air exemplaire
Les éléments dressaient des pièges impromptus
Malgré tout esseulés sur la berge ils campèrent
Et le ciel étoilé seul su leurs serments tus

Alcide au mauvais goût ne sait baiser qu'utile,
Aux femmes il ne veut que faire des enfants
Il ne prend son plaisir que dans les culs stériles
Des hommes dont il est l'esclave triomphant

Le dégoût l’envahit au fond des vulves molles
S’il n’y a de couloir étroit où s’écorcher
Par l’insulte et l’ordure ébaubi il s’accole
Aux troufions, aux cochers et aux garçons-bouchers. 

A celles qui voulaient il donna fils et filles
Les princes des nations se réclament de lui
La généalogie d'un long manteau l'habille
Il ne l'a pas tissé si son étoile y luit

Il n'avait que la force et peu d'intelligence
En témoignent ses doigts courtauds et ses poils drus
Expiatoire bélier promis à la vengeance
Géniteur indomptable en tout lit incongru

Vous ses fils n'imaginez pas que je l'accable
J'en ai assez souffert lorsqu'il me chevaucha
Satisfaire sa femme ! Il n'en fut pas capable
Pourquoi nier le réconfort qu'elle y chercha

Voici qu'au jour levant dans l'aube incandescente
Se présente un passeur trapu sur ses sabots
Autour du torse humain l'aura évanescente
Des rayons matinaux le rend terrible et beau

Le voyageur prétend ne pas le reconnaître
Lorsqu'il répond avec chaleur à son salut
« Je viens vous secourir dit Nessus et permettre
De traverser au sec sans barge ni chalut »

Ils savent que chacun tient l'autre sous sa coupe
Et l'exilé répond au sauvage animal
               «Soit, fais la traverser assise sur ta croupe
Je te paierai après le salaire intégral »

« Prends ma taille » ordonne Nessus à Déjanire
« Tes jambes de mon dos sont la prolongation
Sous mon ventre tu pends tandis que je transpire
Ne songe qu'à retenir ta respiration »


Comme dans le courant le centaure l’entraîne
Déjanire déçue du lamentable hymen
               S'offre au cheval avide de planter sa graine
               A l'instant où le trait lui perce l'abdomen

               En titubant Nessus parvient jusqu'à la rive
               Libérant son humide fardeau en haillons
               Il murmure « Mélange à de l'huile d'olive
               Le sang qui de ma plaie s'écoule à gros bouillons

               Enduis le manteau du mari qui te néglige
               De ce brûlant onguent à mon sperme mêlé
               Que ce filtre d'amour à tout jamais l'oblige
               A demeurer fidèle et ton époux zélé

               Vois comment pour te plaire en jouissant j'expire
               Remplis la fiole suspendue à mon garrot
               Au secret garde là et pour parer au pire
               Le jour venu sers-t-en pour garder ton héros ! »


…………



On frappe toujours au défaut de la cuirasse
On alluma sous moi les brandons du bûcher
La guitare remplace la lyre de Thrace
Un chasseur au lointain sonne du cor bouché

Jouerons-nous à savoir ce que disent les cartes
Dans la roulotte où sont réunis les gitans
A la tombée du soir quand les cuisses s’écartent
Et qu’on trace la route ignorant les sextants.

Vous ne manipulez que massues lances coupes
Et vos queues élargies sous de noirs vêtements,
Annoncent le plaisir partagé par le groupe
Et les gestes violents inéluctablement.

Vous n’existez rieurs qu’à travers le spectacle,
Tel devant l’ex-voto devenu transparent
Dégrafe sa ceinture à boucle de pentacle
Qui vous partage en deux et vous rend tous parents.

Au cours de la partie qui dira je me couche
A cœur je n’avais qu’un cavalier comme atout
Et le chien du tarot m’a refermé la bouche
Qui contenait caché deux rois et les trois bouts

Vous voilà tous le mort partenaires de cartes
Je n'inventerai plus de jeux pour vous blesser
Vos ombres lentement de la table s'écartent
Exposez-vous, bientôt nous en aurons assez !





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