Livre 3: Centauromachie
Récupérant mes armes et ma peau de bête,
-Chacun dit mon histoire comme ça l’arrange,
J’ai
vu les cavaliers déferler sur la Grèce
Caracolant
au loin couverts de lourds manteaux
D’écarlate,
cachant leurs cuisses et leurs fesses,
Dressant
sur l’horizon leurs corps monumentaux.
J’ai
vu se profiler sur le couchant étale
Leurs
formes divisées brandissant des couteaux
Issue
de l’incendie et de la colossale
Nuée
où se fondaient leurs ombres en troupeaux.
Je
les ai vu mêlés à leurs frustes montures
Gardians
la pique au poing pourchassant les taureaux
Encerclant
leurs bestiaux sous les sombres ramures
Rangeant
leurs glaives tachés de sang au fourreau.
J’ai
vu leurs sabots rythmiques frapper la terre,
Soulever
la poussière en tourbillons nitreux,
Dans
leurs crins roux flamber le désir adultère
Que
ne reflétait pas leurs tristes yeux vitreux.
Dans
le lit des torrents quand je perdais leur trace
J’ai
remonté leur piste en bravant le courant
N’emportant
que l’arc et ma massue dans la chasse,
Tout
seul, au seuil des morts, dans l’antichambre errant.
Je
n’avais plus chevaux, cocher, ni équipage
M’en
retournant à pied pour noyer mon chagrin ;
Le
statut des proscrits m’avait-il rendu sage
Ou
avais-je toujours comme autrefois un grain ?
Maniaque
dangereux dans ma course cyclique,
Je
ne peux contenir dans mon bras l’assassin,
Le
jour bon compagnon, la nuit, cyclothymique,
La
raison dans mon cœur s’obscurcit à dessein.
Ne
vous fiez pas à moi, je tue tout ce que j’aime,
Toute
chair caressée n’est que sable en mes mains
Mes
promesses ne sont que brûlants anathèmes,
Immatures
fruits secs tombés de l’arbre à pains.
Je
n’ai jamais planté sur le bord des rivières
Que
de gris peupliers, bosquets de cyprès blancs,
Le
deuil pendu comme à ma selle l’étrivière
Se
noue à mes talons en fardeau accablant…
Je
me souviens d’un temps où la mer intérieure
Baignait
les bords conjoints de l’Olympe et l’Ossa
Avant
que je ne trace une brèche majeure
Dans
les rocs de Tempé où mon poing s’enfonça,
Que
traçant une issue pour le fleuve Pénée,
Je
ne vide la Thessalie comme un bassin
Ouvrant
un delta dans la Méditerranée,
Ne
gardant que du lac Nessonis le dessin.
Fallait-il
vous laissez envahir ces rivages,
Chevaux
venus d’Asie en rudes conquérants,
Et
mon travail fit-il pour vous ce paysage
Y
portant le chaos et vous déshonorant ?
Noués
à la monture au rythme qui vous berce,
De
l’amble au grand galop je vous vis parader,
Hybrides
arrachés au fin fond de la Perse
Aux
oreilles percées et aux grands yeux fardés,
Indiens
dont le pubis se fondait à la robe,
Dont
la croupe au poil roux se parait de damiers
Aux
abdominaux en carrés qui se dérobent
Dans
le poitrail saillant imitant des palmiers.
Les
chevaux, les chevaux, leurs pas frappent la plaine
Ils
font trembler la terre au bruit de leurs sabots
Soulevant
tourbillons dans la rapide traîne
De
l’envol de leur course où l’homme est un nabot.
Chevaux
humains, vautours mêlés en d’autres places,
Hyppolectyons
aux pattes et à queue de coq,
Bucentaures
taurins combatifs et tenaces
Ou
Néphèles ailés comme des oiseaux-rocs,
Toutes
formes issues des fantasmagories
Vous
font le pur produit de l’imagination
Mais
aux temps héroïques j’en vis les scories,
C’était
le début de mes pérégrinations.
Mon
père au ciel m’a dit « va chasser cette race
Ils
deviendront féconds pas leur hybridation
Arrête
les avant que leur ardeur vorace
Ravage
les progrès des colonisations,
De
ces pieds-de-chevaux nés de coïts infâmes
Fais
de frustes gaillards, de francs agriculteurs,
En
maîtres dominant pour tout épithalame
Change
ces noirs chevaux rustres et culbuteurs
Sépare
l’agrégat des froides créatures
De
la mer qui naîtront de l’inceste et du rut
J’ai
choisi l’homme et non le succès des vultures
A
mon image je t’ai fait violent et brut
Je
t’ai créé pour que ta force les soumette
Des
centaures je t’ai voulu le toréro
Que
l’homme malheureux bine son champ de blettes,
Va
c’est ma volonté, réduis-les à zéro ;
Il
fallait un ordinateur pour les cavales
C’est
toi qui en feras le successeur du bœuf
Dans
l’ordre renaissant du monde occidental
Tu
leur assigneras enfin un emploi neuf
Tu
les asserviras sous le joug des charrues
Ils
perdront le langage et l’arrogant orgueil
Ils
ne sèmeront plus la terreur dans les rues
Des
cités qu’ils épiaient avec leur unique œil
Tu
es là pour boucler le temps mythologique
Que
mon geste a créé en désordre, achever
Ce
que j’ai fait au détriment de la logique
Grever
d’un ordre humain ce que j’avais rêvé. »
Tout
cela malgré moi je ne l’ai vu qu’en songe,
Pourquoi
m’avoir rêvé au fil de l’écheveau
Comme
je fus fileur l’étrangleur à rallonge
Qui
réduirait à quia la race des chevaux ?
Je
n’étais jusqu’alors en psaumes et en laudes
Que
l’exterminateur de fauves et des lions
Je
présidais à l’éruption des sources chaudes
J’y
groupais les humains, obséquieux, par millions
Conducteur
de troupeaux je regroupais dans l’aire
Les
hommes qui semant font repousser le grain
Et
contraint mais vainqueur de toutes les misères
Je
dois mener ces veaux sous ma verge d’airain ?
Chevaux
ailés, je m’en vais trahir votre horde
Qui
m’a donné cet ordre de servir l’humain ?
De
cueillir dans la boue ces fleurs bleues qui débordent
Des
ravins afin de les grouper dans mes mains ?
……………………
Centaures
vous voulez à jamais nous poursuivre
Croyant
par la violence et le feu des frictions
Faire
plier les dieux pour que l'enfer délivre
Ixion
lié sur la roue de sa crucifixion;
Doctes
et respectés au sein de votre race
Chiron
au cap Malée s’est détaché de vous
Pholos
s’est retiré dans sa grotte à sa place ;
Dionysos
avec lui m’a fixé rendez-vous.
Humblement
retiré dans la forêt humide
Devant
son antre il cultivait son potager
Un
genou replié sous son lourd corps hybride
Dans
la tourbe fertile il paraissait nager
Profil
bas, replié comme par la fatigue
J’approchais
doucement pour ne pas le fâcher
Tendant
dans ma main droite une olive et la figue
Cueillie
dans le bosquet où je m’étais caché :
………………………..
« Nous
nous étions promis, dis-je, dans un autre âge,
De
nous revoir, toi qui sus calmer les instincts
De
ton peuple livré à l’ivresse et l’outrage ;
Je
te trouve binant les racines du thym.
Tandis
que tes sujets sont partis pour la chasse,
Toi,
civil instructeur, seigneur en ton jardin,
Au
marcheur affamé accordes-tu la grâce
De
s’allonger à table au bord de tes gradins ?
Si
je suis revenu c’est que j’avais en tête
De
régler quelque compte avec mes vieux amis,
Halcyone
souffre encor du rut fou de la bête
Qui
en la bousculant la tua à demi. »
Pholos
leva les yeux de son carré d’avoine
Dit
souriant : « c’est pour raviver le conflit
Que
longtemps tu as cherché un prétexte idoine
Et
le viol de la sœur d’Eurysthée l’a rempli.
Je
doute que tu viennes poussé par ton maître
Chercher
querelle à ceux que nous pourrions cacher ;
Le
responsable, Homade, est déjà mort en traître,
Sa
tombe n’est pas loin si tu veux t’y pencher.
Si
tu le souhaites j’offre un coin de ma caverne
Où
tu pourras dormir et causer, et manger :
Il
ne sera pas dit que comme un ours j’hiberne
Oubliant
mes devoirs envers les étrangers. »
Pholos
s’est assis sur ses jambes de derrière
Il
entasse du bois pour nourrir le foyer
Je
pose au coin de l’âtre ma massue guerrière
J’ôte
ma peau de lion afin de festoyer.
« Chez
nous autres, peuple sauvage des centaures
La
coutume veut qu’on mange le gibier cru
Mais
je vais le rôtir pour que tu te restaures,
Mon
dégoût de la chair dût-il en être accru. »
Or,
bientôt rassasié de rôtis et de viandes,
J’ai
demandé à boire à mon amphitryon :
« De
quoi sert ce tonneau s’il faut que je quémande ?
Il
était convenu que nous le percerions ! »
-Je
ne suis que gardien de l’énorme barrique,
Le
Dieu qui l’a donnée fit ce cadeau commun,
Nous
laissant avec lui ce présage cynique
Que
le jour d’y goûter on en viendrait aux mains.
-C’était
avant que ne commence mon histoire ;
Depuis
plus de trente ans, il avait tout prévu :
Un
étranger viendra te demander à boire,
T’avait-il
dit, voilà, c’est moi qui suis venu !
Comptes-tu
échapper aux prophéties divines ?
Quel
que soit notre choix le destin s’accomplit,
Rouages
réglé de l’infernale machine
Nous
sommes impuissants pour en ouvrir les plis.
Il
t’avait dit que tu mettrais toi-même en perce
Ce
fût, que tu boirais avec moi le vin pur,
Que
l’issue n’était pas évitable, donc verse,
Puisque
pour l’avenir le pire est toujours sûr. »
Pholos
s’est résigné, bientôt il m’accompagne
Cédant
au bouquet capiteux de ce nectar
Plus
son fumet s’épand, plus la chaleur nous gagne ;
Pour
jouir de la chair, il n’est jamais trop tard.
Voici
que l’heure vient des basses confidences
Et
des mots égrillards que nous nous chuchotons
Je
sens l’excitation m’envahir en cadence
Tandis
que devant moi il traîne à croupetons :
Ma
main s’égare sur le poil gris de sa cuisse,
Il
s’ébroue au contact parcouru d’un frisson
Lentement
tout mon corps contre son ventre glisse,
Ses
bourses dans mon poing vibrent à l’unisson.
-Je
n’ai jamais connu la croupe des cavales
Tu
restes insensible à tout mon baratin…
-C’est
te souiller, dompter ma moitié animale,
Je
m’en voudrais de te barbouiller de crottin.
Vouloir
me pénétrer c’est abuser de l’hôte ;
Je
ne m’en défends pas je suis hospitalier…
-Dans
la nuit écoulée c’est un rêve qu’on m’ôte…
-C’est
un long cauchemar qu’on franchit par palier…
-Tends
ta coupe, tends-moi ta croupe, dans l’ivresse
Fêtons
l’union avant de funèbres combats,
Laisse
battre ta queue sur celle qui te presse,
C’est
moi qui suis le monstre et toi qui te débats.
Tu
es humide et chaud où ton train se découple,
Mieux
qu’au carreau de l’âtre je suis déplié
Aux
lueurs des tisons aspiré par la souple
Brèche
qui me sourit en voulant supplier.
Tu
es si doux, tu es si fort, bois et me saoule !
-Berce
mon intérieur au rythme lent du pal,
Qu’à
ta gueule échappé le vin sur mes reins coule…
-Si
le plaisir te vient, pour moi, hennis, cheval !
Toi
qui ne fus jamais monté que par toi-même,
Sens
le fardeau de l’homme embrassant ton garrot
Et
sur ton front ridé se poser le diadème
Du
don que tu te fis lui servant de fourreau.
Ce
soir tout est parfait, de Pandore la boîte
Est
à nouveau scellée qui contenait nos maux
Dans
ta grotte, épuisées, deux formes qui s’emboîtent
Refondent
le monde en des transports animaux. »
A
bien limer enfin le plaisir vient à terme
Je
suis emprisonné de par ses contractions
Nous
glissons tous les deux dans la mare de sperme
Que
Pholos a lâchée au milieu de l’action.
Mais
voici que dans l'orgasme qui nous rassemble
L’orage
intempestif gronde en se rapprochant
Un
spasme nous disjoints sous nous la terre tremble
Des
gravats du plafond tombent en ricochant
Les
chevaux, les chevaux, les voilà qui piétinent
A
l’entrée de son antre ils piaffent en ruant
Les
centaures m’ont vu me nettoyer la pine,
Et
l’un d’eux a poussé un cri tonitruant.
Anchios
et Agrios se sont mis à leur tête,
Derrière
eux Mélandrite et Thérée en soutien
Entourent
Astylus, Isophée et les bêtes
Assoiffées
par l’odeur que la cave retient.
Ils
arrachent le drap qui nous masquait au groupe
Débandant,
nu, je suis la cible des regards
Egrillards
mais hostiles de toute la troupe ;
Sur
moi s'est refermé le piège des soudards,
« Ça
sent la chair brûlée, la nourriture honteuse
Nous
a plus attiré que le parfum du vin,
Nous
voulons boire aussi et laver la hideuse
Offense
qu’on fit en baisant notre devin :
Allons
sers-nous Pholos puisque tu dégoulines
De
la semence dont t’a souillé ce pouilleux,
Dans
l’ivresse noyant notre humeur assassine
Nous
lui réservons un traitement périlleux. »
Les
coupes passent de main en main, on s’agite,
On
rit fort en me fusillant du coin de l’œil
Les
centaures couchés sans qu’on les y invite
Pour
m’empêcher de fuir ont encombré le seuil.
« Cet
humain assista au banquet des Lapithes,
Il
a contribué à notre humiliation
A
ceux qu’il épargna il a tendu trop vite
Le
couteau rituel de l’émasculation.
Quelle
erreur se mêler à des guerriers sauvages,
Tu
pensais chez nous être accueilli sans façon ?
Et
pouvoir faire subir les derniers outrages
Au
patriarche aimé d’un peuple de garçons.
Nous
savons qui tu es et quel désir te ronge
Quel
trésor tu cherchais que nous avons forgé ;
Qu’un
hippopode ailé fut né c’était mensonge
Pour
t’attirer parmi nous et mieux t’égorger.
Notre
instinct nous a fait des ravisseurs de femmes,
Le
coït zoophile est notre quotidien ;
Tu
te crois supérieur à nous, violeur infâme
De
vieillards ou d’adolescent sans poils pubiens ?
Nous
sommes moins naïfs que les peuples farouches
Que
tu as effrayé par tes rites obscurs,
Nous
rejetons les lois proférées par ta bouche
Et
chevaux nous restons orgueilleux et impurs. »
Je
vois venir le coup, j’anticipe, j’attrape
La
coupe aux vastes flancs que vient de reposer
Rhoetus,
la projetant à la volée, je frappe,
De
sang comme de vin le voilà arrosé.
Les
outres et les vases instruments d’usage
Du
plaisir, fendent l’air, redevenus soudain
Les
armes redoutées de l’effrayant carnage :
Les
pieds battent le sol mais je n’ai que dédain.
Je
saisis un tison, en me brûlant j’écrase
La
braise sur le front de Thérée dont les os
Déchirent
le cerveau, sa crinière s’embrase,
Un
œil arraché pend le long de son museau.
Mélandrite
endormi en travers de la porte
Au
milieu du tumulte à son verre agrippé
Ne
sent pas le coup de javelot qui l’emporte
Quand
son sang se mélange au vin de l’invité.
Dehors
Démoléon arrache un pin antique
Pour
servir de massue mais j’ai pris mon carquois
Et
ma flèche le cloue à l’épais tronc conique,
Etonné
d’avoir chu entraîné par son poids.
Mais
voici que sur nous tombe la pluie d’averse,
La
nuée a pleuré pour sauver ses enfants
Je
glisse dans la boue et le troupeau adverse
S’enfuit
en me jetant de lourds rochers tranchants.
Je
cours, je cours tout nu dans la forêt humide,
Je
n’ai plus que mon arc aux traits empoisonnés,
Je
suis fouetté par l’herbe et les ronces avides
Plantent
leurs griffes dans mes mollets burinés.
Cavaliers
débridés je vous suis à la trace
Aux
Jeux, j’ai bien battu des chevaux au galop,
Vous
me croyez moins résistants que votre race
Vous
êtes obstinés mais moi j’ai le culot.
Je
vois fuir dans la nuit les ombres tutélaires
Des
victimes passées que les constellations
Répètent
en miroir ; trois fois l’orbe solaire
Disparut
devant moi avec ostentation.
Il
n’y a rien tout au bout de la péninsule
Les
monts de Laconie se jettent dans la mer
Le
Péloponnèse en forme de main simule
Vers
l’horizon le doigt médian d’un gant de fer.
Au
large sans qu’on voie s’en détacher la côte
Il
pointe vers Cythère asile des amants,
Sous
les rochers Chiron demeure l’unique hôte
Des
abris qu’épargnent tempêtes et tourments.
C’est
parce que j’avais été un temps l’élève
De
l’ermite reclus entre estran et ressac
Qu’en
bord de plage votre chevauchée s’achève
Et
que vous vous jetiez au fond du cul de sac.
Au
milieu des écueils qui côtoient les abîmes
Espériez-vous
trouver le vaisseau salvateur
Qui
vous porte à l’écart des routes maritimes
Vers
l’île redoutée par les navigateurs ?
Je
n’ai pas attendu que le chant des sirènes
Disperse
votre troupe affaiblie par les flots.
Ceux
qui étaient restés embourbés dans l’arène
Ont
servi de cibles mouvantes dans l’enclos.
Le
premier trait, d’instinct, a chassé les plus fourbes,
Eurytos
et Nessus ont rebroussé chemin,
Leurs
ombres ont disparu au pied de la courbe
De
l’arc en ciel montant sous leurs sabots d’airain.
Elatos
s’est trouvé bras percé par ma flèche,
Et
comme il l’arrachait tremblant sous le poison,
Vacillant
il en a planté la pointe sèche
Dans
le genou du miséricordieux Chiron.
Un
enfant a surgi de l’intérieur de l’antre
Tendant
les bras vers son malheureux précepteur
« N’y
touche pas » fit le centaure en gestes, « rentre »
Tandis
que j’approchais pour jouer les docteurs.
-Toi
qui as revêtu les habits de l’enfance
Croyais-tu
que je devais mourir sous tes coups
Que
tu m’apporterais l’éternelle souffrance
De
devoir implorer la mort par contrecoup ?
Dompteur
à peine né qui tuais dans tes langes
Les
serpents de la nuit, cœur-de-lion, toi guerrier,
Qui
dans la sombre horreur des brumes et des fanges
A
percé l’Hydre antique au souffle meurtrier,
Le
plus beau, le meilleur, l’aîné des dieux propices
Qui
sous ton œil radieux vis, libres, tournoyer
Les
centaures cabrés au bord des précipices,
Dans
l’étau de tes mains tu nous a tous broyés.
Ceux
qui restent ne sont qu’à peine des menaces,
Et
l’occasion viendra de les exterminer
Ils
ne feront jamais concurrence à ta race
Et
Ixion sur sa roue demeure laminé.
C’est
en vain que je t’ai appris la médecine
Contre
le sang du monstre point de traitement,
Comme
la douleur lance et que le feu lambine
A
m’envahir entier dans son embrasement.
Je
n’ai plus qu’à prier afin que les dieux m’ôtent
Cette
immortalité que Chronos me légua,
Temps
suspendu, va-t-en, trouve-toi un autre hôte,
Quant
à mon meurtrier faites-en le légat :
Qu’il
aille délivrer toute la ribambelle
Des
Titans enchaînés que l’aigle dévora ;
J’offre
l’éternité à Prométhée rebelle. »
Il
dit, Zeus ayant acquiescé, il expira.
Le
retour sur mes pas fut cruel et morose
Sur
la voûte du ciel les astres s’assemblant
Formaient
le dessin neuf de la métamorphose
Du
Sagittaire archer à Chiron ressemblant.
Poussé
par la curiosité scientifique
Pholos
s’était piqué le doigt en retirant
Du
corps d’un combattant tombé la pointe oblique,
Il
avait subi le sort de tous ses parents.
Dans
sa cave à l’abri j’ai traîné son cadavre
J’ai
pris un dernier verre et dit en le levant
« Bien
joué Dionysos, même si ça me navre
D’être
fossoyeur, car le dernier survivant ! »
Récupérant mes armes et ma peau de bête,
J’ai
fait pleuvoir des rocs des sommets dégommés
Pour
clore le tombeau ; ainsi prit fin la fête
Au
mont Pholoé comme on l’a depuis nommé.
……………
Le
rideau tombe sur ces frustes funérailles
Au
coin de la ruelle au balcon suspendu ;
L’amphitryon
dans sa tunique jaune paille
Aux
buveurs attablés vient réclamer son dû.
-Un
as la pinte, ce vin mêlé de vinaigre
Et
le prix du spectacle exceptionnel compris !
Pardonnez
à l’acteur son ton si peu allègre
Et
le texte hésitant qu’il a fort mal appris.
S’il
s’est par trop tenu entre épique et tragique
Le
moment est propice au divertissement
Voici
dans son morceau la césure agogique
Où
le mime n’est pas que ralentissement. »
Dans
la cellule aux murs chaulés qui nous enserre
Sans
cesser d’observer les gestes de l’iti-
phallique
comédien bientôt notre compère
Mon
frère et moi lisons d’effrayants graffitis :
« Dans
ce réduit, bravo ! pour bien moins qu’une obole,
Bellicus,
le beau gars, avec son juteux dard
A
bien baisé Hylas qui n’est vierge ni folle
Mais
n’a eu pour dîner rien d’autre que mon nard »
Soudain
surgit le portefaix qui nous enchaîne,
Victor
le bien membré surnommé Pet-à-l’ail ;
Tout
au long du couloir par lequel il nous traîne
On
lit ces mots gravés dessous un soupirail :
« Il
ne peut voir de queue sans remuer les lèvres…
Qui
l’écrivit baisa, enculé qui le lit…
Ma
mentule enflammée lui a collé la fièvre…
Les
ours me suceraient si nous usions d’un lit ! »
On
entre dans la salle où les ivrognes beuglent
« A
poil, les empafés », Victor nous pousse nus
Sur
la scène où l’éclat des torches nous aveugle.
Le
cabaretier nous sonde par le menu :
Ses
gros doigts boudinés nous rentrent dans les fesses
« Ah !
crie le souteneur, on nous aurait trompé :
La
marchandise ne vaut plus quatre sesterces
Leur
anus usagé est de foutre trempé !
Je
paierai moins d’impôts sur la première passe
On
ne peut enchérir sur vos virginités
Dans
la pièce entamée nous tenterons l’impasse
Et
vous y ferons jouer les utilités
Es-tu
prêt comédien à nous donner le change
A
baiser devant nous ces trous déjà conquis
Ces
culs qui se tortillent que le rut démange
La
brute sort de la coulisse et dit « A qui
T’adresses-tu
aubergiste ? vois sur ma hampe
Les
veines se gonfler en serpents menaçants
Quel
personnage odieux requiers-tu que je campe ? »
La
foule hurle « Prends-les » avec des cris perçants.
« Baise
Alcide il est temps que le public se branle
Voici
des heures que nous gobons tes récits
De
la porte du conte ébranlons le chambranle
Distribue
les rôles et montre-toi précis
Ici
c’est Peep-show live on veut pour notre oseille
Voir
en direct ce qui nous était annoncé
Ne
pas jouir que de ta voix dans nos oreilles
Mais
voir le sang jaillir de leurs culs défoncés
Allons
joueurs de sistres, triangles, musique !
Qu’au
rythme des crotales crache le serpent
Et
de nous sortirons gutturaux et basiques
Le
choral rituel du brutal viol rampant
Hermès
aux talons ailés a joué de même
Avec
moi je n’étais qu’un tout petit enfant
Gallus
le gladiateur avec toute la crème
De
l’arène est venu t’applaudir triomphant
-Chacun dit mon histoire comme ça l’arrange,
Moi-même
je n’en sais que ce qu’on en prétend
Qu’on
remplisse mon verre pour poursuivre l’étrange
Fable
érotique que notre public attend
Ce
soir vous voila réunis pour le théâtre
Baissons
doucement la lumière des flambeaux
Laissons
peu à peu le feu s’éteindre dans l’âtre
Fondus
dans la pénombre enfin nous serons beaux
Que
sur nos corps la lumière de la poursuite
Trace
le halo d’or qui nous rend surhumains
Remplis
ma coupe et je déclamerai la suite
Sous
la lampe brisé, me branlant à deux mains.
Oui
je vais vous baiser avant que le conclave
Des
patriciens contrits viennent vous réclamer
Vous
qui ne saviez pas misérables esclaves
N’être
que les lutteurs sur le stade acclamés »
-Reprenons,
où en étions-nous dans cette daube ?
Les
chevaux souviens-toi tu n’étais qu’un valet
Et
ton corps de géant dans les lueurs de l’aube
Ciselé
se découpe sur le chevalet.
-Sur
la barre de bois mal assis je chevauche
Et
son faîte coupant me cisaille le cul
M'arrachant
la peau du scrotum lorsque j'ébauche
Cette
défloration qu'achètent vos écus
Qu'on
m'amène l'aîné pour subir les outrages
Sens-tu
comment le gros gland granuleux d'un grec
Procède
sans merci au violent débourrage
En
rythme le public murmure « A sec ! A sec ! »
Et
pour te divertir pendant que je te lime
Je
te raconterai comment j’ai nettoyé
Au
risque de perdre de mes pairs toute estime
Un
royaume, trente ans sous la merde noyé.
………………
Les
chevaux, les chevaux dans la fange pataugent,
Ils
mourront étouffés si l’on n’y met pas fin,
Les
grands bœufs assoupis aussi devant leurs auges
Si
l’on y prend pas garde vont mourir de faim.
De
chevaux, les écuries d’Augias étaient pleines,
Pour
ces animaux je n’avais pas de passion,
On
m’avait envoyé là comme homme de peine,
C’était
tout le sens de ma nouvelle mission :
On
y trouvait aussi des vaches par centaines,
Des
troupeaux de cochons répandus alentour,
Chèvre
à l’avenant et bœufs blancs à la traîne,
Qu’on
disait éternels dans leurs brillants atours,
Donnés
par le Soleil à sa progéniture
Car
la fable contait qu’Augias le roi fermier
Avait
reçu d’Helios sa terrible stature ;
Des
fils du soleil ce n’était pas le premier…
S’il
avait un penchant poussé pour l’élevage,
L’hygiène
semblait inconnue de ce pays
Dont
le sol n’était plus qu’un puant marécage ;
La
bouse et le crottin avaient tout envahi.
Des
combats inégaux je revenais indemne,
On
voulait me salir en me faisant porter
La
fiente par kilos résolvant le dilemme
De
ma quête imprévue de l’immortalité.
A
ma course en avant tentant de mettre un terme,
Mon
malséant cousin avait avec humour
Pensé
m’utiliser comme valet de ferme
(Le
métier d’égoutier n’étant pas très glamour.)
L’erreur
fut de vouloir négocier un salaire,
Alors
que j’étais en service commandé,
Augias
ne croyait pas au succès de l’affaire,
Dix
pour cent du cheptel m’avait-il accordé.
Je
pensais qu’un témoin me serait nécessaire
Et
j’avais repéré un bel adolescent,
Phylée,
cadet des fils du roi autoritaire
Qui
sur mon corps jetait un œil concupiscent.
Suis-moi
lui dis-je enfin, tu n’auras rien à faire
Qu’à
me regarder nu suer et m’éreintant
Je
dois travailler seul mais nous ferons la paire
Ton
regard me fera me montrer épatant.
Après
avoir creusé un portail dans la brique
Soutenant
les extrémités des bâtiments,
Je
gravis le chemin qui montait gentiment
Vers
le panorama sur les vallées attiques.
Puis
taillant à mains nues des canaux identiques
Je
dérivais le cours des fleuves hardiment,
Le
Pénée et l’Alphée joignant infiniment
Dans
un seul confluent leurs eaux cataclysmiques.
Le
flot balaya tout sans que j’y mis les poings
Il
n’y surnagea que poules et quelques groins,
J’avais
sauvé des eaux chevaux et bœufs étiques.
Après
avoir construit des digues de ciment,
N’espérant
pas d’Augias d’autre remerciement,
Dans
ce lac neuf je fis un plongeon symbolique.
Au
jeune homme resté accoudé à la berge,
Je
criais « Rejoins-moi pour apprendre à nager »
Marquant
l’étiage avec la pointe de ma verge,
Sûr
que mon érection allait l’y engager.
Au
bord de l’eau il laissa tomber sa tunique
Et
cédant à mes bras musclés qui l’enlaçaient
Il
roula contre moi dans les remous critiques
Sans
se préoccuper des bergers qui passaient.
Les
bergers nous ont vus quand regagnant la rive,
Je
l’ai pris sur mon dos comme l’âne son bât,
Les
laboureurs aussi et les cueilleurs d’olive
De
loin ont assisté à nos brûlants ébats.
Les
promeneurs venus attirés par la source
Nous
ont vus rouler nus dans les prés adjacents,
Les
astres nous ont vus, le Sagittaire et l’Ourse,
Tandis
que je tenais ce discours indécent :
Regarde-moi
droit dans les yeux quand tu me suces,
Que
je voie dans les tiens le bonheur d’étouffer
Et
tes larmes couler, alors que mon prépuce
Par
ta gorge troussé, t’empêche de pouffer.
Regarde-moi
quand ma main en coupe te flatte
Le
menton, comme un chat, dessous les poils follets
De
ce bouc clairsemé, lorsque ta bouche éclate,
Flûtiste
exsangue qui goba son flageolet.
Regarde-moi
aussi quand en bloquant ta tête
Du
geste du joueur protégeant son ballon,
J’excite
ta colère alors que tu halètes
Percé
comme un fruit mûr par un trop gros bâton.
Ne
ferme pas les yeux non plus quand je t’encule,
Je
veux les voir rouler avec le blanc rougi,
Le
sourire crispé jusqu’à tes clavicules
Tressautant
d'un rictus de pantin assagi
Stupidement
désarticulé, avec tes quilles
Balançant
dans le vide, en apnée, dans l’effroi ;
Je
veux sous la poussée que tu les écarquilles
Ces
yeux quand je t'aurai assis sur mon beffroi.
Je
veux voir se figer ton regard de danseuse
Qui
grimpe en suffoquant la côte aux flancs pentus
Tout
injecté de sang par la plaie scrofuleuse
Que
je creuse à grands coups de mon plantoir pointu.
Ce
cul un peu trop gros, grêlé par l’urticaire
Dont
le poil blond gravit les fossettes du dos
Qui
promet d’être étroit, le tremblant reliquaire
De
la jeunesse enfouie le signifiant fardeau,
Il
sourit à ma queue qui sans huile s’y love,
Le
sébum lubrifie ses globes rebondis,
Il
tremble sous mes mains quand en pinçant j’innove
Pour
en faire rougir le graisseux arrondi.
Car
ton cul reste suspendu entre deux âges,
L’enfance
n’a cédé qu’à l’élégant semis
De
fourrure brossée dans un savant dosage
De
virils crins droits et de coton insoumis.
Jusqu’à
la nuit tombée je lui fis son affaire
Et
puis me relevant toujours ferme et bandé
J’ai
dit « Et maintenant retournons chez ton père
Chercher
pour cet exploit le butin demandé. »
« Pour
ton travail tu viens réclamer un salaire »,
Dit
Augias, la bouche tordue par le mépris,
Comme
ces frères architectes qui pillèrent
Mon
trésor, dans l'écrin par leurs ruses construit :
Trop
fier d'avoir usé de magiques remèdes
Pour
mieux se ménager un soupirail secret,
A
son propre collet le cadet, Agamède,
Un
soir se trouva pris -ce n'était pas discret !
Trophonios
-c'est l'aîné- par peur qu'on le démasque
Trancha
la tête de son frère et les deux mains ;
Il
les jeta sur l'or dans le fond de ses basques,
Puis
vint me réclamer le fruit de son larcin.
Je
n'ai pu arrêter l'escroc dans sa cavale…
On
m'a conté plus tard qu'au nombre des forfaits
Des
frères figurait la chambre d'or nuptiale
Où
tu naquis adultérin et contrefait,
Tu
n'as rien fait tu as laissé faire le fleuve
Et
il a ravagé récoltes et troupeaux,
Il
aurait mieux valu que j'attende qu'il pleuve
Que
voir mes champs changés en mares aux crapauds.
Je
retiens contre toi le prix de ton parjure,
Apporte
moi la rançon de mon déshonneur
Puisque
tu t'es vautré dans la pire luxure
Vantant
aux su de tous ton ignoble bonheur ;
Tu
as baisé mon fils non content de ma ruine
Prends-le
cet avorton il n'est plus de ma chair
Tu
t'es déjà payé au fond de le ravine
Et
par les dieux, crois-moi c'était vraiment trop cher
Emporte
ton giton et quitte mes provinces,
L'avaleur
de ton sperme n'est plus de mon sang ! »
-Je
sais qu'un jour, Augias, nous reviendrons en princes
Laver
l'odieux affront de tes propos grinçants .
Malheureux
étrangers chassés de ville en ville
Ne
trouvant de refuge où que nous nous risquions
Hors
d'Argolide enfin nous demandons asile
A
la cité sans roi qu'on nommait Doulikhion
Mais
voici que Coprée dépêché de Mycènes
M'arrache
à mon amant tandis que nous baisions
Eurysthée
bien caché me poursuit de sa haine
Menaçant
la paisible cité d'invasion
-
Ton maître ayant appris ta forfaiture enrage
Refuse
de compter au nombre des travaux
Cet
exploit pour lequel tu réclamas des gages
Vas
à Stymphale et il t'absoudra de nouveau
Tu
débarrasseras les marais de leurs stryges
Ces
oiseaux carnassiers si friands des humains
Il
te conseille afin d'éviter tout litige
Aux
princesses du lieu de demander leur main
Car
le temps est venu que les dieux te démasquent
Héra
réclame que tu prouves par l'action
Qu'un
mariage imminent mette fin à tes frasques
Ta
promise fût-elle de basse extraction.
Avant
de partir pour la prochaine tuerie
J'ai
chassé l'étalon dans les monts alentour
A
Phylée j'ai confié toute cette écurie
Pour
qu'il les dresse en vue de mon prochain retour
Je
lui dis : « tu feras de ces mâles des hongres
Dociles
impuissants à toute hybridation
Que
ni monstre marin à faciès gris de congre
Ou
centaures naisse de leur fornication »
J'eus
tort pour l'occuper d'imposer cette tâche
Je
ne devinais pas qu'il en prendrait le goût
J'aurais
dû lui donner celui de la cravache
Mais
d'avance sait-on ce que crache l'égout ?
Me
voici de retour dans la forêt profonde
Chasseur
adolescent prêt pour l'initiation
Ignorant
et blasé des mystères du monde
Seul
et indifférent à toute incantation
Il
montait cependant du coeur du sanctuaire
Les
mélismes stridents de l'aigle et du vautour
Et
dans la voie lactée le cygne mortuaire
Dissimulait
son col sous ses brillants atours
Je
ne me mêle pas du culte des déesses
Je
disperse la troupe à qui l'on veut m'unir
On
priait en haut lieu que le scandale cesse
Me
changer en époux afin de me punir
Les
chimères d'airain ont la cuisse légère
Elles
forment l'essaim des filles à marier
En
moissonnant les champs dans leurs envols guerriers
Elles
tuent les jeunes mâles qu’elles digèrent
Mais
qu’un chasseur surgisse et creusant des terriers
Avec
leurs becs d’acier les nuées passagères
Se
replient en silence à l’abri des fougères
De
les en dénicher il ne faut point parier
Athéna
l'offensée m’a fourni des cymbales
Qui
ont effarouché les oiseaux de Stymphale
Comme
poulets rôtis je les ai appariés
Sur
ma flèche embrochant les robustes mégères
Je
les ai fait servir aux tables des bergères
En
guise de banquet nuptial aux mets variés
Voleuses
éhontées, filles déchues de reines
Dans
leur envol vers quelques rochers désertés
Ces
oiseaux par leur mue sont devenus sirènes
Gare
à qui sur la mer des caps s'est écarté
C'est
ainsi qu'elles ont prêté l'aile à ma tâche
Les
centaures naïfs fuyant sur leurs vaisseaux
Oubliant
qu'il fallait à leur mats qu'ils s'attachent
Se
sont précipités dans les flots abyssaux
Sur
l’île d'Anthémuse elles ont souveraines
Par
leurs chants monstrueux rendu fous les paillards
Marins
aventureux répandant la gangrène
Epouvantant
d'un cri les plus hardis gaillards
Vainqueur
je repoussai tout gage et tout hommage
Sûr
que ce n'était qu' un grossier piège tendu
Par
la gardienne céleste des mariages
-Belles
filles pardon, mais je suis attendu.
A
chaque jour suffit sa triste fin du monde
Tout
gage ne m'est plus que ruines et déchets
Tristes
colifichets où le clinquant abonde
Or
battu recalé au bord du trébuchet
……..
A
mon retour Phylée n'était plus un novice
Il
ne se livrait plus sans lutter au bourreau
Il
avait en castrant les chevaux pris le vice
D'infliger
au couilles du bourreur le carreau
En
refermant son poing fermement sur mes boules
Dès
la première nuit après mon dur combat
Il
écrasa comme la pâte dans le moule
L’ovale
résistant de mes jumeaux abats
Avec
délice il fit rouler mes testicules
L’un
contre l’autre ignorant les spasmes profonds
De
mon corps retenu par l’étau minuscule
Et
je pliai sous lui comme la glace fond
Soumis
je le laissais me malaxer les couilles
Et
boxer violemment le consistant paquet
D’un
uppercut il fit changer de camp la trouille
M'arrachant
malgré moi les plus violents hoquets
Surpris
par la vigueur de son initiative
Je
ne pus que clamer ma peine en balbutiant
Comme
il tirait plus fort dans sa ferveur hâtive
Je
me pris à son jeu à demi inconscient :
« Serre
moi les roustons fais grandir dans mes aines
La
douleur sourde qui me remonte au nombril
Taris
dans leurs canaux la multiple fontaine
Qui
ne peut plus vider dans ton cul son baril
Frappe
mets mon courage et ma force à l’épreuve
Claque
moi les balloches fais les moi doubler
Qu’à
mi-cuisses lestées elles balancent neuves
Impotentes
comme un pendentif accablé
Tu
me tiens tu me tires par les castagnettes
Qui
torture le mieux les bourses du seigneur
Au
premier hurlement je suis une tapette
Redoutant
la pichenette de mon soigneur
C’est
à couilles d’acier que joue ta main de plâtre
Dans
le gant qui les serre à les faire éclater
Comme
dans un fruit dur s’enfonceraient les quatre
Doigts
qui les malaxent comme chair à pâté »
Tel
que je fus esclave un jour aux pieds d'Omphale
Je
demeurais poignets liés tête en retrait
Tandis
qu'il me tenait en laisse par le phalle...
Le
lendemain je ne lui trouvais plus d'attrait.
Je
suis né premier et dernier de mon engeance
Je
ne me couche à table que pour festoyer
Pour
exercer sans fin sur la vie ma vengeance
Je
lève des armées pour partir guerroyer,
Alors
pour échapper aux tentations lubriques
J'ai
promis à Phylée d'engager des soldats
Pour
défoncer le palais d'Augias brique à brique
J'ai
vendu les sonnailles d'or de mon barda.
Les
cavaliers velus sont nus sur leur montures
Mâles
émasculées qu'ils chevauchent à cru
Sans
équipage nous partons à l'aventure
Nous
sommes victorieux sans combat -qui l'eut cru ?
Le
peuple n'attendait que ce héros imberbe
Egorgeant
le tyran au bruit de son retour
D'Augias
ils n'ont laissé qu'un peu de sang sur l'herbe
Puis
Phylée couronné m'a payé des débours.
Rendant
Elis à son souverain légitime
Je
poursuis mon travail de redresseur de tort
Bientôt
après Augias Nélée est ma victime
Et
j'assois sur son trône un successeur retors
Je
ne compterais pas les exploits héroïques
Ni
comment je blessai Hadès dans le combat
Mais
voici le discours que je crachais stoïque
Au
fils de ce tyran occis sur son grabat
« Quand
l’âge t’aura fait champion de l’éloquence
Et
que les héros grecs s’en moqueront à tort,
Voila
ce que de moi, avec condescendance,
Tu
pourras, pour briller, leur raconter, Nestor !
Sur
la terrasse du palais aux toits en cône,
Nous
voyons les vallées sans fortifications,
A
Pylos où je t’ai installé sur le trône,
Détruisant
ta lignée par anticipation.
Là
dans des lits moelleux nous savourons les fastes
D’un
repas éclairé par les premiers flambeaux,
Et
le moins tu consens que je sois ton éraste,
Plus
avance la nuit, plus je te trouve beau.
Nous
sommes éventés par des serviteurs mâles,
Il
monte un doux parfum de laurier des brasiers
Nos
secrets pour toujours sont reclus dans des malles
Dont
leurs doigts minutieux ont façonné l’osier.
J’ai
délaissé pour toi les devoirs de famille,
J’ai
combattu pour te rendre la liberté,
Tout
serait idéal, passant sur ces vétilles,
Si
tu voulais m’aimer sans toujours t’écarter.
Constamment
dans tes yeux je croise le reproche
D’avoir
exécuté tes frères un à un
Sans
savoir que les dieux, pour la mort de tes proches,
T’accorderont
le temps que j’ai pris à chacun.
Tu
vivras dix générations, roi de Messène,
Ta
vengeance sera dans ta longévité ;
Ce
temps suffira-t-il à infléchir ta haine,
Ou
dois-je m’efforcer de mieux la mériter ?
Sous
les hauts murs de Troie à mon fils Tlépolème,
Tu
conteras, vieillard, mes exploits à demi
(Je
vois dans l’avenir…) tu pleureras quand même
Ce
frère mort, transformé en aigle ennemi.
Tu
prétendras que j’ai ravagé, inflexible,
Les
cités de ton père, en un rire nerveux
Tu
diras que j’aimais le guerrier invincible
En
qui Cénis violée muta selon son vœu.
Tout
ce qu’à l’avenir inventera ta verve,
M’est
égal, puisque aujourd’hui je suis ton mentor,
Que
tu m’aimes ou pas, pourvu que tu me serves,
Allons
sans discuter, retourne-toi, Nestor !
Ouvre-toi
au désir, souhaite que je t’encule
Estime-toi
heureux que, content de ton cul,
Je
renonce à te fracasser les mandibules,
Et
qu’en bas seulement, je verse mon écu.
Sous
moi, tel le centaure éventré par le sabre,
Accueille
le pal froid dans tes chauds intestins,
Fais
comme le poulain qui en ruant se cabre,
Accepte
le dompteur car tel est ton destin. »
Des
rebelles galants il survient qu'on se lasse
J'ai
fait des rois de tous mes amants éconduits
Leur
haine me poursuit quand nos liens se délacent
A
voyager tout seul je suis toujours réduit
Las !
je n'ai plus d'élève et ne veux point de maître
Il
ne me reste plus de guerres à mener
Que
finir mes travaux avant de m'en remettre
Aux
dieux qui m'ont toujours préféré mes aînés.
…………….
Me
voici de nouveau à la croisée des routes
Où
la borne d'Hermès montre le chemin vert
De
son phallus tendu dans l'ombre duquel broute
Le
bétail égaré par ses bergers pervers
Je
saisis son pénis comme l'anse d'un vase
La
pierre humide est chaude où se posent mes doigts
Sortant
de la nuée coiffé de son pétase
Le
dieu nu m'apparaît pour me dicter sa loi
-J'ai
un fils, me dit-on près d'Oponte en Locride
Mais
la loi m'interdit de tout lui enseigner
Sur
son cou par mon vœu resserres fort ta bride
Sois
l'initiateur que je lui veux assigner
Mets
la voile à Cyros comme écrit sur ce socle
Prends
pour chef Abdéros ses amis te suivront
Ne
laisse à Ménétios que son vrai fils Patrocle
Promis
à d'autres bras ce pour quoi nous oeuvrons
En
rêve j'ai soufflé cette idée à ton maître
Crois
bien que tu ne pars qu'avec sa permission
Avec
l'aide des miens dès lors je peux promettre
Que
tu viendras à bout au mieux de ta mission
Tu
mettras fin en Thrace au règne de Diomède
Qui
ne doit son pouvoir qu'aux ignobles chevaux
Dont
il pense avoir fait l'imparable remède
Aux
troubles fomentés par ses nombreux rivaux
Ares
avait confié afin qu'il les enchaîne
Ces
monstres à son fils mais il en abusa
Lorsqu'il
les vit se sustenter de chair humaine
A
les en sustenter Diomède s'amusa
Satyres,
faunes, dieux, et moi Hermès le sage
Vénéré
des prostitués et des voleurs,
De
ses crimes fréquents nous avons pris ombrage
Et
t'envoyons là-bas rétablir nos valeurs . »
…….
Il
suffit d'un regard pour qu'Abderos m'enflamme
Sa
suite nous poussa tout droit vers le bateau
Chantant
à mâles voix le grave épithalame
Leurs
bras entrelacés formaient un chapiteau
On
m'emmène en croisière, en voyage de noces
Parmi
tant d'aspirants sur quel poulain parier
A
la barre qui se fera le plus véloce
Méritant
le surnom de repos du guerrier
Quand
l'amant désigné se montre envers moi tendre
Je
l'offre résigné aux autres voyageurs
Sachant
que son désir s'exacerbe d'attendre
En
matière de sexe on me sait partageur
Je
contemple ses jeunes suivants qui le couvrent
Sur
la proue du vaisseau où je l'ai attaché
J'encourage
leur zèle en espérant qu'ils l'ouvrent
Pour
glisser dans son cul par leur sperme entaché
Etranglé
du désir de complaire à la troupe
D'immatures
guerriers élevés au secret
Il
espérait que tous le baisassent en groupe
Qu'en
mer il trouverait un asile discret
A
plat ventre couché sur l’éperon qui grince
Grimaçant
il dissimulait ses émotions
Gardant
la réserve et la dignité du prince
Sous
les maladroits qui limaient sans précaution
Que
le viol rituel s'écoule sans sarcasme
Sans
signe de douleur ni de gémissement
Qui
trahisse la violence de ses orgasmes
Et
nuise à la solennité de ce moment
Comme
s'il avait vu de loin venir l'orage
En
souffrant sous l'assaut de ses fiers compagnons
Il
voulait me montrer l'étendu du courage
Qu'il
mettrait à servir ma gloire et mon fanion
Lorsqu'il
entra tout nu dans l'étroite cabine
Aménagée
pour nous sous le gaillard d'avant
Il
conservait toujours sa mine sibylline
Tentant
d'une main de cacher sa queue se relevant
Souffle
court, regard bas, rougissant de sa drisse
Il
fixait mon énorme organe en s'extasiant
Le
foutre lui coulait à l'intérieur des cuisses
Je
lui tendis un bock de vin anesthésiant
J'avais
enduit ma bite du même liquide
Pour
qu'il puisse s'asseoir sur moi sans débander
Il
approcha sans peur quand sa coupe fut vide
S'exécuta
avant que je l'ai commandé
Il
glissa sur le mat sans à-coup de lui même
Quand
son cul posa sur mes couilles au rebond
Du
premier va et vient il murmura « je t'aime »
Quand
j'étreignis sa taille, il murmura « c'est bon ! »
« On
me l'avait promis, dit il, et ça commence
Même
si je deviens de cent vierges l'époux
Puisque
d'un demi-dieu j'ai reçu la semence
Dans
mes entrailles pour toujours battra ce pouls »
Aidé
par le roulis, les sursauts du tangage
Je
demeurais en lui rigide et impérial
Je
lui fis l'amour jusqu'à la fin du voyage
Arrosant
à grand jet son intérieur royal
Dans
la nuit nous formons à douze l'escadrille
Pour
monter à l'assaut à peine débarqué
Abdéros
sur mon flanc seul traîne la mandrille
Claudiquant
fièrement sur ses membres arqués
Diomède
trop certain du pouvoir de sa harde
N'a
pas posté de garde sur son campement
Ses
soldats casernés ronflent dans leur mansarde
Nous
infiltrons sans bruit le premier bâtiment
En
nous réjouissant de pareille incurie
Nous
progressons dans les couloirs enchevêtrés
Le
labyrinthe étroit empeste l'écurie
Il
soulève le coeur dès lors qu'on est entré
Nous
butons sur ce que nous prenons pour des branches
Approchant
nos flambeaux avec effarement
Nous
découvrons des membres tranchés à la hanche
Dans
le murmure au loin d'odieux hennissements
Je
dois le rapporter, même si ça me navre
Nous
devinons l'ombre d'un palefrenier nu
Occupé
à baiser les restes d'un cadavre
Content
il poussait des halètements ténus
Il
a suffi d'attendre l'instant qu'il dégorge
Pour
se jeter sur lui tout en le bâillonnant
Dégoûtés
à plusieurs nous lui tranchons la gorge
Son
sang sur le pavé s'écoule en bouillonnant
Nous
avons suivi le ruisseau dans la rigole
Sur le plan incliné du sol de l'abattoir
Jusqu'au
haras central où les mares rigolent
Attendant
qu'on les laisse en paix dans leur dortoir
Dans
le cénacle nous ne pénétrons qu'à onze
Mon
amant fut désigné pour faire le guet
Les
chevaux enchaînés aux mangeoire de bronze
De
par notre intrusion demeurent aux aguets
Les
plaques sur le mur cantonnent à leur place
Podargos
la rapide et Lampon le brillant
Deinos
le terrible et Xanthos la jaunasse
Tous
affamés soufflent le feu en sémillant
Nous
leur jetons pour calmer leur faim convulsive
Le
corps de leur geôlier qu'elles désiraient tant
Apaisées
par ce don les cavales rétives
Nous
laissent les mener vers les flots remontant
D'une
hache improvisée je leur creuse une île
Je
dis « Qui veut garder ces monstres en appât
Quand
Diomède verra ses gardiens inutiles
Mâchouiller
dans le vide et ne nous manger pas
C'est
à moi que revient l'honneur et l'apanage
De
veiller sur le sort des otages Vainquez
Je
rejoindrais plus tard le vaisseau à la nage
De
ma faiblesse amis vous pouvez vous moquer
Nos
compagnons déjà encerclent le rivage
Pour
un dernier baiser je reviens sur mes pas
Je
découvre que dans le bras de mer surnagent
Un
corps déchiqueté les reliefs du repas
Déjà
dévoré par les vautours et les pies
Mon
soupirant est dispersé par le courant
Mon
amour démembré n'est que chair en charpie
Que
ne l'ai-je tué moi-même en expirant
Tu
es mort dévoré par la sollicitude
Des
déesses jetant sur moi leurs sorts bâtards
Dors
tranquille je n'ai que par trop l'habitude
Qu'on
m'enlève ceux que j'ai chéri en retard
Te
voila descendu au tombeau sans promise
A
peine pourrons-nous rassembler tes morceaux
Je
rêve du monde que par ton entremise
J'eus
façonné sans carnassier et sans pourceaux
L’orgueil
m'a traversé de vouloir être un homme
Malgré
moi on m'a rappelé à mon statut
Je
ne veux racheter rien de ce que nous sommes
Devant
la destinée contrit je me suis tu
Diomède
réveillé par le fracas des chaînes
Me
poursuit avec son armée de fantassins
Je
suis la cible désignée aux assassins
J'envoie
voler ma hache au cou du roi J'enchaine
Fort
d'un chagrin d'amour le coeur gonflé de haine
Je
vois fondre la horde de ces marcassins
Qui
plongent sans le voir tout droit dans le bassin
Creusé
pour qu'ils s'y noient à l'orée des grands chênes
Ignorant
les soldats dans le flux dérivant
Je
m'empare du roi vaincu encor vivant
Sûr
qu'il puisse jouir de sa lente géhenne
Je
le projette aux pieds des mares dont l'essaim
De
dents acérés se disputent le larcin
De
lambeaux extirpés à sa grasse bedaine
Ainsi
la chair de ce demi-dieu qu'ils dévorent
Calme
instantanément l'appétit du troupeau
Erratique
indompté de chevaux carnivores
Les
peuples sans leurs rois trouveront le repos
Afin
qu'à ce retour de la paix tous adhèrent
Sur
les restes fumants du palais j'élevai
La
cité que depuis on a nommé Abdère
Et
décrétait les jeux que mon héros rêvait
On
y célébrerait l'éternelle jeunesse
On
y ferait l'amour sous le bruit des bravos
Tout
y serait permis la luxure et l'ivresse
Seules
seront bannies les courses de chevaux
Sous
la haie de cyprès je contemple le fleuve
Mon
deuil serve à ceux qui condamnés survivront
Ce
n'est pas moi mais c'est ma douleur qui est veuve
Les
oiseaux chantent les combats que nous livrons
Ciel
étoilé je m'en remets à ta lumière
Mon
espoir s'est dissous dans tes constellations
Pourrais-je
regagner ma structure première
De
plante du désert sans régénération
Les
chevaux les chevaux la force percussive
De
leurs sabots d'airain sonne en moi comme un glas
Je
demeure l'errant qui va de rive en rive
Ma
patrie n'est jamais qu'un miroir de verglas
Vient
enfin le moment fatal que je repousse
D'achever
le travail entrepris par erreur
Le
roi Dexamenos m'appelle à la rescousse
Sur
sa ville un brigand fait régner la terreur
Cet
ennemi qui échappa à ma vindicte
C'est
l'un des centaures que je n'ai pu tuer
Je
dois accomplir ce que le devoir me dicte
Empêcher
Eurytion de se perpétuer
Pauvre
Dexamenos joué par les ménades
Quand
Dionysos te fit deux filles dans le dos
Puis
qu'Artémis fâchée transforma en pintades
Leurs
sœurs dont le grand deuil lui était un fardeau
Elles
pleuraient sans fin à grand renfort de violes
Méléagre
encorné aux bois de Calydon
Pourquoi
suscites-tu la rancoeur des bestioles
Dexamenos
de qui requiers-tu le pardon
Voici
qu'après avoir décimé ta famille
On
t'envoie ce centaure afin de t'arracher
Ou
ta ville ou l'honneur de ta dernière fille
Dont
le monstre prétend qu'il s'est amouraché
Laisse
moi te venger laisse grandir mon ire
Dissimulé
parmi les invités je viens
Célébrer
les joies des noces de Déjanire
On
aura au menu du cheval ou bien rien
Au
fatidique instant où sonnent les trompettes
Je
lance ma massue cloutée sur le marié
Les
pointes acérées lui arrachent la tête
Dispersant
dans le sang son baiser avarié
…..
-
Ah, l'histoire est finie ? C'est un peu court jeune homme
La
corne d'Amalthé t'en souviens-tu benêt
La
fête qui battait son plein et toi qu'on nomme
Le
nouveau fiancé malgré que tu en aies
Tu
étais plus disert la semaine passée
Ton
récit souffrait moins de tant d'imprécisions
Souffle
le tavernier. Ta mémoire effacée
Refuse
de livrer lz triste conclusion
Profitant
de la joie de sa cour en délire
Dexamenos
prudent plus que reconnaissant
Te
force à accepter la main de Déjanire
Egarée
par le choc de son amour naissant
Me
voila promu de demi-frère beau père
L'Olympe
est apaisée car c'est sans précédent
De
faire Zeus grand-père et arrière grand-père
Le
double aïeul de tous vos futurs descendants
La
table étant dressée pour cette union précoce
Sur
le cadavre d'Eurytion encor fumant
On
célèbre aussitôt la fête de vos noces
Et
l'ordre restauré dont tu es l'instrument
Parmi
les échansons jalousement je veille
A
remplir de vin fort ta coupe à profusion
Mon
zèle à t'enivrer a toujours fait merveille
Et
te voila bientôt en pleine confusion
Eunomos
en te lavant les mains te réveille
Il
te renverse sur les cuisses son bassin
Tu
lui as un peu trop fort tiré les oreilles
Il
s'écroule, et horreur ! Expire sur ton sein
Tu as déjà conté sous sa forme imparfaite
Tu as déjà conté sous sa forme imparfaite
Semblable
maladresse ; était-ce le moyen
Pour
efficacement te soustraire à la fête
Que
tuer par défi le seul fils du doyen ?
En
vain Architélès son père te pardonne
Tu
t'es déjà levé entraînant par la main
L'épouse
s'écriant qu'il y a là maldonne
Que
ta fuite en exil peut attendre à demain
« Nous
consommerons le mariage sur la route »
Promets-tu,
« et l'imbroglio se résoudra
Sur
notre honneur levons incontinent le doute
Et
partons pour Trachis où Céyx m'absoudra »
Et
maintenant Nestor ou celui qui l'incarne
Va
nous conter la fin brutale du conflit
Puisque
notre héros sur qui le sort s'acharne
Refuse
d'assumer ce qu'il a accompli :
« Après
deux jours de marche ils arrivent au fleuve
Mais
il n'est pas question de le franchir à gué
En
plus de leurs malheurs il a fallu qu'il pleuve
Au
bord de l'Evénos les voilà relégués
Le
temps était venu d'avoir l'air exemplaire
Les
éléments dressaient des pièges impromptus
Malgré
tout esseulés sur la berge ils campèrent
Et
le ciel étoilé seul su leurs serments tus
Alcide
au mauvais goût ne sait baiser qu'utile,
Aux
femmes il ne veut que faire des enfants
Il
ne prend son plaisir que dans les culs stériles
Des
hommes dont il est l'esclave triomphant
Le
dégoût l’envahit au fond des vulves molles
S’il
n’y a de couloir étroit où s’écorcher
Par
l’insulte et l’ordure ébaubi il s’accole
Aux
troufions, aux cochers et aux garçons-bouchers.
A
celles qui voulaient il donna fils et filles
Les
princes des nations se réclament de lui
La
généalogie d'un long manteau l'habille
Il
ne l'a pas tissé si son étoile y luit
Il
n'avait que la force et peu d'intelligence
En
témoignent ses doigts courtauds et ses poils drus
Expiatoire
bélier promis à la vengeance
Géniteur
indomptable en tout lit incongru
Vous
ses fils n'imaginez pas que je l'accable
J'en
ai assez souffert lorsqu'il me chevaucha
Satisfaire
sa femme ! Il n'en fut pas capable
Pourquoi
nier le réconfort qu'elle y chercha
Voici
qu'au jour levant dans l'aube incandescente
Se
présente un passeur trapu sur ses sabots
Autour
du torse humain l'aura évanescente
Des
rayons matinaux le rend terrible et beau
Le
voyageur prétend ne pas le reconnaître
Lorsqu'il
répond avec chaleur à son salut
« Je
viens vous secourir dit Nessus et permettre
De
traverser au sec sans barge ni chalut »
Ils
savent que chacun tient l'autre sous sa coupe
Et
l'exilé répond au sauvage animal
«Soit,
fais la traverser assise sur ta croupe
Je
te paierai après le salaire intégral »
« Prends
ma taille » ordonne Nessus à Déjanire
« Tes
jambes de mon dos sont la prolongation
Sous
mon ventre tu pends tandis que je transpire
Ne
songe qu'à retenir ta respiration »
Comme
dans le courant le centaure l’entraîne
Déjanire
déçue du lamentable hymen
S'offre
au cheval avide de planter sa graine
A
l'instant où le trait lui perce l'abdomen
En titubant Nessus parvient jusqu'à la rive
Libérant
son humide fardeau en haillons
Il
murmure « Mélange à de l'huile d'olive
Le
sang qui de ma plaie s'écoule à gros bouillons
Enduis
le manteau du mari qui te néglige
De
ce brûlant onguent à mon sperme mêlé
Que
ce filtre d'amour à tout jamais l'oblige
A
demeurer fidèle et ton époux zélé
Vois
comment pour te plaire en jouissant j'expire
Remplis
la fiole suspendue à mon garrot
Au
secret garde là et pour parer au pire
Le
jour venu sers-t-en pour garder ton héros ! »
…………
On
frappe toujours au défaut de la cuirasse
On
alluma sous moi les brandons du bûcher
La
guitare remplace la lyre de Thrace
Un
chasseur au lointain sonne du cor bouché
Jouerons-nous
à savoir ce que disent les cartes
Dans
la roulotte où sont réunis les gitans
A
la tombée du soir quand les cuisses s’écartent
Et
qu’on trace la route ignorant les sextants.
Vous
ne manipulez que massues lances coupes
Et
vos queues élargies sous de noirs vêtements,
Annoncent
le plaisir partagé par le groupe
Et
les gestes violents inéluctablement.
Vous
n’existez rieurs qu’à travers le spectacle,
Tel
devant l’ex-voto devenu transparent
Dégrafe
sa ceinture à boucle de pentacle
Qui
vous partage en deux et vous rend tous parents.
Au
cours de la partie qui dira je me couche
A
cœur je n’avais qu’un cavalier comme atout
Et
le chien du tarot m’a refermé la bouche
Qui
contenait caché deux rois et les trois bouts
Vous
voilà tous le mort partenaires de cartes
Je
n'inventerai plus de jeux pour vous blesser
Vos
ombres lentement de la table s'écartent
Exposez-vous,
bientôt nous en aurons assez !
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